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Re: 149e RI

Publié : mer. sept. 03, 2008 12:49 pm
par denis33
Bonjour à toutes et à tous.

Suite...

14 septembre 1914
Dans la nuit, le commandant de la brigade décide d’attaquer au petit jour. Les bataillons de l’A.G. tiendront le front pendant qu’un bataillon du 158e R.I. essaiera de prendre la ligne à revers vers l’Est. Attaque prévue à 5 h 00. Le bataillon du 158e R.I. parti à 3 h 30 pour se mettre en place, se heurte à une ligne ennemie dans le bois avec des mitrailleuses. L’A.G. se lance à la baïonnette mais s’emmêle dans des fils de fer, elle est obligée de reculer au levé du
jour. Le 149e R.I. signale qu’à 1200 m du village est creusée une ligne de tranchées occupées par des fantassins et les mitrailleuses. Notre artillerie ne répond pratiquement pas.
9 h 00 : ordre au 158e R.I. d’exécuter le mouvement dans la nuit et de se replier en laissant la place à la 13e division. L’avance jusqu’à la crête de la 18e division est stoppée et ramenée en arrière par une violente canonnade.
11 h 00 : l’artillerie allemande canonne la lisière et le village de Souain. Le 149e R.I. évacue le village et reflue vers le Sud.
Le lieutenant-colonel Houssemont qui a pris le commandement de la brigade à la suite de la blessure du colonel Neuville, demande au 149e R.I. de se regrouper et de se retrancher à la lisière Nord du bois de la cote 135, pour couvrir le repli du 158e R.I.. Celui ci s’effectue lentement sous la canonnade d’obusiers lourds. Le repli du 149e R.I. se fait sous le feu des canons et des mitrailleuses ennemies. Vers 15 h 00, le 149e R.I. se reconstitue à l’Est de la route à 400 m de Suippes ou il se ravitaille. Ce qu’il n’avait pas fait depuis 2 jours. Bivouac de la brigade à l’Ouest de la route. Elle est remplacée par la 86e brigade.

Extraits du livre " jours de gloire, jours de misère" d' henri RENE.
Ceux qui ne restent pas en ligne se jettent sur la paille pour y sommeiller quelques instants. Je suis du nombre. Je suis trop agité et pressens des choses trop graves pour y réussir. Que la gloire est peu ! Depuis huit jours, nous la colportons sans nous en douter. J’avais vécu avec moins d’anxiété les phases de la retraite que celles de la poursuite. Mourant, je me raccrochais à la vie. Ressuscité, je défaille. Je suis à bout de forces et tous sont comme moi. Arrivés à un tournant, nous penchons, nous penchons… Allons-nous tomber quand on fait fond sur nous plus que jamais ?
Fracas d’incendie. Des planches craquent, se disjoignent et tombent près de moi. De hautes flammes entrent dans ma grange. Des cartouches et des bandes de mitrailleuses éclatent sèchement. Tout le monde est debout fuyant le feu : quel lugubre réveil ! Qui a allumé ? Un maladroit, un espion, un allemand resté dans des ruines, on ne le sera jamais, il est parfaitement inutile d’enquêter. On s’écarte , on évacue la partie de village incendiée, les lueurs éclairent notre désordre, l’ennemi tire sur nous, joyeux de ce désarroi. Nous garnissons les amorces de tranchées rapidement creusées par le génie et, insensiblement, la bataille reprend sans que nous nous doutions même que la clarté du jour remplace maintenant celle des flammes. Notre fusillade part droit au Nord, prenant comme objectifs les bouquets d’arbres, les meules de paille, la crête du moulin de Souain : rien de précis ne nous apparaît. Les obus tombent, arrosant les champs devant nous, bouleversant le cimetière où la 12e compagnie s’est pelotonnée. Nous avons l’impression d’un isolement absolu, le sentiment que l’ennemi va nous envelopper. La situation est intenable. Le colonel replie peu à peu vers la crête, au Sud du village, le gros du régiment, et nous restons en arrière-garde avec ordre de tenir tant que cela nous sera possible. A 11 h 00, un déluge d’artillerie nous accable : on dirait des coups français… Cinglantes et venant de l’arrière, les trajectoires nous frôlent… Tout autour de nous, les explosions saccadées du 75 s’abattent en trombe…
- Cycliste Saunin, au galop, au triple galop, prenez la route au Sud, cherchez le colonel ou qui que ce soit, dites que l’artillerie tire sur nous !
ce soit, dites que l’artillerie tire sur nous !
On se fait tout petits, très petits. Chose étrange, ce malheureux incident nous donne presque confiance : il ne nous avait jamais été donné de juger d’aussi près les effets de nos pièces : ils sont terrifiants. La 11e compagnie, en avant à droite, l’expérimente cruellement et la voici qui se replie vers nous, homme par homme, sous le tir ajusté des impitoyables mitrailleuses. Les minutes sont éternelles. Nous accentuons notre feu pour les aider. A midi, les sergents nous annoncent que les cartouchières sont vides ! Successivement, les demi-sections retraitent, se faufilant à travers les ruines. A midi et demie, il n’y a plus personne dans le village et les obus allemands, fusants, percutants, en une danse effrénée nous poursuivent. Nul ne s’arrête pour regarder les morts ou secourir les blessés gémissants, dont le chapelet sanglant s’égrène sur 2 km. Nous nous rallions sous bois, à l’abri d’une position de repli qu’occupe le gros du régiment.

L’intrépide lieutenant W….., de la 9e compagnie, qui s’est déjà tant de fois distingué par son courage imperturbable, arrive le dernier : il s’avance par la route, la canne à la main, conduisant la patrouille de queue, s’assurant que l’infanterie ne nous a pas talonnés, au pas, sans prendre garde aux coups, sans fléchir une seule fois la tête ou le buste sous les explosions qui l’encadrent.
Nous l’entourons… Il pleure !!!
Cette journée du 14 est d’une indicible tristesse. On nous ramène à Suippes, on nous parque dans les champs, les bergers comptent leurs brebis, il en manque beaucoup. Cependant, derrière les faisceaux, nous nous redressons au passage du général de division.
Nuit de repos inespérée.

Soldats des 1er, 2e bataillon et 3e bataillon du 149e R.I. tués le 14 septembre 1914 :

Sous-lieutenant JOANNES Gérard Louis, 8e compagnie, tué le 14 septembre à Souain.
Adjudant NIDERBERGER Armand Auguste, C.H.R., tué le 14 septembre à Souain.
Caporal TROMPETTE Henri, C.H.R., tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat JEANMICHEL Jules Elie, C.H.R., tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat HUOT Auguste Victorin , 1ère compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Caporal JAMET Pierre Victor, 2e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat FRANZ Charles Christian, 2e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat NICOLAS Albert, 2e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat FOUGEROLLE Joseph, 2e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat LULLIER Constant, 4e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat MOURIAUX André, 6e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat JACQUEMIN Jean Alfred, 7e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat DIDIER Joseph, 7e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat CORBET Marie Joseph, 7e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat LABALLERY Jules, 8e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Caporal CONRAUX Georges Louis, 9e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.
Soldat VAUTHIER Léon Paul, 12e compagnie, tué le 14 septembre 1914 à Souain.

Bien cordialement
Denis



Re: 149e RI

Publié : dim. sept. 07, 2008 7:26 pm
par blate
je recherche des renseignements sur le 149 ,carte photo ,et autre je possède quelque archive ,photo et des noms,je serai interesser par le jo du 149
merci
patrick

Re: 149e RI

Publié : dim. sept. 07, 2008 7:58 pm
par denis33
Bonjour à toutes et à tous.
Bonsoir Patrick
Pouvez-vous être plus précis dans vos demandes ? Le J.M.O. du 149e R.I. n'existe que pour la période du 30 juillet 1914 au 28 août 1914 et du 24 octobre 1919 au 15 novembre 1923.
Quelles sont les périodes sur lesquelles vous souhaiteriez avoir des informations?
Bien cordialement.
Denis

Re: 149e RI

Publié : mar. sept. 16, 2008 3:03 pm
par denis33
Bonjour à toutes et à tous.

Suite...

15 septembre 1914.
5 h 00 : ordre donné à 2 bataillons du 158e R.I. d’attaquer en liaison avec la 13e division. Le reste de la brigade reste en réserve de la division et du C.A.. Le colonel Neuvielle reprend le commandement de la brigade.16 h 00 : Ordre au 149e R.I., direction cote 152, en couverture artillerie. A la nuit 2 bataillons du 149e R.I. réoccupent le village de Souain. Le 3e bataillon en réserve à 1800 m au Sud-Est de Souain.

Extraits du livre " jours de gloire, jours de misère" d' Henri RENE.

Douze heures de sommeil, tranquillement étendus sur le sol dans nos couvre-pieds, après une bonne soupe chaude que l’on a eu le temps de préparer tout à loisir.
Pas de pensées, pas de rêves, pas de cauchemars : l’oubli.
A 18 h 00, nous nous ébranlons , en formation d’attaque largement échelonnée. Mon bataillon, c’est bien son tour, ferme la marche. Où va-t-on ? A Souain, encore à Souain… Des régiments comme le nôtre ne restent pas sur un échec. L’artillerie de 2 C.A. est déployée sur la crête que nous franchissons, elle vomit du feu et de l’acier en un tir foudroyant qui nous assourdit au passage et exalte notre confiance. Enfin, voilà une préparation ! jusqu’à maintenant , nos attaques se sont lancées sans cet appui précis et précieux. On dit que des instructions venues de haut ont rappelé aux exécutants cet élémentaire principe, l’infanterie n’aura plus qu’ à entrer dans les brèches. Fasse le ciel que sa tâche devienne aussi facile ! J’en doute, je suis terriblement sceptique. Les mitrailleuses tiennent de bien petites places pour ne pas passer à travers les gouttes et j’imagine qu’elles ne seront pas toutes noyées quand nous nous préparerons à accoster. Les bataillons de tête progressent, cependant que nous nous arrêtons, en réserve sous bois. A d’autres les soucis… Nous avons celui de la pluie, qu’il nous suffise. On déploie les toiles de tente et, assis ou accroupis sous leur illusoire abri, on prend ses dispositions de nuit,… on fait son lit ! Je ramasse quelques branchages fauchés par le bombardement des jours précédents, et je m’étends presque de volupté. Au bout d’une heure, transi d’humidité, je me lève en maugréant, n’ayant plus que la ressource de faire les cents pas pour réagir. Nos patrouilles de liaison ont perdu la trace des unités d’attaque, il faut en conclure que celle-ci ont gagné du terrain. Peut-être nos blessés d’avant-hier retrouvent-ils des sauveurs, guéris de la terreur d’être fait prisonniers.
Le régiment est à Souain, il y restera. Ira-t-il plus loin ? C’est douteux : les crêtes au Nord sont fortement tenues. L’artillerie ennemie tonne puissamment, nous sommes arrêtés sur tout le front de Champagne, de Reims, à l’Argonne. La poursuite est enrayée, la libération du territoire est ajournée. Nous restons en réserve.

16 septembre 1914
Peu de changement. On signale que le bombardement des tranchées allemandes entraîne des coups de fusils tirés par les officiers allemands sur leurs fuyards.

Extraits du livre " jours de gloire, jours de misère" d' Henri RENE.

Nous sommes rassemblés dans le ravin de « la voie romaine », nous subissons un incessant bombardement. Nous sommes disposés par petits paquets et tâchons de nous confondre avec des tas d’avoine bottelée. A chaque instant, nous attendons l’ordre de nous porter en avant, tant et si bien que nous négligeons une précaution élémentaire, celle de creuser des trous et de nous abriter derrière des parapets de terre. Toutes les imprudences se payent et notre immobilité nous coûte une cinquantaine d’hommes, stupidement tués où blessés à ne rien faire. A la nuit, nous rentrons sous bois. Des huttes s’y aménagent rapidement et, sur les toits de branches entrecroisées, les toiles de tente se raidissent d’humidité. Trois nuits de pluie ! On se sent perclus de douleurs. On patauge dans la craie visqueuse. On ressemble à des plâtriers. Les fusils sont rouillés, les mécanismes encrassés de boue blanche ne fonctionnent plus. Le moral est bas.

Soldats du 2e bataillon du 149e R.I. tués le 16 septembre 1914:

Soldat AUBEL Nicolas, 8e compagnie, tué le 16 septembre 1914 à Souain
Soldat AUCLERC François, 8e compagnie, tué le 16 septembre 1914 à Souain

17 septembre 1914
Même situation.
16 h 40, le 149e R.I. reçoit l’ordre d’attaquer le mamelon 155 en liaison avec la 86e division. Cette attaque est annulée. Bivouac sur place.

18 septembre1914
Les positions occupées sont renforcées. Même situation, la canonnade continue. Le colonel Menvielle quitte le commandement provisoire de la 85e brigade et est remplacé par le général Dumezil commandant l’artillerie du 21e C.A.. Il le remplace au commandement de la 85e brigade.
...

Bien cordialement.
Denis




Re: 149e RI

Publié : dim. sept. 21, 2008 2:12 pm
par denis33
Bonjour à toutes et à tous.

Suite...

19 septembre 1914
L’ordre est donné à un détachement sous les ordres du lieutenant colonel Escallon, composé d’un bataillon du 149e R.I. et de un bataillon du 158e R.I. d’occuper la lisière Nord-Ouest du bois de la cote 151 (1500 m Nord- Ouest moulin de Chantereine )
A 4 h 00 les bataillons du 149e R.I. à Souain sont attaqués par l’infanterie et canonné. Le 3e bataillon du 149e R.I. ne peut franchir la crête pour les appuyer. Les 2 bataillons coincés dans le village, d’abord dans la partie Ouest, finissent par l’occuper en entier, en faisant subir à l’ennemi de grosses pertes. Ils groupent dans l’église 120 prisonniers.
La situation reste critique toute la journée. Les munitions manquent. Il est impossible de se réapprovisionner.
Le réapprovisionnement ne peut se faire que dans la nuit. Quand l’artillerie ennemie cesse, on évacue ses blessés et ses prisonniers et le 3e bataillon le rejoint.

Image

Extraits du livre " jours de gloire, jours de misère" d' Henri RENE.

A 6 h 00, réveil au son du canon et de la fusillade. Une nouvelle fuse : Le régiment est attaqué dans Souain.
- Je transmets l’ordre : « 9e compagnie : avant-garde. Front d’engagement : l’Est de la route, la droite au boqueteau 158 .- 10e et 11e compagnie : formation échelonnée derrière la 9e compagnie. – 12e compagnie : en réserve, en lisière du bois. »
Rien de grave tant que nous cheminons ainsi dans la dépression de la voie romaine. A la crête, dès qu’y arrivent les éclaireurs de la 9e compagnie, le tableau change : rafales serrées de 77, tirs d’enfilade de mitrailleuses venant du moulin de Souain à l’Ouest et des bois à l’Est. L’avant-garde, au lieu de reculer, se jette en avant et disparaît au delà, mais nous voyons des corps inertes qui jalonnent son itinéraire et de nombreux blessés refluent vers nous. Un moment après, c’est notre tour… Les canons et les mitrailleuses ennemies sont sur leurs gardes, des feux infranchissables nous barrent la route et nous infligent de lourdes pertes. Trois fois nous essayons, trois fois en vain. Le capitaine L…. nous ramène à 200 m en arrière, pour reconstituer les unités ébranlées et préparer une autre tentative. Il faut absolument passer. Les bruits les plus alarmants nous parviennent par des isolés, retour de Souain : ils disent que l’ennemi a attaqué avec des forces considérables, que nos camarades sont cernés, qu’ils demandent sans délai du secours et des renforts importants.
Nouvelles vagues de tirailleurs lancées vers la crête, nouveaux échecs.
De l’arrière, on nous croit mous ou fléchissant. On aiguille dans notre direction 2 compagnies de chasseurs, pour nous entraîner. Ils avancent, dans l’angle mort, en belle formation… Nous n’y mettrons pas d’amour-propre, s’ils font mieux que nous, on suivra ! Les voici. Ils se ramassent, les chefs de section donnent l’exemple, la ligne dangereuse est abordée au pas de course. Le mouvement s’annonce bien, nous nous y joignons résolument. Soudain, toute une rangée s’écroule en même temps, sous une rafale d’enfilade de mitrailleuses…La vague est brisée… Le reflux arrête et repousse le flux… Les chasseurs rétrogradent loin, très loin… Nous retrouvons nos places et sommes de nouveau seuls… Il ne fallait pas croire que nous étions mous ou fléchissant !
Tragiques instants.
Et nos camarades qui nous attendent…. L’obscurité va nous permettre de passer. Le capitaine commandant rassemble les survivants de cet engagement stérile et sanglant, et les achemine par la route vers le village. Nous tombons nez à nez sur une colonne arrivant en sens inverse. Quelqu’un s’écrie :
- En arrière, ce sont les allemands !
C’est vrai… Mais prisonniers.
Une compagnie les escorte. Les 2 premiers bataillons se sont dégagés par leur attitude hardie, grâce au sang froid de leurs chefs. Après un corps à corps dans les maisons et dans les rues, l’attaque a rebroussé chemin, laissant d’innombrables morts et plus de 100 prisonniers. Victorieux, le régiment se groupe sur le champ de bataille et, comme on disait autrefois, il va coucher sur ses positions.
Autrefois, en pareil cas, on se reposait. Aujourd’hui, on continue. La bataille ne s’arrête jamais, les alertes succèdent aux alertes : les fantassins sont partis, les obus les remplacent, semant à distance, par représailles d’une affaire manquée, l’épouvante, la mort et l’incendie. Le village brûle. Les postes de secours émigrent de ruine en ruine, traînant derrière eux leur triste cortège de blessés. L’auto-canon est encore là, renversée, brisée, seul trophée de 3 jours de bataille.
Le vainqueur du jour est le commandant F…. du 2e bataillon. On se hâte vers son poste de commandement, à la maison d’école, pour lui offrir des félicitations émues. Quel soldat ! Petit, les yeux clairs, un nez fin et décidé, le teint coloré et exubérant de vie. La moustache blonde et éclatante de jeunesse, la voix fraîche et claironnante, un éternel sourire épanoui sur les lèvres, il est littéralement « empaumant ». Ce soir, il est grisé d’émotion et de succès. Il vient de donner ses ordres : Le village est cerclé, les barricades sont dressées, les tranchées bien garnies, tout le monde à son poste….
Une constatation inattendue montre que notre bataillon a eu les pertes les plus lourdes. Aussi ne sommes-nous pas appelés au service des tranchées et nous casons nos unités dans les granges ou caves de la partie Sud du village, prêtes à être alertées si besoin.
Deux de nos commandants de compagnies manquent à l’appel : le capitaine S…., de la 9e compagnie, qui a été grièvement blessé au moment où il entraînait ses éclaireurs vers l’avant, et le sous-lieutenant J…., qui a eu une jambe cassée par un éclat d’obus. Le capitaine L…. ne peut nous dissimuler sa tristesse de voir disparaître ainsi les deux derniers représentants des officiers du départ, et il pleure aux mauvaises nouvelles qu’on lui donne du capitaine S…., son meilleur ami du vieux bataillon du temps de paix !
Pendant une semaine, nous « tenons garnison ». Les occupations ne manquent pas : Elles sont surtout d’ordre funèbre….

Soldats des 1er, 2e bataillon et 3e bataillon du 149e R.I. tués le 19 septembre 1914 :

Sergent DESGOUTTE Denis Louis, 1ère compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Caporal TONDU André Maurice, 1ère compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat CLAUDE Léon Joseph, 1ère compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat HERAULT Luc Eugène, 1ère compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat CHARPENTIER Henri Joseph, 1ère compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat CHARPENTIER Louis, 1ère compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat ROSSEL Emile, 1ère compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat PUGEAUX Jules Hippolyte, 3e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Sergent TOUSSAINT Charles Denis, 3e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Sergent FARDEY Pierre Léon, 3e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat FAYARD François, 3e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat CHATRON Henri, 3e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat LAVAULT Louis, 3e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat CHAMPENOIS François, 3e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat DECHELOTTE Lucien Léon, 3e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat MICHON Francisque, 3e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat JEANNIN Gustave Marie, 3e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat DUMONT Jean Claude, 3e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat SIMON Arthur, 3e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat GAILLARD Philibert François, 4e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat BESSIERE Eugène François, 4e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Sergent BLANCHARD Jean Baptiste Emile 5e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain
Soldat CORDIER Marcel Francis, 5e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Sergent DUBOIS Joseph Félix, 6e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Sergent GREVY Charles Octave, 6e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Caporal PIERROT Louis Henri, 6e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat BERTRAND Philibert Auguste, 6e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat DUROCH Georges, 6e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat BOURGEOIS Antoine, 6e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat LACROIX A GRANDPIERRE René Avallon, 6e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat CŒUR Louis Joseph Emile, 7e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat BAYARDON Etienne, 9e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat CREUSOT Christophe Hubert, 9e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat BACOT Eugène, 10e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat BESSON Louis, 10e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat ECOCHARD François Jean, 10e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.
Soldat FAUCHON Henri Eugène, 10e compagnie, tué le 19 septembre 1914 à Souain.

...

Bien cordialement.
Denis



Re: 149e RI

Publié : mer. sept. 24, 2008 2:23 pm
par denis33
Bonjour à toutes et à tous.

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20 septembre 1914
Nuit calme. Accalmie toute la journée. L’artillerie française donne efficacement.

21 septembre 1914
Au 149e R.I., il n’y a pas de changement important.

22 septembre 1914
L’ordre est donné au 149e R.I. dans Souain de se montrer agressif et de gagner si possible du terrain. Pour le reste de la brigade, organisation sur place et repos.

Extraits du livre " jours de gloire, jours de misère" d' Henri RENE.

Un soir, le 22 septembre, si je me souviens bien, on signale la disparition du commandant F….. C’est, pour nous tous une grande et douloureuse émotion. On ne doute pas qu’il n’ait commis une imprudence et, toute la nuit, on le cherche aux abords des tranchées.

23 septembre 1914
Une reconnaissance fait savoir que les tranchées en face du 149e R.I. sont garnies de fils de fer . Journée calme. Le 149e R.I. effectue des travaux de propretés et enterre les cadavres. L’artillerie allemande tire sur Souain. Nuit calme.

24 septembre 1914
Attaque de la 43e division et de la 60e division sur la cote 60. Le 149e R.I. doit agir dans la direction de Sainte-Marie-à-Py, en liaison avec les chasseurs de la 86e brigade. L’attaque commence à 9 h 00 et se poursuit jusqu’à la nuit. L’artillerie ennemie se tait grâce à la notre. La progression du 149e R.I. est très lente sous le feu. Nuit calme.

Soldats du 2e bataillon du 149e R.I. tués le 24 septembre 1914 :

Chef de bataillon FRANCOIS Henri Louis, 2e bataillon, tué le 24 septembre 1914 à Souain.
Soldat JAMET André, 5e compagnie, tué le 24 septembre 1914 à Souain.

Image

25 septembre 1914
Matinée calme.
A 15 h 00, ordre de vigilance, on craint une action.
A 18 h 00, violente canonnade sur Souain. A 18 h 30, attaque d’infanterie. A la nuit, la canonnade ralentie.

Soldats du 2e bataillon du 149e R.I. tués le 25 septembre 1914 :

Soldat PAQUET Jean Baptiste, 5e compagnie, tué le 25 septembre 1914 à Souain.
Soldat POLTURAT Lucien Bernard, 5e compagnie, tué le 25 septembre 1914 à Souain.
Soldat BARRE Léon Charles, 5e compagnie, tué le 25 septembre 1914 à Souain.
Soldat LAMBOLEZ Joseph Nicolas, 5e compagnie, tué le 25 septembre 1914 à Souain.
Soldat ARNOULD Siméon Prosper, 8e compagnie, tué le 25 septembre 1914 à Souain.
Soldat THIRIET Victor Ernest, 8e compagnie, tué le 25 septembre 1914 à Souain.
Soldat DELVELLE Jules Léon, 8e compagnie, tué le 25 septembre 1914 à Souain.
Soldat JACQUOT Gaston Eugène, 8e compagnie, tué le 25 septembre 1914 à Souain.

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Bien cordialement.
Denis




Re: 149e RI

Publié : ven. sept. 26, 2008 11:50 pm
par denis33
Bonsoir à toutes et à tous.

Suite...

26 septembre 1914
Le commandant François du 2e bataillon est retrouvé mort d’un éclat.
6 h 30, violente attaque sur le 17e C.A.. à droite et moins violente sur tout le front de la division. L’ennemi est arrêté par l’artillerie. Les tranchées de la cote 155 sont abandonnées dans la journée par 2 sections du 149e R.I. qui les avaient occupées. Elles sont reprises la nuit.
Le 158e R.I. est engagé.

Extraits du livre " jours de gloire, jours de misère" d' Henri RENE.

Vers le matin seulement, un de ses officiers songe à monter au grenier de la maison d’école : sur la dernière marche, un corps inerte gît, la tête fracassée, inondé de sang, c’est notre malheureux commandant F…. ! Il a été frappé à son poste, en pleine activité, au travers de la mansarde qui lui avait servi d’observatoire à la fin du jour, pour y surveiller le front, pour s’assurer que nous pouvions dormir tranquilles. C’est une belle fin, il n’en eût pas rêvé d’autre s’il avait dû choisir…Il avait tant souhaité, cependant, ne pas être arrêté dans sa course à la victoire ! Nous lui faisons de pieuses obsèques, les plus anciens officiers de régiment se disputent l’honneur de le porter eux-mêmes jusqu’à sa dernière demeure. Le colonel prononce sur sa dépouille une allocution touchante et l’on se dit « à Dieu »…
Le haut commandement a les yeux sur nous. Il vient de nous le faire savoir par la plus belle citation à l’ordre de l’armée que le régiment ait encore connue. Il peut être tranquille : Souain tiendra. Peu à peu, nous nous organisons comme dans une place forte assiégée, mobilisant toutes les ressources, faisant face aux évènements prêts à subir les privations ; les fatigues et les bombardements, pleins de confiance. Nos troupiers s’ingénient : ils soignent les vaches dans les caves. Ils décomptent le petit bétail. Ils rassemblent les lapins et les pigeons égarés. Ils retournent les champs de pommes de terre… Même encerclés, nous ne mourrons pas de faim. Les cuisines s’installent dans les foyers effondrés, le plus près possible des entrées de caves afin que, au premier sifflement d’obus, on puisse disparaître. Les hommes ont été tellement sevrés d’aliments chauds, depuis longtemps, qu’ils mettent à ce jeu l’audace la plus étonnante : j’en vois qui sont assis sur les marches de l’escalier. Leur marmite bout, ils flattent des yeux leur rata. Ils le tournent amoureusement avec un bâton d’une propreté douteuse…
Ils s’éclipsent par une descente rapide pour laisser passer l’explosion. Ils reviennent à leur pot-au-feu, et le manège se poursuit, tragique et comique tout à la fois. Quelques-uns meurent à leur poste, sans que l’incident (la mort n’est plus qu’un incident) décourage les autres. La chasse aux vieilles ferrailles leur a fait découvrir des moules à gaufres, ils se passionnent à cette fabrication et, d’une pâte horriblement fade de farine et d’eau, sans sucre, ils tirent des gaufres par douzaines. C’est très mauvais, mais c’est une apparence de friandise.
Notre tour est venu de monter la garde et nous nous alignons dans les tranchées. Elles sont bien maigres et bien imparfaites. Nous ne voulons pas admettre que ce puisse être définitif, et nous nous contentons de cette demi-mesure en attendant que la situation stratégique se soit modifiée. Ah ! non ! l’immobilisation ne saurait être notre sort, au lendemain de ces longues journées de marches et de fatigues, et nous savons que dans le Nord, vers la Somme, de nouvelles armées continuent la manœuvre de la Marne. Le barrage défensif que les allemands ont tenté de nous opposer sur l’Aisne tombera par débordement et l’heure n’a pas encore sonné de nous enfouir dans le sol comme des taupes. Les nuits sont agitées. Les patrouilles se heurtent. La danse des ombres peuple l’imagination des guetteurs. Nos soldats n’ont pas acquis, jusqu’à maintenant, « le sang froid de l’homme de guerre » et les fausses alertes se succèdent presque sans interruption. De terribles fusillades se déclenchent, les allemands éclairent le terrain avec des fusées (détail pratique qui nous est encore inconnu), et la plupart du temps, ce sont fantasmagories pures. Les sentinelles à la barricade du Nord rendent compte affolées qu’une « grosse colonne d’attaque s’avance par la route »… On va voir… C’est un troupeau de vaches errant d’un front à l’autre !

Soldats des 1er et 2e bataillon du 149e R.I. tués le 26 septembre 1914 :

Sergent-major ETIENNEY Emile Pierre, 5e compagnie, tué le 26 septembre 1914 à Souain.
Soldat PONTET Laurent, 2e compagnie, tué le 26 septembre 1914 à Souain.
Soldat DIEUDONNE Joseph Emile, 2e compagnie, tué le 26 septembre 1914 à Souain.
Soldat GARBIL Albert Pétrus, 6e compagnie, tué le 26 septembre 1914 à Souain.


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27 septembre 1914
Le bombardement de Souain continu avec un mortier de 210.
20 h 00 : violente fusillade sur tout le front du C.A. jusqu'à la hauteur du moulin de Souain. Devant la 86e brigade l’artillerie continue de canonner.

28 septembre 1914
La fusillade et la canonnade reprennent dès le début du jour et se poursuivent toute la journée.
La nuit, le 2e bataillon revient cantonner à Suippes pour se reposer. Il amalgame un renfort de 500 hommes et 4 officiers du 115e R.I.T. de Marseille, avec aussi 2 lieutenants d’active, blessés en début de campagne, et un officier russe engagé pour la durée de la guerre.
2 voitures chargées d’outils et de fil de fer sont envoyées. Travaux de terrassement. Les mouvements sur la route entraînent une violente canonnade. Quelques fusillades dans la soirée. Nuit calme.

Extraits du livre " jours de gloire, jours de misère" d' Henri RENE.

On s’use vite à ce régime, et, privés de sommeil, nous voilà de nouveau épuisés. La charge s’alourdit cependant le 28 : le gros du régiment est retiré et on confie à notre bataillon la défense du village. Nous ne sommes pas contents du tout et passons une journée maussade.

Soldat des 1er bataillon du 149e R.I. tué le 28 septembre 1914 :

Soldat DIDIER Marie Paul, 1ère compagnie, tué le 28 septembre 1914 à Souain.

...

Bien cordialement.
Denis






Re: 149e RI

Publié : lun. sept. 29, 2008 3:51 pm
par ae80
Bonjour,
Suite à votre demande, je n'ai trouvé qu'une seule allusion au 149e RI dans les carnets du prêtre aveyronnais de la 16e SIM:
"Vendredi 6 novembre (1915) : Dickelbusch
A 3 h 1/2, je vais avec quelques camarades assister aux obsèques de 2 militaires un adjudant du 149e et un soldat du 143e. L'adjudant, nous raconte l'aumonier du de la 3e ambulance est mort dans d'excellentes conditions, c'est lui qui l'a assisté. Il a bien reçu les sacrements, a voulu que l'aumonier écrive à sa femme pour lui dire qu'il est mort après avoir fait ses devoirsreligieux et en priant pour elle. Il disait aussi qu'il fallait résister jusqu'au dernier et ne pas céder.
Nous portons ces 2 cadavres directement de la sacristie où l'aumonier fait la levée des corps au cimetière où on les dépose dans une fosse commune. Le spectacle est triste."

Probablement s'agit-il de l'adjudant-chef Eugène Alphonse BOMBARDE du 149e RI né le 6 mars 1888 à Colmar décédé le 6 novembre 1914 à Dickebusch (Belgique) ? Un autre adjudant du régiment est-il mort à la même date ou la veille ?
Cordialement
Eric

Re: 149e RI

Publié : mar. sept. 30, 2008 2:07 am
par denis33
Bonsoir à toutes et à tous.
Bonsoir Eric.
Merci beaucoup pour ce témoignage qui nous offre quelques informations supplémentaires sur le passage du 149e R.I. en Belgique.
Bien cordialement.
Denis

Re: 149e RI

Publié : mar. sept. 30, 2008 9:48 am
par denis33
Bonjour à toutes et à tous.
Bonjour Eric.
Il sagit bien de l'adjudant-chef Eugène BOMBARDE de la 10e compagnie, blessé le 5 novembre dans la région de Wytschaete et qui décèdera le lendemain à 12 h 00 à la suite de ses blessures, à l'ambulance n° 3 de la 32e division. les infirmiers Pierre Soucaille et Justin Gacien sont témoins de son décès. Pour information, il semblerait que le médecin-chef de cette ambulance se nommait Dieudonné Laffont.
Bien cordialement.
Denis