Re: Combien de soldats fusillés ou abattus sans jugement.
Publié : ven. janv. 24, 2014 4:38 pm
Bonjour à toutes et tous.
Je reprends sous ce nouveau titre la suite du titre : Liste des morts du 4e BCP.
Voici le témoignage du MdL Sartel du 14e Dragons, Journal de route, écrit en 1922-23, et dédié à ses proches qui ne l’ont pas oublié dans la tourmente. Ce journal est constitué d’après un recueil de notes prises au jour le jour, au front, de documents conservés et de souvenirs. Sartel dit avoir écrit cela sans prétention littéraire et s’être soucié de rapporter exactement les évènements qui se sont déroulés autour de lui, et les faits dont il a été le témoin, à sa modeste place dans le rang.
Sartel, est originaire de St Genis Laval près d Oullins dans la Rhône. Dans son journal, il ne donne que les noms des personnes, jamais les prénoms, même le sien. Le Maréchal des logis Sartel finira la guerre, sur une auto-canon construite par Peugeot. Il a du faire carrière dans l’armée car une photo le montre sous un uniforme de capitaine en 1939. Les 2 volumes magnifiques de ce mémoire, ont été achetés aux puces et sont la propriété d’une association. Ce témoignage révèle plusieurs cas d’exécutions arbitraires.
Transcription partielle du journal de Sartel.
11 octobre 1914. …L’ennemi bombarde le village, l’escadron s’abrite tant bien que mal dans ce qui reste des maisons. Tous les toits sont ajourés par les éclats, tuiles, pans de murs dégringolent sous le fracas des obus. Dans l’église quelque peu démolie, où je me rends en courbant l’échine, est installé un commandant d’infanterie, le Chef de bataillon Pompey du 146e d’infanterie qui n’a pas l’air commode….Cà et là des agents de liaison, du 3e escadron du régiment, du 79e d’infanterie, du 4e Bataillon de chasseurs à pied, qui comme moi attendent les ordres. A coté de moi un caporal du 4e chasseurs à pied s’est saoulé à ne pas tenir debout, dans une des nombreuses caves bien fournies du village. Le commandant Pompey le menace de le faire fusiller….
12 octobre 1914. A 1 heure ½,la canonnade et la fusillade redoublent. On contre-attaque Hannescamps, village situé à un ou deux kms au sud-est de Brinvillers, qui a été pris par l’ennemi le 10…..5 heures ! On me donne un pli pour l’escadron. Je pars, tantôt à plat ventre, tantôt courbé en deux me faufilant le long des maisons…..Je rencontre du 4e chasseurs à pied qui ramenent une mitrailleuse ennemie et une vingtaine de prisonniers du 4e d’infanterie de la garde prussienne dont un officier, de beaux gars qui n’ont pas l’air de vouloir se faire emmener docilement, surtout l’officier…..C’est ça, une mitrailleuse Maxim !.....Je suis à la tête de l’escadron, que je conduis à la position reconnue la nuit….A travers les rues désertes et sombres, silencieux, en ligne par un, nous défilons le long des murs ébréchés. Des balles en enfilade, balaient les rues avec rage, il pleut des pierres, des débris de tuiles. « En tirailleurs ! A cinq pas »…..Le jour pointe, mon front est couvert de sueur. Une violente détonation, plus proche que les autres, devant nous, à 3 ou 4 mètres nous ébranle et nous envahit de fumée noire. Au moment même où je me protège la tête de mes 2 bras, je suis blessé au poignet droit. C’est une secousse d’émotion. Ca saigne comme si j’avais la main coupée. Ce n’est pourtant qu’une égratignure sans gravité. Un petit éclat m’a labouré et brûlé sur 2 ou 3 centimètres, à la base de la main droite. Après m’être fait panser à une ambulance du 79e, installée dans une cave à la lisière du village de Brinvillers ou plusieurs fantassins blessés à la tête agonisent, je rejoins le peloton…… J’ai appris, au poste de secours, de la bouche même de l’infirmier qui m’a pansé que le caporal du 4e chasseurs, ivre hier soir à l’église, avait été fusillé au jour, malgré ses supplications ; il était père de 2 enfants. Pauvre diable ! Sa petite satisfaction lui a coûté cher. Pour moi il avait du se rendre coupable d’une faute plus grave que de s’être saoulé. Le médecin du 79e, en m’établissant une petite fiche, attestant le pansement qui m’avait été fait à son ambulance, en avait les larmes aux yeux……
Un capitaine, de je ne sais quel régiment d’infanterie territoriale, vient de passer aussi droit que las autres sont courbés. Il a les yeux hagards, l’air déprimé. Il me semble reconnaître le capitaine d’infanterie que le commandant Pompey voulait faire fusiller la nuit dernière ; il avait quitté les lignes et ne savait ou se trouvait sa compagnie. Il fait peut-être partie des 2 régiments territoriaux, le 14e et le 15e de la région, qui ont, dit-on lâché pied à Monchy-aux-bois, le 9 octobre…..Les chasseurs n’ont pu encore dégager Hannescamps, qui flamboie dans le ciel comme une torche, à qqs centaines de mètres de nous. Nous revenons dans la nuit au village de Brinvillers ou faute d’approvisionnement, car notre maigre repas froid est mangé depuis longtemps, nous dégustons d’abondantes provisions laissées par les habitants. Les caves surtout regorgent de bons vins vieux, d’alcools de liqueurs. Le commandant Pompey, s’étonnait de voir certains de ses agents de liaison, ivre-morts ; je n’en suis pas surpris, car il n’ya que l’embarras du choix……
13 octobre 1914. On quitte Brinvillers à l’aube….L’escadron de 80 à 90 combattants se rassemble à la sortie du village et se porte, par peloton sur le versant d’une colline à gauche d’une route qui va parait-il à Monchy-aux-bois occupé par les boches….Nous utilisons le moindre élément de tranchée, le plus petit trou d’obus….les éclats grognent au dessus de nos têtes…..Après qqs minutes de fièvre le calme renait, nous allons occuper un peu avant de Brinvillers, près de Berles-aux-bois, une tranchée que le génie a construit pendant la nuit. Des fantassins territoriaux, officiers, sous officiers et hommes descendent par groupes de la route de Monchy. On dit que l’ennemi attaque. Le capitaine Flavigny qui vient d’arriver près de nous se porte au-devant d’eux et en interpelle quelques-uns qui font demi-tour, puis il fait placer un peloton de dragons en travers de la route avec mission de tirer sur ceux qui se représenteraient. Ce sont des fuyards ! Baconnier affirme avoir vu hier soir, devant l’église de Brinvillers, le commandant Pompey abattre sauvagement d’un coup de révolver, un fantassin qui avait quitté les lignes…….Dans un enfer pareil, les chefs devraient avoir un peu d’indulgence pour une minute d’égarement, de leurs subordonnés……
Le bombardement ne fait qu’augmenter. A 3 ou 4 mètres de la tranchée vient de tomber une rafale de gros obus de tous calibres…. Nous sommes couverts de terre et de pierres…..Satanée boue, on ne peut s’en dépêtrer. Elle se colle aux sous-pieds et aux brides d’éperons et nous paralyse les mouvements. Les carabines en sont enduites, on a de la difficulté pour manœuvrer la culasse. Que sera-ce s’il faut encore tirer ? Nous sommes de véritables blocs de boue. Les 1er et 2e escadrons sont venus avec leurs lances. Il parait qu’un demi-régiment du 11e Dragons a contre-attaqué Monchy le 10, la lance à la main. Ils auraient eu de grosses pertes. Pas un officier ne serait revenu. Il ne serait rentré qu’un sous-officier blessé et qqs dragons…..Nous devenons de véritables fantassins. Ce n’est peut-être que momentané et la guerre à cheval pour laquelle nous avons été réellement préparés n’est pas finie pour nous.
La relation de ces évènements dramatiques, passés la plupart du temps, sous silence dans les JMO, méritait qu’on s’y intéresse, après la sortie du livre de Mathieu et mon esprit enquêteur voulait en savoir plus. Evidemment ni le JMO du 4e BCP, ni celui du 146e du commandant Pompey n’en faisaient état. Restait donc à trouver la liste des morts du 4e BCP. Grâce au secours de Gilles Roland, j’ai pu dénicher cette liste pour cibler les 153 caporaux et rechercher parmi eux, celui qui était MPLF le 12 octobre 1914, parmi les 14 morts déclarés le 13 octobre, en espérant qu’il n’y en ait pas 2 ou 3 ce qui compliquerait sérieusement les choses.
En fait j’ai trouvé 4 caporaux, déclarés morts le 13 octobre 1914, parmi 14 tués suite au décompte fait ce jour là le soir, après la bataille de Hannescamps. En effet sur le JMO, du 4e BCP, aux dates des 8, 9, 10, 11, 12, et 13, l’effectif Troupe est de 1196. Aux dates des 14, 15, 16, l’effectif est de 984. Il repasse à 986 le 18 soit un déficit de 210, morts, blessés et disparus, pour cette bataille.
J’avais l’espoir de découvrir, parmi les 153 caporaux tués pendant toute la guerre, le fusillé du 12 octobre. J’ai recensé 143 caporaux ; 10 restant introuvables, malgré les essais d’orthographes différentes et la recherche en 2e prénom. Peut-être est-il dans ces 10 ? J’en ai trouvé 4, ayant perdu la vie le 13, parmi les 14 morts du recensement du 13 au soir
Parmi ces 4, 3 sont dits, Tués à l’ennemi : ce sont Boulogne Henri, Carpentier Roger et Changeux Charles. Le 4e Bournazaud Emile est dit, Disparu à l’ennemi. Est-il le fusillé du 12 octobre. On peut imaginer que dans le contexte de la bataille qui se prépare, à partir du 11 et qui est très engagée le 13, le fusillé du 12 ait été inhumé à Brinvillers-aux- Bois, de la façon la plus sobre et discrète. On peut aussi penser que la communication de l’évènement n’ait pas été faite auprès du 4e BCP. Et que le décompte de l’effectif des 13 et 14, fasse un bilan général des pertes de la semaine
On remarquera, que le Commandant Pompey sur le terrain ne s’embarrassait pas de scrupules pour respecter la forme et le droit.
J’ai assisté vendredi dernier, à une conférence sur la prévôté en période 14-18, donnée par le Général de gendarmerie Gérard Déanaz. Sujet très intéressant et je me suis permis de lui demander si les JMO de la Prévôté pouvaient contenir des informations, intéressant les unités. Il m’a répondu que dans tous les cas soldats et prévôts étant tous des militaires, la hiérarchie était respectée et que ce n’était pas un sous-officier ou lieutenant prévôt qui pouvait en imposer à un officier supérieur. D’autre part, les JMO ne rendaient compte que des actions de ces derniers. Donc le commandant Pompey était libre de ses actes.
On peut se rendre compte que l’extension du front, en 1914 vers le nord et la mer, a posé le problème de l’occupation du front. On a du faire appel aux Territoriaux et aux Dragons et Cuirassiers démontés, encombrés de tout leur harnachement. Quel enfer pour ces cavaliers !
Ces faits de justice expéditive ont du être nombreux au début de la guerre et l’encadrement a du avoir beaucoup de difficultés à faire respecter les consignes, sous le déluge des bombardements démentiels que l’on ne pouvait imaginer lors de la mobilisation. Ces bombardements ont sapé le moral de la troupe et ils sont la cause, au début de la guerre, sous l’emprise de la peur et le manque de protections, des fuites vers l’arrière.
Qui pourra trouver le nom de ce pauvre diable, père de 2 gosses qui a picolé pour tuer sa peur et qui en a été victime.
Cordialement à tous.
Francis.
Je reprends sous ce nouveau titre la suite du titre : Liste des morts du 4e BCP.
Voici le témoignage du MdL Sartel du 14e Dragons, Journal de route, écrit en 1922-23, et dédié à ses proches qui ne l’ont pas oublié dans la tourmente. Ce journal est constitué d’après un recueil de notes prises au jour le jour, au front, de documents conservés et de souvenirs. Sartel dit avoir écrit cela sans prétention littéraire et s’être soucié de rapporter exactement les évènements qui se sont déroulés autour de lui, et les faits dont il a été le témoin, à sa modeste place dans le rang.
Sartel, est originaire de St Genis Laval près d Oullins dans la Rhône. Dans son journal, il ne donne que les noms des personnes, jamais les prénoms, même le sien. Le Maréchal des logis Sartel finira la guerre, sur une auto-canon construite par Peugeot. Il a du faire carrière dans l’armée car une photo le montre sous un uniforme de capitaine en 1939. Les 2 volumes magnifiques de ce mémoire, ont été achetés aux puces et sont la propriété d’une association. Ce témoignage révèle plusieurs cas d’exécutions arbitraires.
Transcription partielle du journal de Sartel.
11 octobre 1914. …L’ennemi bombarde le village, l’escadron s’abrite tant bien que mal dans ce qui reste des maisons. Tous les toits sont ajourés par les éclats, tuiles, pans de murs dégringolent sous le fracas des obus. Dans l’église quelque peu démolie, où je me rends en courbant l’échine, est installé un commandant d’infanterie, le Chef de bataillon Pompey du 146e d’infanterie qui n’a pas l’air commode….Cà et là des agents de liaison, du 3e escadron du régiment, du 79e d’infanterie, du 4e Bataillon de chasseurs à pied, qui comme moi attendent les ordres. A coté de moi un caporal du 4e chasseurs à pied s’est saoulé à ne pas tenir debout, dans une des nombreuses caves bien fournies du village. Le commandant Pompey le menace de le faire fusiller….
12 octobre 1914. A 1 heure ½,la canonnade et la fusillade redoublent. On contre-attaque Hannescamps, village situé à un ou deux kms au sud-est de Brinvillers, qui a été pris par l’ennemi le 10…..5 heures ! On me donne un pli pour l’escadron. Je pars, tantôt à plat ventre, tantôt courbé en deux me faufilant le long des maisons…..Je rencontre du 4e chasseurs à pied qui ramenent une mitrailleuse ennemie et une vingtaine de prisonniers du 4e d’infanterie de la garde prussienne dont un officier, de beaux gars qui n’ont pas l’air de vouloir se faire emmener docilement, surtout l’officier…..C’est ça, une mitrailleuse Maxim !.....Je suis à la tête de l’escadron, que je conduis à la position reconnue la nuit….A travers les rues désertes et sombres, silencieux, en ligne par un, nous défilons le long des murs ébréchés. Des balles en enfilade, balaient les rues avec rage, il pleut des pierres, des débris de tuiles. « En tirailleurs ! A cinq pas »…..Le jour pointe, mon front est couvert de sueur. Une violente détonation, plus proche que les autres, devant nous, à 3 ou 4 mètres nous ébranle et nous envahit de fumée noire. Au moment même où je me protège la tête de mes 2 bras, je suis blessé au poignet droit. C’est une secousse d’émotion. Ca saigne comme si j’avais la main coupée. Ce n’est pourtant qu’une égratignure sans gravité. Un petit éclat m’a labouré et brûlé sur 2 ou 3 centimètres, à la base de la main droite. Après m’être fait panser à une ambulance du 79e, installée dans une cave à la lisière du village de Brinvillers ou plusieurs fantassins blessés à la tête agonisent, je rejoins le peloton…… J’ai appris, au poste de secours, de la bouche même de l’infirmier qui m’a pansé que le caporal du 4e chasseurs, ivre hier soir à l’église, avait été fusillé au jour, malgré ses supplications ; il était père de 2 enfants. Pauvre diable ! Sa petite satisfaction lui a coûté cher. Pour moi il avait du se rendre coupable d’une faute plus grave que de s’être saoulé. Le médecin du 79e, en m’établissant une petite fiche, attestant le pansement qui m’avait été fait à son ambulance, en avait les larmes aux yeux……
Un capitaine, de je ne sais quel régiment d’infanterie territoriale, vient de passer aussi droit que las autres sont courbés. Il a les yeux hagards, l’air déprimé. Il me semble reconnaître le capitaine d’infanterie que le commandant Pompey voulait faire fusiller la nuit dernière ; il avait quitté les lignes et ne savait ou se trouvait sa compagnie. Il fait peut-être partie des 2 régiments territoriaux, le 14e et le 15e de la région, qui ont, dit-on lâché pied à Monchy-aux-bois, le 9 octobre…..Les chasseurs n’ont pu encore dégager Hannescamps, qui flamboie dans le ciel comme une torche, à qqs centaines de mètres de nous. Nous revenons dans la nuit au village de Brinvillers ou faute d’approvisionnement, car notre maigre repas froid est mangé depuis longtemps, nous dégustons d’abondantes provisions laissées par les habitants. Les caves surtout regorgent de bons vins vieux, d’alcools de liqueurs. Le commandant Pompey, s’étonnait de voir certains de ses agents de liaison, ivre-morts ; je n’en suis pas surpris, car il n’ya que l’embarras du choix……
13 octobre 1914. On quitte Brinvillers à l’aube….L’escadron de 80 à 90 combattants se rassemble à la sortie du village et se porte, par peloton sur le versant d’une colline à gauche d’une route qui va parait-il à Monchy-aux-bois occupé par les boches….Nous utilisons le moindre élément de tranchée, le plus petit trou d’obus….les éclats grognent au dessus de nos têtes…..Après qqs minutes de fièvre le calme renait, nous allons occuper un peu avant de Brinvillers, près de Berles-aux-bois, une tranchée que le génie a construit pendant la nuit. Des fantassins territoriaux, officiers, sous officiers et hommes descendent par groupes de la route de Monchy. On dit que l’ennemi attaque. Le capitaine Flavigny qui vient d’arriver près de nous se porte au-devant d’eux et en interpelle quelques-uns qui font demi-tour, puis il fait placer un peloton de dragons en travers de la route avec mission de tirer sur ceux qui se représenteraient. Ce sont des fuyards ! Baconnier affirme avoir vu hier soir, devant l’église de Brinvillers, le commandant Pompey abattre sauvagement d’un coup de révolver, un fantassin qui avait quitté les lignes…….Dans un enfer pareil, les chefs devraient avoir un peu d’indulgence pour une minute d’égarement, de leurs subordonnés……
Le bombardement ne fait qu’augmenter. A 3 ou 4 mètres de la tranchée vient de tomber une rafale de gros obus de tous calibres…. Nous sommes couverts de terre et de pierres…..Satanée boue, on ne peut s’en dépêtrer. Elle se colle aux sous-pieds et aux brides d’éperons et nous paralyse les mouvements. Les carabines en sont enduites, on a de la difficulté pour manœuvrer la culasse. Que sera-ce s’il faut encore tirer ? Nous sommes de véritables blocs de boue. Les 1er et 2e escadrons sont venus avec leurs lances. Il parait qu’un demi-régiment du 11e Dragons a contre-attaqué Monchy le 10, la lance à la main. Ils auraient eu de grosses pertes. Pas un officier ne serait revenu. Il ne serait rentré qu’un sous-officier blessé et qqs dragons…..Nous devenons de véritables fantassins. Ce n’est peut-être que momentané et la guerre à cheval pour laquelle nous avons été réellement préparés n’est pas finie pour nous.
La relation de ces évènements dramatiques, passés la plupart du temps, sous silence dans les JMO, méritait qu’on s’y intéresse, après la sortie du livre de Mathieu et mon esprit enquêteur voulait en savoir plus. Evidemment ni le JMO du 4e BCP, ni celui du 146e du commandant Pompey n’en faisaient état. Restait donc à trouver la liste des morts du 4e BCP. Grâce au secours de Gilles Roland, j’ai pu dénicher cette liste pour cibler les 153 caporaux et rechercher parmi eux, celui qui était MPLF le 12 octobre 1914, parmi les 14 morts déclarés le 13 octobre, en espérant qu’il n’y en ait pas 2 ou 3 ce qui compliquerait sérieusement les choses.
En fait j’ai trouvé 4 caporaux, déclarés morts le 13 octobre 1914, parmi 14 tués suite au décompte fait ce jour là le soir, après la bataille de Hannescamps. En effet sur le JMO, du 4e BCP, aux dates des 8, 9, 10, 11, 12, et 13, l’effectif Troupe est de 1196. Aux dates des 14, 15, 16, l’effectif est de 984. Il repasse à 986 le 18 soit un déficit de 210, morts, blessés et disparus, pour cette bataille.
J’avais l’espoir de découvrir, parmi les 153 caporaux tués pendant toute la guerre, le fusillé du 12 octobre. J’ai recensé 143 caporaux ; 10 restant introuvables, malgré les essais d’orthographes différentes et la recherche en 2e prénom. Peut-être est-il dans ces 10 ? J’en ai trouvé 4, ayant perdu la vie le 13, parmi les 14 morts du recensement du 13 au soir
Parmi ces 4, 3 sont dits, Tués à l’ennemi : ce sont Boulogne Henri, Carpentier Roger et Changeux Charles. Le 4e Bournazaud Emile est dit, Disparu à l’ennemi. Est-il le fusillé du 12 octobre. On peut imaginer que dans le contexte de la bataille qui se prépare, à partir du 11 et qui est très engagée le 13, le fusillé du 12 ait été inhumé à Brinvillers-aux- Bois, de la façon la plus sobre et discrète. On peut aussi penser que la communication de l’évènement n’ait pas été faite auprès du 4e BCP. Et que le décompte de l’effectif des 13 et 14, fasse un bilan général des pertes de la semaine
On remarquera, que le Commandant Pompey sur le terrain ne s’embarrassait pas de scrupules pour respecter la forme et le droit.
J’ai assisté vendredi dernier, à une conférence sur la prévôté en période 14-18, donnée par le Général de gendarmerie Gérard Déanaz. Sujet très intéressant et je me suis permis de lui demander si les JMO de la Prévôté pouvaient contenir des informations, intéressant les unités. Il m’a répondu que dans tous les cas soldats et prévôts étant tous des militaires, la hiérarchie était respectée et que ce n’était pas un sous-officier ou lieutenant prévôt qui pouvait en imposer à un officier supérieur. D’autre part, les JMO ne rendaient compte que des actions de ces derniers. Donc le commandant Pompey était libre de ses actes.
On peut se rendre compte que l’extension du front, en 1914 vers le nord et la mer, a posé le problème de l’occupation du front. On a du faire appel aux Territoriaux et aux Dragons et Cuirassiers démontés, encombrés de tout leur harnachement. Quel enfer pour ces cavaliers !
Ces faits de justice expéditive ont du être nombreux au début de la guerre et l’encadrement a du avoir beaucoup de difficultés à faire respecter les consignes, sous le déluge des bombardements démentiels que l’on ne pouvait imaginer lors de la mobilisation. Ces bombardements ont sapé le moral de la troupe et ils sont la cause, au début de la guerre, sous l’emprise de la peur et le manque de protections, des fuites vers l’arrière.
Qui pourra trouver le nom de ce pauvre diable, père de 2 gosses qui a picolé pour tuer sa peur et qui en a été victime.
Cordialement à tous.
Francis.