Re: LONGWY Chargeurs de l'Ouest
Publié : ven. avr. 19, 2024 2:03 pm
Bonjour,
Collection de petites biographies écrites par des descendants ou collatéraux des marins de l'équipage du Longwy et destinées à alimenter l'effort mémoriel autour de cet équipage français disparu en 1917 au large de l'Écosse. Par exemple, à utiliser lors de visites de la stèle à Girvan. Chaque texte est suivi d'une proposition de traduction en langue anglaise.
On trouvera ci-dessous les biographies des marins Albert Merlen, Léon Manoir, Samuel Brajeul.
Albert Merlen, marin des Sables-d'Olonne,
victime du devoir
Au cours de la guerre 14-18, de très nombreux habitants des Olonnes sont morts sous divers uniformes de l'armée française. Parmi eux un marin chaumois, Albert Merlen, fusilier-marin, embarqué à bord du vapeur Longwy. Il était né à La Chaume le 22 septembre 1898 ; il avait donc 19 ans au moment de sa disparition. Son père prénommé Noémi était marin et le frère de Dalie Merlen, l'épouse de Paul-Émile Pajot, le peintre chaumois. On lui comptait un autre frère, Noémi, dit "Mimi" bien connu sur les quais de La Chaume et une sœur Yvonne, épouse Mocquet, qui fut bouchère à La Chaume. Albert disparut en mer la même semaine que ses parents auraient dû fêter leur vingt ans de mariage (mariés le 9 novembre 1897).
Dans son journal, son oncle Paul-Émile Pajot écrit à la date du 24 novembre, soit vingt jours après les faits, la rubrique nécrologique de son neveu :
"Samedi 24 novembre 1917.
Nous sommes bien peinés, car un grand malheur vient d'arriver dans la famille. Mon neveu Albert, le fils aîné de mon beau-frère Noémi est perdu avec tout son équipage et le navire qui le transportait en Angleterre. C'était un vapeur de Nantes, le Longwy, de la Compagnie de l'Ouest, qui faisait des voyages de charbon d'Angleterre en France.
On était sans nouvelles de mon neveu depuis 23 jours, quand, tout à coup, un gendarme de marine vint annoncer la fatale nouvelle. Le vapeur a sauté sur une mine ou bien a été torpillé, car une explosion formidable a été entendue sur la côte anglaise. Trois cadavres ont été jetés à la côte. Parmi eux se trouvent le capitaine et deux marins de l'infortuné navire, mais mon neveu n'est pas retrouvé.
Voilà la première victime proche de la famille, rapport à cette horrible guerre. Pauvre petit Albert. Il n'avait que 18 ans. On l'aimait bien. La douleur de ses parents est navrante, ainsi que la nôtre, aussi ai-je le cœur bien gros en écrivant aujourd'hui ces lignes, à la mémoire du cher petit disparu."
Extrait d'un article de la revue Olona de juin 2014, signé Jean-Yves Mocquet, neveu d'Albert Merlen, qui "souhaitait lui rendre hommage à l'occasion du centenaire de la Grande Guerre."
Albert Merlen, a sailor from Les Sables-d'Olonne, a victim of duty
During the Great War (1914-1918), many inhabitants of Les Sables-d'Olonne were killed while wearing various uniforms of the French armed forces. Among them was Albert Merlen, a French Marine aboard the steamer Longwy. He was born in La Chaume on September 22, 1898, making him 19 when he was killed. His father Noémi was a fisherman and his aunt Dalie the wife of painter Paul-Émile Pajot. Albert had another brother named Noémi, nicknamed "Mimi", a well-known figure in the port of La Chaume, and a sister named Yvonne who was married to Mocquet, a butcher in La Chaume. Albert was lost at sea the same week his parents were due to celebrate their twentieth wedding anniversary; they were married on November 9th, 1897.
In his diary, painter Paul-Émile Pajot writes his nephew's obituary in the entry of November 24, which is twenty days after the event:
"Saturday November 24th, 1917. The weather is rather mild today. The children returned from the sea yesterday morning with a catch of fish, a rarity in these times, and quite expensive.
We are in profound sorrow, since a huge misfortune has befallen our family. My nephew Albert, the eldest son of my brother-in-law Noémi, is lost along with his entire crew aboard his ship that was sailing to Britain. She was a steamer from Nantes, the Longwy from the Compagnie de l'Ouest, she transported coal from Britain to France.
We had received no news from my nephew for 23 days when, suddenly, a gendarme arrived with the devastating news. The steamer either struck a mine or was torpedoed, as a massive explosion was heard on the British coast. While three bodies, including the captain's, were washed ashore, my nephew remains unfound.
This marks the first casualty due to this dreadful war in our family. Poor dear Albert, he was only 18. He held a special place in our hearts.
The grief of his parents is heart-wrenching, and so is ours. In great sadness, I pen these lines today in memory of our beloved departed youth."
Excerpt from the bulletin of maritime archeological and historical society "Olona" from Les Sables-d'Olonne,
Vendée, France. Published in June 2014 by Jean-Yves Mocquet, a nephew of Albert Merlen, who "wished to pay tribute to his uncle on the centenary of the Great War."
Léon Manoir
Léon Manoir, né à st Quay Portrieux (22) en 1873, est marié le 27/11/1905 à Marie Joseph Pomiès, née en 1885, fille du capitaine Pierre Pomiès, Commandant des baleiniers décédé en mer d’Islande lors du naufrage de la « Maria ».
Il a fait ses études préparatoires de marine ainsi que deux de ses frères au Likès de Lannion, puis fait ses études de capitaine de la marine marchande à Nantes où il a effectivement obtenu son diplôme de Capitaine.
Nous savons qu’il était en congé maladie quand on lui a proposé ce poste sur le Longwy, il n’était nullement obligé de prendre la mer mais il considérait que c’était la guerre donc il ne pouvait refuser cette mission … Il a embarqué à Nantes.
Après le naufrage, il a laissé derrière lui sa femme et ses trois filles : Renée (4 ans), Marie Paule (5 ans) et Marguerite (7 ans) dans des conditions difficiles puisque c’était la guerre et que la pension de réversion n’a été reconnue qu’en 1951…
Marguerite, ma maman, a eu elle-même trois enfants. Elle est décédée à l’âge de 41 ans et c’est Marie Paule et Renée, célibataires, qui nous ont élevées chez ma grand-mère Marie Joseph (femme de Léon). Mes deux frères ont également été capitaines au long cours.
Marie Paule, décédée à l’âge de 89 ans, a toujours parlé positivement de son père et gardait précieusement un portrait de Léon Manoir dans sa chambre (photo ci-dessus).
Moi-même, née Cordillet, fille de Marguerite, étais mariée à un capitaine au long cours à la compagnie des Pétroles BP et je garde beaucoup de souvenirs d’échanges avec ma grand-mère me parlant de la dure vie de femme de marin mais aussi de joies au moment du retour.
Témoignage de la petite-fille de Léon Manoir, Saint-Quay-Portrieux, Côtes-d'Armor.
Léon Manoir was born in St-Quay-Portrieux, Brittany, France, in 1873 and married on 27/11/1905 to Marie Joseph Pomiès, born in 1885, the daughter of Captain Pierre Pomiès, a whaling captain who died off Iceland when the "Maria" sank.
Along with two of his brothers, he pursued his preparatory naval studies at the Likès high school in Lannion, then studied to become a merchant navy captain in Nantes, where he obtained his captain's diploma.
We know that he was on sick leave when he was offered the job on the Longwy. He was under no obligation to go to sea, but he considered it was wartime, so he couldn't refuse the mission ... He embarked from Nantes.
After the shipwreck, he left behind his wife and three daughters: Renée (4 years old), Marie Paule (5 years old) and Marguerite (7 years old) in dire condition because it was wartime, and the war widow pension was not recognised until 1951...
Marguerite, my mother, had three children of her own. She died at the age of 41 and it was the unmarried Marie Paule and Renée who brought us up with my grandmother Marie Joseph (Léon's wife). My two brothers were also sea captains.
Marie Paule, who died at the age of 89, always spoke highly of her father and treasured a portrait of Léon Manoir in her bedroom (first picture above).
Myself, née Cordillet, Marguerite's daughter, was married to a master mariner with the BP oil company, and I have many memories of talking to my grandmother about the hard life of a sailor's wife, but also of joy when the sailor returned home.
Tribute written by a granddaughter of Léon Manoir, Saint-Quay-Portrieux, Brittany, France.
Samuel Brajeul
HISTOIRE DE SAMUEL BRAJEUL (1868 -1917)
Les parents de Samuel, installés comme cultivateurs à Saint-Méloir-des-Ondes, auront deux fils, dont Samuel, né le 14 mai 1868, qui sera marin et restera toute sa vie à Saint-Méloir-des-Ondes.
En 1897 Samuel épouse Adrienne Mainsard, à Saint-Méloir. Il a 29 ans. La famille Mainsard est une famille de marins, qui a « donné » beaucoup de ses enfants à la mer. Le couple aura quatre enfants nés entre 1898 et 1904.
Aucun membre de sa famille ne possède de photo de Samuel mais, grâce aux différents registres de l’Inscription Maritime, on apprend qu’il avait « les cheveux et les sourcils blonds, un front ordinaire, le visage ovale avec des yeux bleus, une bouche moyenne et un nez moyen », mais on n’a jamais noté sa taille ni son poids sur sa fiche.
Son parcours maritime :
Juste avant ses 12 ans, Samuel est inscrit comme mousse en 1880, à l’Inscription Maritime au quartier de Cancale. Il naviguera très peu entre 1880 et 1882. Samuel fera sa première campagne de pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve en 1885, en qualité de novice. A partir de 1886 il sera toujours embarqué comme matelot. On note cependant que, pour les 4 campagnes 1909 à 1912, il est embarqué en qualité de « saleur », et pour sa dernière campagne en 1916 en qualité de « patron de doris ».
En 32 ans de carrière maritime, de 1885, date de sa première campagne de Terre-Neuva, à 1916, date de sa dernière campagne à St-Pierre et Miquelon, Samuel fera 29 campagnes de Terre-Neuva et 4 voyages au long cours. Il a également plusieurs fois embarqué pour la « petite pêche ». Il subira malheureusement deux naufrages, le 1er en 1898, dont il sera un des 9 survivants, et le 2è en 1917.
Août 1898 : 1er naufrage
Lors de sa 14è campagne, il est embarqué sur un brick-goêlette « La Coquette » et le 20 août 1898, c’est la catastrophe : le cargo danois « Norge » percute le bateau de pêche à l’avant. « La Coquette » se brise en deux et coule. 9 des 25 marins sont sauvés par l’équipage du « Norge » : le capitaine et son second, Samuel et six autres matelots. Après ce premier naufrage, il rentre à Cancale et effectue sa période de réserviste de l’armée pendant un mois à Cherbourg. Ensuite il embarquera pour de la petite pêche sur Cancale au cours de l’année 1899, avant de repartir sur les bancs de Terre-Neuve dès le printemps 1900.
Novembre 1917 : 2è naufrage
Lorsque la mobilisation générale est déclarée le 1er aout 1914, Samuel est mis à la disposition de la marine de commerce. De janvier 1915 à mars 1916 il fera une campagne au long cours puis sa dernière campagne de Terre-Neuva de mars à décembre 1916. De janvier à septembre 1917, il navigue sur le cargo « Longwy » pour une campagne au long cours, et repart de Nantes, sur le même bateau le 17 octobre 1917 : le cargo va charger du minerai à Bilbao pour l’emmener à Glasgow. Dans la nuit du 4 au 5 novembre 1917, le cargo est torpillé et coulé par un sous-marin allemand en mer d’Irlande.
Tout l’équipage a péri dans ce naufrage mais trois corps ont été rejetés sur les côtes écossaises, à Girvan, située sur la côte ouest de l’Ecosse à une trentaine de kms au sud de Ayr. Ces trois marins étaient :
• Le Capitaine Joseph Huet, originaire de Saint-Malo, qui a été facilement identifié car il avait ses papiers d’identité, son alliance où était gravée la date de son mariage.
• Le télégraphiste, qui a également pu être identifié assez rapidement, Adolphe Harré, originaire de Quimper.
• Et Samuel Brajeul qui a été identifié, plus tardivement.
Les corps de ces 3 marins ont été inhumés à Girvan. La famille du Capitaine Huet a réclamé le corps, qui est maintenant inhumé à Saint-Malo.
Texte rédigé par Monsieur Gérard Langevin, petit-neveu du matelot Samuel Brajeul, Rennes, Ille-et-Vilaine.
STORY OF SAMUEL BRAJEUL (1868 -1917)
Samuel's parents, who were farmers in Saint-Méloir-des-Ondes, Brittany, France, had two sons, including Samuel, born on 14 May 1868, who became a sailor and lived in Saint-Méloir-des-Ondes all his life.
In 1897 Samuel married Adrienne Mainsard in Saint-Méloir. He was 29 years old. The Mainsard family were sailors, and sent many of their children to the sea. The couple had four children born between 1898 and 1904.
No member of his family has a photograph of Samuel but, thanks to the various maritime enrollment records, we learn that he had "blond hair and eyebrows, an ordinary forehead, an oval face with blue eyes, an average mouth and an average nose", but his height and weight were never noted on his record.
His maritime career:
Just before his 12th birthday, Samuel was registered as a cabin boy in 1880, at the Maritime Registration Office in the Cancale district. He sailed very little between 1880 and 1882. Samuel made his first cod fishing voyage on the banks of Newfoundland in 1885 as an apprentice. From 1886 onwards, he was always listed as a seaman on the crew list. However, for the four campaigns from 1909 to 1912, he was listed as a "salter", and for his last campaign in 1916 as a "doryman".
In a maritime career spanning 32 years, from 1885, the date of his first Newfoundland expedition, to 1916, the date of his last campaign off St-Pierre and Miquelon, Samuel sailed on 29 Newfoundland fishing campaigns, completed four ocean voyages, and he embarked on several inshore fishing trips. Unfortunately, he experienced two shipwrecks, the first in 1898, of which he was one of the nine survivors, and the second in 1917.
August 1898: first shipwreck
During his 14th campaign, he was aboard schooner "La Coquette" when disaster struck on the Newfoundland banks on August 20, 1898: the Danish cargo ship "Norge" collided with the fishing boat at the bow causing "La Coquette" to break in two and sink. Nine out of the 25 sailors were saved by the crew of the "Norge": the captain, his first mate, Samuel, and six other sailors. After this first shipwreck, he returned to Cancale and spent a month in Cherbourg as an army reservist. He then embarked on small-scale fishing trips off Cancale in 1899, before departing for the banks of Newfoundland in the spring of 1900.
November 1917: second shipwreck
When general mobilisation was declared on 1 August 1914, Samuel was placed at the disposal of the merchant navy. From January 1915 to March 1916, he participated in a long-distance campaign, then his last fishing expedition to Newfoundland from March to December 1916. From January to September 1917, he sailed on the cargo ship "Longwy", and left Nantes on this ship on 17 October 1917, bound for Bilbao to load ore destined for Glasgow. During the night of 4 to 5 November 1917, the cargo ship was torpedoed and sunk by a German U-boat in the Irish Sea.
All the crew perished in the wreck, but three bodies were washed up on the Scottish coast at Girvan, on the west coast of Scotland, around thirty kilometres south of Ayr. The three sailors were :
- Captain Joseph Huet, from Saint-Malo, who was easily identified because he had his identity papers and his wedding ring with the date of his marriage engraved on it.
- The telegrapher, Adolphe Harré, from Quimper, who was also identified fairly quickly.
- Samuel Brajeul, who was identified later.
The bodies of these three sailors were buried in Girvan. Captain Huet's family later claimed his body, which is now buried in Saint-Malo.
Text written by Mr Gérard Langevin, a great-nephew of Samuel Brajeul, Rennes, Brittany, France.
Les bénévoles de l'association Aux Marins ("Mémorial national des marins morts pour la France", Plougonvelin, Finistère) font un travail biographique parallèle et plus ambitieux sur cet équipage, qui complète, quand c'est possible, les recherches de "Rutilius" sur ce forum.
Lien vers le site internet de cette association :
https://memorial-national-des-marins.fr/
Nous avons récemment été en contact avec le journaliste Jean-Marie Le Provost du quotidien Ouest-France. Les personnes intéressées par ce projet mémoriel trouveront son article intitulé "L'histoire du marin Albert Merlen sortie de l'oubli" dans l'édition des Sables-d'Olonne de ce journal du 10 avril dernier. Lien vers cet article :
https://www.ouest-france.fr/pays-de-la- ... db63ab310d
Les personnes ou institutions susceptibles de fournir des éléments de biographie, photo, sur l'un des marins du Longwy sont chaleureusement invitées à les faire connaître. Ces biographies seront accessibles par QR code attaché à la stèle.
Je remercie Madame la Présidente d'Olona ainsi que les personnels des Archives Municipales des Sables-d'Olonne, en Vendée, pour leur efficacité, leur gentillesse, et leur intérêt pour ce projet mémoriel franco-britannique.
Merci à la famille de Léon Manoir d'avoir pris la peine de me contacter pour partager son témoignage. Remerciements à M. Gérard Langevin pour avoir accepté de condenser pour nous l'important travail de recherche qu'il a consacré à Samuel Brajeul.
Bien cordialement,
Eric
Collection de petites biographies écrites par des descendants ou collatéraux des marins de l'équipage du Longwy et destinées à alimenter l'effort mémoriel autour de cet équipage français disparu en 1917 au large de l'Écosse. Par exemple, à utiliser lors de visites de la stèle à Girvan. Chaque texte est suivi d'une proposition de traduction en langue anglaise.
On trouvera ci-dessous les biographies des marins Albert Merlen, Léon Manoir, Samuel Brajeul.
Albert Merlen, marin des Sables-d'Olonne,
victime du devoir
Au cours de la guerre 14-18, de très nombreux habitants des Olonnes sont morts sous divers uniformes de l'armée française. Parmi eux un marin chaumois, Albert Merlen, fusilier-marin, embarqué à bord du vapeur Longwy. Il était né à La Chaume le 22 septembre 1898 ; il avait donc 19 ans au moment de sa disparition. Son père prénommé Noémi était marin et le frère de Dalie Merlen, l'épouse de Paul-Émile Pajot, le peintre chaumois. On lui comptait un autre frère, Noémi, dit "Mimi" bien connu sur les quais de La Chaume et une sœur Yvonne, épouse Mocquet, qui fut bouchère à La Chaume. Albert disparut en mer la même semaine que ses parents auraient dû fêter leur vingt ans de mariage (mariés le 9 novembre 1897).
Dans son journal, son oncle Paul-Émile Pajot écrit à la date du 24 novembre, soit vingt jours après les faits, la rubrique nécrologique de son neveu :
"Samedi 24 novembre 1917.
Nous sommes bien peinés, car un grand malheur vient d'arriver dans la famille. Mon neveu Albert, le fils aîné de mon beau-frère Noémi est perdu avec tout son équipage et le navire qui le transportait en Angleterre. C'était un vapeur de Nantes, le Longwy, de la Compagnie de l'Ouest, qui faisait des voyages de charbon d'Angleterre en France.
On était sans nouvelles de mon neveu depuis 23 jours, quand, tout à coup, un gendarme de marine vint annoncer la fatale nouvelle. Le vapeur a sauté sur une mine ou bien a été torpillé, car une explosion formidable a été entendue sur la côte anglaise. Trois cadavres ont été jetés à la côte. Parmi eux se trouvent le capitaine et deux marins de l'infortuné navire, mais mon neveu n'est pas retrouvé.
Voilà la première victime proche de la famille, rapport à cette horrible guerre. Pauvre petit Albert. Il n'avait que 18 ans. On l'aimait bien. La douleur de ses parents est navrante, ainsi que la nôtre, aussi ai-je le cœur bien gros en écrivant aujourd'hui ces lignes, à la mémoire du cher petit disparu."
Extrait d'un article de la revue Olona de juin 2014, signé Jean-Yves Mocquet, neveu d'Albert Merlen, qui "souhaitait lui rendre hommage à l'occasion du centenaire de la Grande Guerre."
Albert Merlen, a sailor from Les Sables-d'Olonne, a victim of duty
During the Great War (1914-1918), many inhabitants of Les Sables-d'Olonne were killed while wearing various uniforms of the French armed forces. Among them was Albert Merlen, a French Marine aboard the steamer Longwy. He was born in La Chaume on September 22, 1898, making him 19 when he was killed. His father Noémi was a fisherman and his aunt Dalie the wife of painter Paul-Émile Pajot. Albert had another brother named Noémi, nicknamed "Mimi", a well-known figure in the port of La Chaume, and a sister named Yvonne who was married to Mocquet, a butcher in La Chaume. Albert was lost at sea the same week his parents were due to celebrate their twentieth wedding anniversary; they were married on November 9th, 1897.
In his diary, painter Paul-Émile Pajot writes his nephew's obituary in the entry of November 24, which is twenty days after the event:
"Saturday November 24th, 1917. The weather is rather mild today. The children returned from the sea yesterday morning with a catch of fish, a rarity in these times, and quite expensive.
We are in profound sorrow, since a huge misfortune has befallen our family. My nephew Albert, the eldest son of my brother-in-law Noémi, is lost along with his entire crew aboard his ship that was sailing to Britain. She was a steamer from Nantes, the Longwy from the Compagnie de l'Ouest, she transported coal from Britain to France.
We had received no news from my nephew for 23 days when, suddenly, a gendarme arrived with the devastating news. The steamer either struck a mine or was torpedoed, as a massive explosion was heard on the British coast. While three bodies, including the captain's, were washed ashore, my nephew remains unfound.
This marks the first casualty due to this dreadful war in our family. Poor dear Albert, he was only 18. He held a special place in our hearts.
The grief of his parents is heart-wrenching, and so is ours. In great sadness, I pen these lines today in memory of our beloved departed youth."
Excerpt from the bulletin of maritime archeological and historical society "Olona" from Les Sables-d'Olonne,
Vendée, France. Published in June 2014 by Jean-Yves Mocquet, a nephew of Albert Merlen, who "wished to pay tribute to his uncle on the centenary of the Great War."
Léon Manoir
Léon Manoir, né à st Quay Portrieux (22) en 1873, est marié le 27/11/1905 à Marie Joseph Pomiès, née en 1885, fille du capitaine Pierre Pomiès, Commandant des baleiniers décédé en mer d’Islande lors du naufrage de la « Maria ».
Il a fait ses études préparatoires de marine ainsi que deux de ses frères au Likès de Lannion, puis fait ses études de capitaine de la marine marchande à Nantes où il a effectivement obtenu son diplôme de Capitaine.
Nous savons qu’il était en congé maladie quand on lui a proposé ce poste sur le Longwy, il n’était nullement obligé de prendre la mer mais il considérait que c’était la guerre donc il ne pouvait refuser cette mission … Il a embarqué à Nantes.
Après le naufrage, il a laissé derrière lui sa femme et ses trois filles : Renée (4 ans), Marie Paule (5 ans) et Marguerite (7 ans) dans des conditions difficiles puisque c’était la guerre et que la pension de réversion n’a été reconnue qu’en 1951…
Marguerite, ma maman, a eu elle-même trois enfants. Elle est décédée à l’âge de 41 ans et c’est Marie Paule et Renée, célibataires, qui nous ont élevées chez ma grand-mère Marie Joseph (femme de Léon). Mes deux frères ont également été capitaines au long cours.
Marie Paule, décédée à l’âge de 89 ans, a toujours parlé positivement de son père et gardait précieusement un portrait de Léon Manoir dans sa chambre (photo ci-dessus).
Moi-même, née Cordillet, fille de Marguerite, étais mariée à un capitaine au long cours à la compagnie des Pétroles BP et je garde beaucoup de souvenirs d’échanges avec ma grand-mère me parlant de la dure vie de femme de marin mais aussi de joies au moment du retour.
Témoignage de la petite-fille de Léon Manoir, Saint-Quay-Portrieux, Côtes-d'Armor.
Léon Manoir was born in St-Quay-Portrieux, Brittany, France, in 1873 and married on 27/11/1905 to Marie Joseph Pomiès, born in 1885, the daughter of Captain Pierre Pomiès, a whaling captain who died off Iceland when the "Maria" sank.
Along with two of his brothers, he pursued his preparatory naval studies at the Likès high school in Lannion, then studied to become a merchant navy captain in Nantes, where he obtained his captain's diploma.
We know that he was on sick leave when he was offered the job on the Longwy. He was under no obligation to go to sea, but he considered it was wartime, so he couldn't refuse the mission ... He embarked from Nantes.
After the shipwreck, he left behind his wife and three daughters: Renée (4 years old), Marie Paule (5 years old) and Marguerite (7 years old) in dire condition because it was wartime, and the war widow pension was not recognised until 1951...
Marguerite, my mother, had three children of her own. She died at the age of 41 and it was the unmarried Marie Paule and Renée who brought us up with my grandmother Marie Joseph (Léon's wife). My two brothers were also sea captains.
Marie Paule, who died at the age of 89, always spoke highly of her father and treasured a portrait of Léon Manoir in her bedroom (first picture above).
Myself, née Cordillet, Marguerite's daughter, was married to a master mariner with the BP oil company, and I have many memories of talking to my grandmother about the hard life of a sailor's wife, but also of joy when the sailor returned home.
Tribute written by a granddaughter of Léon Manoir, Saint-Quay-Portrieux, Brittany, France.
Samuel Brajeul
HISTOIRE DE SAMUEL BRAJEUL (1868 -1917)
Les parents de Samuel, installés comme cultivateurs à Saint-Méloir-des-Ondes, auront deux fils, dont Samuel, né le 14 mai 1868, qui sera marin et restera toute sa vie à Saint-Méloir-des-Ondes.
En 1897 Samuel épouse Adrienne Mainsard, à Saint-Méloir. Il a 29 ans. La famille Mainsard est une famille de marins, qui a « donné » beaucoup de ses enfants à la mer. Le couple aura quatre enfants nés entre 1898 et 1904.
Aucun membre de sa famille ne possède de photo de Samuel mais, grâce aux différents registres de l’Inscription Maritime, on apprend qu’il avait « les cheveux et les sourcils blonds, un front ordinaire, le visage ovale avec des yeux bleus, une bouche moyenne et un nez moyen », mais on n’a jamais noté sa taille ni son poids sur sa fiche.
Son parcours maritime :
Juste avant ses 12 ans, Samuel est inscrit comme mousse en 1880, à l’Inscription Maritime au quartier de Cancale. Il naviguera très peu entre 1880 et 1882. Samuel fera sa première campagne de pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve en 1885, en qualité de novice. A partir de 1886 il sera toujours embarqué comme matelot. On note cependant que, pour les 4 campagnes 1909 à 1912, il est embarqué en qualité de « saleur », et pour sa dernière campagne en 1916 en qualité de « patron de doris ».
En 32 ans de carrière maritime, de 1885, date de sa première campagne de Terre-Neuva, à 1916, date de sa dernière campagne à St-Pierre et Miquelon, Samuel fera 29 campagnes de Terre-Neuva et 4 voyages au long cours. Il a également plusieurs fois embarqué pour la « petite pêche ». Il subira malheureusement deux naufrages, le 1er en 1898, dont il sera un des 9 survivants, et le 2è en 1917.
Août 1898 : 1er naufrage
Lors de sa 14è campagne, il est embarqué sur un brick-goêlette « La Coquette » et le 20 août 1898, c’est la catastrophe : le cargo danois « Norge » percute le bateau de pêche à l’avant. « La Coquette » se brise en deux et coule. 9 des 25 marins sont sauvés par l’équipage du « Norge » : le capitaine et son second, Samuel et six autres matelots. Après ce premier naufrage, il rentre à Cancale et effectue sa période de réserviste de l’armée pendant un mois à Cherbourg. Ensuite il embarquera pour de la petite pêche sur Cancale au cours de l’année 1899, avant de repartir sur les bancs de Terre-Neuve dès le printemps 1900.
Novembre 1917 : 2è naufrage
Lorsque la mobilisation générale est déclarée le 1er aout 1914, Samuel est mis à la disposition de la marine de commerce. De janvier 1915 à mars 1916 il fera une campagne au long cours puis sa dernière campagne de Terre-Neuva de mars à décembre 1916. De janvier à septembre 1917, il navigue sur le cargo « Longwy » pour une campagne au long cours, et repart de Nantes, sur le même bateau le 17 octobre 1917 : le cargo va charger du minerai à Bilbao pour l’emmener à Glasgow. Dans la nuit du 4 au 5 novembre 1917, le cargo est torpillé et coulé par un sous-marin allemand en mer d’Irlande.
Tout l’équipage a péri dans ce naufrage mais trois corps ont été rejetés sur les côtes écossaises, à Girvan, située sur la côte ouest de l’Ecosse à une trentaine de kms au sud de Ayr. Ces trois marins étaient :
• Le Capitaine Joseph Huet, originaire de Saint-Malo, qui a été facilement identifié car il avait ses papiers d’identité, son alliance où était gravée la date de son mariage.
• Le télégraphiste, qui a également pu être identifié assez rapidement, Adolphe Harré, originaire de Quimper.
• Et Samuel Brajeul qui a été identifié, plus tardivement.
Les corps de ces 3 marins ont été inhumés à Girvan. La famille du Capitaine Huet a réclamé le corps, qui est maintenant inhumé à Saint-Malo.
Texte rédigé par Monsieur Gérard Langevin, petit-neveu du matelot Samuel Brajeul, Rennes, Ille-et-Vilaine.
STORY OF SAMUEL BRAJEUL (1868 -1917)
Samuel's parents, who were farmers in Saint-Méloir-des-Ondes, Brittany, France, had two sons, including Samuel, born on 14 May 1868, who became a sailor and lived in Saint-Méloir-des-Ondes all his life.
In 1897 Samuel married Adrienne Mainsard in Saint-Méloir. He was 29 years old. The Mainsard family were sailors, and sent many of their children to the sea. The couple had four children born between 1898 and 1904.
No member of his family has a photograph of Samuel but, thanks to the various maritime enrollment records, we learn that he had "blond hair and eyebrows, an ordinary forehead, an oval face with blue eyes, an average mouth and an average nose", but his height and weight were never noted on his record.
His maritime career:
Just before his 12th birthday, Samuel was registered as a cabin boy in 1880, at the Maritime Registration Office in the Cancale district. He sailed very little between 1880 and 1882. Samuel made his first cod fishing voyage on the banks of Newfoundland in 1885 as an apprentice. From 1886 onwards, he was always listed as a seaman on the crew list. However, for the four campaigns from 1909 to 1912, he was listed as a "salter", and for his last campaign in 1916 as a "doryman".
In a maritime career spanning 32 years, from 1885, the date of his first Newfoundland expedition, to 1916, the date of his last campaign off St-Pierre and Miquelon, Samuel sailed on 29 Newfoundland fishing campaigns, completed four ocean voyages, and he embarked on several inshore fishing trips. Unfortunately, he experienced two shipwrecks, the first in 1898, of which he was one of the nine survivors, and the second in 1917.
August 1898: first shipwreck
During his 14th campaign, he was aboard schooner "La Coquette" when disaster struck on the Newfoundland banks on August 20, 1898: the Danish cargo ship "Norge" collided with the fishing boat at the bow causing "La Coquette" to break in two and sink. Nine out of the 25 sailors were saved by the crew of the "Norge": the captain, his first mate, Samuel, and six other sailors. After this first shipwreck, he returned to Cancale and spent a month in Cherbourg as an army reservist. He then embarked on small-scale fishing trips off Cancale in 1899, before departing for the banks of Newfoundland in the spring of 1900.
November 1917: second shipwreck
When general mobilisation was declared on 1 August 1914, Samuel was placed at the disposal of the merchant navy. From January 1915 to March 1916, he participated in a long-distance campaign, then his last fishing expedition to Newfoundland from March to December 1916. From January to September 1917, he sailed on the cargo ship "Longwy", and left Nantes on this ship on 17 October 1917, bound for Bilbao to load ore destined for Glasgow. During the night of 4 to 5 November 1917, the cargo ship was torpedoed and sunk by a German U-boat in the Irish Sea.
All the crew perished in the wreck, but three bodies were washed up on the Scottish coast at Girvan, on the west coast of Scotland, around thirty kilometres south of Ayr. The three sailors were :
- Captain Joseph Huet, from Saint-Malo, who was easily identified because he had his identity papers and his wedding ring with the date of his marriage engraved on it.
- The telegrapher, Adolphe Harré, from Quimper, who was also identified fairly quickly.
- Samuel Brajeul, who was identified later.
The bodies of these three sailors were buried in Girvan. Captain Huet's family later claimed his body, which is now buried in Saint-Malo.
Text written by Mr Gérard Langevin, a great-nephew of Samuel Brajeul, Rennes, Brittany, France.
Les bénévoles de l'association Aux Marins ("Mémorial national des marins morts pour la France", Plougonvelin, Finistère) font un travail biographique parallèle et plus ambitieux sur cet équipage, qui complète, quand c'est possible, les recherches de "Rutilius" sur ce forum.
Lien vers le site internet de cette association :
https://memorial-national-des-marins.fr/
Nous avons récemment été en contact avec le journaliste Jean-Marie Le Provost du quotidien Ouest-France. Les personnes intéressées par ce projet mémoriel trouveront son article intitulé "L'histoire du marin Albert Merlen sortie de l'oubli" dans l'édition des Sables-d'Olonne de ce journal du 10 avril dernier. Lien vers cet article :
https://www.ouest-france.fr/pays-de-la- ... db63ab310d
Les personnes ou institutions susceptibles de fournir des éléments de biographie, photo, sur l'un des marins du Longwy sont chaleureusement invitées à les faire connaître. Ces biographies seront accessibles par QR code attaché à la stèle.
Je remercie Madame la Présidente d'Olona ainsi que les personnels des Archives Municipales des Sables-d'Olonne, en Vendée, pour leur efficacité, leur gentillesse, et leur intérêt pour ce projet mémoriel franco-britannique.
Merci à la famille de Léon Manoir d'avoir pris la peine de me contacter pour partager son témoignage. Remerciements à M. Gérard Langevin pour avoir accepté de condenser pour nous l'important travail de recherche qu'il a consacré à Samuel Brajeul.
Bien cordialement,
Eric