Re: La triste fin des arbres mémoire
Publié : sam. juin 07, 2008 9:48 pm
Cela ne concerne pas la première guerre, mais je tenais à vous faire part de ce gâchis !!! Pour ne pas dire cet écoeurement !!!
Cent soixante hêtres de 120 ans ont succombé à la hache. A Saint-Pierre-de-Varengeville, en Seine-Maritime, ils portaient les graffitis faits par des soldats américains en 1944.
Le long de la départementale qui grimpe les bords de la Seine vers le village de Saint-Pierre-de-Varengeville la forêt est dense. De belles essences et de hautes futaies habillent élégamment cette petite route champêtre. Là, après un virage, le bas-côté porte les stigmates d’un massacre à la tronçonneuse. D’énormes souches d’arbres disparaissent sous la végétation, ce sont celles de hètres centenaires.
Un abattage préjudiciable à la beauté du site, mais aussi à la mémoire historique. Sur les troncs séculaires, des soldats américains, masi aussi des prisonniers allemands, avaient gravé leurs noms, ils avaient écrit leurs espoirs, évoqué leurs amours. « Certains fûts comptaient plus de 100 graffitis », évoque Nicolas Navarro, jeune conservateur du musée « Août 44 » du château du Taillis à Duclair. « Ces soldats étaient rassemblés dans d’immenses camps de transit ».
« Les camps cigarettes »
En septembre 1944, huit sites gigantesques furent aménagés par les américains dans ce secteur. « On les appelait les « camps cigarettes », car ils avaient pour nom : Lucky Strike, Old Gold, Pail Mail, Philip Morris. Celui de la forêt de Duclair s’appelait Twenty Grand », explique Claude Quétel, historien caennais. « Plus d’un million d’hommes sont passés par ces camps. Ce sont eux qui ont gravé l’écorce au couteau ou à la pointe de la baïonnette."
« Eh bien, ce lieu de mémoire vient d’être rasé dans la plus grande discrétion », se fache l’historien. « C’est vraiment dommage que personne n’ait songé à conserver les plus significatifs. Avec le temps, les graffitis ont grossi, se sont déformés avec la croissance des arbres. Ils constituaient une mémoire vivante. Ces arbres avaient vu les soldats », se lamente Nicolas Navarro.
Le camp Twenty Grand et ceux qui y passérent, Patrice Robin, le propriétaire de la forêt, les a connus. « Né en 1930, j’avais 14 ans quand les américains se sont installés sur près de 300 ha. Ils ont encaissé les chemins avec les gravats des ruines de Rouen ». Ils ont aussi rasé la forêt en prenant garde, toutefois, de conserver les espèces nobles, comme les chènes et les hêtres, sur lesquels ils s’épanchèrent.
Pourquoi, alors les avoir rasé pendant l’hiver 2007 ? « Très grands, les hêtres se rejoignaient au-dessus de la route, ce qui est jugé dangereux par la DDE. Après cinq injonctions, j’ai décidé de les faire abattre » explique le propriétaire. On lui avait seulement demandé de les élaguer. « Trop coûteux, il y avait près de 3 km linéaires ». Broyés, les hêtres ont terminé leur vie en pâte à papier. Pascal Robin convient toutefois qu’il est regrettable de ne pas avoir préservé ce patrimoine historique. Dans le bois qui jouxte sa propriété, il arrache le lierre qui grimpe le long d’un fût. « Regardez, cette inscription : JHB 1945, avec un coeur traversé d’une flèche ». Pas de quoi calmer la colère de Claude Quétel. « On n’aurait pas idée de raser un monument, mais on fait disparaître, sans vergogne, des lieux de mémoire. J’y vois un signe des temps, la manifestation d’une bien dangereuse tendance qui consiste à tourner le dos au travail de mémoire ».
Source : Ouest-France du 7-8 juin 2008. Article de Jean-Pierre Buisson.
Cent soixante hêtres de 120 ans ont succombé à la hache. A Saint-Pierre-de-Varengeville, en Seine-Maritime, ils portaient les graffitis faits par des soldats américains en 1944.
Le long de la départementale qui grimpe les bords de la Seine vers le village de Saint-Pierre-de-Varengeville la forêt est dense. De belles essences et de hautes futaies habillent élégamment cette petite route champêtre. Là, après un virage, le bas-côté porte les stigmates d’un massacre à la tronçonneuse. D’énormes souches d’arbres disparaissent sous la végétation, ce sont celles de hètres centenaires.
Un abattage préjudiciable à la beauté du site, mais aussi à la mémoire historique. Sur les troncs séculaires, des soldats américains, masi aussi des prisonniers allemands, avaient gravé leurs noms, ils avaient écrit leurs espoirs, évoqué leurs amours. « Certains fûts comptaient plus de 100 graffitis », évoque Nicolas Navarro, jeune conservateur du musée « Août 44 » du château du Taillis à Duclair. « Ces soldats étaient rassemblés dans d’immenses camps de transit ».
« Les camps cigarettes »
En septembre 1944, huit sites gigantesques furent aménagés par les américains dans ce secteur. « On les appelait les « camps cigarettes », car ils avaient pour nom : Lucky Strike, Old Gold, Pail Mail, Philip Morris. Celui de la forêt de Duclair s’appelait Twenty Grand », explique Claude Quétel, historien caennais. « Plus d’un million d’hommes sont passés par ces camps. Ce sont eux qui ont gravé l’écorce au couteau ou à la pointe de la baïonnette."
« Eh bien, ce lieu de mémoire vient d’être rasé dans la plus grande discrétion », se fache l’historien. « C’est vraiment dommage que personne n’ait songé à conserver les plus significatifs. Avec le temps, les graffitis ont grossi, se sont déformés avec la croissance des arbres. Ils constituaient une mémoire vivante. Ces arbres avaient vu les soldats », se lamente Nicolas Navarro.
Le camp Twenty Grand et ceux qui y passérent, Patrice Robin, le propriétaire de la forêt, les a connus. « Né en 1930, j’avais 14 ans quand les américains se sont installés sur près de 300 ha. Ils ont encaissé les chemins avec les gravats des ruines de Rouen ». Ils ont aussi rasé la forêt en prenant garde, toutefois, de conserver les espèces nobles, comme les chènes et les hêtres, sur lesquels ils s’épanchèrent.
Pourquoi, alors les avoir rasé pendant l’hiver 2007 ? « Très grands, les hêtres se rejoignaient au-dessus de la route, ce qui est jugé dangereux par la DDE. Après cinq injonctions, j’ai décidé de les faire abattre » explique le propriétaire. On lui avait seulement demandé de les élaguer. « Trop coûteux, il y avait près de 3 km linéaires ». Broyés, les hêtres ont terminé leur vie en pâte à papier. Pascal Robin convient toutefois qu’il est regrettable de ne pas avoir préservé ce patrimoine historique. Dans le bois qui jouxte sa propriété, il arrache le lierre qui grimpe le long d’un fût. « Regardez, cette inscription : JHB 1945, avec un coeur traversé d’une flèche ». Pas de quoi calmer la colère de Claude Quétel. « On n’aurait pas idée de raser un monument, mais on fait disparaître, sans vergogne, des lieux de mémoire. J’y vois un signe des temps, la manifestation d’une bien dangereuse tendance qui consiste à tourner le dos au travail de mémoire ».
Source : Ouest-France du 7-8 juin 2008. Article de Jean-Pierre Buisson.