Re: Pieds gelés ou mal irrigués ?
Publié : sam. juil. 02, 2005 12:50 am
Bonsoir à tous,
Dans la même veine que vos documents et témoignages, voici une note de service contemporaine (janvier 1915) éditée par l'Etat-Major du 6e Corps d'Armée, et relayée par le Commandant du 26e BCP;
le Bataillon opérait alors à Ranzières et l'Etat-Major du 6e CA était établi à Dieue-sur-Meuse.
Cette note de service à été recopiée de façon manuscrite par le secrétaire du Commandant, et dupliquée à la pâte à polycopier pour être diffusée aux chefs de sections.
6e Corps d’Armée
Etat-Major
1er Bureau
593/537
Q.G. de Dieue, le janvier 1915
NOTE
Sur les accidents causés par le froid
La période de pluie que nous traversons depuis quelques temps, semble avoir mis fin aux accidents généraux causés par le froid, mais on continue à observer encore des accidents locaux, portant uniquement sur les extrémités des membres inférieurs et consistant en gelures des orteils ainsi qu’en troubles de la circulation, déterminant du gonflement des pieds, voire même de la jambe.
L’interrogatoire des militaires atteints, montre nettement que les recommandations faites précédemment en vue de prévenir ces accidents ne sont pas suffisamment observées. On constate encore des cas de gelures et de gonflement des pieds. Ces accidents tiennent exclusivement à la non observation des recommandations faites à cet égard.
Il y a donc lieu d’insister à nouveau sur les mesures de prophylaxie qui s’imposent. Leur application doit faire l’objet d’une surveillance spéciale de la part du commandement et du service médical des Corps de Troupe qui sont directement responsables des accidents survenus. Mais il convient également d’agir par persuasion, en s’efforçant de convaincre les hommes de l’intérêt particulier que présentent pour eux les précautions suivantes dont la mise en pratique est à retenir.
Chaussures.- Elles doivent être en bon état d’entretien et rendues autant que possible imperméables par des graissages soigneux et fréquemment répétés.
Chaussettes.- Nécessité de faire porter des chaussettes. Celles-ci seront de préférence en laine ; à défaut, conseiller la « chaussette russe » qui a fait ses preuves.
Doubles semelles.- Dans le but d’atténuer la sensation du froid humide que présentent les chaussures lorsqu’elles ne sont pas suffisamment sèches, placer à leur intérieur une double semelle. Les meilleures sont en liège. Il en existe aussi en paille tressée, en cuir, en peau, en carton… Mais on peut utiliser plus simplement des semelles de papier faites d’un papier spécial ou même de fragments de journaux découpés en plusieurs doubles, suivant une forme convenable pour épouser celle de la chaussure, sans faire de plis gênants.
Graissage des pieds.- Enduit par un corps gras, l’épiderme ne se laisse plus imprégner par l’eau. Le graissage du pied constitue donc une excellente mesure ; mais, pour donner de bons résultats, le graissage doit être fait largement, et non sous forme d’une simple onction. Il faut enduire en quelque sorte, les orteils d’une couche de graisse qu’on étale également sur le reste du pied.
Un bon moyen pratique emprunté aux anciennes armées, consiste à immerger les chaussettes de laine ou les chaussettes russes dans un bain de graisse fondue et à les revêtir après refroidissement. Lors de la relève on prend au cantonnement, pendant le repos, les soins de propreté nécessaires.
Une graisse spéciale est préparée par les soins du service de santé. Un dépôt est constitué à Dieue, au Groupe de Brancardiers de Corps, où les diverses unités peuvent faire prendre les quantités qui leur sont nécessaires, mais à la condition de remettre en échange des récipients vides et nettoyés.
Ces indications ont déjà été données par la voie du rapport. La faible proportion des parties prenantes témoigne du peu d’empressement apporté par les Corps qui méconnaissent la valeur de cette mesure si simple et pourtant si efficace.
Le Général Cdt le 6e Corps d’Armée prescrit d’une façon formelle aux Chefs de Corps et aux Comts d’unités de veiller à ce que cette graisse soit touchée et employée.
Traitement.- Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il faut se garder d’exposer immédiatement à la chaleur les parties du corps qui viennent d’être atteintes de gelures. Ce faisant, on s’exposerait à compromettre définitivement la vitalité des tissus et en cas d’accidents généraux, on pourrait provoquer une issue fatale. C’est à l’aide de moyens mécaniques seuls qu’il faut s’efforcer de rétablir le cours de la circulation. A cet effet, on doit recommander les frictions sèches, les frictions avec un linge imbibé d’eau froide, ou même, le cas échéant, avec de la neige. Ce n’est qu’ultérieurement, qu’on sera autorisé à recourir aux lotions tièdes d’abord, chaudes ensuite.
Les précautions qui précèdent doivent être complétées par d’autres, d’ordre plus général, visant l’alimentation.
Pendant la période des grands froids, il convient, dans la composition des menus, d’attribuer une large part aux matières grasses (beurre, huile, rillettes, jambon, lard, sardines), en remplacement d’une partie de la viande journellement distribuée.
Le Général Comt le 6e Corps d’Armée
P.O. le Chef d’Etat-Major
Signé : Ferradini
Pour copie conforme,
Le 22 janvier 1915
Chef de Bataillon Servagnat, Ct le 26e Chasseurs.
à bientôt,
Frédéric Avenel
Dans la même veine que vos documents et témoignages, voici une note de service contemporaine (janvier 1915) éditée par l'Etat-Major du 6e Corps d'Armée, et relayée par le Commandant du 26e BCP;
le Bataillon opérait alors à Ranzières et l'Etat-Major du 6e CA était établi à Dieue-sur-Meuse.
Cette note de service à été recopiée de façon manuscrite par le secrétaire du Commandant, et dupliquée à la pâte à polycopier pour être diffusée aux chefs de sections.
6e Corps d’Armée
Etat-Major
1er Bureau
593/537
Q.G. de Dieue, le janvier 1915
NOTE
Sur les accidents causés par le froid
La période de pluie que nous traversons depuis quelques temps, semble avoir mis fin aux accidents généraux causés par le froid, mais on continue à observer encore des accidents locaux, portant uniquement sur les extrémités des membres inférieurs et consistant en gelures des orteils ainsi qu’en troubles de la circulation, déterminant du gonflement des pieds, voire même de la jambe.
L’interrogatoire des militaires atteints, montre nettement que les recommandations faites précédemment en vue de prévenir ces accidents ne sont pas suffisamment observées. On constate encore des cas de gelures et de gonflement des pieds. Ces accidents tiennent exclusivement à la non observation des recommandations faites à cet égard.
Il y a donc lieu d’insister à nouveau sur les mesures de prophylaxie qui s’imposent. Leur application doit faire l’objet d’une surveillance spéciale de la part du commandement et du service médical des Corps de Troupe qui sont directement responsables des accidents survenus. Mais il convient également d’agir par persuasion, en s’efforçant de convaincre les hommes de l’intérêt particulier que présentent pour eux les précautions suivantes dont la mise en pratique est à retenir.
Chaussures.- Elles doivent être en bon état d’entretien et rendues autant que possible imperméables par des graissages soigneux et fréquemment répétés.
Chaussettes.- Nécessité de faire porter des chaussettes. Celles-ci seront de préférence en laine ; à défaut, conseiller la « chaussette russe » qui a fait ses preuves.
Doubles semelles.- Dans le but d’atténuer la sensation du froid humide que présentent les chaussures lorsqu’elles ne sont pas suffisamment sèches, placer à leur intérieur une double semelle. Les meilleures sont en liège. Il en existe aussi en paille tressée, en cuir, en peau, en carton… Mais on peut utiliser plus simplement des semelles de papier faites d’un papier spécial ou même de fragments de journaux découpés en plusieurs doubles, suivant une forme convenable pour épouser celle de la chaussure, sans faire de plis gênants.
Graissage des pieds.- Enduit par un corps gras, l’épiderme ne se laisse plus imprégner par l’eau. Le graissage du pied constitue donc une excellente mesure ; mais, pour donner de bons résultats, le graissage doit être fait largement, et non sous forme d’une simple onction. Il faut enduire en quelque sorte, les orteils d’une couche de graisse qu’on étale également sur le reste du pied.
Un bon moyen pratique emprunté aux anciennes armées, consiste à immerger les chaussettes de laine ou les chaussettes russes dans un bain de graisse fondue et à les revêtir après refroidissement. Lors de la relève on prend au cantonnement, pendant le repos, les soins de propreté nécessaires.
Une graisse spéciale est préparée par les soins du service de santé. Un dépôt est constitué à Dieue, au Groupe de Brancardiers de Corps, où les diverses unités peuvent faire prendre les quantités qui leur sont nécessaires, mais à la condition de remettre en échange des récipients vides et nettoyés.
Ces indications ont déjà été données par la voie du rapport. La faible proportion des parties prenantes témoigne du peu d’empressement apporté par les Corps qui méconnaissent la valeur de cette mesure si simple et pourtant si efficace.
Le Général Cdt le 6e Corps d’Armée prescrit d’une façon formelle aux Chefs de Corps et aux Comts d’unités de veiller à ce que cette graisse soit touchée et employée.
Traitement.- Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il faut se garder d’exposer immédiatement à la chaleur les parties du corps qui viennent d’être atteintes de gelures. Ce faisant, on s’exposerait à compromettre définitivement la vitalité des tissus et en cas d’accidents généraux, on pourrait provoquer une issue fatale. C’est à l’aide de moyens mécaniques seuls qu’il faut s’efforcer de rétablir le cours de la circulation. A cet effet, on doit recommander les frictions sèches, les frictions avec un linge imbibé d’eau froide, ou même, le cas échéant, avec de la neige. Ce n’est qu’ultérieurement, qu’on sera autorisé à recourir aux lotions tièdes d’abord, chaudes ensuite.
Les précautions qui précèdent doivent être complétées par d’autres, d’ordre plus général, visant l’alimentation.
Pendant la période des grands froids, il convient, dans la composition des menus, d’attribuer une large part aux matières grasses (beurre, huile, rillettes, jambon, lard, sardines), en remplacement d’une partie de la viande journellement distribuée.
Le Général Comt le 6e Corps d’Armée
P.O. le Chef d’Etat-Major
Signé : Ferradini
Pour copie conforme,
Le 22 janvier 1915
Chef de Bataillon Servagnat, Ct le 26e Chasseurs.
à bientôt,
Frédéric Avenel