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Re: Doctrine d'emploi et instruction du fantassin ?
Publié : mer. oct. 26, 2005 12:19 pm
par Leo91
Bonjour à tous,
Ma seconde question du jour est d'ordre "technique" :
En effet, il semblerait qu'en 1914 l'armée Française et l'armée Allemande employaient deux techniques de combat totalement différentes...
A ma connaissance dans la plus grande tradition militaire, le soldat Français qui se devait d'être élégant, chargeait en ligne, baïonnette au canon, officier en tête, les lignes ennemies.
Avis aux spécialistes : ma vision des choses est-elle correcte ?
Dans un second temps j'aimerai connaitre les techniques de combats développées par l'armée Allemande au début du conflit, il me semble qu'elle avait une doctrine d'emploi beaucoup plus évoluée, ne serait-ce que par l'adoption de l'uniforme "Feldgrau" ?
Dans la foulée si quelqu'un avait des informations sur l'instruction dispensées aux fantassins des deux camps pour soutenir la comparaison ?
Par avance merci de votre contribution !!!
Amic@lement !!!
Lionel
Re: Doctrine d'emploi et instruction du fantassin ?
Publié : mer. oct. 26, 2005 1:09 pm
par LABARBE Bernard
Bonjour,
Oui c'est à peu près ça excepté les uniformes qui a mon humble avis n'entrent pour rien dans les causes des défaites d'août 14.
Outre la supériorité en nombre (mais pas partout), l'armée allemande avait surtout celle de la modernité et de l'emploi de tout ce qui peut faire gagner une guerre moderne. Initiative de commandement à tous les échelons, intelligence, et même ruses de combat. Emploi des mitrailleuses en 1ère ligne, d'obusiers de campagne, bref nous n'avions rien de tel. Et hélas oui, les charges à la baïonnette etc... On connait le résultat partout cité dans tous les régiments d'août 14. Un désastre.
Je réponds à chaud et rapidement faute de temps,
A bientôt, car ce sujet est vaste et sera développé je pense.
Re: Doctrine d'emploi et instruction du fantassin ?
Publié : mer. oct. 26, 2005 1:18 pm
par FX Bernard
Re-bonjour
juste deux lignes pour compléter le message de Bernard... Comme lui je pense que les massacres de l'été 1914 sont principalement dus à un problème de doctrine (La Furia francese contre les mitrailleuses allemandes), les uniformes ne peuvent pas tout expliquer. Pour en savoir plus sur les doctrines de combat, je vous conseille de lire les "Manuels de chefs de section". J'ai récemment fait l'acquisition de la version de 1916 et c'est une véritable mine d'informations, et je pense que si l'on compare les différentes versions, il doit être possible d'analyser le développement de la doctrine...
Cordialement
f-xavier
Re: Doctrine d'emploi et instruction du fantassin ?
Publié : mer. oct. 26, 2005 6:55 pm
par Stephan @gosto
Bonjour,
Sur ces questions, et au-delà, je vous conseille fortement la lecture du livre de M. Goya : "La Chair et l'Acier", sorti chez Tallandier récemment. Tout y est.
Amicalement,
Stéphan
Re: Doctrine d'emploi et instruction du fantassin ?
Publié : mer. oct. 26, 2005 7:17 pm
par patrick corbon
Bonjour à tous,
Un constat qui n’engage que moi.
La doctrine n'était que peu différente dans l'offensive et la manière de manoeuvrer. L'infanterie combattait en formation plutôt compacte d'un côté comme de l'autre et l'unité d'emploi pour l'infanterie se situait plutôt au niveau du bataillon, du Régiment, rarement à celui de la compagnie (Sauf pour les chasseurs qui adoptaient des formations plus diluées axées sur la compagnie). D'un côté, comme de l'autre on croyait encore aux vertus des feux de salves (Tir de saturation) et de la puissance du choc (Assaut final groupé). Ce qui fit surtout la différence c'est l'organisation du terrain dans la défensive. Les Allemands s'enterraient systématiquement. Côté Français on se servait surtout des obstacles naturels et il est rare au début de la guerre de rencontrer des tranchées pour hommes debout. Il est vrai que l'on manquait d'outils de parc et que le modèle courant employé était celle pour homme couché ou à genoux (Dérive par rapport aux instructions du génie). D’ailleurs, reste de la doctrine de l'offensive à outrance, la plupart des chefs préféraient alors la contre offensive à la résistance de pied ferme (Prépondérance de l'offensive sur la défensive).
Pour les mitrailleuses, la différence vient surtout du fait que les allemands les employaient groupées (Effets de masse) alors que nous, nous avions une tendance à disséminer nos moyens.
Pour l'artillerie, hors guerre de position, l'effet de l'artillerie lourde allemande n'a pas été vraiment marquante dans la guerre de mouvement (Ses effets sont plus psychologiques et spectaculaires que vraiment dangereux). L'avantage revient aux Français de par la doctrine d'emploi et de par le matériel. Le shrapnel du 75 est plus performant que celui du 77. Les Français exécutent des tirs d'efficacité en continu, chaque pièce prend sa propre cadence alors que les allemands tirent généralement par salves. Côté Français des unités plus mobiles (Batterie à 4 alors que celles des allemands sont à 6). Pour le tandem d'emploi Infanterie - Artillerie, la liaison est généralement mieux établie chez notre adversaire. Chez nous il y eu de tout.
Côté doctrine générale, elles se ressemblent (On prend le contact, on fixe l'ennemi et on cherche à le déborder). A ce jeu là cela a donné la course à la mer. Très vite pourtant, compte tenu de la linéarité et la densité des fronts, chacun des deux partis a cherché à bourrer devant lui pour trouver un point faible (Reste de la doctrine de l'offensive à outrance pour nous, prépondérance des Forces morales "le choc" pour les deux parties). Le mouvement offensif se fait en formation groupée (Rapidité et fluidité des mouvements). A la prise de contact, on prend une formation plus diluée (S'il y a de la place) dans la zone dangereuse d'approche (Variable, en gros de 5000 à 400 m). Pour l'assaut final les troupes se regroupent (Effet feu et choc).
La réussite d'une manoeuvre dépend de la combinaison "Feu, mouvement, commandement". Cette équation ne sera pas résolue car le feu en 14 domine et la puissance de feu bloque la situation sur le champ de bataille (Poitrail humain contre matériel). Il devient très difficile de se mouvoir alors que réserves et moyens peuvent s'accumuler et intervenir sans difficultés majeures.
A mon avis l'ampleur des pertes est à imputer à cette situation qui conduit à accumuler trop de troupes dans la zone dangereuse et par effet d'entêtement à entretenir la bataille (Reste de la doctrine de l'offensive à outrance) sur un espace trop restreint. Forcément à accumuler trop de troupes chaque balle ou obus trouve son preneur
Il est à noter également le mauvais emploi de la cavalerie d’investigation. La médiocrité des reconnaissances qui conduit souvent à la surprise. Forcément les résultats furent variables selon le tempérament des chefs et sur le plan tactique on a vu de tout, du meilleur jusqu’à bien souvent le pire. L’échec tactique a de fait conduit à l’échec stratégique et la prépondérance du feu par rapport à la mobilité à la fixation du front.
Cordialement.
Re: Doctrine d'emploi et instruction du fantassin ?
Publié : mer. oct. 26, 2005 8:17 pm
par LABARBE Bernard
"Pour les mitrailleuses, la différence vient surtout du fait que les allemands les employaient groupées (Effets de masse) alors que nous, nous avions une tendance à disséminer nos moyens".
De nombreux exemples montrent cependant leur emploi tardif dans les engagements. Celui du premier combat du 57ème RI à Lobbes est "lumineux"... Compagnie chargeant à travers champ un ennemi invisible caché à la lisière d'un bois et signalé par une reconnaissance, élan coupé par les fils de fer d'une clôture, et pour finir une mitrailleuse qui décime. Les mitrailleuse du RI ? Derrière ! L'une d'elles interviendra enfin pour sauver le drapeau en danger d'être pris et entouré de combattants tombant comme des mouches. On croit rêver. D'ailleurs, je crois me souvenir d'une note du GQG modifiant l'emploi des mitrailleuses, prescrivant de les utiliser immédiatement pour soutenir le premier assaut. Les allemands n'avaient pas eu besoin de milliers de morts pour comprendre ça avant.
"Pour l'artillerie, hors guerre de position, l'effet de l'artillerie lourde allemande n'a pas été vraiment marquante dans la guerre de mouvement (Ses effets sont plus psychologiques et spectaculaires que vraiment dangereux). "
Nos 75 furent cependant contre-battus sans pouvoir répliquer dans de nombreux cas, mais je parlais surtout des obusiers de campagne allemands qui permettaient d'atteindre, de par leur tir très courbe, des troupes se trouvant derrière un mamelon, alors qu'à l'inverse le 75 ne pouvait pas, ou alors avec beaucoup de chance.
Tout à fait d'accord avec Patrick pour le reste.
"...En un coup d'oeil il apparait que toute la vertu du monde ne prévaut point contre le feu"... (C de Gaulle)
Re: Doctrine d'emploi et instruction du fantassin ?
Publié : mer. oct. 26, 2005 11:40 pm
par patrick corbon
Bonsoir à tous, bonsoir Bernard,
Il est vrai que j'ai omis les obusiers dont l'absence de dotation dans nos rangs a été plus que préjudiciable. Il est d'ailleurs étonnant que je n'ai jamais trouvé mention de l'emploi de la plaquette malandrin (Qui devait pallier à tout) dans un témoignage ou document historique. A t'elle seulement été employée et quels en furent les résultats ? Cela reste mystérieux.
Pour l’emploi des mitrailleuses (Source conférence de l’école régionale d’instruction de la 20ème Région-1912) deux écoles de pensées partagent les grandes puissances. Les uns comme la France, la Russie, le Japon admettent qu’elles doivent intervenir directement dans le combat offensif en renforçant par le feu celui des groupes de combat. Cette conception a conduit à l’adoption d’unités de deux pièces. Les autres conformément à la conception allemande (Allemagne, Autriche, Italie, Angleterre) sont d’avis que les mitrailleuses doivent être le plus longtemps possible être conservée en réserve pour constituer une réserve de feu entre les mains du commandement auquel on cherche à donner le maximum d’intensité. Ce principe a conduit au groupement de mitrailleuses en batteries puissantes (Généralement à 6 pièces).
En France, le règlement du 12 mars 1909 assigne bien leur rôle dans l’offensive. La fougue et l’élan des sections les entraînent à se placer dans la ligne des tirailleurs. Cette disposition fut critiquée car elle les rendait trop vulnérables. Une école de pensée a prôné, plutôt que de suivre l’infanterie pas à pas, un procédé par bond, de position de tir à position de tir, avec une ouverture du feu que sur objectifs valables qui justifient la consommation de munitions. Une autre école de pensée a soulignée qu’il n’existait pas au niveau du chef de corps de réserve de feu sous la main pour parer à toute éventualité quelconque. Les sections dispersées sont difficiles à rappeler et une réserve de feu s’impose pour parer à l’apparition d’objectifs très vulnérables soit pour hâter la décision, soit pour contrer tout revers ou soit pour contre battre l’emploi massif des mitrailleuses ennemis. D’où l’idée de créer cette réserve de feu prélevée à plus ou moins grande dose selon les chefs, d’où une densité moindre des ces machines au contact.
Côté allemands, par un cheminement de pensée inverse, ils ont adoptés une tendance d’emploi d’un certains nombre de mitrailleuses par groupe de deux, pour appuyer la marche offensive de l’infanterie de première ligne.
C’est encore une déviance à nos règlements qui provoquent nos déboires et qui du côté allemand leur donne la réussite.
Il y en a d’autres, je viens de voir des tableaux estimatifs de pertes lors d’une offensive (Enseignements de la guerre Russo Japonaise) face aux matériels du champ de bataille. Ils sont assez éloquent, on sous estimait carrément ces pertes et surtout celles dues par l’artillerie. En plus dans ces enseignements on reconnaît même la prédominance de la défense sur l’offensive grâce aux armements modernes. Etonnant que ce fut oublié en 14.
Pour rajouter à mon propos de tout à l’heure, on peut citer également le déphasage inévitable entre la situation connue du chef, celle qui sert à élaborer ses ordres, et la réalité du moment sur le terrain. Les moyens de liaison étaient peu efficaces et la tendance de l’exécution malgré tout, sans chercher à comprendre, sans chercher à discuter et à désobéir a fait bien du mal. L’absence de certains CR, le flou d’autres n’a pas du tout simplifié la tâche du commandement et forcément certains ordres donnés étaient irréalisables dans la réalité, ce qui n’a pas empêché qu'ils soient exécutés. Question encore et toujours de tempérament du chef.
Cordialement
Re: Doctrine d'emploi et instruction du fantassin ?
Publié : jeu. oct. 27, 2005 1:24 am
par LABARBE Bernard
"En France, le règlement du 12 mars 1909 assigne bien leur rôle dans l’offensive. La fougue et l’élan des sections les entraînent à se placer dans la ligne des tirailleurs. Cette disposition fut critiquée car elle les rendait trop vulnérables"
Non seulement critiquée mais non appliquée en août 14! Nous avions peur qu'on nous les prenne !...
"Le 57ème RI" Cdt Couraud: Lobbes, 23 août 14: (Je rappelle la charge à travers champ, une mitrailleuses allemandes planquée dans les bois en première ligne....)
"...Alors intervient la 1ère section de mitrailleuses, jusqu'alors resté en position de surveillance (sic!)
en arrière de la droite du Bon (bataillon pour les lecteurs bleuets...

)". (Il s'agissait de sauver le drapeau,
"passé de mains en mains" pendant que des combats à la baïonnette s'engageaient, car plus de cartouches, bref, la cata.)
Bien que d'un âge avancé,

, je n'ai pas connu ce Cdt Couraud, mais j'ai appris à lire entre les lignes de son bouquin. Officier zélé et aux ordres de la grande muette comme la quasi totalité des siens, il se lache cependant parfois sans s'en douter...
"Alors intervient"..., "
Jusque là resté en position de surveillance"... Et j'en ai d'autres pour la suite du livre....
Tout à fait ok avec ton analyse Patrick.
Pour ce qui est de la "plaquette malandrin", c'est quoi ?
Merci et à bientôt.
Re: Doctrine d'emploi et instruction du fantassin ?
Publié : jeu. oct. 27, 2005 1:38 am
par francois noury
Bonsoir à tous (Annie: dans tous, il y a aussi toutes

),
Bonsoir Bernard,
pour la "plaquette malandrin", cela avait été expliqué sur Histoforum, mais ils n'ont pas d'archives. En gros, c'est une plaque qui se place autour de l'obus, brisant son aérodynamisme (encore de la mécanique des fluides), permettant un tir moins tendu, on augmente l'angle (j'avais alors dit: je pointe ou je tire!), avantageux quand l'objectif est proche pour augmenter précision, passer un obstacle qui serait surélevé (nos premières lignes!!!). C'est très résumé, je crains n'avoir été explicite. J'avais fait un croquis, il faut que je le retrouve...C'est autre chose.
Trouvé:

1: sans plaquette, tir tendu, imprécis et risqué
2: sans plaquette et sans risque, trop loin
3: avec plaquette
Sincèrement, François.
PS: mes proportions sont aléatoires, juste le principe apparait.
Re: Doctrine d'emploi et instruction du fantassin ?
Publié : jeu. oct. 27, 2005 2:16 am
par patrick corbon
Bonsoir à tous,
Le croquis est bon.
La plaquette malandrin est une vulgaire plaquette rectangulaire métallique percée d'un trou du diamètre de la fusée de l’obus de 75. Intercalée entre la fusée et le corps de l'obus elle modifie son aérodynamisme et réduit sa vitesse ce qui a pour effet de donner de la courbure à la trajectoire. Elle permet ainsi un tant soit peu le tir indirect et le tir à courte distance d’obus percutants.
Bien vantée et présentée , elle a enthousiasmé forcément nos financiers militaires et politiques compte tenu de son prix de revient quasi nul. Rapidement la conclusion fut qu’il était inutile de se doter d’obusier car elle ferait largement l’affaire et éviterait de s’encombrer d’artillerie lourde dans l’offensive (Doctrine de l’offensive à outrance). Joffre n’était pas de cet avis et le programme d’armement voté tardivement en 13 si mes souvenirs sont bons a fait qu’en 14 aucune livraison n’était encore effective.
On est parti à la guerre avec. A t’elle donnée une quelconque satisfaction, je ne l’ai relevé pour l’instant nul part.
Cordialement