Re: Les pertes françaises du 11 novembre 1918
Publié : dim. juin 19, 2016 6:27 pm
Bonjour à tous,
En tentant de fouiller un peu plus le sujet, je préfère ouvrir une nouvelle discussion en vue de synthétiser une partie des éléments figurant dans différentes entrées, dont celles-ci :
pages1418/forum-pages-histoire/trebucho ... 7089_1.htm
pages1418/forum-pages-histoire/novembre ... 8117_1.htm
pages1418/forum-pages-histoire/dernier-sujet_8761_1.htm
pages1418/forum-pages-histoire/autre/pe ... 4331_1.htm
Tout d’abord, merci à celles et ceux qui ont alimenté ces sujets en y ajoutant les noms de certains des tués du 11 novembre 1918, ce qui m’a mis la puce à l’oreille. Ensuite, à la lecture de cet article, http://www.ouest-france.fr/culture/hist ... on-4303506 (merci à « Alain L » d’en avoir signalé la parution), j’ai beaucoup apprécié cette phrase, concernant Auguste Renault, du 411e RI : « Un petit gars des Côtes-du-Nord, dernier Français mort au combat de la Première Guerre mondiale, ça lui fait une belle jambe ! »
Mon propos n’est pas ici de tenter de révéler qui est le dernier tué français de la Grande Guerre. En revanche, il me semble qu’une question – à tiroirs – est légitime, même si elle paraît être une question rhétorique : y a-t-il eu volonté délibérée des autorités civiles et militaires de cacher les pertes françaises du 11 novembre 1918 ?
Côté américain (le sujet a été présenté ici : pages1418/forum-pages-histoire/autre/pe ... 4331_1.htm ), l’article « World War I : Wasted Lives on Armistice Day » nous apprenait qu’une commission d’enquête du Congrès avait rendu en janvier 1920 la conclusion qu’un « massacre inutile » avait eu lieu ce jour-là ; il mentionnait en outre un total des pertes françaises de cette journée estimé à 1170. Quelle est la source de ce total ? L’article ne nous renseigne pas sur ce point. Dans ce cas, voyons ce qui a pu être publié en France sur les pertes du 11 novembre 1918…
L’utilisation d’un moteur de recherche nous guide en priorité vers un texte issu de la Revue Historique des Armées, publié en 2008 : « Le dernier combat : Vrigne-Meuse, 10 et 11 novembre 1918 », d’Alain Fauveau. Ainsi débute ledit article : « Début novembre 1918, le rapport de force était en faveur des armées alliées et la fin de la guerre était proche : la Bulgarie et l’Autriche avaient capitulé et le 2 octobre, Ludendorff avait déclaré au gouvernement allemand que l’armée était à bout de force et qu’un armistice s’imposait. La campagne de France, au cours de laquelle les pertes humaines furent particulièrement sévères de part et d’autre, se déroulait avec succès depuis le mois de juillet 1918 et les Allemands reculaient sur tous les fronts. L’ultime opération de la guerre allait se dérouler entre Charleville-Mézières et Sedan par un franchissement de la Meuse destiné à montrer la détermination de la France et à contraindre les Allemands à signer l’Armistice. » (c’est moi qui souligne)
S’il s’agissait de « l’ultime opération de la guerre », entre Charleville-Mézières et Sedan, que penser du sort de ces hommes dont des JMO nous apprennent qu’ils ont été tués au combat en Belgique, ce même 11 novembre 1918 ? De toute évidence, l’on avait dû se battre ailleurs que dans les Ardennes.
La réponse à cette interrogation ne nécessite même pas la lecture fastidieuse des JMO d’Armées, mais tout bonnement celle du 2e volume du tome VII des Armées Françaises dans la Grande Guerre (AFGG). Première conclusion à la suite de cette lecture : des troupes se sont portées en avant, le 11 novembre, sur le front de 5 Armées et d’un corps d’armée colonial. Seconde découverte, dans les appendices de cette même source : le tableau IV, intitulé « Pertes subies du 1er au 15 novembre 1918 (référence : archives du Grand Quartier Général, bureau du personnel, novembre 1918) ». Ce tableau chiffre les pertes des Ire, IIe, IIIe, IVe, Ve, VIe, VIIe, VIIIe, Xe Armées, des forces françaises d’Italie, de l’AS (1er – 10 novembre), et incluent une rubrique « divers » (dont le 2e CAC fait partie) ; manquent à ce tableau, les pertes des 7e DI et 124e DI, et de l’infanterie de la 61e DI. L’on est loin des « 1170 » pertes évoquées dans l’article américain précédemment cité, mais les pertes des 5 jours, du 11 au 15 novembre 1918, se montent tout de même à 546 : 88 tués, 446 blessés, 12 disparus.
Ne reste plus qu’à détailler ce chiffrage, afin de tenter de discerner les secteurs du front les plus meurtriers à l’approche de l’entrée en vigueur de l’Armistice. Il serait en effet illusoire de penser que tous les combattants, une fois connue l’annonce de la cessation des combats (et certains l’ont connue dès la veille au soir), ont bénéficié d’une matinée d’attente. Un exemple frappant figure dans le JMO de l’infanterie divisionnaire de la 51e DI : « Vers 9 h. 30, un coup de téléphone du général de la DI apprend la cessation des hostilités à 11 h. Arrêter sur place à cette heure et rendre compte de la situation. Pousser vigoureusement jusque là. Ordre est donné au 33e [RI] de pousser énergiquement jusqu’à 11 h., au 73e [RI] de se mettre en route sur Eppe, au 3e Tir[ailleurs] de se mettre en marche sur Moustier et de pousser aussi loin que possible la tête des régiments avant 11 heures. Renseignement de cavalerie : 10 h. 25, avons chassé l’ennemi de Montbliart. »
Au matin du 11 novembre 1918, la VIe Armée attaque en direction de Baeygem – Zwartenbroek – Roosebeke – Michelbeke avec, à gauche le 34e CA, au centre le 30e CA, et à droite le 7e CA. Le contenu de son JMO est d’une certaine ambiguïté : « 11 novembre 1918. Il résulte des messages adressés à minuit et à sept heures, que les troupes peuvent avancer aujourd’hui onze novembre, jusqu’à onze heures. Pousser effectivement en avant vos éléments de tête mais seulement s’ils ne rencontrent pas de résistance. Aucune action ne devra être engagée ce matin. Il convient, d’autre part, d’éviter qu’il se produise un entassement de troupes sur la rive droite de l’Escaut. »
Au final, pour la période du 11 au 15 novembre 1918, le volume 2 du tome VII des AFGG indique 147 pertes (25 tués, 120 blessés, 2 disparus). A la lecture des JMO, il apparaît que le 74e RI a enregistré 6 blessés, le 67e RI, 1 tué et 1 blessé, et le 6e RC, 1 tué (Paul Jean Pierre ADAM, tué à Cloître (Belgique), mentionné dans le JMO de son régiment comme « tué à Mon(t)-Passage à 10 h 55 »).
Les JMO des échelons CA et DI ne nous renseignent en rien, et compliquent même parfois la compréhension de la situation, comme dans le cas de la 12e DI, qui chiffre les « pertes de la division jusqu’au 11 novembre à 11 heures » (sans indiquer à quelle date ce chiffrage débute). Au 54e RI, le JMO indique : « 11 novembre 1918. Pertes d’ensemble pour les opérations de Belgique : tués officiers 2 / troupe 65 ; blessés officiers 3 / troupe 243 dont 27 gazés ; disparus officier 1 / troupe 62. » En l’état, cela ne permet pas de prendre connaissance des éventuelles pertes du seul 11 novembre au sein de ce régiment.
Ce même jour, la Ire Armée attaque en direction de Rance – Chimay – Baileux (à gauche : 15e CA ; au centre : 36e CA ; à droite : 8e CA). Son JMO mentionne : « 11 novembre. Nous avons pris, au petit jour, Eppe-Sauvage et Moustier-en-Fagne. » Le volume des AFGG cite 153 pertes (33 tués, 120 blessés) entre le 11 et le 15 novembre. Le détail des pertes permis par la lecture des JMO est cette fois plus fructueux. Celui de la 123e DI est certes peu éclairant (avec ses « pertes subies au mois de novembre », mais non datées ; en revanche, l’un de ses régiments, le 411e RI, a perdu Auguste Joseph RENAULT, tué à Robechies [l’absence d’un JMO du 411e RI ne permet pas de recoupement, hélas]), mais les sources de la 51e DI sont plus intéressantes : « 1 prisonnier au 73e, 1 tué au 33e », dans le JMO de l’infanterie divisionnaire de la 51e DI, « pertes : 33e RI 1 tué, 73e RI 1 blessé » dans le JMO de la 51e DI.
Le tué du 33e RI semble être Elie ESTADIEU, tué à Eppe-Sauvage (Belgique). Sa fiche de décès porte la mention « tué à l’ennemi le 10 novembre 1918 », mais son registre matricule indique : « Tué dans les combats du 11 novembre 1918 à Hippe Sauvage Moustier en Fagne. » Né le 7 septembre 1898, Estadieu venait donc d’avoir 20 ans.
Pour la 133e DI, le JMO du service de santé de la division mentionne « 2 tués, 19 blessés » pour l’état des pertes des 5 jours, du 11 au 15 novembre. Je n’ai pas trouvé ces 2 tués dans les rangs des 321e RI, 401e RI (même si le cas de Martinet GIRAUD peut amener à s’interroger), 32e BCP, 102e BCP, 116e BCP.
Enfin, dans les pages du JMO du 11e RTM (58e DI), l’on peut découvrir les « pertes du 27 septembre au 11 novembre 1918 : officiers blessés 14 (dont 2 morts des suites de leurs blessures : lt-colonel Charles-Roux et capitaine Charles), gazés 2, disparu 1 ; troupe tués 124, blessés 598, gazés 129, disparus 96. » Une fois encore, tenter d’y trouver les pertes du 11 novembre seul est vain.
De son côté, la IIIe Armée attaque en direction de Cul des Sarts – La Hoquette – Censes Bel-Air – nord du Bois d’Harcy. Avec à gauche le 16e CA, au centre le 35e CA, et le 2e CA italien à droite, ce sont en réalité sa 32e DI, la 3e DI italienne, et la 8e DI italienne qui se trouvent en première ligne. Le JMO du service de santé de la IIIe Armée chiffre les pertes du 11 à 104 blessés, quand les AFGG indiquent 62 pertes (9 tués, 47 blessés, 6 disparus) pour la période du 11 au 15.
Ce qui est indéniable, au premier chef, est que la matinée du 11 a été chaude, comme l’atteste le contenu du JMO de la 32e DI : « 11 novembre 1918. Vers 10 h., des mitrailleuses ennemies placées vers le carrefour sud de l’église de Cul des Sarts interdisent les abords de ce carrefour. Sous la pression d’un bataillon débouchant par la route de Lisbonne, ces mitrailleuses se replient à 10 h. 45 jusqu’à la sortie nord de Riesse. »
Le JMO du 143e RI porte trace de 5 blessés, à savoir le lieutenant Dommanget et 4 hommes. Le JMO de la 121e DI annonce 4 tués et 16 blessés, et celui du 404e RI, 2 tués et 3 blessés. Enfin, au 106e RIT (dont le JMO est, hélas, manquant), un homme est tué à Belval-Givet, Michel ALLANDRIEU.
Pour sa part, la Ve Armée attaque vers Anchamps – Deville – Château Regnault-Bogny – Mézières, avec à sa gauche le 5e CA, au centre le 21e CA, et à droite le 4e CA. Les AFGG chiffrent ses pertes à 90 (17 tués, 70 blessés, 3 disparus) du 11 au 15.
Dans les rangs du 329e RI, un cas peut être sujet à caution, celui de Demêtre Marie LE MOAL : sa fiche de décès porte la date du 10 novembre 1918, mais son registre matricule révèle des éléments contradictoires (« mort au champ d’honneur le 10 novembre 1918 », « grièvement blessé le 10 novembre 1918 », « rayé des contrôles le 11 novembre 1918 »). Au 4e CA, le JMO du service de santé cite le sous-lieutenant Gros, du 115e RI (8e DI), comme souffrant de « plaies [à la] main gauche et [au] flanc droit par balle. »
A la 13e DI, engagée le 10, et qui devait reprendre sa progression le 11 avant qu’elle ne soit décommandée à 3 heures 30, l’avant-garde est constituée des 20e et 21e BCP, et d’un bataillon du 21e RI. Le JMO du 20e BCP indique : « 1918 – novembre, 11 : les pertes [rajout : pendant cette journée du 10] s’élèvent à 1 chasseur tué et 13 blessés. Le brave tué, la dernière victime de la guerre, est le chasseur Bruvier de la 5e Cie, inhumé au cimetière d’Etion ». La fiche de décès de Thimothée Alexandre BRUVIER, tué à Bélair (Ardennes) porte la mention « mort pour la France le 10 novembre 1918 », et sa fiche du CICR indique : « disparu le 10.11.1918 ».
C’est en direction de Mézières – Flize – Sedan qu’attaque la IVe Armée (le 11e CA à sa gauche, le 14e CA au centre, le 9e CA à droite). Ses pertes, dans le tableau IV des AFGG, sont les plus faibles de toutes : 3 blessés. Le fait est particulièrement étonnant. Certes, les pertes de la 61e DI (11e CA) et de la 7e DI (9e CA) sont manquants ; en revanche, les pertes de la 163e DI posent question, j’y reviendrai.
Côté JMO, celui de la 2e DCP cite, dans les rangs du 8e RC, « 4 tués dont 2 noyés [Porcher, 2e cl. ; Thomassin, 2e cl. ; Savy, 2e cl. (noyé) ; Mériaux, 2e cl. (noyé). Blessés : officier 1, troupe 16. » Julien Baptiste PORCHER et Eugène Léon THOMASSIN ont été tués près de Mézières (Ardennes).
Au 9e CA, le JMO du 150e RI chiffre les « pertes du 1er au 11 novembre : tués 12, blessés 50, disparus 2. » Le 251e RI, en revanche, est plus précis : 1 tué, 1 blessé. Ce tué pourrait bien être Louis WILLAINE, dont la fiche décès porte un « mort pour la France le 10 [strike]11[/strike] novembre 1918 », et dont le registre matricule indique « Tué à l’ennemi à Torcy (Ardennes) », sans date. Au 161e RI, sans que cela figure dans son JMO, c’est Jean Baptiste ROUXEL qui est tué près de Vouziers. Pour finir, au sein du 38e RI, les pertes « de la période du 1er au 11 novembre » sont de « 6 tués dont le sous-lieutenant Bresson, 29 blessés dont le sous-lieutenant Laperroussaz et 3 sous-officiers. » Là aussi, difficile d’en savoir plus.
Vient enfin l’épineuse question des pertes de la 163e DI.
Le JMO du service de santé de la division nous apprend que « les 142e et 415e RI ont des pertes par obus et surtout par fusils ou mitrailleuses jusqu’à près de 11 h. » Le JMO de la 163e DI mentionne laconiquement : « 1 tué du 142e RI à 10 h 30. » (il doit s’agir de Louis Fernand NICOD, tué entre Flize et Nouvion (Ardennes) [sa fiche de décès indique : « tué à l’ennemi le 11 novembre 1918 » ; son registre matricule : « tué le 10 novembre 1918 »]).
Le JMO du 53e RI indique 3 blessés. Quant au JMO du service de santé du 415e RI, il révèle que « le dernier obus est tiré à 11 h - 5 à proximité du PSC et tue un homme. Les 10 et 11, le 415 a 47 tués sur la rive droite de la Meuse. »
Une chose saute aux yeux : tout cela ne cadre en rien avec les « 3 blessés » de la IVe Armée, et ce d’autant plus en considérant que la 163e DI a fait remonter un état de ses pertes, au contraire des 7e et 61e DI. Qu’en penser ? En toute logique, de deux choses l’une : soit ces pertes ont été purement et simplement escamotées, autrement dit non comptabilisées, soit elles ont été enregistrées à la date du 10, et figurent alors dans les pertes des 5 jours, du 6 au 10 novembre. Si tel est le cas, voilà qui instille le doute et permet de se demander combien de fois, quand et dans quelles sources un tel fait a pu se reproduire…
Dans le dernier secteur du front particulièrement mouvementé ce 11 novembre 1918, le 2e CAC attaque en direction de Dieppe – Hautecourt – Grimaucourt – Bois de Manheulles – Ferme d’Aulnois. Selon les AFGG, les coloniaux subissent 87 pertes (3 tués, 84 blessés) entre le 11 et le 15. La lecture du JMO de ce corps d’armée laisse songeur : « 11 novembre 1918. Continuation des attaques pendant la matinée. Un armistice étant signé, les hostilités cessent sur tout le front à onze heures. Le mouvement de relève des ENE du 17e CA par les ENE du 2e CAC déjà prévus ont bien lieu [sic] à partir du 11 novembre. Pertes : 53 tués – 250 blessés – 76 intoxiqués. » Ces pertes, si tant est qu’elles aient été enregistrées durant la seule matinée du 11 novembre, d’une part diffèrent grandement de celles lisibles dans les AFGG, d’autre part sont considérables. Elles laissent d’autant plus dubitatif à la lecture des bilans de ses deux divisions.
A la 10e DIC, les pertes des 9-10-11 novembre sont les suivantes : 33e RAC : 6 tués, 41 blessés, 71 gazés, 82 disparus ; 52e RIC : 2 tués, 43 blessés, 47 gazés ; 53e RIC : 5 tués, 52 blessés, 2 gazés, 2 disparus. Au total, en incluant le 11 novembre, 353 pertes (même avec la plus extrême prudence à conserver quant au sort des « disparus ») en lieu et place des 379 pertes annoncées dans le JMO du 2e CAC.
A la 15e DIC, le JMO du service de santé divisionnaire cite 5 blessés et 4 gazés. Le JMO du 6e RIC mentionne 1 tué (le sous-lieutenant Francis MEUNIER) et 5 blessés (dont le lieutenant de Froissard). La fiche de décès de Meunier, et son registre matricule, portent le 10 novembre 1918 comme date de sa mort. Le 5e RIC, sans que le JMO du régiment ne l’indique, compte au moins 2 tués : le sergent Aristide ANDRÉ, mortellement blessé à Beaulieu (Meuse), et Joannès Philibert DURET, tué à Peuvillers (Meuse).
Au final, il revient à chacun de se faire sa propre idée de la manière dont les pertes françaises du 11 novembre 1918 sont passées dans l’Histoire – pour ne pas dire, plutôt, la manière dont elles sont passées à côté de l’Histoire.
La gêne occasionnée aux décideurs civils et militaires, sauf erreur de ma part, semble flagrante : comment expliquer ces pertes antidatées dans un JMO ? Comment expliquer ces fiches de décès datées du 10 et non du 11 novembre, et parfois honteusement biffées ou raturées ? Comment expliquer ces dates de décès antidatées jusque dans des relevés de cimetières communaux ?
De toute évidence, il y avait d’autant plus à cacher, ou pire car plus maladroit encore, à enfumer, en constatant quelles ont été les différences prégnantes d’une Armée à l’autre : ici, des hommes ont encore dû grignoter chèrement un terrain qu’ils auraient pu traverser l’arme à la bretelle quelques heures après, quand là, d’autres étaient épargnés par une décision de la DI ou du CA de suspendre la poursuite ou les opérations prévues pour le 11.
Je ne doute pas qu’existent des sources, qui ne sont certes pas accessibles via Internet, qui devraient permettre à un historien de se saisir d’un sujet qui paraît ne pas avoir beaucoup passionné de ce côté de l’Atlantique depuis l’Armistice.
Pendant ce temps, en espérant qu’une vérité en sortira (faudra-t-il attendre 2018 ?), il reste aux habitués du forum à apporter leur pierre à ce très incomplet édifice.
Bien cordialement,
Eric Mansuy
En tentant de fouiller un peu plus le sujet, je préfère ouvrir une nouvelle discussion en vue de synthétiser une partie des éléments figurant dans différentes entrées, dont celles-ci :
pages1418/forum-pages-histoire/trebucho ... 7089_1.htm
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pages1418/forum-pages-histoire/dernier-sujet_8761_1.htm
pages1418/forum-pages-histoire/autre/pe ... 4331_1.htm
Tout d’abord, merci à celles et ceux qui ont alimenté ces sujets en y ajoutant les noms de certains des tués du 11 novembre 1918, ce qui m’a mis la puce à l’oreille. Ensuite, à la lecture de cet article, http://www.ouest-france.fr/culture/hist ... on-4303506 (merci à « Alain L » d’en avoir signalé la parution), j’ai beaucoup apprécié cette phrase, concernant Auguste Renault, du 411e RI : « Un petit gars des Côtes-du-Nord, dernier Français mort au combat de la Première Guerre mondiale, ça lui fait une belle jambe ! »
Mon propos n’est pas ici de tenter de révéler qui est le dernier tué français de la Grande Guerre. En revanche, il me semble qu’une question – à tiroirs – est légitime, même si elle paraît être une question rhétorique : y a-t-il eu volonté délibérée des autorités civiles et militaires de cacher les pertes françaises du 11 novembre 1918 ?
Côté américain (le sujet a été présenté ici : pages1418/forum-pages-histoire/autre/pe ... 4331_1.htm ), l’article « World War I : Wasted Lives on Armistice Day » nous apprenait qu’une commission d’enquête du Congrès avait rendu en janvier 1920 la conclusion qu’un « massacre inutile » avait eu lieu ce jour-là ; il mentionnait en outre un total des pertes françaises de cette journée estimé à 1170. Quelle est la source de ce total ? L’article ne nous renseigne pas sur ce point. Dans ce cas, voyons ce qui a pu être publié en France sur les pertes du 11 novembre 1918…
L’utilisation d’un moteur de recherche nous guide en priorité vers un texte issu de la Revue Historique des Armées, publié en 2008 : « Le dernier combat : Vrigne-Meuse, 10 et 11 novembre 1918 », d’Alain Fauveau. Ainsi débute ledit article : « Début novembre 1918, le rapport de force était en faveur des armées alliées et la fin de la guerre était proche : la Bulgarie et l’Autriche avaient capitulé et le 2 octobre, Ludendorff avait déclaré au gouvernement allemand que l’armée était à bout de force et qu’un armistice s’imposait. La campagne de France, au cours de laquelle les pertes humaines furent particulièrement sévères de part et d’autre, se déroulait avec succès depuis le mois de juillet 1918 et les Allemands reculaient sur tous les fronts. L’ultime opération de la guerre allait se dérouler entre Charleville-Mézières et Sedan par un franchissement de la Meuse destiné à montrer la détermination de la France et à contraindre les Allemands à signer l’Armistice. » (c’est moi qui souligne)
S’il s’agissait de « l’ultime opération de la guerre », entre Charleville-Mézières et Sedan, que penser du sort de ces hommes dont des JMO nous apprennent qu’ils ont été tués au combat en Belgique, ce même 11 novembre 1918 ? De toute évidence, l’on avait dû se battre ailleurs que dans les Ardennes.
La réponse à cette interrogation ne nécessite même pas la lecture fastidieuse des JMO d’Armées, mais tout bonnement celle du 2e volume du tome VII des Armées Françaises dans la Grande Guerre (AFGG). Première conclusion à la suite de cette lecture : des troupes se sont portées en avant, le 11 novembre, sur le front de 5 Armées et d’un corps d’armée colonial. Seconde découverte, dans les appendices de cette même source : le tableau IV, intitulé « Pertes subies du 1er au 15 novembre 1918 (référence : archives du Grand Quartier Général, bureau du personnel, novembre 1918) ». Ce tableau chiffre les pertes des Ire, IIe, IIIe, IVe, Ve, VIe, VIIe, VIIIe, Xe Armées, des forces françaises d’Italie, de l’AS (1er – 10 novembre), et incluent une rubrique « divers » (dont le 2e CAC fait partie) ; manquent à ce tableau, les pertes des 7e DI et 124e DI, et de l’infanterie de la 61e DI. L’on est loin des « 1170 » pertes évoquées dans l’article américain précédemment cité, mais les pertes des 5 jours, du 11 au 15 novembre 1918, se montent tout de même à 546 : 88 tués, 446 blessés, 12 disparus.
Ne reste plus qu’à détailler ce chiffrage, afin de tenter de discerner les secteurs du front les plus meurtriers à l’approche de l’entrée en vigueur de l’Armistice. Il serait en effet illusoire de penser que tous les combattants, une fois connue l’annonce de la cessation des combats (et certains l’ont connue dès la veille au soir), ont bénéficié d’une matinée d’attente. Un exemple frappant figure dans le JMO de l’infanterie divisionnaire de la 51e DI : « Vers 9 h. 30, un coup de téléphone du général de la DI apprend la cessation des hostilités à 11 h. Arrêter sur place à cette heure et rendre compte de la situation. Pousser vigoureusement jusque là. Ordre est donné au 33e [RI] de pousser énergiquement jusqu’à 11 h., au 73e [RI] de se mettre en route sur Eppe, au 3e Tir[ailleurs] de se mettre en marche sur Moustier et de pousser aussi loin que possible la tête des régiments avant 11 heures. Renseignement de cavalerie : 10 h. 25, avons chassé l’ennemi de Montbliart. »
Au matin du 11 novembre 1918, la VIe Armée attaque en direction de Baeygem – Zwartenbroek – Roosebeke – Michelbeke avec, à gauche le 34e CA, au centre le 30e CA, et à droite le 7e CA. Le contenu de son JMO est d’une certaine ambiguïté : « 11 novembre 1918. Il résulte des messages adressés à minuit et à sept heures, que les troupes peuvent avancer aujourd’hui onze novembre, jusqu’à onze heures. Pousser effectivement en avant vos éléments de tête mais seulement s’ils ne rencontrent pas de résistance. Aucune action ne devra être engagée ce matin. Il convient, d’autre part, d’éviter qu’il se produise un entassement de troupes sur la rive droite de l’Escaut. »
Au final, pour la période du 11 au 15 novembre 1918, le volume 2 du tome VII des AFGG indique 147 pertes (25 tués, 120 blessés, 2 disparus). A la lecture des JMO, il apparaît que le 74e RI a enregistré 6 blessés, le 67e RI, 1 tué et 1 blessé, et le 6e RC, 1 tué (Paul Jean Pierre ADAM, tué à Cloître (Belgique), mentionné dans le JMO de son régiment comme « tué à Mon(t)-Passage à 10 h 55 »).
Les JMO des échelons CA et DI ne nous renseignent en rien, et compliquent même parfois la compréhension de la situation, comme dans le cas de la 12e DI, qui chiffre les « pertes de la division jusqu’au 11 novembre à 11 heures » (sans indiquer à quelle date ce chiffrage débute). Au 54e RI, le JMO indique : « 11 novembre 1918. Pertes d’ensemble pour les opérations de Belgique : tués officiers 2 / troupe 65 ; blessés officiers 3 / troupe 243 dont 27 gazés ; disparus officier 1 / troupe 62. » En l’état, cela ne permet pas de prendre connaissance des éventuelles pertes du seul 11 novembre au sein de ce régiment.
Ce même jour, la Ire Armée attaque en direction de Rance – Chimay – Baileux (à gauche : 15e CA ; au centre : 36e CA ; à droite : 8e CA). Son JMO mentionne : « 11 novembre. Nous avons pris, au petit jour, Eppe-Sauvage et Moustier-en-Fagne. » Le volume des AFGG cite 153 pertes (33 tués, 120 blessés) entre le 11 et le 15 novembre. Le détail des pertes permis par la lecture des JMO est cette fois plus fructueux. Celui de la 123e DI est certes peu éclairant (avec ses « pertes subies au mois de novembre », mais non datées ; en revanche, l’un de ses régiments, le 411e RI, a perdu Auguste Joseph RENAULT, tué à Robechies [l’absence d’un JMO du 411e RI ne permet pas de recoupement, hélas]), mais les sources de la 51e DI sont plus intéressantes : « 1 prisonnier au 73e, 1 tué au 33e », dans le JMO de l’infanterie divisionnaire de la 51e DI, « pertes : 33e RI 1 tué, 73e RI 1 blessé » dans le JMO de la 51e DI.
Le tué du 33e RI semble être Elie ESTADIEU, tué à Eppe-Sauvage (Belgique). Sa fiche de décès porte la mention « tué à l’ennemi le 10 novembre 1918 », mais son registre matricule indique : « Tué dans les combats du 11 novembre 1918 à Hippe Sauvage Moustier en Fagne. » Né le 7 septembre 1898, Estadieu venait donc d’avoir 20 ans.
Pour la 133e DI, le JMO du service de santé de la division mentionne « 2 tués, 19 blessés » pour l’état des pertes des 5 jours, du 11 au 15 novembre. Je n’ai pas trouvé ces 2 tués dans les rangs des 321e RI, 401e RI (même si le cas de Martinet GIRAUD peut amener à s’interroger), 32e BCP, 102e BCP, 116e BCP.
Enfin, dans les pages du JMO du 11e RTM (58e DI), l’on peut découvrir les « pertes du 27 septembre au 11 novembre 1918 : officiers blessés 14 (dont 2 morts des suites de leurs blessures : lt-colonel Charles-Roux et capitaine Charles), gazés 2, disparu 1 ; troupe tués 124, blessés 598, gazés 129, disparus 96. » Une fois encore, tenter d’y trouver les pertes du 11 novembre seul est vain.
De son côté, la IIIe Armée attaque en direction de Cul des Sarts – La Hoquette – Censes Bel-Air – nord du Bois d’Harcy. Avec à gauche le 16e CA, au centre le 35e CA, et le 2e CA italien à droite, ce sont en réalité sa 32e DI, la 3e DI italienne, et la 8e DI italienne qui se trouvent en première ligne. Le JMO du service de santé de la IIIe Armée chiffre les pertes du 11 à 104 blessés, quand les AFGG indiquent 62 pertes (9 tués, 47 blessés, 6 disparus) pour la période du 11 au 15.
Ce qui est indéniable, au premier chef, est que la matinée du 11 a été chaude, comme l’atteste le contenu du JMO de la 32e DI : « 11 novembre 1918. Vers 10 h., des mitrailleuses ennemies placées vers le carrefour sud de l’église de Cul des Sarts interdisent les abords de ce carrefour. Sous la pression d’un bataillon débouchant par la route de Lisbonne, ces mitrailleuses se replient à 10 h. 45 jusqu’à la sortie nord de Riesse. »
Le JMO du 143e RI porte trace de 5 blessés, à savoir le lieutenant Dommanget et 4 hommes. Le JMO de la 121e DI annonce 4 tués et 16 blessés, et celui du 404e RI, 2 tués et 3 blessés. Enfin, au 106e RIT (dont le JMO est, hélas, manquant), un homme est tué à Belval-Givet, Michel ALLANDRIEU.
Pour sa part, la Ve Armée attaque vers Anchamps – Deville – Château Regnault-Bogny – Mézières, avec à sa gauche le 5e CA, au centre le 21e CA, et à droite le 4e CA. Les AFGG chiffrent ses pertes à 90 (17 tués, 70 blessés, 3 disparus) du 11 au 15.
Dans les rangs du 329e RI, un cas peut être sujet à caution, celui de Demêtre Marie LE MOAL : sa fiche de décès porte la date du 10 novembre 1918, mais son registre matricule révèle des éléments contradictoires (« mort au champ d’honneur le 10 novembre 1918 », « grièvement blessé le 10 novembre 1918 », « rayé des contrôles le 11 novembre 1918 »). Au 4e CA, le JMO du service de santé cite le sous-lieutenant Gros, du 115e RI (8e DI), comme souffrant de « plaies [à la] main gauche et [au] flanc droit par balle. »
A la 13e DI, engagée le 10, et qui devait reprendre sa progression le 11 avant qu’elle ne soit décommandée à 3 heures 30, l’avant-garde est constituée des 20e et 21e BCP, et d’un bataillon du 21e RI. Le JMO du 20e BCP indique : « 1918 – novembre, 11 : les pertes [rajout : pendant cette journée du 10] s’élèvent à 1 chasseur tué et 13 blessés. Le brave tué, la dernière victime de la guerre, est le chasseur Bruvier de la 5e Cie, inhumé au cimetière d’Etion ». La fiche de décès de Thimothée Alexandre BRUVIER, tué à Bélair (Ardennes) porte la mention « mort pour la France le 10 novembre 1918 », et sa fiche du CICR indique : « disparu le 10.11.1918 ».
C’est en direction de Mézières – Flize – Sedan qu’attaque la IVe Armée (le 11e CA à sa gauche, le 14e CA au centre, le 9e CA à droite). Ses pertes, dans le tableau IV des AFGG, sont les plus faibles de toutes : 3 blessés. Le fait est particulièrement étonnant. Certes, les pertes de la 61e DI (11e CA) et de la 7e DI (9e CA) sont manquants ; en revanche, les pertes de la 163e DI posent question, j’y reviendrai.
Côté JMO, celui de la 2e DCP cite, dans les rangs du 8e RC, « 4 tués dont 2 noyés [Porcher, 2e cl. ; Thomassin, 2e cl. ; Savy, 2e cl. (noyé) ; Mériaux, 2e cl. (noyé). Blessés : officier 1, troupe 16. » Julien Baptiste PORCHER et Eugène Léon THOMASSIN ont été tués près de Mézières (Ardennes).
Au 9e CA, le JMO du 150e RI chiffre les « pertes du 1er au 11 novembre : tués 12, blessés 50, disparus 2. » Le 251e RI, en revanche, est plus précis : 1 tué, 1 blessé. Ce tué pourrait bien être Louis WILLAINE, dont la fiche décès porte un « mort pour la France le 10 [strike]11[/strike] novembre 1918 », et dont le registre matricule indique « Tué à l’ennemi à Torcy (Ardennes) », sans date. Au 161e RI, sans que cela figure dans son JMO, c’est Jean Baptiste ROUXEL qui est tué près de Vouziers. Pour finir, au sein du 38e RI, les pertes « de la période du 1er au 11 novembre » sont de « 6 tués dont le sous-lieutenant Bresson, 29 blessés dont le sous-lieutenant Laperroussaz et 3 sous-officiers. » Là aussi, difficile d’en savoir plus.
Vient enfin l’épineuse question des pertes de la 163e DI.
Le JMO du service de santé de la division nous apprend que « les 142e et 415e RI ont des pertes par obus et surtout par fusils ou mitrailleuses jusqu’à près de 11 h. » Le JMO de la 163e DI mentionne laconiquement : « 1 tué du 142e RI à 10 h 30. » (il doit s’agir de Louis Fernand NICOD, tué entre Flize et Nouvion (Ardennes) [sa fiche de décès indique : « tué à l’ennemi le 11 novembre 1918 » ; son registre matricule : « tué le 10 novembre 1918 »]).
Le JMO du 53e RI indique 3 blessés. Quant au JMO du service de santé du 415e RI, il révèle que « le dernier obus est tiré à 11 h - 5 à proximité du PSC et tue un homme. Les 10 et 11, le 415 a 47 tués sur la rive droite de la Meuse. »
Une chose saute aux yeux : tout cela ne cadre en rien avec les « 3 blessés » de la IVe Armée, et ce d’autant plus en considérant que la 163e DI a fait remonter un état de ses pertes, au contraire des 7e et 61e DI. Qu’en penser ? En toute logique, de deux choses l’une : soit ces pertes ont été purement et simplement escamotées, autrement dit non comptabilisées, soit elles ont été enregistrées à la date du 10, et figurent alors dans les pertes des 5 jours, du 6 au 10 novembre. Si tel est le cas, voilà qui instille le doute et permet de se demander combien de fois, quand et dans quelles sources un tel fait a pu se reproduire…
Dans le dernier secteur du front particulièrement mouvementé ce 11 novembre 1918, le 2e CAC attaque en direction de Dieppe – Hautecourt – Grimaucourt – Bois de Manheulles – Ferme d’Aulnois. Selon les AFGG, les coloniaux subissent 87 pertes (3 tués, 84 blessés) entre le 11 et le 15. La lecture du JMO de ce corps d’armée laisse songeur : « 11 novembre 1918. Continuation des attaques pendant la matinée. Un armistice étant signé, les hostilités cessent sur tout le front à onze heures. Le mouvement de relève des ENE du 17e CA par les ENE du 2e CAC déjà prévus ont bien lieu [sic] à partir du 11 novembre. Pertes : 53 tués – 250 blessés – 76 intoxiqués. » Ces pertes, si tant est qu’elles aient été enregistrées durant la seule matinée du 11 novembre, d’une part diffèrent grandement de celles lisibles dans les AFGG, d’autre part sont considérables. Elles laissent d’autant plus dubitatif à la lecture des bilans de ses deux divisions.
A la 10e DIC, les pertes des 9-10-11 novembre sont les suivantes : 33e RAC : 6 tués, 41 blessés, 71 gazés, 82 disparus ; 52e RIC : 2 tués, 43 blessés, 47 gazés ; 53e RIC : 5 tués, 52 blessés, 2 gazés, 2 disparus. Au total, en incluant le 11 novembre, 353 pertes (même avec la plus extrême prudence à conserver quant au sort des « disparus ») en lieu et place des 379 pertes annoncées dans le JMO du 2e CAC.
A la 15e DIC, le JMO du service de santé divisionnaire cite 5 blessés et 4 gazés. Le JMO du 6e RIC mentionne 1 tué (le sous-lieutenant Francis MEUNIER) et 5 blessés (dont le lieutenant de Froissard). La fiche de décès de Meunier, et son registre matricule, portent le 10 novembre 1918 comme date de sa mort. Le 5e RIC, sans que le JMO du régiment ne l’indique, compte au moins 2 tués : le sergent Aristide ANDRÉ, mortellement blessé à Beaulieu (Meuse), et Joannès Philibert DURET, tué à Peuvillers (Meuse).
Au final, il revient à chacun de se faire sa propre idée de la manière dont les pertes françaises du 11 novembre 1918 sont passées dans l’Histoire – pour ne pas dire, plutôt, la manière dont elles sont passées à côté de l’Histoire.
La gêne occasionnée aux décideurs civils et militaires, sauf erreur de ma part, semble flagrante : comment expliquer ces pertes antidatées dans un JMO ? Comment expliquer ces fiches de décès datées du 10 et non du 11 novembre, et parfois honteusement biffées ou raturées ? Comment expliquer ces dates de décès antidatées jusque dans des relevés de cimetières communaux ?
De toute évidence, il y avait d’autant plus à cacher, ou pire car plus maladroit encore, à enfumer, en constatant quelles ont été les différences prégnantes d’une Armée à l’autre : ici, des hommes ont encore dû grignoter chèrement un terrain qu’ils auraient pu traverser l’arme à la bretelle quelques heures après, quand là, d’autres étaient épargnés par une décision de la DI ou du CA de suspendre la poursuite ou les opérations prévues pour le 11.
Je ne doute pas qu’existent des sources, qui ne sont certes pas accessibles via Internet, qui devraient permettre à un historien de se saisir d’un sujet qui paraît ne pas avoir beaucoup passionné de ce côté de l’Atlantique depuis l’Armistice.
Pendant ce temps, en espérant qu’une vérité en sortira (faudra-t-il attendre 2018 ?), il reste aux habitués du forum à apporter leur pierre à ce très incomplet édifice.
Bien cordialement,
Eric Mansuy