Re: 149e RI
Publié : mer. sept. 03, 2008 12:49 pm
Bonjour à toutes et à tous.
Suite...
14 septembre 1914
Dans la nuit, le commandant de la brigade décide d’attaquer au petit jour. Les bataillons de l’A.G. tiendront le front pendant qu’un bataillon du 158e R.I. essaiera de prendre la ligne à revers vers l’Est. Attaque prévue à 5 h 00. Le bataillon du 158e R.I. parti à 3 h 30 pour se mettre en place, se heurte à une ligne ennemie dans le bois avec des mitrailleuses. L’A.G. se lance à la baïonnette mais s’emmêle dans des fils de fer, elle est obligée de reculer au levé du
jour. Le 149e R.I. signale qu’à 1200 m du village est creusée une ligne de tranchées occupées par des fantassins et les mitrailleuses. Notre artillerie ne répond pratiquement pas.
9 h 00 : ordre au 158e R.I. d’exécuter le mouvement dans la nuit et de se replier en laissant la place à la 13e division. L’avance jusqu’à la crête de la 18e division est stoppée et ramenée en arrière par une violente canonnade.
11 h 00 : l’artillerie allemande canonne la lisière et le village de Souain. Le 149e R.I. évacue le village et reflue vers le Sud.
Le lieutenant-colonel Houssemont qui a pris le commandement de la brigade à la suite de la blessure du colonel Neuville, demande au 149e R.I. de se regrouper et de se retrancher à la lisière Nord du bois de la cote 135, pour couvrir le repli du 158e R.I.. Celui ci s’effectue lentement sous la canonnade d’obusiers lourds. Le repli du 149e R.I. se fait sous le feu des canons et des mitrailleuses ennemies. Vers 15 h 00, le 149e R.I. se reconstitue à l’Est de la route à 400 m de Suippes ou il se ravitaille. Ce qu’il n’avait pas fait depuis 2 jours. Bivouac de la brigade à l’Ouest de la route. Elle est remplacée par la 86e brigade.
Extraits du livre " jours de gloire, jours de misère" d' henri RENE.
Ceux qui ne restent pas en ligne se jettent sur la paille pour y sommeiller quelques instants. Je suis du nombre. Je suis trop agité et pressens des choses trop graves pour y réussir. Que la gloire est peu ! Depuis huit jours, nous la colportons sans nous en douter. J’avais vécu avec moins d’anxiété les phases de la retraite que celles de la poursuite. Mourant, je me raccrochais à la vie. Ressuscité, je défaille. Je suis à bout de forces et tous sont comme moi. Arrivés à un tournant, nous penchons, nous penchons… Allons-nous tomber quand on fait fond sur nous plus que jamais ?
Fracas d’incendie. Des planches craquent, se disjoignent et tombent près de moi. De hautes flammes entrent dans ma grange. Des cartouches et des bandes de mitrailleuses éclatent sèchement. Tout le monde est debout fuyant le feu : quel lugubre réveil ! Qui a allumé ? Un maladroit, un espion, un allemand resté dans des ruines, on ne le sera jamais, il est parfaitement inutile d’enquêter. On s’écarte , on évacue la partie de village incendiée, les lueurs éclairent notre désordre, l’ennemi tire sur nous, joyeux de ce désarroi. Nous garnissons les amorces de tranchées rapidement creusées par le génie et, insensiblement, la bataille reprend sans que nous nous doutions même que la clarté du jour remplace maintenant celle des flammes. Notre fusillade part droit au Nord, prenant comme objectifs les bouquets d’arbres, les meules de paille, la crête du moulin de Souain : rien de précis ne nous apparaît. Les obus tombent, arrosant les champs devant nous, bouleversant le cimetière où la 12e compagnie s’est pelotonnée. Nous avons l’impression d’un isolement absolu, le sentiment que l’ennemi va nous envelopper. La situation est intenable. Le colonel replie peu à peu vers la crête, au Sud du village, le gros du régiment, et nous restons en arrière-garde avec ordre de tenir tant que cela nous sera possible. A 11 h 00, un déluge d’artillerie nous accable : on dirait des coups français… Cinglantes et venant de l’arrière, les trajectoires nous frôlent… Tout autour de nous, les explosions saccadées du 75 s’abattent en trombe…
- Cycliste Saunin, au galop, au triple galop, prenez la route au Sud, cherchez le colonel ou qui que ce soit, dites que l’artillerie tire sur nous !
ce soit, dites que l’artillerie tire sur nous !
On se fait tout petits, très petits. Chose étrange, ce malheureux incident nous donne presque confiance : il ne nous avait jamais été donné de juger d’aussi près les effets de nos pièces : ils sont terrifiants. La 11e compagnie, en avant à droite, l’expérimente cruellement et la voici qui se replie vers nous, homme par homme, sous le tir ajusté des impitoyables mitrailleuses. Les minutes sont éternelles. Nous accentuons notre feu pour les aider. A midi, les sergents nous annoncent que les cartouchières sont vides ! Successivement, les demi-sections retraitent, se faufilant à travers les ruines. A midi et demie, il n’y a plus personne dans le village et les obus allemands, fusants, percutants, en une danse effrénée nous poursuivent. Nul ne s’arrête pour regarder les morts ou secourir les blessés gémissants, dont le chapelet sanglant s’égrène sur 2 km. Nous nous rallions sous bois, à l’abri d’une position de repli qu’occupe le gros du régiment.
L’intrépide lieutenant W….., de la 9e compagnie, qui s’est déjà tant de fois distingué par son courage imperturbable, arrive le dernier : il s’avance par la route, la canne à la main, conduisant la patrouille de queue, s’assurant que l’infanterie ne nous a pas talonnés, au pas, sans prendre garde aux coups, sans fléchir une seule fois la tête ou le buste sous les explosions qui l’encadrent.
Nous l’entourons… Il pleure !!!
Cette journée du 14 est d’une indicible tristesse. On nous ramène à Suippes, on nous parque dans les champs, les bergers comptent leurs brebis, il en manque beaucoup. Cependant, derrière les faisceaux, nous nous redressons au passage du général de division.
Nuit de repos inespérée.
Soldats des 1er, 2e bataillon et 3e bataillon du 149e R.I. tués le 14 septembre 1914 :
Sous-lieutenant JOANNES Gérard Louis, 8e compagnie, tué le 14 septembre à Souain.
Adjudant NIDERBERGER Armand Auguste, C.H.R., tué le 14 septembre à Souain.
Caporal TROMPETTE Henri, C.H.R., tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat JEANMICHEL Jules Elie, C.H.R., tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat HUOT Auguste Victorin , 1ère compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Caporal JAMET Pierre Victor, 2e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat FRANZ Charles Christian, 2e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat NICOLAS Albert, 2e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat FOUGEROLLE Joseph, 2e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat LULLIER Constant, 4e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat MOURIAUX André, 6e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat JACQUEMIN Jean Alfred, 7e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat DIDIER Joseph, 7e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat CORBET Marie Joseph, 7e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat LABALLERY Jules, 8e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Caporal CONRAUX Georges Louis, 9e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat VAUTHIER Léon Paul, 12e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Bien cordialement
Denis
Suite...
14 septembre 1914
Dans la nuit, le commandant de la brigade décide d’attaquer au petit jour. Les bataillons de l’A.G. tiendront le front pendant qu’un bataillon du 158e R.I. essaiera de prendre la ligne à revers vers l’Est. Attaque prévue à 5 h 00. Le bataillon du 158e R.I. parti à 3 h 30 pour se mettre en place, se heurte à une ligne ennemie dans le bois avec des mitrailleuses. L’A.G. se lance à la baïonnette mais s’emmêle dans des fils de fer, elle est obligée de reculer au levé du
jour. Le 149e R.I. signale qu’à 1200 m du village est creusée une ligne de tranchées occupées par des fantassins et les mitrailleuses. Notre artillerie ne répond pratiquement pas.
9 h 00 : ordre au 158e R.I. d’exécuter le mouvement dans la nuit et de se replier en laissant la place à la 13e division. L’avance jusqu’à la crête de la 18e division est stoppée et ramenée en arrière par une violente canonnade.
11 h 00 : l’artillerie allemande canonne la lisière et le village de Souain. Le 149e R.I. évacue le village et reflue vers le Sud.
Le lieutenant-colonel Houssemont qui a pris le commandement de la brigade à la suite de la blessure du colonel Neuville, demande au 149e R.I. de se regrouper et de se retrancher à la lisière Nord du bois de la cote 135, pour couvrir le repli du 158e R.I.. Celui ci s’effectue lentement sous la canonnade d’obusiers lourds. Le repli du 149e R.I. se fait sous le feu des canons et des mitrailleuses ennemies. Vers 15 h 00, le 149e R.I. se reconstitue à l’Est de la route à 400 m de Suippes ou il se ravitaille. Ce qu’il n’avait pas fait depuis 2 jours. Bivouac de la brigade à l’Ouest de la route. Elle est remplacée par la 86e brigade.
Extraits du livre " jours de gloire, jours de misère" d' henri RENE.
Ceux qui ne restent pas en ligne se jettent sur la paille pour y sommeiller quelques instants. Je suis du nombre. Je suis trop agité et pressens des choses trop graves pour y réussir. Que la gloire est peu ! Depuis huit jours, nous la colportons sans nous en douter. J’avais vécu avec moins d’anxiété les phases de la retraite que celles de la poursuite. Mourant, je me raccrochais à la vie. Ressuscité, je défaille. Je suis à bout de forces et tous sont comme moi. Arrivés à un tournant, nous penchons, nous penchons… Allons-nous tomber quand on fait fond sur nous plus que jamais ?
Fracas d’incendie. Des planches craquent, se disjoignent et tombent près de moi. De hautes flammes entrent dans ma grange. Des cartouches et des bandes de mitrailleuses éclatent sèchement. Tout le monde est debout fuyant le feu : quel lugubre réveil ! Qui a allumé ? Un maladroit, un espion, un allemand resté dans des ruines, on ne le sera jamais, il est parfaitement inutile d’enquêter. On s’écarte , on évacue la partie de village incendiée, les lueurs éclairent notre désordre, l’ennemi tire sur nous, joyeux de ce désarroi. Nous garnissons les amorces de tranchées rapidement creusées par le génie et, insensiblement, la bataille reprend sans que nous nous doutions même que la clarté du jour remplace maintenant celle des flammes. Notre fusillade part droit au Nord, prenant comme objectifs les bouquets d’arbres, les meules de paille, la crête du moulin de Souain : rien de précis ne nous apparaît. Les obus tombent, arrosant les champs devant nous, bouleversant le cimetière où la 12e compagnie s’est pelotonnée. Nous avons l’impression d’un isolement absolu, le sentiment que l’ennemi va nous envelopper. La situation est intenable. Le colonel replie peu à peu vers la crête, au Sud du village, le gros du régiment, et nous restons en arrière-garde avec ordre de tenir tant que cela nous sera possible. A 11 h 00, un déluge d’artillerie nous accable : on dirait des coups français… Cinglantes et venant de l’arrière, les trajectoires nous frôlent… Tout autour de nous, les explosions saccadées du 75 s’abattent en trombe…
- Cycliste Saunin, au galop, au triple galop, prenez la route au Sud, cherchez le colonel ou qui que ce soit, dites que l’artillerie tire sur nous !
ce soit, dites que l’artillerie tire sur nous !
On se fait tout petits, très petits. Chose étrange, ce malheureux incident nous donne presque confiance : il ne nous avait jamais été donné de juger d’aussi près les effets de nos pièces : ils sont terrifiants. La 11e compagnie, en avant à droite, l’expérimente cruellement et la voici qui se replie vers nous, homme par homme, sous le tir ajusté des impitoyables mitrailleuses. Les minutes sont éternelles. Nous accentuons notre feu pour les aider. A midi, les sergents nous annoncent que les cartouchières sont vides ! Successivement, les demi-sections retraitent, se faufilant à travers les ruines. A midi et demie, il n’y a plus personne dans le village et les obus allemands, fusants, percutants, en une danse effrénée nous poursuivent. Nul ne s’arrête pour regarder les morts ou secourir les blessés gémissants, dont le chapelet sanglant s’égrène sur 2 km. Nous nous rallions sous bois, à l’abri d’une position de repli qu’occupe le gros du régiment.
L’intrépide lieutenant W….., de la 9e compagnie, qui s’est déjà tant de fois distingué par son courage imperturbable, arrive le dernier : il s’avance par la route, la canne à la main, conduisant la patrouille de queue, s’assurant que l’infanterie ne nous a pas talonnés, au pas, sans prendre garde aux coups, sans fléchir une seule fois la tête ou le buste sous les explosions qui l’encadrent.
Nous l’entourons… Il pleure !!!
Cette journée du 14 est d’une indicible tristesse. On nous ramène à Suippes, on nous parque dans les champs, les bergers comptent leurs brebis, il en manque beaucoup. Cependant, derrière les faisceaux, nous nous redressons au passage du général de division.
Nuit de repos inespérée.
Soldats des 1er, 2e bataillon et 3e bataillon du 149e R.I. tués le 14 septembre 1914 :
Sous-lieutenant JOANNES Gérard Louis, 8e compagnie, tué le 14 septembre à Souain.
Adjudant NIDERBERGER Armand Auguste, C.H.R., tué le 14 septembre à Souain.
Caporal TROMPETTE Henri, C.H.R., tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat JEANMICHEL Jules Elie, C.H.R., tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat HUOT Auguste Victorin , 1ère compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Caporal JAMET Pierre Victor, 2e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat FRANZ Charles Christian, 2e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat NICOLAS Albert, 2e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat FOUGEROLLE Joseph, 2e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat LULLIER Constant, 4e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat MOURIAUX André, 6e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat JACQUEMIN Jean Alfred, 7e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat DIDIER Joseph, 7e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat CORBET Marie Joseph, 7e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat LABALLERY Jules, 8e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Caporal CONRAUX Georges Louis, 9e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat VAUTHIER Léon Paul, 12e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Bien cordialement
Denis