Re: Le pantalon rouge (article de presse du 08/12/1914)
Publié : sam. déc. 23, 2017 4:04 pm
Bonjour,
Le pantalon rouge, le pantalon-cible, a vécu. On voit beaucoup de pantalons bleus sur le front.Si la paix n’avait été troublée, nous assisterions encore aux discussions sans fin des commissions nommées par le ministère de la guerre pour étudier la transformation de l’uniforme. Le canon a tonné : militaires, fonctionnaires, artistes et tailleurs sont tombés d ’accord ; ils ont sacrifié la culotte rouge. Plusieurs disaient : « Conservons le pantalon rouge ; il s’est couvert de gloire!»
Le pantalon rouge était-il à Fontenoy et à Austerlitz ? Point. Il n ’a fait son apparition qu’en 1828. Quelle est l’histoire du pantalon rouge? L’uniforme français, avant 1789, était blanc-gris. Le bleu fut la couleur des soldats de la Révolution. Le pantalon rouge apparaît sous l’Empire. Deux régiments de hussards le portent. Lors des guerres d’Espagne, les paysans insurgés prirent souvent ces hussards pour des Anglais. Le portent également les aides de camp du maréchal Berthier, et l’un d’eux, Lejeune, lui dut la vie. Lejeune, qui devint général et mourut peintre d’histoire, accomplissait une mission lorsqu’il fut surpris par les guérilleros. Grâce à sa culotte, on le tint pour un officier du général Moore, alors en retraite sur La Corogne. Sinon, il eût enduré d’épouvantables supplices. Quelle fut la cause qui fit adopter le pantalon rouge en 1828 ? Une cause exclusivement économique. A cette époque, la couleur bleue s’obtenait à l'aide de l’indigo. Mais l’indigo, produit d’outre-mer, coûtait très cher. Déjà, en 1806, Napoléon avait tenté une économie notable, une économie forcée d’ailleurs (la mer, comme aujourd’hui, appartenait aux Anglais, en habillant ses soldats d’Iéna de blanc-gris. Il renonça bientôt à cette teinte.Mais, à la fin de l’Empire, la garance s’acclimata dans la région limitée par le Rhône et la Durance, et le gouvernement décida, afin d’encourager cette culture, de teindre désormais en rouge les pantalons militaires. Depuis une quarantaine d’années, malheureusement pour les propriétaires vauclusiens, la garance a été supplantée par l’alizarine, produit chimique tiré de la houille par l'intermédiaire du phénol. Malgré ce progrès, l’administration militaire observait rigoureusement la consigne de respecter le pantalon rouge, sa légende de gloire, ses souvenirs nationaux. La guerre a rompu la tradition.
Le pantalon rouge est mort ; vive le pantalon bleu ! Pouvait-il souhaiter de plus sensationnels débuts.
Joyeuses fêtes de fin d'année à toutes et à tous.
Jean-Pierre
Le pantalon rouge, le pantalon-cible, a vécu. On voit beaucoup de pantalons bleus sur le front.Si la paix n’avait été troublée, nous assisterions encore aux discussions sans fin des commissions nommées par le ministère de la guerre pour étudier la transformation de l’uniforme. Le canon a tonné : militaires, fonctionnaires, artistes et tailleurs sont tombés d ’accord ; ils ont sacrifié la culotte rouge. Plusieurs disaient : « Conservons le pantalon rouge ; il s’est couvert de gloire!»
Le pantalon rouge était-il à Fontenoy et à Austerlitz ? Point. Il n ’a fait son apparition qu’en 1828. Quelle est l’histoire du pantalon rouge? L’uniforme français, avant 1789, était blanc-gris. Le bleu fut la couleur des soldats de la Révolution. Le pantalon rouge apparaît sous l’Empire. Deux régiments de hussards le portent. Lors des guerres d’Espagne, les paysans insurgés prirent souvent ces hussards pour des Anglais. Le portent également les aides de camp du maréchal Berthier, et l’un d’eux, Lejeune, lui dut la vie. Lejeune, qui devint général et mourut peintre d’histoire, accomplissait une mission lorsqu’il fut surpris par les guérilleros. Grâce à sa culotte, on le tint pour un officier du général Moore, alors en retraite sur La Corogne. Sinon, il eût enduré d’épouvantables supplices. Quelle fut la cause qui fit adopter le pantalon rouge en 1828 ? Une cause exclusivement économique. A cette époque, la couleur bleue s’obtenait à l'aide de l’indigo. Mais l’indigo, produit d’outre-mer, coûtait très cher. Déjà, en 1806, Napoléon avait tenté une économie notable, une économie forcée d’ailleurs (la mer, comme aujourd’hui, appartenait aux Anglais, en habillant ses soldats d’Iéna de blanc-gris. Il renonça bientôt à cette teinte.Mais, à la fin de l’Empire, la garance s’acclimata dans la région limitée par le Rhône et la Durance, et le gouvernement décida, afin d’encourager cette culture, de teindre désormais en rouge les pantalons militaires. Depuis une quarantaine d’années, malheureusement pour les propriétaires vauclusiens, la garance a été supplantée par l’alizarine, produit chimique tiré de la houille par l'intermédiaire du phénol. Malgré ce progrès, l’administration militaire observait rigoureusement la consigne de respecter le pantalon rouge, sa légende de gloire, ses souvenirs nationaux. La guerre a rompu la tradition.
Le pantalon rouge est mort ; vive le pantalon bleu ! Pouvait-il souhaiter de plus sensationnels débuts.
Joyeuses fêtes de fin d'année à toutes et à tous.
Jean-Pierre