Re: Carl Werner Telgé, mon tonton Teuton.
Publié : jeu. août 18, 2011 2:55 pm
Bonjour,
Un déménagement familial, une vieille boîte en fer blanc retrouvée au fond d’un placard et c’est une vie qui réapparait. À l’intérieur du coffret un livret militaire, un papier de naturalisation française daté de 1907, la notification d’une pension militaire accordée en 1925 et quelques photos prises en Allemagne, notamment de probables neveux en uniforme de la Wehrmacht. Pour l’un, Fritz Müller, est-il écrit au dos de la photo prise en 1941, puis une autre de lui sur un lit d’hôpital. Blessé au combat ? Très certainement… Pour l’autre, Karl Müller, sûrement le frangin, également en uniforme de l’armée allemande.
Curieux parcours que celui de Carl Werner Telgé, mon tonton Teuton, qui aurait dû faire la guerre de 14/18 avec un casque à pointe, mais qui, par les hasards de la vie, se retrouva Français. On ne sait que peu de choses sur lui si ce n’est qu’il naquit en 1876 à Brunswick et qu’il épousa ma tante Yvonne en 1912. Où se sont-ils rencontrés, à quelle occasion ? Nul ne sait. Il parait que Carl jouait merveilleusement bien du cornet à pistons, cet instrument de musique à vent de la famille des cuivres doux. Alors peut-être la rencontre entre les deux tourtereaux s’est elle produite à l’occasion d’une soirée bavaroise organisée par le comité des fêtes, bière et choucroute à volonté, dans la petite ville de Rochefort-sur-mer ? J’imagine Carl ce jour là, installé avec les autres musiciens dans le kiosque à musique de la place Colbert, jouant de sa petite trompette avec entrain. Tante Yvonne tombe immédiatement sous le charme de ce Saxon costumé du lederhose traditionnel, cette belle culotte en cuir de cerf dans les tons de noir, vert, marron et gris, munie de bretelles dorées qui dévoile les puissants mollets que Carl s’était forgé durant les longues marches dans le désert, du temps de la Légion étrangère.
_ Fous être très joulie, betite mat’moizelle ! Fous habiter chez vos barents ? avait-il susurré avant de l’entraîner dans une polka endiablée. Quelques mois plus tard, ils se mariaient.
C’avait certainement fait du bruit dans les chaumières ; Etienne, le père d’Yvonne, officier marinier, pilote de 1ère classe de La Flotte, décoré de la Légion d’honneur, du Mérite Maritime, de la Médaille Militaire et de la Médaille Commémorative de 1870-1871, n’aimait pas trop ces Prussiens qu’il avait encerclés avec la Marine de guerre française, lors du blocus de Wilhelmshaven. Mais bon, l’amour fut très certainement le plus fort, balayant les préjugés familiaux. Il fallut faire avec… !
Redevenons sérieux. Quel périple ! Le livret militaire de Carl indique un parcours mouvementé : négociant, ayant quitté l’Allemagne pour Maubeuge, dans le Nord, il est incorporé le 26 mai 1898, à l’âge de 22 ans, soldat de 2ème classe au 2ème régiment de la Légion étrangère. De 1898 à 1900, Carl est en Algérie, à Saïda. Une petite virée de cinq mois à Madagascar puis c’est le retour en Algérie, Mascara. Flanqué d’un Certificat de Bonne Conduite, il est nommé soldat de 1ère classe. De 1904 à 1905, baroud dans les régions sahariennes, Carl en reviendra avec la médaille coloniale, agrafe "Sahara". Retour en Algérie puis, par voie de changement de Corps, il quitte la Légion pour le 9ème Régiment d’infanterie coloniale, groupe de l’Indochine via le Tonkin pendant quatre ans. Là, il est nommé caporal mais bizarrement, sur sa demande, Carl demande à rester soldat de 1ère classe puis est nommé clairon-musicien! Ensuite il redescend les étages tel un garçon d’ascenseur, passant du 9ème au 7ème Régiment d’infanterie coloniale, puis du 4ème au 3ème, enfin au 1er Régiment d’infanterie coloniale et rez-de-chaussée avec retour en France. Campagne d’Allemagne du 2 août 1914 au 10 février 1919 "dans l’armée territoriale", est-il précisé, mais on ne sait pas dans quel régiment. Toujours est-il qu’on le retrouve en 1919 à La Rochelle, au dépôt démobilisateur du 123ème Régiment d’infanterie. Carrière militaire terminée, Carl et Yvonne s’installent ensuite à Rochefort-sur-Mer, 5 rue Renaudin. Carl donnera des cours de trompette et curieusement, fera partie de la Société Amicale du personnel de la Marine. Il parait que l’oncle Carl a très mal supporté la Seconde guerre mondiale. Il avait pris l’habitude d’aller s’asseoir tous les après-midi sur un banc de la place Colbert et là, en silence, écoutait les soldats allemands converser dans cette langue qu’il connaissait si bien, qui lui rappelait le pays de ses origines. C'était une petite pensée pour ce tonton Teuton que je n’ai pas connu, Carl Werner Telgé, qui s’est éteint en 1952, gardant pour lui tous ses mystères.
Quelques photos retrouvées au fond de la boîte en fer :
-Carl et Yvonne, vers la fin de sa vie. Dommage, aucune photo de Carl en uniforme…

-Fritz Müller, en uniforme de la Wehrmacht.

-Sur son lit d’hôpital.

-Karl Müller, un autre neveu ?

-Carl et sa sœur Anna, enfants, la photo est prise à Brunswick.

Un déménagement familial, une vieille boîte en fer blanc retrouvée au fond d’un placard et c’est une vie qui réapparait. À l’intérieur du coffret un livret militaire, un papier de naturalisation française daté de 1907, la notification d’une pension militaire accordée en 1925 et quelques photos prises en Allemagne, notamment de probables neveux en uniforme de la Wehrmacht. Pour l’un, Fritz Müller, est-il écrit au dos de la photo prise en 1941, puis une autre de lui sur un lit d’hôpital. Blessé au combat ? Très certainement… Pour l’autre, Karl Müller, sûrement le frangin, également en uniforme de l’armée allemande.
Curieux parcours que celui de Carl Werner Telgé, mon tonton Teuton, qui aurait dû faire la guerre de 14/18 avec un casque à pointe, mais qui, par les hasards de la vie, se retrouva Français. On ne sait que peu de choses sur lui si ce n’est qu’il naquit en 1876 à Brunswick et qu’il épousa ma tante Yvonne en 1912. Où se sont-ils rencontrés, à quelle occasion ? Nul ne sait. Il parait que Carl jouait merveilleusement bien du cornet à pistons, cet instrument de musique à vent de la famille des cuivres doux. Alors peut-être la rencontre entre les deux tourtereaux s’est elle produite à l’occasion d’une soirée bavaroise organisée par le comité des fêtes, bière et choucroute à volonté, dans la petite ville de Rochefort-sur-mer ? J’imagine Carl ce jour là, installé avec les autres musiciens dans le kiosque à musique de la place Colbert, jouant de sa petite trompette avec entrain. Tante Yvonne tombe immédiatement sous le charme de ce Saxon costumé du lederhose traditionnel, cette belle culotte en cuir de cerf dans les tons de noir, vert, marron et gris, munie de bretelles dorées qui dévoile les puissants mollets que Carl s’était forgé durant les longues marches dans le désert, du temps de la Légion étrangère.
_ Fous être très joulie, betite mat’moizelle ! Fous habiter chez vos barents ? avait-il susurré avant de l’entraîner dans une polka endiablée. Quelques mois plus tard, ils se mariaient.
C’avait certainement fait du bruit dans les chaumières ; Etienne, le père d’Yvonne, officier marinier, pilote de 1ère classe de La Flotte, décoré de la Légion d’honneur, du Mérite Maritime, de la Médaille Militaire et de la Médaille Commémorative de 1870-1871, n’aimait pas trop ces Prussiens qu’il avait encerclés avec la Marine de guerre française, lors du blocus de Wilhelmshaven. Mais bon, l’amour fut très certainement le plus fort, balayant les préjugés familiaux. Il fallut faire avec… !
Redevenons sérieux. Quel périple ! Le livret militaire de Carl indique un parcours mouvementé : négociant, ayant quitté l’Allemagne pour Maubeuge, dans le Nord, il est incorporé le 26 mai 1898, à l’âge de 22 ans, soldat de 2ème classe au 2ème régiment de la Légion étrangère. De 1898 à 1900, Carl est en Algérie, à Saïda. Une petite virée de cinq mois à Madagascar puis c’est le retour en Algérie, Mascara. Flanqué d’un Certificat de Bonne Conduite, il est nommé soldat de 1ère classe. De 1904 à 1905, baroud dans les régions sahariennes, Carl en reviendra avec la médaille coloniale, agrafe "Sahara". Retour en Algérie puis, par voie de changement de Corps, il quitte la Légion pour le 9ème Régiment d’infanterie coloniale, groupe de l’Indochine via le Tonkin pendant quatre ans. Là, il est nommé caporal mais bizarrement, sur sa demande, Carl demande à rester soldat de 1ère classe puis est nommé clairon-musicien! Ensuite il redescend les étages tel un garçon d’ascenseur, passant du 9ème au 7ème Régiment d’infanterie coloniale, puis du 4ème au 3ème, enfin au 1er Régiment d’infanterie coloniale et rez-de-chaussée avec retour en France. Campagne d’Allemagne du 2 août 1914 au 10 février 1919 "dans l’armée territoriale", est-il précisé, mais on ne sait pas dans quel régiment. Toujours est-il qu’on le retrouve en 1919 à La Rochelle, au dépôt démobilisateur du 123ème Régiment d’infanterie. Carrière militaire terminée, Carl et Yvonne s’installent ensuite à Rochefort-sur-Mer, 5 rue Renaudin. Carl donnera des cours de trompette et curieusement, fera partie de la Société Amicale du personnel de la Marine. Il parait que l’oncle Carl a très mal supporté la Seconde guerre mondiale. Il avait pris l’habitude d’aller s’asseoir tous les après-midi sur un banc de la place Colbert et là, en silence, écoutait les soldats allemands converser dans cette langue qu’il connaissait si bien, qui lui rappelait le pays de ses origines. C'était une petite pensée pour ce tonton Teuton que je n’ai pas connu, Carl Werner Telgé, qui s’est éteint en 1952, gardant pour lui tous ses mystères.
Quelques photos retrouvées au fond de la boîte en fer :
-Carl et Yvonne, vers la fin de sa vie. Dommage, aucune photo de Carl en uniforme…

-Fritz Müller, en uniforme de la Wehrmacht.

-Sur son lit d’hôpital.

-Karl Müller, un autre neveu ?

-Carl et sa sœur Anna, enfants, la photo est prise à Brunswick.
