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Re: Etranges pratiques à l'Hartmann (1920)

Publié : lun. avr. 04, 2011 12:53 pm
par Eric Mansuy
Bonjour à tous,

Un aperçu de la problématique du respect des lieux de mémoire, à travers un exemple très insolite, de toute évidence, relaté par l'abbé Gilbert, de Gérardmer :

« J’avoue que c’est avec une peine profonde, une sorte de dégoût et d’horreur, que j’ai lu dans les journaux les faits odieux qui se sont passés sur les hauteurs de l’Hartmann, le lundi de la Pentecôte 1920.
Il faut redire ces faits, afin que la protestation de tous les cœurs français empêche qu’ils ne se reproduisent.
Donc, des touristes, en excursion à l’Hartmann ont organisé là-haut un véritable bal, avec des accordéons et autres instruments. Ils ont dansé les danses modernes, la danse voluptueuse et dégoûtante du Tango.
Oh ! il faut pour faire de semblables choses, que le moral soit bien bas, et que le sentiment soit bien à terre !
Danser là-haut, sur cette terre où nos soldats ont tant versé de sang, c’est oublier ceux dont l’héroïsme sauva la patrie, et nous empêcha d’être piétinés par la botte prussienne.
Danser là-haut, c’est outrager le deuil des mères, dont le fils est tombé dans l’héroïsme du sacrifice, c’est éclabousser la tombe de nos héros !
Mais danser les danses modernes ! danser le Tango ! c’est afficher le réalisme des passions voluptueuses sur cette terre qui vit fleurir la pure passion du patriotisme !!!

Le général Tabouis qui commandait, à l’Hartmann, une brigade de chasseurs à pied, et qui commande la 27ème brigade d’infanterie à Mulhouse, a publiquement protesté contre ce scandale et cette profanation.
Il est bon de citer cette lettre. Elle est un document.

"Mulhouse, 28 mai 1920.

Que l’on danse dans les salons et les dancings toutes les danses que l’on voudra, je n’ai rien à y voir. Mais cette folie de la danse n’abandonne pas certaines personnes, quand elles foulent un sol devenu sacré : quiconque a du cœur ne peut pas ne pas en souffrir.
Je sais, par exemple, que l’on a récemment dansé au sommet de l’Hartmannsvillerkopf. Ceux qui se sont permis cette insulte aux morts ignorent sans doute que, à l’Hartmannsvillerkopf, plus de 2.000 Français sont morts et ensevelis, que plus de 3.000 Allemands y sont tombés également, les premiers pour que l’Alsace redevienne française, les seconds pour qu’elle reste allemande.
Ce terrain, littéralement pétri de sang généreux, est un lieu où les têtes doivent se découvrir, où les écervelés ne doivent pas aller !"

Cette lettre indignée nous soulage.
Un journal alsacien, Mulhauser Volksblatt, racontait aussi, vers juin 1920, l’histoire macabre des Suisses qui près d’Uffholz, non loin de l’Hartmann, se firent photographier "tenant des crânes embrochés au bout de leurs cannes."
C’est absolument scandaleux. On a protesté près des pouvoirs publics, et on a bien fait. Il ne faut plus que se reproduisent de semblables atrocités !

Je ne résiste pas au plaisir de citer la protestation du journal L’Homme Libre :
"Déjà l’on n’a pas vu sans scandale, jusque dans les plus petites villes, les bals publics insulter des nuits entières à la douleur des familles des morts pour la patrie. Et, parmi les ruines des régions libérées, il a fallu parfois prendre des mesures pour limiter l’outrance des frairies. Une vague de grossière jouissance a succédé aux temps héroïques, qu’il est nécessaire de canaliser, si on ne veut pas qu’elle éclabousse jusqu’aux tombes sacrées de nos héros.
Précisément, l’on invite, de toute part, les étrangers à visiter en touristes nos champs de bataille. Veut-on que le touriste, ou bien s’y conduise en touriste, alors qu’il n’y devrait venir qu’en pèlerin, ou bien qu’il s’en retourne écœuré, s’il y vient en visiteur respectueux et conscient de la tristesse des terre qu’il foule. On ne peut ouvrir la douloureuse « voie sacrée » de notre zone de feu aux visiteurs étrangers, qu’à la condition de lui garder jalousement son caractère, de lui laisser le respect auquel ont droit ses tombeaux et les souvenirs qu’ils évoquent. C’est pour tous, et pour les autorités plus encore, un devoir pressant d’y veiller." »

Les faits s’étant déroulés à l’Hartmannswillerkopf ont été évoqués brièvement dans un court article de 35 lignes de l’Echo de Paris, en date du 31 mai 1920, sous le titre « Les champs de bataille sacrés ne doivent pas servir de dancings ».

Il est intéressant de noter que les pertes citées par le général Tabouis sont très éloignées des « 30.000 tués » de l’Hartmannswillerkopf fréquemment mentionnés.

Bien cordialement,
Eric Mansuy

Re: Etranges pratiques à l'Hartmann (1920)

Publié : lun. avr. 04, 2011 5:00 pm
par Gilles ROLAND
Bonjour Eric,

Pour compléter…

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Amicalement

Gilles [:gilles roland]