Re: Le manoir du sergent Coecilian
Publié : dim. mars 03, 2013 7:59 pm
Bonjour,
Aujourd’hui en Bretagne, en presqu’île de Crozon, sur les hauteurs de Camaret-sur-Mer, à une centaine de mètres des alignements mégalithiques de Lagatjar, on peut voir, posées sur la lande de Penhir surplombant la mer d'Iroise, les ruines d’un manoir.
Ici vécut Saint-Pol Roux, celui qu’on surnomma "Le Magnifique", poète oublié frappé par un destin tragique.
Né en 1861 à Marseille d'une famille d'industriels en céramiques, Paul Pierre Roux arrive à Paris à l’âge de vingt ans. Il fréquente les milieux littéraires, écrit des poèmes marqués par le symbolisme et prend le nom de Saint-Pol Roux pour signer ses œuvres. Considéré par les surréalistes comme un précurseur de la poésie moderne, après une carrière d’écrivain qui le voit reconnu par les plus grands, en 1903 il décide de fuir le milieu littéraire et part s'installer en Bretagne. Il tombe amoureux de Camaret, rachète une maison de pêcheurs surplombant la plage de Pen-Had et la transforme en un manoir à l’image de sa personnalité fantasque qu’il baptise "le manoir du Boultous". Ici il vivra heureux en famille, avec sa femme Amélie, sa fille Divine, et ses deux fils, Coecilian et Lorédan, poursuivant son œuvre en solitaire jusqu’à ce que la Première Guerre mondiale arrive.
Ses deux garçons rejoignent le Front. Paul Lazare Coecilian, né à Paris en 1892, sergent au 141ème d’infanterie sera très grièvement blessé à Verdun en 1915. Il est à l’hôpital dans le coma et "meurt sans souffrance", écrira le docteur Auffret au poète. Fou de douleur l’écrivain rédigera un poème intitulé "Berceuse héroïque des Morts pour la Patrie" puis rebaptisera son manoir, Le manoir de Coecilian en la mémoire de son fils mort à vingt-trois ans, qui repose aujourd'hui à Verdun en la Nécropole nationale Faubourg Pavé, tombe 1745. Le 2 mars 1918, l’écrivain lui-même échappera de peu à la mort car un obus dévaste l’église de Saint-Gervais à Paris où il se trouvait, le laissant indemne au milieu des morts.
Ensuite Saint-Pol Roux devint actif, poétiquement, pendant la guerre, n'hésitant pas à donner du verbe dans les journaux pour soutenir l'armée française et ses alliés. Il sympathisera avec les aviateurs du Centre d'Aviation Maritime basé à Camaret en mai 1917, devenant en quelque sorte leur parrain puisqu’il leur dédiera un poème, "Les Mouscouls" qui deviendra le nom de leur escadrille d’hydravions. (Le mouscoul est le grand aigle des côtes bretonnes).
Pendant l'entre-deux-guerres, l’écrivain vivra paisiblement, se consacrant à son œuvre en vieux sage entouré de sa famille, de son autre fils Lorédan, revenu vivant de la guerre et marié à une jeune femme de Pont-L’Abbé, recevant de nombreux écrivains et artistes peintres dans le manoir de Coecilian, face à la mer.
Mais Saint-Pol Roux n’en a pas fini de ses tourments, car survient la seconde guerre mondiale qui va lui faire éprouver une autre horreur : le 23 juin 1940 une troupe de soldats allemands investit le manoir qui est livré au pillage. Âgé de quatre-vingt ans et veuf désormais, le vieil homme est brutalisé, Rose la servante, qui tente de s’interposer, est tuée, Divine, la fille adoré de l’écrivain, est violée et les innombrables manuscrits sont déchirés, brûlés, dispersés sur la lande. C’en est trop pour l'écrivain qui s’enfonce dans une sévère dépression et meurt de chagrin à l’hôpital de Brest quelques mois plus tard, le 18 octobre 1940.
Au moins n’aura-t-il pas vu la suite, puisqu’en 1944 le manoir maudit sera bombardé par l’aviation britannique. Aujourd’hui il n’en reste que quelques ruines émouvantes.
Saint-Pol Roux repose au Cimetière communal de Camaret et est considéré comme l'un des plus authentiques poètes ayant chanté la Bretagne. Le Collège public de Brest porte son nom qui est inscrit avec celui de son fils sur le Monument aux morts de Camaret.
BB



Le manoir de Coecilian vers 1925

Le manoir aujourd'hui

Aujourd’hui en Bretagne, en presqu’île de Crozon, sur les hauteurs de Camaret-sur-Mer, à une centaine de mètres des alignements mégalithiques de Lagatjar, on peut voir, posées sur la lande de Penhir surplombant la mer d'Iroise, les ruines d’un manoir.
Ici vécut Saint-Pol Roux, celui qu’on surnomma "Le Magnifique", poète oublié frappé par un destin tragique.
Né en 1861 à Marseille d'une famille d'industriels en céramiques, Paul Pierre Roux arrive à Paris à l’âge de vingt ans. Il fréquente les milieux littéraires, écrit des poèmes marqués par le symbolisme et prend le nom de Saint-Pol Roux pour signer ses œuvres. Considéré par les surréalistes comme un précurseur de la poésie moderne, après une carrière d’écrivain qui le voit reconnu par les plus grands, en 1903 il décide de fuir le milieu littéraire et part s'installer en Bretagne. Il tombe amoureux de Camaret, rachète une maison de pêcheurs surplombant la plage de Pen-Had et la transforme en un manoir à l’image de sa personnalité fantasque qu’il baptise "le manoir du Boultous". Ici il vivra heureux en famille, avec sa femme Amélie, sa fille Divine, et ses deux fils, Coecilian et Lorédan, poursuivant son œuvre en solitaire jusqu’à ce que la Première Guerre mondiale arrive.
Ses deux garçons rejoignent le Front. Paul Lazare Coecilian, né à Paris en 1892, sergent au 141ème d’infanterie sera très grièvement blessé à Verdun en 1915. Il est à l’hôpital dans le coma et "meurt sans souffrance", écrira le docteur Auffret au poète. Fou de douleur l’écrivain rédigera un poème intitulé "Berceuse héroïque des Morts pour la Patrie" puis rebaptisera son manoir, Le manoir de Coecilian en la mémoire de son fils mort à vingt-trois ans, qui repose aujourd'hui à Verdun en la Nécropole nationale Faubourg Pavé, tombe 1745. Le 2 mars 1918, l’écrivain lui-même échappera de peu à la mort car un obus dévaste l’église de Saint-Gervais à Paris où il se trouvait, le laissant indemne au milieu des morts.
Ensuite Saint-Pol Roux devint actif, poétiquement, pendant la guerre, n'hésitant pas à donner du verbe dans les journaux pour soutenir l'armée française et ses alliés. Il sympathisera avec les aviateurs du Centre d'Aviation Maritime basé à Camaret en mai 1917, devenant en quelque sorte leur parrain puisqu’il leur dédiera un poème, "Les Mouscouls" qui deviendra le nom de leur escadrille d’hydravions. (Le mouscoul est le grand aigle des côtes bretonnes).
Pendant l'entre-deux-guerres, l’écrivain vivra paisiblement, se consacrant à son œuvre en vieux sage entouré de sa famille, de son autre fils Lorédan, revenu vivant de la guerre et marié à une jeune femme de Pont-L’Abbé, recevant de nombreux écrivains et artistes peintres dans le manoir de Coecilian, face à la mer.
Mais Saint-Pol Roux n’en a pas fini de ses tourments, car survient la seconde guerre mondiale qui va lui faire éprouver une autre horreur : le 23 juin 1940 une troupe de soldats allemands investit le manoir qui est livré au pillage. Âgé de quatre-vingt ans et veuf désormais, le vieil homme est brutalisé, Rose la servante, qui tente de s’interposer, est tuée, Divine, la fille adoré de l’écrivain, est violée et les innombrables manuscrits sont déchirés, brûlés, dispersés sur la lande. C’en est trop pour l'écrivain qui s’enfonce dans une sévère dépression et meurt de chagrin à l’hôpital de Brest quelques mois plus tard, le 18 octobre 1940.
Au moins n’aura-t-il pas vu la suite, puisqu’en 1944 le manoir maudit sera bombardé par l’aviation britannique. Aujourd’hui il n’en reste que quelques ruines émouvantes.
Saint-Pol Roux repose au Cimetière communal de Camaret et est considéré comme l'un des plus authentiques poètes ayant chanté la Bretagne. Le Collège public de Brest porte son nom qui est inscrit avec celui de son fils sur le Monument aux morts de Camaret.
BB



Le manoir de Coecilian vers 1925

Le manoir aujourd'hui
