Bonsoir Christophe, bonsoir à toutes et à tous,
Eh bien, voilà, une belle photo qui, pour moi, révèle la force de l’esprit d’équipe et l’adhésion de tout un groupe à des valeurs communes.

La position des mains sur les épaules des deux militaires assis au 1er plan me semble témoigner de la confiance, de la fierté et de la reconnaissance des soldats photographiés pour ces deux hommes ainsi mis à l’honneur au centre de la photo.
On remarque, qu’à deux exceptions près, tous sont décorés de la croix de guerre. La photo a été prise à l’arrière et visiblement les hommes sont au repos depuis plusieurs jours (tenues impeccables).
La lecture du J.M.O. du 147e R.I. en 1918 me conduit à penser que ce régiment était spécialisé dans l’exécution de coup de main. Celui qui a été fait dans la nuit du 28 au 29 avril 1918 y est particulièrement bien détaillé. A défaut de listes nominative précises, on y trouve la composition numérique en sous-officiers, caporaux et soldats constituant les groupes qui ont réalisé cette opération.
On y apprend que :
- La totalité du détachement était placé sous les ordres du Lieutenant LAFFITTE, commandant la 6e compagnie (2e Bataillon du 147e RI). Plus précisément, le Ltt LAFFITTE pendant l’exécution de cette mission commandait le groupe G 2 (colonne n° 2 avec les groupes G 3 du Slt GEORGES et G4 de l’Adjudant DELAVEAU) ;
- Le groupe G 2 du LTT LAFFITTE est attaqué par les allemands et appelle de l’aide. L’Adj DELAVEAU se porte à leur secours avec plusieurs hommes. Ensuite on peut lire : « Le Lieutenant LAFFITTE et plusieurs de ses hommes sont blessés, le Caporal-fourrier LE GUEN est atteint très grièvement. Les abris sont incendiés par un groupe schilt. L’Adjudant DELAVEAU charge sur ses épaules le Lieutenant LAFFITTE et l’emporte » ;
- Sous les ordres du Ltt LAFFITE, le groupe G2 avait la composition suivante : 1 chef de section, 1 sous-officier – 2 caporaux – 8 soldats grenadiers et 1 équipe schilt (il y a dans le JMO un calque de leur progression sur le terrain).
On y note également que :
- L’Adj DELAVEAU est cité à l’ordre du 17e C.A le 6 mai 1918,
- Le Ltt LAFFITE se verra conféré le grade de Chevalier de la Légion d’honneur et sera d’ailleurs cité au JORF du 2 juillet 1918 en page 5756 :
Tout ceci m’amène à faire
une hypothèse… qui n’engage que moi, bien sûr :
Je suis enclin à penser que :
- l’officier assis qui porte sa croix de guerre en décoration pendante est le Lieutenant LAFFITE. Assis à côté de lui, ce peut être l’Adjudant DELAVEAU et la totalité des soldats debout pourrait correspondre à l’effectif des hommes indemnes du groupe G2 issu de la 6e compagnie (hors groupe Schilt qui, à ma connaissance, était pour emploi au 147e mais issu des formations du Génie),
- la photo a bien été prise à la date indiquée au verso (6 mai 1918), d’ailleurs la physionomie du (supposé) Ltt LAFFITTE laisse penser qu’il n’est pas trop en forme du fait d’une blessure récente,
- la mention au verso « Souvenir de la ligature » correspond peut-être à un souvenir de garrot posé sur le terrain pour stopper une hémorragie déclenchée par la blessure reçue par Ltt LAFFITTE pendant le coup de main.
La carrière militaire du Ltt LAFFITTE ne se termine pas avec la fin de la Grande Guerre. Promu chevalier de la légion d’honneur le 10 mai 1918, il intègre – en 1919 - la 104e Promotion de Saint Cyr, promotion dite "Promotion des Croix de Guerre » . Il est élevé à la dignité d’Officier de la Légion d’honneur (JORF du 22 décembre 1935 – page 13434) :
Né le 4 novembre 1894 à Massat (Ariège), il quitte le service actif en 1946 en tant que Général de Division d’Infanterie de la subdivision militaire de Caen (Manche).
Peut-on espérer établir formellement que l’officier sur la photo est le Lieutenant David LAFFITE ?
L’espoir est toujours permis mais, pour ce faire, je crois que la meilleure piste à suivre est de lancer une bouteille à la mer pour retrouver les descendants du Général LAFFITTE, en espérant qu’ils disposent d’archives photographiques familiales qui leur permettraient d’identifier sans ambiguïté leur aïeul.
Il y a bien 2 dossiers nominatifs au nom du Général LAFFITTE, l’un à la Chancellerie de la Légion d’honneur mais actuellement classé non communicable (base Léonore), l’autre sous côte 74 YD 508 au SHD de Vincennes dont la consultation doit être réservée actuellement aux seuls ayants droits du Général décédé en 1972.D’ailleurs rien ne permet de supposer qu’il y ait des photos dans ces dossiers.
Pour ma part, je n’ai pas trouvé de fiche matricule à son nom aux AD de l’Ariège.
Peut-on espérer en apprendre plus sur ce coup de main du 29 avril 18, sur le « Secteur gazeux », l’identité des soldats photographiés… ?
Oui. Je crois que cela vaut le coup d’aller voir de près quelques cartons d’archives au SHD de Vincennes :
- Cote 25 N 152 : cartons d’archives des opérations du 147e R.I. pour les années 1915 à 1918,
- Cotes 24 N 69, 72 et 73 : cartons d'archives relatives aux opérations des 4e D.I., 7e B.I. et de l'I.D.4 en 1918
Nota: Je n'ai pas trouvé de reversement d'un fond d'archives privées de la famille LAFFITTE auprès du SHD de Vincennes.
Je finirai ce soir tout simplement :
- en disant que pour les mentions « 1ère Cie » et « Ton cher cousin Robi (ou Bobi) », là… je suis sec !
- en ayant une pensée particulière pour l’Adjudant DELAVEAU car si le Général D. LAFFITTE a eu une belle et longue carrière, il lui doit quand même beaucoup. Ce serait intéressant de retrouver ses descendants… non ?
Bonne soirée. Cordialement.
Jean-Pierre