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Re: Foch ordonnateur d'une décimation?

Publié : dim. avr. 11, 2010 12:03 am
par carnot
32e CORPS D’ARMEE Ferme Verbranden Molen 16 décembre 1914
38e DIVISION
Objet : Compte-rendu Le Lieutenant-colonel Vallet Commandant le 8e Tirailleurs
A Monsieur le Général Commandant la 38e Division.
SECRET


J’ai l’honneur de vous rendre compte que l’ordre de Monsieur le Général d’Urbal Commandant la 8eme Armée a été exécuté aujourd’hui 16 décembre à 16h30.
Les dix tirailleurs désignés par le sort ont été fusillés après les formalités prescrites dans ledit ordre.
Un ordre en arabe a été lu aux Tirailleurs pour leur expliquer les motifs de la décision du Général.
Aucun incident.

VALLET ( signature)
(Lettre de la main de Vallet)

Vu et transmis
Le Colonel Commandant le secteur Nord
MERIC ( ?) (signature)

Vu et transmis au Général Commandant le 32e Corps d’Armée M. Americ

Kruisstraat le 16-12-14
DE BAZELAIRE ( signature)

12 5 17-12-14
L’exécution a, paraît-il fortement impressionné les Tirailleurs et on pense qu’elle aura un effet salutaire.
C’est une compagnie de zouaves qui en a été chargée.

Vlamertinge 17-12-14 HUMBERT ( signature)


Vu et transmis
A Monsieur le Général adjoint au Commandant en chef pour faire suite au premier compte-rendu adressé le 16 décembre à 22h45’

Q.G. de Roushuigge, le 17 décembre 1914
Le Général Commandant la 8e Armée
D’URBAL ( signature)


N° 6378 Vu et transmis
FOCH ( signature)

Re: Foch ordonnateur d'une décimation?

Publié : dim. avr. 11, 2010 2:06 pm
par chanteloube
Bonjour,

Je pense que la proposition est probablement de d'URBAL, mais l'ordre d'éxecution est bien de Foch .
La photographie du document et le seing ne laissent aucun doute

"Les dix tirailleurs désignés par le sort ont été fusillés après les formalités prescrites dans ledit ordre"

cette formulation, à mon sens, ne laisse pas envisager autre chose qu'une décimation.. je vois mal comment on aurait pu faire autrement......par ailleurs le dossier laisse entendre que l'on recherchera les meneurs par la suite et .....
Cordialement CC

Re: Foch ordonnateur d'une décimation?

Publié : dim. avr. 11, 2010 7:55 pm
par chanteloube
Rebonjour,

Oui, vous avez tout à raison: il ne s'agit pas d'une décimation au "sens romain" du terme et vous avez tout aussi raison de dire que les mots ont un sens précis...encore que par glissement sémantique on arrive à de curieuses acceptions. Je pense que s’il n’y a aucune ambiguïté quand au sens militaire du mot dans son sens ancien, on lit, effectivement, assez souvent, que les troupes d’Orient ont été décimées par les « fièvres », ce qui, a proprement parler n’est pas exact mais que chacun comprend correctement ( ce fut pire qu’une décimation !)

Le texte de Foch est exactement le suivant :
Le 8°tirailleurs a-t-il supporté plus de fatigue que les autres ?
1-si oui, qu’on les repose-
2-si non : les meneurs dix hommes tirés au sort dans la compagnie qui a refusé de se lever, et qu’on les passe par les armes, dans un autre corps.
3-Qu’on me rende compte sans aucun retard de ce qui a été fait.

Je peux faire erreur… mais il me semble bien que le dossier dont on a la première page (Photo en coin) est passé entre les mains suivantes : de Bazelaire, qui demande une sanction contre les meneurs, Durbal qui demande exécution de 10 tirailleurs tirés au choix et des meneurs, Humbert qui transmet, Foch qui donne l’ordre d’exécution, ensuite le dossier redescend parce qu’il y a eu du retard dans l’exécution et que Durbal demande une sanction contre le lt-col, ensuite il remonte parce qu’il faut bien rendre compte. Au bout de la chaîne hiérarchique, en remontant, Foch transmet au G.Q.G.

Cordialement CC

Re: Foch ordonnateur d'une décimation?

Publié : mar. avr. 20, 2010 10:49 pm
par chanteloube
Bonsoir,
je crois qu'une fois de plus vous avez raison...il nous faudrait avoir en main la, ou les réactions du G Q G à l'arrivée de ce dossier...Je note , mais c'est une idée probablement "hardie" que ces exécutions me semblent peu conforme aux "usages" qui prévoyaient de forcer l'obeïssance sur le champ mais pas de façon retardée....Mais...Prudence..
Cordialement CC

Re: Foch ordonnateur d'une décimation?

Publié : mer. avr. 21, 2010 9:56 am
par chanteloube

Bonjour à toutes et à tous,
Je rajoute ce matin une question qui me tracasse.....

l'un de vous saurait-il, ou mieux aurait-il, les attendus du jugement de réhabilitation des deux officiers du 347° RI fusillés en juin 1916 à Fleury

j'ai lu quelque chose la-dessus mais j'ai perdu la référence...
On se fait vieux!
Cordialement CC

Re: Foch ordonnateur d'une décimation?

Publié : jeu. avr. 22, 2010 8:54 am
par chanteloube
Un bonjour matinal,

En farfouillant dans mes dossiers j'ai retrouvé un brouillon de fiche de lecture sans vraiment savoir d'où elle vient.... mais bon... c'est bien ce que je cherchais à retrouver: la similitude entre l'affaire des Tirailleurs (1914) et celle de Millant et Herduin (1916)

Verdun 1916 : l’affaire Herduin et Millant, une exécution sommaire

Dès les premiers mois de la Grande guerre, des exécutions sommaires se sont produites avec l’aval de la hiérarchie militaire. Certaines d’entre elles ont été l’objet d’ordres écrits et on en retrouve aujourd’hui la trace dans les archives de l’armée.
(...)
Il existe au moins un cas d’exécution extrajudiciaire qui a dû être reconnu par le ministre de la Guerre, en 1921, puis a fait l’objet d’une décision de Justice, en 1926, c’est celui des deux sous-lieutenants Henri Herduin et Pierre Millant […] fusillés sans jugement, le 11 juin 1916, à Fleury, devant Douaumont,
(…)
Au début de la guerre, le 6 septembre 1914, à la demande de Joffre, commandant en chef des armées du nord-est, avaient été créées les cours martiales. Composés de trois juges militaires placés sous l’autorité de leur hiérarchie, elles ne prenaient en compte aucune circonstance atténuante, leurs décisions étaient immédiatement exécutées, sans possibilité d’appel ou de grâce.
(…)
ces cours martiales venaient d’être supprimées quand est intervenue l’affaire Herduin-Millant.
(…)
Une loi avait été votée le 17 avril 1916,
(…)
et elle avait été suivie le 29 avril 1916 d’une circulaire du ministère de la Guerre qui avait attiré l’attention du commandement sur cette suppression.
(…)
Quelques semaines plus tard, près de Verdun, les sous-lieutenants Herduin et Millant étaient accusés d’avoir « quitté le champ de bataille sans ordre, abandonnant la lutte ». Le colonel commandement la 103e brigade, le colonel Bernard, a décidé,
(...)
de les [faire] fusiller.
Des officiers ont témoigné d’un ordre écrit signé de ce colonel : « Fusillez immédiatement les lieutenants Herduin et Millant, coupables d’abandon de poste »
L’ordre a été approuvé par le général Boyer, commandant la 52e division d’infanterie. Et l’exécution, critiquée par le général Lebrun, commandant le groupe de divisions du secteur de Dugny, a été « couverte » et justifiée ensuite,
(...)

Lors d’un procès en diffamation intenté par Fernande Herduin contre le journal La Presse
(...)
un officier, le capitaine Lutz, a témoigné de l’existence au ministère de la Guerre de rapports concernant ce drame, dont un du commandant de la 2e armée, le général Nivelle approuvant l’exécution : « L’ordre d’exécution a été donné par le général Boyer. Au ministère de la Guerre se trouvent trois rapports concernant le drame de Fleury : un du général Boyer, exigeant la fusillade ; un du général Lebrun, blâmant le général Boyer ; un du général Nivelle, qui commandait alors l’armée, approuvant le général Boyer »
(…)
Face à toutes ces révélations, le ministre de la Guerre Louis Barthou a dû reconnaître, le 14 novembre 1921, dans une lettre à sa veuve, que le lieutenant Herduin [avait] exécuté sans jugement :
« Les dépositions recueillies au cours d’un récent procès que vous avez intenté à un journal parisien m’ont fait un devoir d’examiner à nouveau les requêtes dont vous avez saisi à plusieurs reprises mes prédécesseurs et moi-même.
Il résulte de ce débat, comme des documents antérieurs, que votre mari, le lieutenant Herduin, a été exécuté sans jugement, quarante-huit heures après son repli de Douaumont sur Verdun, le 11 juin 1916 »


La destruction officielle des archives

Les dossiers des deux officiers, qui sont consultables aujourd’hui au Service historique de la défense, contiennent l’un et l’autre une note datée du 16 novembre 1921 du chef du bureau des archives au ministère de la Guerre disant : « Il existait au dossier un certain nombre de pièces au sujet de l’ordre d’exécution et de l’historique de l’affaire. Le présent dossier a été communiqué au général, chef de cabinet du ministre, en novembre 1921. A sa rentrée aux archives, le 16 novembre, le chef de bureau a constaté que les documents visés ci-dessus ne s’y trouvaient plus ».
(…)
Il paraît probable que le ministre Louis Barthou [ou quelqu'un plus tard, a demandé que l’on fasse] disparaître les documents signés du colonel Bernard, du général Boyer, du général Joffre, du général Pétain et du général Nivelle, approuvant l’exécution sommaire – ainsi que du général Lebrun exprimant son désaccord.
(...)
quoi qu’il en soit, le reste du dossier fait état de l’approbation des plus hautes autorités de l’armée.
En effet, le « nettoyage » du dossier Herduin n’a pas été complet. On y trouve une note de la direction de la Justice militaire au ministère de la Guerre qui « constate […] que l’acte du général Boyer […] a été couvert par l’approbation des généraux Nivelle, Pétain et Joffre » et que « l’approbation du général en chef a suffi sinon à légaliser, du moins à entériner, en quelque sorte, la décision du général Boyer ».

Le cas de Pierre Millant a été moins popularisé car il était célibataire et ses parents n’ont pas pu, semble-t-il, déployer autant d’efforts que Fernande Herduin pour défendre sa mémoire
(...)
La réhabilitation posthume des sous-lieutenants Herduin et Millant a été prononcée par un arrêt de la Cour d’appel de Colmar le 20 mai 1926
(…)
D’après Gilles Manceron
Bien entendu les "gras et les couleurs" sont de ma main, les mises en italiques aussi, les coupures (...) également.

Cordialement
CC

Re: Foch ordonnateur d'une décimation?

Publié : ven. avr. 23, 2010 9:42 am
par chanteloube
Bonjour matinal,

pour compléter le propos, un nouvel exemple relevé par le général Bach et N. Offensdadt d'une exécution " différée" dans la zone du 10° CA

Image

Boutegourd commande la 51° DR

Les 7 fusillés seront réhabilités au motif que:

" Attendu [...] que d’après les règlements militaires il n’existe qu’un seul cas où le chef puisse forcer l’obéissance, c’est au contact et au contact direct de l’ennemi ( article 12 du décret du 3 décembre 1913) que tel n’était évidemment pas le cas…."

J'ajoute que le 10°CA était, à ce moment là, commandé par le général Desforges et qu'il appartenant à la IX°A commandée par le général d'Esperrey

Cordialement
CC