Bonsoir à tous,
Le traitement du sujet des dernières pertes prend une tournure assez singulière. Un florilège permet d'en extraire quelques points qui posent question.
1.
La Nouvelle République, 13 octobre :
https://www.lanouvellerepublique.fr/a-l ... er-des-der
Dernier paragraphe de cet article : "En tout, il y aura 96 tués côté français… dont la date officielle du décès sera avancée au 10 novembre, pour ne pas mettre de l’ombre sur la lumière de la victoire. Pire, ils furent victimes d’une sorte d’omerta : des preuves – telles que le journal de marche et des opérations (JMO) du régiment – ont étrangement disparu, afin d’enterrer cette meurtrière offensive de trop. [...]."
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96 tués côté français" : ce n'est pas ce qui figure dans le JMO du service de santé du 415e RI, qui indique "
Les 10 et 11, le 415 a
47 tués sur la rive droite de la Meuse." Ce JMO a-t-il été "trafiqué" dès le 11 novembre ?
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96 tués côté français… dont la date officielle du décès sera avancée au 10 novembre, pour ne pas mettre de l’ombre sur la lumière de la victoire" : comme dans tous les autres documents consultables sur le sujet, il manque une preuve tangible, irréfutable, de cette antidatation.
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Pire, ils furent victimes d’une sorte d’omerta : des preuves – telles que le journal de marche et des opérations (JMO) du régiment – ont étrangement disparu, afin d’enterrer cette meurtrière offensive de trop" : pourquoi d'autres JMO, pas uniquement à l'échelon régimentaire, et quelle que soit la période concernée, n'existent-ils plus ? Il n'est pas que celui du 415e RI qui ait disparu (dans ce cas, pourquoi ne pas s'interroger sur la disparition de celui du 19e RI, sur la gauche du 415e ?). Y a-t-il quelque chose à cacher dans la "disparition" de JMO couvrant des périodes antérieures, et des opérations bien moins "polémiques" ?
2.
La Nouvelle République, 4 novembre :
https://www.lanouvellerepublique.fr/deu ... ers-poilus
Extraits :
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Ce livre particulièrement documenté et étonnant raconte l’histoire d’Augustin Trébuchon, reconnu comme étant le dernier soldat français mort au front les armes à la main au cours d’une ultime offensive à Vrigne-Meuse dans les Ardennes, à 10 h 50 le 11 novembre 1918… quelques minutes seulement avant la fin du conflit et le cessez-le-feu officiel survenu à 11 h ce même jour (lire par ailleurs). Quel rapport avec le grand-père d’Alain Fauveau ? « C’est lui qui commandait le 415e régiment d’infanterie auquel appartenait Augustin Trébuchon lorsqu’il est tombé », explique l’intéressé qui, en creusant davantage, fait un constat à peine croyable : les faits relatés par son aïeul dans ses carnets… ne sont mentionnés nulle part ailleurs, même pas aux archives du service historique de la Défense à Vincennes (Val-de-Marne) !" : voilà qui permet en effet de s'interroger... jusqu'à la suite de l'article :
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A la fin de la guerre en effet, pour ne pas entacher la liesse générale ni mettre d’ombre sur la lumière de la victoire, « on a tout fait pour occulter cette opération », regrette le Niortais. Même le journal de marche et opérations (JMO) du régiment a disparu. Pire encore : les autorités sont allées jusqu’à avancer d’une journée la date de décès des poilus morts ce jour-là dans cette attaque." : le fait est, on nous cache quelque chose... en occultant que les manques dans les JMO conservés ou existants ne sont pas rares.
3. 20 Minutes, 7 novembre :
https://www.20minutes.fr/societe/236472 ... erre-14-18
Quelques extraits, qu'il me paraît superflu de commenter :
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Ce funeste coup du sort vaut aujourd’hui à ce modeste berger de Lozère d’occuper une place singulière dans l’histoire : celle de dernier soldat tué pendant la Grande Guerre. Augustin Trébuchon représente aussi, au même titre que ses 17 frères d’arme tombés le 11 novembre, une victime honteuse pour l’armée française – d’où la falsification de leur véritable date de disparition, pour éviter de ternir le jour de l'armistice."
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Mais comment raconter la vie de cet homme, quand on est, en tant que journaliste, attaché à l’exactitude des faits et que son sujet d’étude potentiel n’a laissé quasiment aucune trace ? « On ne trouve rien sur Augustin Trébuchon dans les archives, à part sa fiche matricule. Il n’a pas laissé de témoignage, lui qui ne savait sans doute ni lire ni écrire."
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Le chargé de liaison du 415e régiment d’infanterie est-il bien le dernier soldat français tué pendant la Grande Guerre ? « On ne pourra jamais l’établir avec certitude puisqu’on ne peut pas envoyer de médecin légiste pour vérifier… » reconnaît Alexandre Duyck. « Ça relève du postulat, on se base sur le témoignage des deux soldats qui sont allés chercher le clairon et ont enjambé son corps, vers 10h45-50 – avant que le clairon sonne. »"
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L’auteur précise toutefois : « Les historiens considèrent que les soldats tués après 11h ne relèvent plus de la guerre stricto sensu mais du fait divers, puisque le cessez-le-feu avait sonné. Le nom de Trébuchon revient à chaque fois : il est très généralement admis qu’il s’agit du dernier mort français »."
Au final, toujours pas de preuve formelle que les décès au combat du 11 aient été antidatés au 10
par instruction. Au final, toujours cette assurance d'une action délibérée, dans l'ombre, dictée par... [quiconque peut compléter est le bienvenu], et qui plus est, cachée a posteriori.
Ce qui est regrettable, c'est que doivent exister, potentiellement, des archives permettant de confirmer ou d'infirmer une volonté de cacher quelque chose :
22 N 982-983 : 14e CA, Situations des 5 et 10 jours ; états des pertes, 1914-1918
22 N 984 : 14e CA, Ordres de bataille, effectifs, mouvements de troupes, camps et cantonnements, ravitaillement, service de santé, état moral et justice militaire, 1914-1918
22 N 1007-1008 : 14e CA, Ordres, notes, comptes rendus, télégrammes, messages, notifications
expédiés par le C.A., octobre 1917 - août 1919
22 N 1043-1044 : 14e CA, Ordres, notes, comptes rendus du C.A. ; correspondance reçue des armées, dossiers d'attaques, mai 1918 - août 1919
22 N 1045-1046 : 14e CA, Correspondance reçue des autorités voisines et des éléments subordonnés, mai 1918 - juillet 1919
24 N 2754 : 163e DI, Ordres d’opérations 2e partie ; ordres de bataille, situations de prise d’armes, situations des 10 jours, états de pertes, 1916-1918
24 N 2765 : 163e DI, 17 septembre - 11 novembre 1918
24 N 2766 : 163e DI, Opérations de l’infanterie divisionnaire, 1917-1918
Je crains qu'il nous en reste encore à découvrir (ou pas, plutôt, d'ici au 11 novembre).
Bien cordialement,
Eric Mansuy