Re: Exécution pour mutilation volontaire
Publié : lun. févr. 06, 2012 5:05 pm
par ben60
Bonjour à tous,
ma question a peut-être déjà été posée mais je n'ai pas su trouver la réponse donc je vous la soumets :
J'ai trouvé dans un JMO de la prévoté le nom d'un soldat qui a été exécuté pour mutilation volontaire. Comme il n'apparait pas dans la liste des MPF de Mémoire des Hommes , cela veut-il dire qu'il n'a pas été réhabilité par la suite?
En vous remerciant pour vos éclaircissements.
Re: Exécution pour mutilation volontaire
Publié : lun. févr. 06, 2012 7:30 pm
par Rutilius
Bonsoir à tous,
V. notamment ici :
● pages1418/forum-pages-histoire/liste-fu ... 6127_1.htm
● pages1418/forum-pages-histoire/mutilati ... htm#t80834
Et pour un exemple de réhabilitation posthume, à la demande de sa famille, d’un prétendu mutilé volontaire de la main,
Auguste Léon GONSARD, du
104e régiment d’infanterie, en garnison à Argentan
(Orne), originaire de Préaux-au-Perche
(Orne), condamné à mort le 18 mars 1915 et fusillé le lendemain, à Bussy-le-Chateau
(Marne),
V. Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 juin 1925 :
● Le Temps, n° 23.317, Dimanche 14 juin 1925, p. 3, en rubrique « Tribunaux ».
A noter qu’aux dates des 18 et 19 mars 1915, le
Journal des marches et opérations de ce régiment bas-normand, qui était commandé par un certain colonel
Martin depuis le 6 décembre 1914, ne comporte aucune mention de cette condamnation à la peine capitale et de l’exécution qui s’ensuivit
(V. Service historique de la défense, S.G.A. « Mémoire des hommes », Cote 26 N 675, p. num. 26). Et il semble que le médecin à l’origine de cette condamnation ait été un certain docteur
Alexis Buy.
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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Re: Exécution pour mutilation volontaire
Publié : lun. févr. 06, 2012 8:06 pm
par Eric Mansuy
Bonsoir,
"Comme il n'apparait pas dans la liste des MPF de Mémoire des Hommes, cela veut-il dire qu'il n'a pas été réhabilité par la suite ?" : non. Au moins trois fusillés, réhabilités en 1934, ne possèdent toujours pas de fiche avec mention "Mort pour la France".
Bien cordialement,
Eric Mansuy
Re: Exécution pour mutilation volontaire
Publié : lun. févr. 06, 2012 8:39 pm
par Rutilius
Bonsoir à tous,
Nécessaires mais utiles compléments :
● Le Mutilé de l’Algérie, n° 411, Dimanche 26 juillet 1925, p. 5.
● Le Mutilé de l’Algérie, n° 423, Dimanche 18 octobre 1925, p. 5.
— BUY Alexis François Martin, né le 14 mars 1858 à Limoux
(Aude) et décédé le 3 février 1935, sans doute à Paris.
Médecin principal de 2e classe à l’Hôpital militaire de Nancy. Admis d’office à faire valoir ses droits à la retraite pour ancienneté de service le 27 avril 1916. Officier de la Légion d’honneur
(Arr. 20 nov. 1914, pour prendre rang du même jour).
Base Léonore, Dossier LH/398/81 —> http://www.culture.gouv.fr/LH/LH031/PG/ ... 81v001.htm
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Bien amicalement à vous,
Daniel.
Re: Exécution pour mutilation volontaire
Publié : lun. févr. 06, 2012 10:11 pm
par marcel clement
Bonsoir,
Par la suite les médecins se sont montrés très prudents dans ce type de certificat qui équivalait à une condamnation à mort certaine.
Mais dans ce cas précis : un médecin principal de 2 ème classe = équivalent à l'époque de lieutenant colonel et vraisemblablement d'active ....
Pauvre soldat, il n'avait aucune chance d'échapper au peloton.
Amicalement,
Alain
Re: Exécution pour mutilation volontaire
Publié : mar. févr. 07, 2012 10:48 am
par ben60
Bonjour,
et merci pour vos explications et documents.
Cordialement
Re: Exécution pour mutilation volontaire
Publié : mar. févr. 07, 2012 11:20 am
par MP 92
Bonsoir,
Par la suite les médecins se sont montrés très prudents dans ce type de certificat qui équivalait à une condamnation à mort certaine.
Mais dans ce cas précis : un médecin principal de 2 ème classe = équivalent à l'époque de lieutenant colonel et vraisemblablement d'active ....
Pauvre soldat, il n'avait aucune chance d'échapper au peloton.
Amicalement,
Alain
Bonjour marcel clement, bonjour à tous,
Oui, le MP2 BUY est bien de l'active (assimilé au grade le Lt colonel). A la mobilisation il est nommé à la tête de l’hôp. "d’évacuation n°2, à dispo des armées" qui deviendra au 6/11/14 l'HOE 38.
(v. note rectificative à note n° 1594 : GQG/DA n° 1723 du 4/11/14 sur les hôp. d'évacuation supplémentaires en fonctionnement à CHALONS portera le n° 38 - b. 16N 2686 dos. 1 & 2 au SHD
Pour info:
-au 20/9/14, il sera nommé provisoirement pendant quelques jours comme CSSSA de l'éphémère IX° Ar. par le Gal DES,
-au 14/6/1915, il est nommé MD 126 et quitte l'HOE 38.
A son départ, il constate que l’HOE 38 a traité au total : 185.000 malades & blessés et évacués 125.865 militaires.
Cordialement,
Re: Exécution pour mutilation volontaire
Publié : dim. janv. 12, 2014 5:42 pm
par Rutilius
Bonsoir à tous,
Réformation de jugement rendu le 18 mars 1915 par le Conseil de guerre du Quartier général de la IVe armée ayant condamné Auguste Léon Louis GONSARD, du 104e Régiment d’infanterie, à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi sur la foi de la déclaration du docteur Alexis BUY, médecin à l'Hôpital d'évacuation n° 38 de Chalons-sur-Marne.
• Journal officiel du 24 juillet 1925, p. 6.950.
MINISTÈRE DE LA JUSTICE
COUR DE CASSATION
(12 juin 1925.)
Au nom du peuple français,
La Cour de cassation a rendu l'arrêt suivant :
Sur le réquisitoire de M. le procureur général près la Cour de cassation tendant à la réformation d’un jugement rendu le 18 mars 1915 par le Conseil de guerre du Quartier général de la IVe armée, qui a condamné Gonsard à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l’ennemi ;
La Cour.
Ouï M. le conseiller Th. Bourgeon, en son rapport, Me Hersant, avocat à la cour, en ses observations, et M. l’avocat général Bloch-Laroque, en ses conclusions ;
Vu le réquisitoire du procureur général près la Cour de cassation en date du 15 mai 1925, tendant à la réformation d’un jugement du Conseil de guerre du quartier général de la IVe armée, du 18 mars 1915, qui a condamné Gonsard (Auguste-Léon-Louis), cultivateur à Préaux (Orne), soldat réserviste au 104e Régiment d’infanterie, à la peine de mort, pour abandon de poste en présence de l’ennemi ;
Vu la lettre du Garde des sceaux, ministre de la Justice, en date du 23 janvier 1925, ordonnant de saisir la chambre des mises en accusation de la Cour d’appel d’Orléans d’un recours contre le jugement susénoncé ;
Vu l’arrêt du 9 mars 1925 par lequel la chambre des mises en accusation de la Cour d’appel d’Orléans, après avoir fait procéder à une information, a ordonné le renvoi de la procédure à la Chambre criminelle de la Cour de cassation ; vu toutes les pièces du dossier ; vu les conclusions de Me Hersant, avocat à la cour, déposées le 9 juin 1925, au nom de Gonsard (Édouard), et de dame Gonsard, veuve Tessier, frère et sœur du condamné ; vu l’article 20 de la loi du 29 avril 1921 prorogé par l’article unique de la loi du 6 juillet 1923 et modifié et complété par l’article 10 de la loi du 3 janvier 1925 ; vu les articles 446 du Code d’instruction criminelle et 213 du Code de justice militaire pour l’armée de terre ;
Déclare la demande de réformation recevable en la forme ;
Au Fond :
Attendu que Gonsard (Auguste-Léon-Louis), soldat réserviste au 104e Régiment d'infanterie, a, par jugement du Conseil de guerre du quartier général de la IVe armée, du 18 mars 1915, été déclaré « coupable d’avoir, le 28 février 1915, aux environs de Perthes-les-Hurlus, abandonné son poste en présence de l’ennemi » ; que, des pièces du dossier qui a servi de base à cette déclaration de culpabilité, il résulte que, parmi les blessés arrivés le 2 mars 1915, à l’hôpital d’évacuation n° 38 de Châlons-sur-Marne, à la suite des combats de Perthes-les-Hurlus, se trouvait le soldat réserviste Gonsard du 104e Régiment d’infanterie, atteint d’une plaie par balle à l’index de la main gauche ; qu’après examen de cette blessure, le docteur Buy, médecin chef de l’hôpital déclarait par un rapport : « qu’il estimait que cette plaie résultait d’un coup de feu tiré à bout portant » ;
Attendu qu’invité à s’expliquer sur les origines de sa blessure, Gonsard affirmait que, le 28 février, dans l’après-midi, il se trouvait dans une tranchée de première ligne, à une distance de soixante-dix mètres environ de l’ennemi ; qu’il rétablissait le créneau en partie démoli ; qu’en levant la main gauche, il avait reçu une balle ; que ses camarades pouvaient en témoigner ; que leurs noms étaient : Piednoir, qui lui avait fait le premier pansement, Derouan et Guérin, qui se trouvaient à ses côtés ; qu’il était allé au poste de secours et avait été évacué le soir même ;
Attendu que Gonsard était renvoyé, le 15 mars, devant le Conseil de guerre ; qu’il comparaissait le 18 ; que, ni le médecin chef Buy, ni les témoins désignés par l’accusé notaient entendus ; que les
notes d’audience se bornent à constater que Gonsard a reproduit les déclarations qu’il avait faites antérieurement et invoqué de nouveau le témoignage de ses camarades ; que, par trois voix contre deux, le Conseil de guerre le déclara coupable et le condamna à la peine de mort ; que, le 19 mars, à Bussy-le-Château, il était passé par les armes ;
Attendu que, du rapport du commandant de la compagnie, transmis, le 6 mars, par le colonel du 101e Régiment d’infanterie au commissaire rapporteur près le Conseil de guerre et de l’ensemble des enquêtes auxquelles il a été procédé dans la suite, il résulte, notamment des déclarations du chef de bataillon Béringer et des soldats Piednoir, Guérin et Guesdon, voisins de tranchée de Gonsard, que celui-ci était un bon soldat et qu'il avait été blessé d’une balle ennemie, en présence de ses camarades ;
Attendu qu’en cet état, la mutilation volontaire n’étant pas établie, la preuve du crime reproché à Gonsard n’est pas rapportée ;
Par ces motifs, réformant,
Annule le jugement du Conseil de guerre du Quartier général de la IVe armée du 18 mars 1915 qui a condamné le soldat réserviste Gonsard (Auguste-Léon-Louis), cultivateur à Préaux (Orne), à la peine de mort, pour abandon de poste en présence de l'ennemi ;
Décharge de cette condamnation la mémoire de Gonsard (Auguste-Léon-Louis) ;
Et, statuant sur les conclusions à fin de dommages-intérêts déposées par Me Hersant, avocat, en la cour, au nom de Gonsard (Édouard), cantonnier à la Madeleine, commune de Nocé (Orne), et de la dame Gonsard, veuve Tessier, demeurant à Préaux (Orne), frère et sœur de Gonsard (Auguste), qui n’a laissé ni conjoint, ni ascendants, ni descendants ;
Vu l’article 440 du Code d’instruction criminelle et l’article 20, paragraphe 7, de la loi du 29 avril 1921 ;
Attendu que les intervenants justifient d’un préjudice moral dont il leur est dû réparation ; que la cour a les éléments nécessaires pour fixer le montant de ce préjudice à 2.000 fr. pour chacun d’eux ;
Condamne l’État à payer une somme de 2.000 fr. à Gonsard (Édouard), cantonnier à Nocé (Orne), et une somme de 2.000 fr. à la dame Gonsard, veuve Tessier, demeurant à Préaux (Orne) ;
Ordonne que le présent arrêt sera imprimé ; qu'il sera transcrit sur les registres du Conseil de guerre du Quartier général de la IVe armée ; que mention en sera faite en marge du jugement infirmé ; que cet arrêt sera inséré au Journal officiel, publié et affiché dans les conditions déterminées par l’article 446, paragraphe 9, du Code d’instruction criminelle ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, Chambre criminelle, en son audience publique du 12 juin 1925.
Présents : MM. Leeherbonnier, président ; Bourgeon, rapporteur ; André Boulloche, Mercier, Paillot, Bourdon, Peyssonnié, Courfin, Depeiges, Thuriet et Le Marc'hadour, conseillers.
En conséquence, le Président de la République française mande et ordonne à tous huissiers sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution ;
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de première instance d’y tenir la main ;
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier.
Pour expédition conforme :
Le greffier en chef de la Cour de cassation,
Girodon.
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