Bonjour,
Tous les journaux de l'époque et les revues ("L'Illustration", etc...) relatent de façon plus ou moins exacte les événements du 29 mars 1918.
Voici une synthèse assez complète parue dans le livre de Jules Poirier "Les bombardements de Paris"-Payot 1930.
Au plan technique, le coup a été d'autant plus meurtrier que l'alerte n'avait pas été donnée à Paris.En effet, le 29 mars, les allemands mettent en service pour la première fois leur troisième tube neuf installé sur affût "Eisenbahn und Bettungsschiessgerüst" sur l'emplacement dit "n° 1" par les français et "Stellung XXIII" par les allemands.Ce nouvel emplacement était encore inachevé le 23 mars au moment des premiers tirs effectués à partir de ce jour là depuis les deux autres emplacements de "Paris Kanonen".
Le 25 mars, une des deux pièces allemandes en service éclate et les tirs s'arrêtent car les services techniques étudient les causes de l'explosion prématurée dans une des bouches à feu.Le 29 mars, les tirs reprennent donc avec une bouche à feu neuve, ce qui explique les très forts "coups longs" enregistrés par les deux premiers obus qui tombent en banlieue sud à plus de 126.000 m de distance, soit à plus de 6 kilomètres de la cible (le point mathématique visé étant situé dans l'ïle de la Cité!).Les artilleurs de marine allemands règlent le tir en mesurant la pression atteinte dans la chambre à poudre et corrigent la charge en fonction de cette mesure, effectuée au moyen de "crushers" (petit morceau de cuivre étalonné et dont la mesure de l'écrasement indique la pression).On imagine les calculs effectués après les deux premiers coups tirés, ce qui explique la durée importante entre les coups (25 à 30 mn).La correction du troisième coup a malheureusement été calculée justement et l'obus est tombé dans la zone de l'objectif visé à moins de 1000 m du point visé!
Il ne faut pas oublier que la dispersion en portée d'un canon tirant à très haute vitesse initiale est très importante et varie généralement entre 0,5 et 1% de la distance de l'objectif, soit de l'ordre de 600 à 1200 mètres dans un "Pariser Kanone" neuf tirant à 120.000 mètres de distance.
Ces données confirment, s'il en était besoin, que le bombardement de Paris à 120 kilomètres n'avait aucun but purement militaire mais visait à répandre la terreur dans la population civile.
La tragédie de l'église Saint-Gervais a toutefois provoqué un effet contraire: la presse des états neutres, à l'exception de certains pays nordiques inféodés à l'Allemagne, s'est déchaînée contre la "barbarie allemande" frappant des dizaines de civils, essentiellement des femmes et des vieillards, pendant l'Office des Ténèbres du Vendredi Saint!
Pour les visiteurs du site de Crépy-en-Laonnois, l'emplacement du "Pariser Kanone" ayant tiré sur l'église Saint-Gervais est la plateforme bétonnée dont l'emplacement a été remis en état par le Conseil Général de l'Aisne, il y a trois ans.C'est d'ailleurs le seul emplacement bien visible, les deux autres ne présentant qu'une molle ondulation de terrain rappelant leur existence.

Extraits du livre de J.Poirier "Les Bombardements de Paris"-Payot-1930.
Cordialement,
Guy François.