Re: Carré militaire de Blercourt supprimé..
Publié : ven. mars 15, 2013 6:58 pm
Bonjour à tous,
Dramatique disparition en effet, mais qui est bien dans la culture française, depuis déjà des décennies et ce phénomène semblant s'amplifier avec le recul du temps...
Quelques constats liés à ma petite expérience :
Le regroupement des sépultures est un phénomène qui date quasiment des années Vingt, lors de la création des grandes nécropoles nationales. Combien de petits cimetières dits "provisoires" ont alors disparu pour que les corps soient transférés dans ces grandes nécropoles ? Roland Dorgelès a très bien relaté dans quelles conditions ces corps ont été exhumés par les travailleurs chinois, ou les ouvriers polonais ou belges, payés à la tâche (Dorgelès prenait l'exemple précis du Chemin des Dames)...
Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale et les nombreuses victimes des combats de 1940 et des batailles de la libération, nous avons assisté à une nouvelle refonte des nécropoles nationales et à la disparition de nouveaux carrés militaires (exemple dans l'Oise avec la NN de Cambronne-les-Ribécourt, qui, créée en 1950, s'est retrouvée à la fois nécropole recueillant majoritairement des corps de combattants et de marins décédés en juin 40 et nécropole 14-18, avec des corps rapatriés pour l'essentiel de la Normandie, ou encore de la Somme !)...
Dans le cimetière communal de Saint-Maximin près de Creil, dans l'Oise toujours, où je me suis rendu dernièrement pour effectuer le relevé des sépultures militaires, j'ai constaté que pratiquement toutes les tombes individuelles de soldats de la Grande Guerre, à quelques rares exceptions près, ont toutes été récupérées par la mairie, à défaut de familles pour entretenir encore ces sépultures. Les monuments ou plaques restantes, ont été regroupées près du carré militaire qui après avoir été restauré en 2010, se dégrade déjà à nouveau peu à peu (voir reportage photos sur la page Facebook de Patrimoine de la Grande Guerre)...
Dans le Noyonnais et le Soissonnais, la tentation des autorités, lors de la découverte de corps de soldats, ou lors du "rapatriement" de corps isolés, bien souvent en bordure de route, que l' "aménagement du territoire" oblige à supprimer parce qu'en plein dans la zone d'installation d'infrastructures, de routes ou de zones industrielles ou commerciales, est de déposer les restes des militaires découverts (identifiés ou pas) en ossuaires... S'il n'y avait pas quelques associations historiques locales particulièrement actives, ces corps et ces monuments disparaîtraient dans l'anonymat et dans une indifférence quasi-générale... Plusieurs exemples se sont déjà faits jour dans l'Oise mais ce phénomène est loin d'être anecdotique...
La tentation de beaucoup de municipalités est aussi aujourd'hui de pratiquer ce regroupement de corps isolés, pour le meilleur et parfois, pour le pire... Il est vrai que la mort ne se reposant jamais, c'est un problème crucial pour les mairies que la gestion des sépultures et des corps de combattants (comme des anonymes) et qu'il faut bien trouver de la place pour les nouvelles personnes décédées... Gageons que malheureusement, tôt ou tard, ce problème aura raison de nos carrés militaires de la Grande Guerre, lorsque le souvenir de ce conflit se sera définitivement estompé dans la mémoire collective : nous sommes sûrement l'une des dernières générations à être impactée par le souvenir de cette Grande Guerre, qui ne dit déjà plus grand chose aux jeunes générations d'aujourd'hui (alors qu'est-ce que ces carrés militaires et même ces nécropoles représenteront dans 100 ou 200 ans, lorsque plus aucun de nous ne sera là pour le rappeler encore et encore ?)...
Une dernière observation, plus près de chez vous - je pense à vous mon cher Frédéric : il y a un peu plus d'une dizaine d'années maintenant, lorsque j'étais allé découvrir quelques aspects du front d'Argonne et de la Meuse, je m'étais rendu à la NN de La Forestière (Lachalade) et de là, à l'office de tourisme de Clermont-en-Argonne, où la responsable m'avait aimablement reçu et informé. Voyant ma passion pour le sujet, elle m'avait alors déclaré que l'ONF avait des vues sur cette nécropole qui était comme une verrue dans ses plantations et que, si ça n'avait pas été pour les essences d'hortensias qui y sont plantées, cette NN aurait déjà disparu depuis longtemps... On ne peut être qu'interloqué quand on entend un tel discours (n'étant pas du cru et n'ayant pas d'antenne "locale", je n'ai pu vérifier par moi-même la véracité de ces déclarations... Toutefois, ce procédé, pour scandaleux qu'il puisse à juste titre nous paraître, est bien dans l'air du temps)...
Certes, nous ne pourrons pas tout conserver, mais la question se pose tout de même de savoir jusqu'où peut-on aller dans l'effacement de la mémoire de la Grande Guerre, dont la plupart de nos politiques et des acteurs locaux (qui seront, pour la plupart, plus sûrement et plus sincèrement impliqués que la majorité de ceux composant la première catégorie citée) s'apprêtent à fêter le centenaire ?
Cordialement,
Jean-Michel
Dramatique disparition en effet, mais qui est bien dans la culture française, depuis déjà des décennies et ce phénomène semblant s'amplifier avec le recul du temps...
Quelques constats liés à ma petite expérience :
Le regroupement des sépultures est un phénomène qui date quasiment des années Vingt, lors de la création des grandes nécropoles nationales. Combien de petits cimetières dits "provisoires" ont alors disparu pour que les corps soient transférés dans ces grandes nécropoles ? Roland Dorgelès a très bien relaté dans quelles conditions ces corps ont été exhumés par les travailleurs chinois, ou les ouvriers polonais ou belges, payés à la tâche (Dorgelès prenait l'exemple précis du Chemin des Dames)...
Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale et les nombreuses victimes des combats de 1940 et des batailles de la libération, nous avons assisté à une nouvelle refonte des nécropoles nationales et à la disparition de nouveaux carrés militaires (exemple dans l'Oise avec la NN de Cambronne-les-Ribécourt, qui, créée en 1950, s'est retrouvée à la fois nécropole recueillant majoritairement des corps de combattants et de marins décédés en juin 40 et nécropole 14-18, avec des corps rapatriés pour l'essentiel de la Normandie, ou encore de la Somme !)...
Dans le cimetière communal de Saint-Maximin près de Creil, dans l'Oise toujours, où je me suis rendu dernièrement pour effectuer le relevé des sépultures militaires, j'ai constaté que pratiquement toutes les tombes individuelles de soldats de la Grande Guerre, à quelques rares exceptions près, ont toutes été récupérées par la mairie, à défaut de familles pour entretenir encore ces sépultures. Les monuments ou plaques restantes, ont été regroupées près du carré militaire qui après avoir été restauré en 2010, se dégrade déjà à nouveau peu à peu (voir reportage photos sur la page Facebook de Patrimoine de la Grande Guerre)...
Dans le Noyonnais et le Soissonnais, la tentation des autorités, lors de la découverte de corps de soldats, ou lors du "rapatriement" de corps isolés, bien souvent en bordure de route, que l' "aménagement du territoire" oblige à supprimer parce qu'en plein dans la zone d'installation d'infrastructures, de routes ou de zones industrielles ou commerciales, est de déposer les restes des militaires découverts (identifiés ou pas) en ossuaires... S'il n'y avait pas quelques associations historiques locales particulièrement actives, ces corps et ces monuments disparaîtraient dans l'anonymat et dans une indifférence quasi-générale... Plusieurs exemples se sont déjà faits jour dans l'Oise mais ce phénomène est loin d'être anecdotique...
La tentation de beaucoup de municipalités est aussi aujourd'hui de pratiquer ce regroupement de corps isolés, pour le meilleur et parfois, pour le pire... Il est vrai que la mort ne se reposant jamais, c'est un problème crucial pour les mairies que la gestion des sépultures et des corps de combattants (comme des anonymes) et qu'il faut bien trouver de la place pour les nouvelles personnes décédées... Gageons que malheureusement, tôt ou tard, ce problème aura raison de nos carrés militaires de la Grande Guerre, lorsque le souvenir de ce conflit se sera définitivement estompé dans la mémoire collective : nous sommes sûrement l'une des dernières générations à être impactée par le souvenir de cette Grande Guerre, qui ne dit déjà plus grand chose aux jeunes générations d'aujourd'hui (alors qu'est-ce que ces carrés militaires et même ces nécropoles représenteront dans 100 ou 200 ans, lorsque plus aucun de nous ne sera là pour le rappeler encore et encore ?)...
Une dernière observation, plus près de chez vous - je pense à vous mon cher Frédéric : il y a un peu plus d'une dizaine d'années maintenant, lorsque j'étais allé découvrir quelques aspects du front d'Argonne et de la Meuse, je m'étais rendu à la NN de La Forestière (Lachalade) et de là, à l'office de tourisme de Clermont-en-Argonne, où la responsable m'avait aimablement reçu et informé. Voyant ma passion pour le sujet, elle m'avait alors déclaré que l'ONF avait des vues sur cette nécropole qui était comme une verrue dans ses plantations et que, si ça n'avait pas été pour les essences d'hortensias qui y sont plantées, cette NN aurait déjà disparu depuis longtemps... On ne peut être qu'interloqué quand on entend un tel discours (n'étant pas du cru et n'ayant pas d'antenne "locale", je n'ai pu vérifier par moi-même la véracité de ces déclarations... Toutefois, ce procédé, pour scandaleux qu'il puisse à juste titre nous paraître, est bien dans l'air du temps)...
Certes, nous ne pourrons pas tout conserver, mais la question se pose tout de même de savoir jusqu'où peut-on aller dans l'effacement de la mémoire de la Grande Guerre, dont la plupart de nos politiques et des acteurs locaux (qui seront, pour la plupart, plus sûrement et plus sincèrement impliqués que la majorité de ceux composant la première catégorie citée) s'apprêtent à fêter le centenaire ?
Cordialement,
Jean-Michel