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Re: Chirugien et radiologiste, la co - operation

Publié : lun. févr. 11, 2008 6:28 pm
par laurent provost
Bonjour
Explorant toujours la thématique de la localisation des projectiles par les moyens radiologiques durant la 1er guerre mondiale, je voudrais vous faire partager ce moment d'intense travail en coopération entre le chirurgien et le radiologiste.
L Ombrédanne chirurgien au lycée Descartes a Tour décrit dans une communications faite le 3 novembre à la société de chirurgie la technique. Sa communication fait pas loin de 8 pages . je vous en livre ici l'extrait le plus intéressant. les passionnés pourront le télécharger en entier sur le site
C'est au nom de mon ami, M. Ledoux-Lebard, chef du radiologique de la IX eme région, et au mien, que je rapporte à la Société de Chirurgie nos résultats et une technique que nous: avons réglée après plusieurs mois d'étroite collaboration.

L'hôpital ou siègent à Tours les centres spécialisés et trouve mon service de chirurgie aseptique, est le lycée Descartes, Il ne reçoit directement aucun blessé du front. Aussi les blessés porteurs de projectiles inclus que nous y traitons sont-ils adressés soit par des médecins n'ayant pas voulut les extraire, soit après l'échec d'une ou de plusieurs tentatives d'extraction
Nous n'apportons pas de méthode nouvelle, Nous avons utilisé pour' nos extractions
contrôle pendant l'opération de l'écran radioscopique. Mais ce contrôle est utilisé par nous de manière intermittente; pour cela, nous avons réglé une technique minutieuse qui nous permet la certitude de la réussite en nous mettant à l'abri des risques que comporte l'absorption des rayons X.

Cette technique est aujourd'hui connue de toute la IXe région et appliquée dans certains centres dont le nombre augmente à mesure que s'organisent mieux les postes radiologiques.
Nos collègues Labey et Robineau, des 2e et 3 secteurs, sont venus nous voir opérer. Il y a huit jours , Labey attaquait dans sa journée 14 projectiles quatorze sucés.. Robineau dans aura d'ici peu le matériel nécessaire. Un très grands nombre de médecin de la région sont venus assister à nos intervention du lundi matin; entre autres les dr Barnsby (de tours), Brin et Martin (d'Angers) qui, depuis ont adopté la même technique. Leurs extractions sont ne nombre considérable; ils m'ont dit avoir extraits des projectile à la recherche desquels ils ne se fussent jamais lancés autrement.
Cette technique est donc connue dans toute la IX région et y sera d'ici peu de temps généralisé.Mais la statistique que nous vous apportons aujourd'hui est uniquement celle des extractions pratiquées par moi ou mon aide dans mon service de Descartes, avec l'assistance de Ledoux-Lebard ou de son aide.
Voici comment nous conduisons une extraction sous le contrôle intermittent de l'écran.

Préparation du blessé. - Un blessé nous est adressé pour projectile inclus. .
Il est aussitôt envoyé ou signalé an centre de radiologie qui exécute:
1° Un examen radioscopique et un. repérage en profondeur.
Avec Robineau, nous estimons que ce repérage doit être demandé à la méthode radioscopique. La précision au millimètre ou au demi-millimètre près, théoriquement réalisable par les méthode radiographiques ne les met pas à l 'abri de l'erreur et ne leur donne qu'une apparence de rigueur mathématique. En temps de guerre particulièrement. la méthode de M. Hirtz. que nous prendrons pour exemple parce qu'elle est certainement la plus répandue en même temps qu'une des meilleures, exige de la part d'un radiologiste bien entraîné et bien aidé un minimum de deux heure de travail pour chaque repérage. Cette seule constatation en proscrit :l'emploi pour tous les laboratoires vraiment occupés.
Aussi une particulière reconnaissance est-elle due à Haret pour la part importante qui lui revient dans le juste retour aux méthodes radioscopiques. Signalons que M Hirtz lui-même a cherché à y adapter son compas en même temps qui proposait d'ingénieux tours de main simplificateurs. .N'est-ce pas la meilleure démonstration du triomphe de la radioscopie?

Divers procédés, parmi lesquels nous donnons jusqu ici la préférence à celui de . MM. Viallet et Dauvillier qui donne la précision théorique à deux millimètre: prés ce qui ne fait vraiment guère de différence au point de vue pratique. a vec le simple millimètre de méthodes graphiques, permettent arriver à. tous les repérages.
Mais, ce repérage n'est pas le seul renseignement que nous demandions à la radioscopie. C'est à. ce moment que le radiologue médecin doit utiliser' ses connaissances anatomiques et chirurgicales.

Anatomiques, parce que les déplacements du projectile dans tel Mouvement déterminé peuvent lui faire présumer sa situation dans tel muscle, par exemple.
Chirurgicales, parce que le repérage en profondeur ne sera utile que s'il est fait d' un point qui soit situé sur une voie d'accès chirurgicalement praticable.

2° un cliché radiographique.

Ce cliché est extrêmement utile. Il donne au chirurgien une idée précise du projectile à extraire. Très souvent, l'existence des zones osseuses de raréfaction permet d'affirmer qu'il est inclus dans le squelette. Ou bien, l'existence d'opacités diffuses autour de lui indique qu'une coque osseuse, qu'une sorte d'ostéome d'origine périostique l'englobe.
Notre blessé a donc été radioscopé, repéré en profondeur, puis radiographié. Ce serait une erreur de croire que les deux ordres de renseignements puissent être fournis par les seules méthodes radiographiques, et par une seule opération.
Dans ces méthodes, le fait constant de prendre deux images avec un nombre plus ou moins grand de repères ôte la plus grande partie de son intérêt et de sa valeur au cliché ainsi obtenu el dont toutes les finesses sont absentes. Mieux vaudrait, si l'on y était forcé par raison d'économie, se passer du cliché radiographique que du repérage en profondeur par radioscopie qui va servir de base à la décision du chirurgien.
Quoi qu'il en soit, le centre radiologique détermine donc la profondeur du projectile à partir d'un point qui lui paraît situé sur la voie d'accès la plus courte et a plus sûre. Lorsqu'il ya le moindre doute, Ledoux-Lebard prépare un autre point de repère sur une autre voie d'accès éventuelle, souvent au diamètre opposé du corps ou du membre. Ces points sont marqués au moyen du thermocautère.

Puis le blessé est envoyé au chirurgien par le centre radiologique.
Pièces en main, le chirurgien apprécie alors l'opportunité de l'intervention, en mettant en balance d'une part les inconvénients cliniques résultant de la présence du projectile, d'autre part les délabrements anatomiques que nécessiteront son extraction et éventuellement les risques que l'opération pourra faire courir au blessé.
A la suite de ces présentations, nous désignons 5 blessés pour la séance suivante.

Préparation de la salle. - Nous opérons dans la salle de radiologie, vaste pièce où, certains lundis, trente personnes ont tenu à l'aise.
Les fenêtres sont fermées avec leurs rideaux noirs.
L'éclairage électrique de la pièce est abondant. Il peut être coupé d'un seul coup, à l'exception d'un petit projecteur à main qu'on peut laisser allumé seul.
Deux tables sont préparées: au centre, la table radiologique en bois mince, aujourd'hui doublé d'aluminium, sous laquelle se trouve l'ampoule déplaçable en tous sens. Ce sera la table d'opération.
De côté, une robuste table de bois sert à endormir le blessé; de manière qu'en un mouvement violent de défense au début de l'anesthésie, il ne risque pas de briser la tablette mince de la table radiologique.
S'il est besoin de coussins, ce sont des sacs de balle d'avoine, ,transparents aux rayons, que nous employons, car les coussins de sable sont opaques. .
Le matériel stérilisé, gants, compresses, etc., a été apporté du service de chirurgie. Un lavabo est installé dans un angle, et permet au chirurgien et à son aide de se laver à l'eau stérilisée.
Le blessé, endormi, est mis sur la table radiologique dans l'attitude qu'indique l'opérateur. Celui-ci se place du côté opposé à celui du radiologiste qui doit avoir en main les manettes commandant le déplacement de l'ampoule et le diaphragme. Le radiologiste a coiffé sa bonnette et adapte ses yeux.
Opération. - La zone opératoire est désinfectée et protégée comme de coutume. Les quatre champs étant fixés, un cinquième champ est jeté par-dessus le tout.
Premier contrôle, - Pendant que l'opérateur et son aide préparent leurs instruments, le radiologiste s'avance; on éteint les lampes du haut. Il cherche le projectile, le centre, puis ferme son diaphragme de façon à ne laisser s'éclairer sur son écran qu'une plage grande comme une pièce de 5 francs, avec le projectile au milieu.
On lui tend alors une tige aiguë, stérilisée, ayant la forme d'une aiguille de Doyen, mais de plus fort diamètre, par conséquent mieux visible. Il place la pointe sur la peau, au centre de l'image et commande : « Arrêtez. » Le courant est coupé, la lumière rendue.
Le chirurgien s'avance, soulève le cinquième champ, et voit à travers celui-ci la pointe de l'aiguille piquée dans la peau.
Souvent cette piqûre est à 1. ou 2 millimètres de la pointe de feu servant de repère. Souvent aussi elle en est distante de 2 et même 3 centimètres quand la position donnée au blessé n'est pas très naturelle, ou quand il s'agit du membre inférieur, si difficile à replacer dans une position identique. Ce sont ces cas qui ex~osent su~tout à manquer le projectile avec les méthodes radiographiques. Le chirurgien se fait répéter le chiffre de la profondeur, et attaque en visant d'après la piqûre cutanée.
Il progresse alors vers le projectile jusqu'à ce que la profondeur indiquée soit atteinte où jusqu'à ce qu'il rencontre un plan osseux. Parfois le projectile est trouvé du premier coup; c'est une éventualité rare avec les blessés qui nous sont adressés. Dans le cas ordinaire, à la profondeur dite nous ne voyons rien, la période de tâtonnement commencerait; ou bien nous sommes sur un plan osseux qu'il faut attaquer avec précision et économie: nous nous arrêtons. Nous faisons nos ligatures pour débarrasser le champ opératoire des pinces, et nous demandons au radiologiste « Un coup d'œil ». Chirurgien et aide s'écartent. Un champ est jeté pardessus le blessé; ce champ est soulevé par les deux angles du côté . du chirurgien qui peut regarder par-dessous, le radiologiste et sa bonnette se plaçant, de l'autre côté, par-dessus.
Deuxième contrôle. - La lumière est réduite' à une baladeuse et le radiologiste fait sa seconde entrée. Instantanément, il retrouve le projectile au centre de la plage lumineuse, et dit: « Je vois. » L'opérateur alors a placé. une plaque de zinc stérilisée grande comme une assiette à côté de la plaie. Elle sert d'appui à, sa main qui s'y pose; cette main est armée d'une pince ou d'une très fine curette; l'instrument seul déborde la plaque protectrice.
Au fond de la plaie il pose l'extrémité de l'instrument et l'y appuie. Le radiologiste lui commande: (C En avant, en arrière, à gauche ou à droite », puis: « Vous y êtes" et « Arrêtez. » L'ampoule s'éteint, les lampes s'allument. L'aide enlève le cinquième champ, et l'opérateur, tenant au bout de son instrument le point précis du fond de la plaie correspondant au projectile repart vers la profondeur.
Très souvent, le projectile est atteint à ce moment. Si la progression conduit sur un viscère, il peut falloir un troisième contrôle. Il m'est arrivé de réclamer jusqu'à â et 6 fois le « coup d'œil» du radiologue dans des cas très difficiles. Peu importe, cela ne dure guère qu'une minute. Souvent aussi, quand je viens d'enlever un contenu de balle par exemple, je demande au radiologiste de vérifier si la totalité du bloc apparent est bien enlevée.
Telle est la manière dont nous procédons à Descartes. Avec cette technique, sauf indication opératoire mal posée obligeant à arrêter la recherche devant un obstacle physiologiquement insurmontable, on ne conçoit pas la possibilité de manquer un projectile, puisque l'opérateur pourra redemander la bonne voie aussi souvent qu'il l'aura perdue. Guidé pas à pas, quelle que soit la situation, la nature et le volume du projectile qu'il a décidé d'attaquer, il est certain de l'extraire; et la confiance morale que donne cette certitude est loin d'être négligeable.
Les conditions où nous nous trouvons sont' évidemment excellentes. Il est possible d'arriver au même résultat dans un milieu moins favorisé.
En particulier, il n'est pas absolument nécessaire d'opérer en chambre artificiellement éclairée. C'est ce que fait M. Lobligeois avec sa voiture radiologique, ce que fait souvent aussi l'équipage radiologique de la IXe région dans les formations qui ne possèdent pas de laboratoire ,radiologique se prêtant il jouer le rôle de salle d'opération. L obscurité n est donc pas nécessaire comme l'a pensé Mauclaire qui voyait dans cette condition une limitation aux extractions sous l'écran.
De même le cliché radiographique initial, nous l'avons dit, est jugé par nous très utile; mais il n'est pas indispensable; ceci est important quand, par le temps où nous sommes, les plaques viennent à manquer.
Si, en temps de guerre, la nécessité de réunir un chirurgien et un médecin radiologiste peut constituer une infériorité qui limite, en raison du très petit nombre de ces spécialistes, l'application de cette technique aux centres de spécialités des régions de l'intérieur et à quelques formations de l'avant, le débit possible est tel qu'il est facile, du moins pour l'intérieur, d'organiser méthodiquement les extractions de projectiles dans toute une région au moyen d'une installation fixe pour chaque secteur chirurgical d'une voiture radiologique. Toute la chirurgie des projectiles se trouve ainsi systématisée. L'organisation des Il Centres d'extraction » réclamée naguère par M. Laurens à la tribune de l'Académie de Médecine se trouvait réalisée par nous avant la lettre dans la IX." région
.
Le reste de l'article est une discussion sur les autres techniques de localisation et surtout une argumentation des moyens et techniques de radioprotection contre les épouvantables radiodermites.