Re: Un soldat, quatre uniformes
Publié : mer. mars 05, 2014 11:05 pm
Bonjour.
J'ai déjà lu sur ce forum pas mal de sujets sur les soldats Alsaciens ou Lorrains, qu'ils aient été incorporés dans l'armée française ou dans l'armée allemande. J'ai aussi ressenti, quelquefois, combien les plaies de ces familles écartelées entre deux nationalités, même cent ans après, pouvaient rester vives...
Ce que je vais vous raconter ici me vient de ma maman qui a entendu souvent son père raconter son histoire et qui, surtout, a vécu toute son enfance et sa jeunesse au milieu des photos (des preuves) s'y rapportant. De nombreux autres membres de ma famille les ont également vues.
Hélas ces photos n'existent plus, brûlées avec tous les souvenirs familiaux par ma grand mère un jour de déprime peu avant ma naissance.
Cette histoire m'a toujours parue fantastique. Véridique, mais fantastique. Je n'ai jamais pris le temps d'en savoir plus, de chercher d'autres preuves, des dates, des images, des textes. C'est aujourd'hui seulement que je m'attelle à cette tâche. J'espère donc que cette histoire éveillera ici d'autres souvenirs identiques et me permettra peut-être de compléter le périple de mon grand père, mais aussi de comprendre mieux cette incroyable odyssée.
L'histoire sera courte car je n'ai que des bribes à ma disposition. Les notes correspondent à ce que j'ai trouvé dans les quelques recherches récentes effectuées qui pourraient corroborer ou éclairer certains faits.
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Charles Joseph LINDECKER est né à Carspach (Haut Rhin) le 5 mars 1895. Comme beaucoup de ses aînés, son frère, incorporé dans l'armée allemande s'était rendu aux Français. La classe de Charles Joseph fut donc envoyée sur le front de l'est pour éviter de nouvelles désertions (1). La première photo familiale le représentait donc en soldat allemand.
Il y a eu quelques semaines de combats (où?) puis il s'est rendu aux Russes (quand? comment? s'est-il rendu volontairement ou a-t-il été fait prisonnier?). Il avait été frappé de la terreur puis de l'intérêt des "cosaques" devant le tic-tac de sa montre à gousset (bien qu'un homme du peuple, il a toujours été une espèce de dandy, très attentif à sa mise). Laquelle montre a d'ailleurs changé de propriétaire, sans doute contre son gré. C'est à peu près la seule anecdote que je possède. Suite à ce changement de situation on lui a fait endosser un uniforme russe (deuxième photo familiale).
Il a ensuite, avec de nombreux autres soldats dans son cas (prisonniers? déserteurs?) pris un bateau (2) qui a mis des semaines pour contourner la Scandinavie et les rapatrier en Angleterre où il est resté quelques temps. D'où une troisième photo en uniforme anglais.
D'Angleterre il a été enfin rapatrié en France où il a été incorporé (quatrième et dernier uniforme: le français) mais n'a pu combattre au front comme il le souhaitait car, racontait-il "on se méfiait quand même des Alsaciens". Il est à noter qu'il ne parlait pas un mot de français à l'époque, seulement l'Alsacien parlé en famille et l'allemand appris en classe.
Il a été démobilisé à Luchon (pourquoi Luchon?) et a décidé de continuer sa vie "à l'Intérieur" jusqu'à son décès en 1950, ne retournant en Alsace (à laquelle il est pourtant resté extrêmement attaché) que pour visiter sa famille.
Notes:
1. 15 mars 1915 : le général von Mandel publie un rapport confidentiel à l’origine de l’envoi de presque tous les soldats alsaciens-lorrains sur le front Est.
2. Août 1916 : l’ambassadeur de France en Russie obtient que les prisonniers de guerre
alsaciens-lorrains soient rendus à la France. Au total, ils seront 5 861 à être rapatriés par bateau de Mourmansk d’août 1916 à mars 1918.
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Voilà cette incroyable histoire, dont les photos ont à jamais disparu. J'aimerais savoir si vous connaissez des histoires semblables, si vous pouvez m'en dire plus, si vous pensez que c'est possible, et par quels biais je peux en savoir davantage.
Merci d'avance à vous. C'est un élément constitutif important de ma famille et j'espère beaucoup de vos remarques...
J'ai déjà lu sur ce forum pas mal de sujets sur les soldats Alsaciens ou Lorrains, qu'ils aient été incorporés dans l'armée française ou dans l'armée allemande. J'ai aussi ressenti, quelquefois, combien les plaies de ces familles écartelées entre deux nationalités, même cent ans après, pouvaient rester vives...
Ce que je vais vous raconter ici me vient de ma maman qui a entendu souvent son père raconter son histoire et qui, surtout, a vécu toute son enfance et sa jeunesse au milieu des photos (des preuves) s'y rapportant. De nombreux autres membres de ma famille les ont également vues.
Hélas ces photos n'existent plus, brûlées avec tous les souvenirs familiaux par ma grand mère un jour de déprime peu avant ma naissance.
Cette histoire m'a toujours parue fantastique. Véridique, mais fantastique. Je n'ai jamais pris le temps d'en savoir plus, de chercher d'autres preuves, des dates, des images, des textes. C'est aujourd'hui seulement que je m'attelle à cette tâche. J'espère donc que cette histoire éveillera ici d'autres souvenirs identiques et me permettra peut-être de compléter le périple de mon grand père, mais aussi de comprendre mieux cette incroyable odyssée.
L'histoire sera courte car je n'ai que des bribes à ma disposition. Les notes correspondent à ce que j'ai trouvé dans les quelques recherches récentes effectuées qui pourraient corroborer ou éclairer certains faits.
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Charles Joseph LINDECKER est né à Carspach (Haut Rhin) le 5 mars 1895. Comme beaucoup de ses aînés, son frère, incorporé dans l'armée allemande s'était rendu aux Français. La classe de Charles Joseph fut donc envoyée sur le front de l'est pour éviter de nouvelles désertions (1). La première photo familiale le représentait donc en soldat allemand.
Il y a eu quelques semaines de combats (où?) puis il s'est rendu aux Russes (quand? comment? s'est-il rendu volontairement ou a-t-il été fait prisonnier?). Il avait été frappé de la terreur puis de l'intérêt des "cosaques" devant le tic-tac de sa montre à gousset (bien qu'un homme du peuple, il a toujours été une espèce de dandy, très attentif à sa mise). Laquelle montre a d'ailleurs changé de propriétaire, sans doute contre son gré. C'est à peu près la seule anecdote que je possède. Suite à ce changement de situation on lui a fait endosser un uniforme russe (deuxième photo familiale).
Il a ensuite, avec de nombreux autres soldats dans son cas (prisonniers? déserteurs?) pris un bateau (2) qui a mis des semaines pour contourner la Scandinavie et les rapatrier en Angleterre où il est resté quelques temps. D'où une troisième photo en uniforme anglais.
D'Angleterre il a été enfin rapatrié en France où il a été incorporé (quatrième et dernier uniforme: le français) mais n'a pu combattre au front comme il le souhaitait car, racontait-il "on se méfiait quand même des Alsaciens". Il est à noter qu'il ne parlait pas un mot de français à l'époque, seulement l'Alsacien parlé en famille et l'allemand appris en classe.
Il a été démobilisé à Luchon (pourquoi Luchon?) et a décidé de continuer sa vie "à l'Intérieur" jusqu'à son décès en 1950, ne retournant en Alsace (à laquelle il est pourtant resté extrêmement attaché) que pour visiter sa famille.
Notes:
1. 15 mars 1915 : le général von Mandel publie un rapport confidentiel à l’origine de l’envoi de presque tous les soldats alsaciens-lorrains sur le front Est.
2. Août 1916 : l’ambassadeur de France en Russie obtient que les prisonniers de guerre
alsaciens-lorrains soient rendus à la France. Au total, ils seront 5 861 à être rapatriés par bateau de Mourmansk d’août 1916 à mars 1918.
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Voilà cette incroyable histoire, dont les photos ont à jamais disparu. J'aimerais savoir si vous connaissez des histoires semblables, si vous pouvez m'en dire plus, si vous pensez que c'est possible, et par quels biais je peux en savoir davantage.
Merci d'avance à vous. C'est un élément constitutif important de ma famille et j'espère beaucoup de vos remarques...