Re: "la blessure de guerre" (journaux de tranchées)
Publié : ven. avr. 27, 2007 12:32 am
bonsoir à tous
je retranscris là un article écrit par le soldat Jacques Bousquet,dans le journal de tranchées l'Horizon,en août 1917.
beaucoup de vérités "épinglées" et beaucoup d'humour typiquement "poilu" ______________________________________________
"La blessure de guerre à travers les âges"
La blessure remonte à la plus haute antiquité.Ce n'est pas une invention de guerre,mais peu s'en faut.On n'en faisait en temps de paix qu'un usage exceptionnel.C'est à la guerre qu'elle doit son merveilleux épanouissement.Et d'ailleurs,nous ne parlerons aujourd'hui que des blessures de guerre.
Qu'est-ce que la blessure de guerre?
-la blessure de guerre est une piqûre.
Une piqûre du même ordre que la piqûre anti-typhoïdique.Vous connaissez le principe de l'immunisation par le vaccin.Cela consiste à vous injecter le microbe de la maladie dont on veut vous préserver.
Quand on vous a fait une piqûre anti-typhoïdique,par exemple,vous ne pouvez plus attraper la fièvre typhoïde.Tout ce qu'on vous autorise à attraper c'est la paratyphoïde - en vertu de cet axiome bien connu qu'il ne faut pas courir deux fièvres à la fois.
Eh bien! dans la blessure de guerre,même méthode.On vous injecte quelques grammes d'acier ou de plomb à des doses variables...
Oh! je sais...il y a des réactions violentes...Tout le monde ne supporte pas également ce genre d'intervention....ça dépend des tempéraments et des doses....Mais lorsque la dose est bien proportionnée,quand il y a bonne piqûre -ce que vous appelez bonne blessure- le blessé est immunisé contre les balles,les obus,les torpilles et les gaz pour un temps,quelquefois assez long,qui se divise en deux périodes:la première,surveillée par les médecins,qui est le traitement proprement dit; la seconde,que l'on désigne sous le nom de convalescence.
Chose très remarquable: l'immunisation est calculée de façon à durer jusqu'au jour du retour du front.
Dès que la piqûre anticassegueulique -passez-moi l'expression technique- vient d'être faite,le blessé est emporté.Les blessés vigoureux s'emportent eux-mêmes.Les plus violents s'emportent même après les brancardiers qui ne viennent pas les emporter assez vite.
Le blessé prend aussitôt la direction de l'arrière.Premier relais au poste de secours.Là,on accroche à un bouton de sa capote un certificat de vaccination anticassegueulique,on lui demande son nom,sa classe,son numéro matricule pour s'assurer que son articulation est en bon état et on l'expédie au G.B.D.
Au G.B.D.,on lui demande son nom,sa classe,son numéro matricule -pour voir s'il a de la mémoire- et on le dirige sur une ambulance.
A l'ambulance,on lui demande son nom,sa classe et son numéro matricule -pour voir s'il comprend la plaisanterie- et on le met en route sur l'H.O.E., où on lui demande son nom,sa classe et son numéro matricule -pour voir s'il a bon caractère.
De là,on l'achemine enfin vers l'hôpital où une aimable personne lui demande...lui demande...lui demande...son nom,sa classe,son n...vous y êtes.
Nous venons de marquer,chemin faisant,les différents échelons dont l'ensemble constitue le Service de Santé aux Armées.
C'est Chilpéric qui avait amené cet organisme au degré de perfection où nous le trouvâmes au début de la guerre.Mis entre les mains d'une direction avide de progrès,nous l'avons vu,en moins de deux ans,utiliser l'une après l'autre nos plus modernes inventions:la charrette lorraine,le chemin de fer,le taffetas anglais,l'automobile et même la chirurgie.
En admirant le merveilleux fonctionnement de nos H.O.E. dernier cri,songez à ce que devait être l'évacuation,au Déluge,lorsqu'il fallait attendre des heures l'Arche de nos grands-papas,le vieux bateau qui faisait le service à l'époque,sous la désignation d'Arche de Noé....N.O.E.: Navire Officiel d'Evacuation.
Ah! j'insiste sur les excursions à brancards et tout particulièrement sur les brancardiers,qui sont une des institutions les plus curieuses du service.
Les brancardiers vont par deux.Dans chaque couple,il y a un grand brancardier et un petit brancardier.Le petit se place devant et le grand derrière.En terrain plat,ça va;l'inclinaison est insignifiante.Seulement quand il s'agit de descendre l'escalier,la diférence de niveau s'ajoutant à la différence de taille,il devient assez difficile de se maintenir en équilibre sur un brancard à peu près vertical.
Mais les brancardiers,qui sont de braves gens,s'en aperçoivent en arrivant en bas et disent: "tiens...on s'est gouré...on aurait dû se mettre dans l'ordre inverse"
Alors ,après le pansement,quand ils remontent,c'est le grand qui se met devant et le petit qui se met derrière.
Jacques Bousquet (L'Horizon,n°2-août 1917)
j'espère que cela vous a plu comme à moi
.. et si quelqu'un connait la signification de G.B.D...?
amicalement,
Mireille
je retranscris là un article écrit par le soldat Jacques Bousquet,dans le journal de tranchées l'Horizon,en août 1917.
beaucoup de vérités "épinglées" et beaucoup d'humour typiquement "poilu" ______________________________________________
"La blessure de guerre à travers les âges"
La blessure remonte à la plus haute antiquité.Ce n'est pas une invention de guerre,mais peu s'en faut.On n'en faisait en temps de paix qu'un usage exceptionnel.C'est à la guerre qu'elle doit son merveilleux épanouissement.Et d'ailleurs,nous ne parlerons aujourd'hui que des blessures de guerre.
Qu'est-ce que la blessure de guerre?
-la blessure de guerre est une piqûre.
Une piqûre du même ordre que la piqûre anti-typhoïdique.Vous connaissez le principe de l'immunisation par le vaccin.Cela consiste à vous injecter le microbe de la maladie dont on veut vous préserver.
Quand on vous a fait une piqûre anti-typhoïdique,par exemple,vous ne pouvez plus attraper la fièvre typhoïde.Tout ce qu'on vous autorise à attraper c'est la paratyphoïde - en vertu de cet axiome bien connu qu'il ne faut pas courir deux fièvres à la fois.
Eh bien! dans la blessure de guerre,même méthode.On vous injecte quelques grammes d'acier ou de plomb à des doses variables...
Oh! je sais...il y a des réactions violentes...Tout le monde ne supporte pas également ce genre d'intervention....ça dépend des tempéraments et des doses....Mais lorsque la dose est bien proportionnée,quand il y a bonne piqûre -ce que vous appelez bonne blessure- le blessé est immunisé contre les balles,les obus,les torpilles et les gaz pour un temps,quelquefois assez long,qui se divise en deux périodes:la première,surveillée par les médecins,qui est le traitement proprement dit; la seconde,que l'on désigne sous le nom de convalescence.
Chose très remarquable: l'immunisation est calculée de façon à durer jusqu'au jour du retour du front.
Dès que la piqûre anticassegueulique -passez-moi l'expression technique- vient d'être faite,le blessé est emporté.Les blessés vigoureux s'emportent eux-mêmes.Les plus violents s'emportent même après les brancardiers qui ne viennent pas les emporter assez vite.
Le blessé prend aussitôt la direction de l'arrière.Premier relais au poste de secours.Là,on accroche à un bouton de sa capote un certificat de vaccination anticassegueulique,on lui demande son nom,sa classe,son numéro matricule pour s'assurer que son articulation est en bon état et on l'expédie au G.B.D.
Au G.B.D.,on lui demande son nom,sa classe,son numéro matricule -pour voir s'il a de la mémoire- et on le dirige sur une ambulance.
A l'ambulance,on lui demande son nom,sa classe et son numéro matricule -pour voir s'il comprend la plaisanterie- et on le met en route sur l'H.O.E., où on lui demande son nom,sa classe et son numéro matricule -pour voir s'il a bon caractère.
De là,on l'achemine enfin vers l'hôpital où une aimable personne lui demande...lui demande...lui demande...son nom,sa classe,son n...vous y êtes.
Nous venons de marquer,chemin faisant,les différents échelons dont l'ensemble constitue le Service de Santé aux Armées.
C'est Chilpéric qui avait amené cet organisme au degré de perfection où nous le trouvâmes au début de la guerre.Mis entre les mains d'une direction avide de progrès,nous l'avons vu,en moins de deux ans,utiliser l'une après l'autre nos plus modernes inventions:la charrette lorraine,le chemin de fer,le taffetas anglais,l'automobile et même la chirurgie.
En admirant le merveilleux fonctionnement de nos H.O.E. dernier cri,songez à ce que devait être l'évacuation,au Déluge,lorsqu'il fallait attendre des heures l'Arche de nos grands-papas,le vieux bateau qui faisait le service à l'époque,sous la désignation d'Arche de Noé....N.O.E.: Navire Officiel d'Evacuation.
Ah! j'insiste sur les excursions à brancards et tout particulièrement sur les brancardiers,qui sont une des institutions les plus curieuses du service.
Les brancardiers vont par deux.Dans chaque couple,il y a un grand brancardier et un petit brancardier.Le petit se place devant et le grand derrière.En terrain plat,ça va;l'inclinaison est insignifiante.Seulement quand il s'agit de descendre l'escalier,la diférence de niveau s'ajoutant à la différence de taille,il devient assez difficile de se maintenir en équilibre sur un brancard à peu près vertical.
Mais les brancardiers,qui sont de braves gens,s'en aperçoivent en arrivant en bas et disent: "tiens...on s'est gouré...on aurait dû se mettre dans l'ordre inverse"
Alors ,après le pansement,quand ils remontent,c'est le grand qui se met devant et le petit qui se met derrière.
Jacques Bousquet (L'Horizon,n°2-août 1917)
j'espère que cela vous a plu comme à moi

.. et si quelqu'un connait la signification de G.B.D...?
amicalement,
Mireille