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Re: conseils de guerre série 11J

Publié : lun. févr. 25, 2013 8:35 pm
par garigliano1
Bonjour à tous

La mort n’est pas toujours où on pense la rencontrer.

http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... 3908383192

Le 1er mars 1917, le Cdt de la 2e Cie du 134e adresse le rapport suivant en vue de la traduction devant le conseil de guerre du soldat « JAB ».

Le 26 avril 1916, la 2e compagnie venait d’être relevée et arrivait au camp Madelin. Le soldat « JAB » classe 1917 avait son fusil approvisionné. Voulant nettoyer cette arme, il ne prit pas les mesures de précaution et de prudence maintes fois prescrites :

1er : vérifier que l’arme est bien vide avant de commencer le nettoyage

2e : ne jamais diriger l’arme même vide sur un camarade

Une balle restée dans le magasin a atteint le soldat Perciaud à la poitrine, ce dernier mourrait une heure après des suites de cette blessure. Il est certain que le soldat JAB n’a pas agi intentionnellement, la tentative de meurtre doit être écartée. Il est quelquefois très difficile de prendre les dispositions habituelles du temps de paix, les hommes ont presque toujours l’arme chargée et approvisionnée. Les punitions pour imprudence de ce genre sont portées à la connaissance de tous par la voie du rapport. Ces accidents sont de véritables homicides par imprudence qui tombent sous le coup des poursuites légales.

Le soldat JAB est la 2e Cie depuis le début d’avril, c’est un bon petit soldat, timide et incapable de commettre volontairement une mauvaise action. La jeunesse de ce soldat et aussi le remord sincère qu’a laissé dans son esprit le terrible accident dû à sa négligence, plaide en sa faveur.

Questions posées au soldat JAB:

-reconnaissez-vous avoir eu votre fusil approvisionné alors qu’il ne devait pas l’être : oui
-savez-vous désapprovisionner un fusil : oui
-ne vous a-t-on pas appris au cours de votre instruction qu’une arme ne devait être nettoyée avant d’avoir été vérifiée pour s’assurer qu’elle ne contient plus aucune cartouche : si
-qu’il ne faut jamais diriger une arme même vide sur un camarade : oui
-avez-vous fait partir un coup de feu : oui
-est-ce bien la balle du coup tiré par vous qui a atteint le soldat Perciaud : oui
-reconnaissez-vous que ce soldat est mort des suites de la blessure que vous lui aviez faite : oui

Questionnaire des témoins, les soldats Guillon et Birsaud:

-reconnaissez-vous que le soldat JAB, le 26 avril 1917, a tiré une cartouche dont la balle a blessé mortellement le soldat Perciaud : oui

-croyez-vous que le soldat JAB ait commis cette faute avec l’intention de tuer ou blesser Perciaud : non

-reconnaissez-vous que cet accident est dû à l’imprudence du soldat JAB : oui

Procès-verbal d’interrogatoire du soldat JAB :

-expliquez-nous comment vous avez, par imprudence, blessé mortellement le soldat Perciaud avec votre arme ?

-j’ai voulu nettoyer mon fusil, j’étais assis dans la baraque et je désapprovisionnais mon fusil quand j’ai cru que toutes cartouches étaient sorties. J’ai désarmé mais malheureusement, je n’ai pas retenu assez fort le chien. Une cartouche était restée, le coup partit et vint frapper le soldat Perciaud qui était à quelques pas de moi assis sur son lit. Mon camarade est mort deux heures après. Il n’y avait que quelques jours que j’étais à la compagnie et je ne connaissais pas du tout Perciaud. Je regrette profondément d’être la cause involontaire de la mort de mon camarade.

A l’unanimité, les juges ont déclaré l’accusé non coupable. Le conseil de guerre a prononcé l’acquittement du soldat JAB puis le président a ordonné qu’il soit remis en liberté.


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Le soldat Perciaud a été enterré dans le carré militaire du cimetière de La Charité sur Loire

Cordialement
Yves

Re: conseils de guerre série 11J

Publié : lun. févr. 25, 2013 9:01 pm
par LABARBE Bernard
Bonjour à tous,
Merci Yves pour ce compte rendu de jugement, heureusement qu'il y avait des témoins, et puis on est en 1917, la justice militaire n'était plus celle de 1914 ou 15.
Les accidents de ce genre durent être nombreux de 14 à 18 vu la masse des mobilisés.
MPF donc, http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... 3908383192
Et la tombe au carré militaire de La Charité sur Loire dans la Nièvre.
http://www.sepulturesdeguerre.sga.defen ... NUM=250841
Cordialement,
Bernard

Re: conseils de guerre série 11J

Publié : mar. mars 19, 2013 10:18 pm
par garigliano1
Bonjour à tous

Autre affaire

Le 9 juillet 1915 au soir, le soldat BJC venant du 134e, passé au 56e par mesure disciplinaire ( condamné par le conseil de guerre de la 15e DI pour désertion) s’est présenté au sergent major Chollet, à Mécrin, porteur d’un avis de mutation, l’affectant à la 2e Cie à la date du 7 juillet. Il n’avait ni fusil, ni sac, ni équipement. Il a reçu l’ordre de revenir le lendemain à 8 heures. A l’heure prescrite, il se présenta et le sergent major lui remit son armement et l’envoya prendre un équipement en lui donnant l’ordre de rejoindre immédiatement sa compagnie qui se trouvait au ravin du bois Mullot. Le soldat BJC ne rejoignit pas son unité.

Il fut arrêté par les gendarmes de la brigade de Stainville le 12 juillet 1915 près de la ferme de Nantelle et déclara avoir quitté son corps à Mécrin, le 10 juillet entre 17 et 18 heures.

Ce soldat faisait partie d’un groupe de 5 soldats qui ont été découverts par les gendarmes, couchés sous un arbre à proximité de la ferme de Nantelle. Il était en compagnie du soldat SG qui a été fusillé le 07 août 1915 pour d’autres faits.

Interrogé par le capitaine Garnier, le soldat BJC déclare : après avoir reçu du sergent major, l’ordre de rejoindre ma Cie au ravin du Bois Mulot, je suis parti dans la direction de Commercy et j’ai suivi la route qui devait me conduire à Chalon sur Saône où je voulais rentrer. J’ai été arrêté à Stainville par les gendarmes et de là ramené à la prison de Commercy. BJC a reconnu les faits. Il déclare avoir seulement reçu un fusil qu’il a abandonné dans une grange.

Le soldat BJC est présenté comme "un très mauvais soldat déjà condamné et changé de corps 2 fois : ne songe qu’à se soustraire au feu, ne mérite aucune pitié "

Le soldat BJC fait partie de la réserve de l’armée d’active et exerce le métier de chaudronnier.

Il est inculpé de :
-dissipation d’armes appartenant à l’état
-désertion en présence de l’ennemi, son unité se trouvant à cette époque en réserve de première ligne au Bois Mullot.

Ces délits sont punis par les articles 218 et 245 du code de justice militaire.

Le soldat BJC avait été condamné le 20 mai 1915 à 6 mois de prison pour dissipation d’armes (peine suspendue), le 06 juillet 1915 à 4 années de travaux publics pour désertion à l’intérieur en temps de guerre (peine suspendue). Le 27 juillet 1915, il a été condamné à 10 années de travaux publics pour refus d’obéissance sur un territoire en état de guerre.

Après la lecture de la sentence à la parade, il a été conduit à la prison militaire d’Epinal puis celle de Marseille pour être mis à la disposition du général commandant la 15e région militaire. Le 18 février 1918, le général commandant la 15e DI a suspendu sa peine. Le 24 octobre 1919, le général commandant la 8e région militaire a ordonné le retrait de la suspension de sa peine.

Comme le souligne André Bach « on touche là un des paradoxes de cette justice qui, en punissant les crimes militaires, aboutissait à éviter à certains de leurs auteurs le danger suprême qui guettait quotidiennement tous les autres combattants »

Cordialement

yves

Re: conseils de guerre série 11J

Publié : dim. mars 31, 2013 2:29 pm
par garigliano1
Bonjour à tous

Encore une douloureuse histoire…..

20 juillet 1917, rapport du capitaine Clave de la 9e Cie du 56e tendant à traduire devant un conseil de guerre le soldat « Pierre M » classe 1912 matricule 5823 en application de l’article 320 du code pénal.

Le 12 juillet vers 19h00 près du PC du sous quartier Ouest, le soldat Develay venait de nettoyer son pistolet automatique et voulant l’entourer d’un morceau de linge propre, il laissa son arme posée à terre pendant qu’il allait chercher un chiffon placé dans son sac dans un abri situé à quelques pas. Pendant ce laps de temps, le soldat « Pierre M » qui se trouvait à proximité saisit le pistolet par curiosité mais ne connaissant pas le fonctionnement, il fit partir un coup par mégarde et le projectile vint blesser grièvement le tambour Métivet de la 10e Cie qui se trouvait à côté comme agent de liaison.

http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... 3392997885

Le 16 juillet 1917, le soldat Métivet est décédé dans l’ambulance 204 stationnée à Somme-Tourbe.

Image

Le soldat « Pierre M » est arrivé depuis peu à la Cie, le capitaine affirme ne pas le connaitre mais indique qu’il n’a donné lieu jusqu’ici à aucune observation, il a seulement 2 punitions pour pêche à la grenade. Il est doté d’une bonne constitution physique et jouit de toutes ses facultés mentales.

Déclaration du soldat « Pierre M » : mon camarade Develay nettoyait son pistolet automatique à côté de moi, à un moment, il descendit dans son abri laissant son arme à proximité. Machinalement et par simple curiosité, j’ai pris le pistolet croyant qu’il n’était pas chargé, j’avais pris soin de détourner l’arme de la direction de mon camarade Perry qui était à côté de moi. En voulant amener le chien à l’arrière, je l’échappais et le coup partit blessant le tambour Métivet de la 10e Cie que je n’avais pas remarqué jusqu’alors.

Les déclarations des soldats Perry Jean matricule 3740 classe 1910 et Develay Eugène matricule 11562 classe1913 sont similaires à la déposition du soldat« Pierre M ».

Le soldat « Pierre M »a été puni de 8 jours de prison par son capitaine que le général de l’ID a transformé en 20 jours de prison dont 10 de cellule et traduit devant le conseil de guerre de la 15e DI pour homicide par imprudence en application des articles 267 et 319 du CJM.

Le soldat n’avait pas d’antécédents judiciaires. Il est perruquier et domicilié en Saône et Loire. Il a été blessé par un éclat d’obus à la cheville droite au bois d’Ailly le 25 mai 1915.

A la question, le soldat « Pierre M »est-il coupable d’avoir, le 12 juillet 1917 aux armées, par imprudence, commis involontairement un homicide sur la personne du tambour Métivet du même régiment. Les 5 juges ont répondu non.

A la question, le soldat « Pierre M »est-il coupable d’avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, par imprudence occasionné involontairement une blessure au tambour Métivet du même régiment. Les 5 juges ont répondu non.

Le 6 août 1917, à St Jean de Tourbe, le conseil de guerre présidé par le colonel De Seganville du 16e Chasseurs a acquitté le soldat « Pierre M ». Le président a ordonné sa mise en liberté en application de l’article 136 du CJM

Cordialement
yves

Re: conseils de guerre série 11J

Publié : lun. avr. 01, 2013 10:36 am
par air339
Bonjour Yves,

Votre minutieuse étude est riche d'enseignements.
Nous voilà loin des clichés, et proche de la réalité des soldats, "civils en uniforme", qui ne maîtrisent pas toujours la manipulation des armes.
L'ouvrage du Dr Bonnette sur le danger des tirs à blanc (1907) évoquait les graves accidents lors des manoeuvres.

http://gallica.bnf.fr/ark/12148/bpt6k61 ... anc.langFR

Les cas que vous citez démontrent le danger accru avec des vraies cartouches !
A mettre en rapport avec les accidents sur les manipulations de grenades pages1418/forum-pages-histoire/detour-a ... 9341_1.htm

Cordialement,


Régis

Re: conseils de guerre série 11J

Publié : lun. avr. 01, 2013 8:45 pm
par garigliano1
Bonjour

Il y a plusieurs années, la lecture du livre « fusillés pour l’exemple » d’André Bach m’avait déjà interloqué, loin des idées reçues, des approximations véhiculées à gauche, à droite par des médias mal informés, par des personnes qui jettent des affirmations non vérifiées, ce remarquable livre m’a beaucoup appris.

Quand je l’ai relu fin 2011, la montagne d’informations sur ce sujet m’a incité à entreprendre des recherches sur une DI qui m’est assez « familière » afin de mieux connaitre cette réalité dans le cadre de la réalisation de mon petit ouvrage.

Maintenant, je ne veux pas prétendre être un spécialiste de cette question, ni donner des leçons mais au contact de la réalité de ces dossiers, j’ai pu me former ma propre opinion sur la justice militaire, loin des clichés. Ma vision de cette justice rejoint les propos d’André Bach dans ses 2 ouvrages même si les CdG de la 15e DI sont réputés comme « cléments ».

Je ne peux qu’encourager les membres de ce forum à chercher dans ces dossiers même cela représente plusieurs milliers de documents à photographier et à analyser.

C’est une image de la société comme aujourd’hui.
Cordialement
Yves

Re: conseils de guerre série 11J

Publié : jeu. mai 23, 2013 10:10 pm
par garigliano1
Bonjour à tous

Justice divine, destin, malchance ou juste retour des choses vis-à-vis de ceux qui sont tombés en 1ère ligne, chacun choisira…..

Dossier du CdG n° 600 de la 15e DI présidé par le Lt Cel Lechartier du 48e RA à Suippes

Procès-verbal du commissariat de police de Nîmes du 24 décembre 1916


Le dénommé B a été arrêté le 23 décembre à 5 h1/4
Q : quel est votre état civil ?
R : je me nomme Louis B né le 12 septembre 1896, célibataire, homme de peine, demeurant à Nîmes, 15 rue Florian. Je sais lire et écrire. J’ai été condamné à 3 mois de prison avec sursis pour vol et à 3 ans de travaux publics pour désertion
Q : quel est votre situation militaire ?
R : j’appartiens à la classe 1916. J’ai été appelé le 11 août 1915 au 112e RI d’où j’ai déserté une première fois, j’ai déserté à nouveau le 9 courant.
Q : au moment de votre arrestation, vous avez été trouvé en possession d’une somme de 95 francs, pouvez-vous nous justifier la provenance ?
R : dès mon arrivée à Nîmes, j’ai fait la contrebande d’alcool. N’ayant ni linge, ni effets, j’ai fait les achats suivants : un complet celui que je porte qui m’a coûté 50 francs, une paire de chaussures à 17 francs50, un pardessus, trois chaussettes, un caleçon, un tricot, une douzaine de mouchoirs
Le soldat Boyer ajoute : j’ai caché mes effets militaires au quartier de la Cigale dans un clapier.


Interrogatoire du soldat B Louis par le Cdt de la 9e Cie

14 février 1917, interrogatoire du soldat B Louis n° de matricule 12846, classe 1916, inculpé de désertion à l’intérieur en temps de guerre. Interrogé le soldat B a fait la déclaration suivante : je suis parti de Fontaine les Cappy le 8 décembre 1916 vers 17h avec mon camarade Dumas sans autorisation. Je me suis rendu en gare de Marcelcave où j’ai passé la nuit et le lendemain vers 7h, j’ai pris un train de permissionnaires se rendant au Bourget. Là, j’ai profité d’un train se dirigeant sur Lyon puis Nîmes. Je suis resté dans cette dernière ville jusqu’au 23 décembre 1916 date à laquelle, j’ai été arrêté par la police. La somme de 95 francs trouvée sur moi provient d’une opération de contrebande d’alcool à laquelle je le me suis livré. Quand à mes effets militaires, je les ai caché dans un clapier du quartier de la Cigale, route de d’Alais à Nîmes. Le soldat B a tenté d’expliquer son geste par le désir qu’il avait de revoir sa mère à Nîmes.

Déclaration des témoins
1-du sergent Flattot :
Q : quand avez-vous constaté l’absence du soldat B ?
R : j’ai constaté l’absence du soldat Boyer le 9 décembre au matin en partant au travail
Q : pouvez-vous dire s’il a passé la nuit du 8 au 9 décembre à Fontaine les Cappy
R : je ne puis pas l’affirmer
Q : quand l’avez-vous revu
R : je l’ai revu le 8 janvier lorsque les gendarmes l’ont ramené


2-du soldat Buisson :
Q : quand vous êtes-vous aperçu de l’absence du soldat B ?
R : je me suis aperçu de l’absence du soldat Boyer le 8 décembre dans la nuit en voyant qu’il n’était pas couché
Q : pouvez-vous dire s’il a passé la nuit du 8 au 9 décembre à Fontaine les Cappy
R : je ne puis pas le dire, il aurait pu être dans un autre cantonnement que celui de la section
Q : quand l’avez-vous revu
R : je l’ai revu le 8 janvier 1917 lorsque les gendarmes l’ont ramené


Au vu de faits relatés dans le rapport du Cdt de la 9e Cie du 134e, attendu que ces faits constituent le délit de désertion à l’intérieur en temps de guerre étant en service avec emports d’effets et récidive puni par les articles 231, 232, 234 du Cd JM, le soldat Boyer est renvoyé devant le CdG convoqué le 1er mars 1917.
Le rapport du Cdt de la 9e Cie indique que B est un soldat médiocre ayant un mauvais esprit, ayant subi 2 condamnations, l’une pour vol, l’autre pour désertion. Il n’a jamais été blessé, ni proposé pour une citation. Aucune tare physique ou mentale ne lui est connue.

Le soldat B a été incorporé au 112e le 11 avril 1915, manquant à l’appel le 13 mai, déclaré déserteur le 20 mai, condamné le 12 août à 3 ans de travaux publics, peine suspendue. Incorporé au 61e RI le 21 août 1915, passé au 55e le 22 décembre, passé en renfort au 134e le 16 mai 1916.

L’extrait de casier judiciaire de la cour d’appel de Nîmes montre 11 condamnations.

Questions posées aux juges :

1-Le soldat B, Louis, du 134ème régiment d’Infanterie, est-il coupable de désertion à l’intérieur en temps de guerre pour avoir, le 8 décembre 1916 à Fontaine les Cappy (Somme) abandonné son corps sans autorisation et être resté absent illégalement du 8 décembre 1916, jour de l’absence constatée, au 23 décembre 1916, jour de son arrestation par la police à Nîmes ?
2-A-t-il déserté étant de service ?
3-A-t-il emporté en désertant une capote, un pantalon, une vareuse, une paire de bandes molletières, une chemise, un caleçon, une paire de chaussettes, une paire de brodequins, un casque, un étui-musette, un bidon qu’il ne peut représenter ?

Aux 3 questions posées, les 5 juges ont répondu oui à l’unanimité.

Attendu que le soldat B a été condamné le 12 août 1915 par le conseil de guerre à la peine de 3 ans de travaux publics pour désertion à l’intérieur en temps de guerre avec emports d’effets, attendu qu’il est constant que l’inculpé a déserté antérieurement, le CdG de la 15e DI le condamne à l’unanimité à la peine de 5 ans de travaux publics en application des articles 231, 232, 234 et 139 du CdJM.

Immédiatement après la parade, le condamné a été conduit à la prison militaire de Châlons sur Marne pour être dirigé vers un établissement de travaux publics.

Pour ce soldat, l’histoire aurait pu s’arrêter là avec la fin de la guerre et une amnistie mais le destin en décidera autrement, le 21 août 1917, le soldat B Louis est mort suite à un bombardement par des avions allemands de l’atelier de travaux publics n°7 dans le secteur de Verdun.

Quelqu’un connait-il l’emplacement de cet atelier de travaux publics n°7 ?

Cordialement
Yves

Re: conseils de guerre série 11J

Publié : jeu. mai 23, 2013 10:35 pm
par Charraud Jerome
Bonsoir
Merci pour ces publications.
Quelqu’un connait-il l’emplacement de cet atelier de travaux publics n°7 ?
Je vais faire une fausse-réponse, et vais vous indiquer une piste dans un lieu que vous connaissez bien.

Dans un ancien message, on avait recherché un atelier de TP qui se trouvait dans le Cantal. Sur le site du SHD, on trouve ceci:
http://www.servicehistorique.defense.go ... 000237.pdf
En bas de la page 13, je lis: "SHD, DAT, 13 J 1491. On comptait encore, en 1919, 38 ateliers de travaux publics en métropole (SHD, DAT, 13 J 1766, liste dactyl., sd)".

Le numéro 7 doit être théoriquement dans cette liste.

Cordialement
Jérôme Charraud (Accessoirement lui aussi intéressé par cette liste)

Re: conseils de guerre série 11J

Publié : jeu. mai 23, 2013 11:46 pm
par garigliano1
bonjour

Quand j'ai feuilleté ce pdf, j'avais espéré trouver quelque chose dans la cote 13J 1491 mais il n'y a pas de document sur l'atelier n°7. Je pourrais chercher dans la cote 13J 1766 mais les dates extrêmes sont 1939-2007 ce qui devraient exclure cet atelier s'il a été fermé auparavant. Je vais la demander pour ma prochaine visite à Vincennes.

Cordialement
yves

Re: conseils de guerre série 11J

Publié : ven. juin 07, 2013 11:12 pm
par garigliano1
Bonjour à tous

Condamné à mort….

Le prévenu est le soldat Maurice Etienne S de la classe 1914, célibataire, agriculteur, né et résidant dans la Nièvre. Le soldat Maurice Etienne S a été incorporé au 27e RI le 11 décembre 1914 puis a été transféré au 134e le 11 décembre 1914.

Dossier du CdG n° 266 de la 15e DI présidé par le Cel De Seganville siégeant à Ménil aux Bois

Le soldat Maurice Etienne S est inculpé d’abandon de poste sur un territoire en état de guerre, en vertu de l’article 213 du CdJM, les faits remontent au 26 juin 1915. Le jugement rendu par le CdG de la 15e DI a eu lieu le 21 juillet 1915.

La première question posée aux juges a été : le soldat Maurice Etienne S est-il coupable d’avoir, le 26 juin 1915 à Mécrin (Meuse), abandonné son poste en quittant sans autorisation sa compagnie qui se rendait aux tranchées ?

La seconde question posée a été : ledit abandon de poste a-t-il eu lieu sur un territoire en état de guerre ?

Aux deux questions, à l’unanimité les 5 juges sont répondu oui

Le CdG de la 15e DI a condamné le soldat Maurice Etienne S à la peine de 2 ans de prison en application de l’article 213.
Le 21 juillet 1915, le Général commandant la 15e DI a suspendu la peine jusqu’à la fin de la campagne.

Le soldat S a été transféré au 56e RI

Dossier du CdG n° 349 de la 15e DI présidé par le Lt Cel Poupart siégeant à Francheville

Le soldat Maurice Etienne S est inculpé de provocation de militaires à la désobéissance, en vertu de l’article 2 de la loi du 28 juillet 1894, les faits remontent au 10 novembre 1915. Le jugement rendu par le CdG de la 15e DI a eu lieu le 10 décembre 1915.

La question posée aux juges a été : le soldat Maurice Etienne S est-il coupable d’avoir, le 10 novembre 1915 à Tahure, provoqué des soldats de sa compagnie à la désobéissance en leur disant, au moment où ils recevaient l’ordre de se rendre au boyau Merle : « n’y allez pas, demi-tour, on va à la boucherie, vous n’en avez donc pas, allons, allons, tout le monde aux abris, on vous monte le cou »

A cette question, à l’unanimité les 5 juges ont déclaré l’accusé coupable

A la majorité, les juges ont indiqué qu’il y avait des circonstances atténuantes

Le CdG de la 15e DI a condamné le soldat Maurice Etienne S à la peine de 1 an de prison en application de l’article 2 de la loi du 28 juillet 1894.
Le 10 décembre 1915, le Général commandant la 15e DI a suspendu la peine jusqu’à la fin de la campagne.

Le soldat a été transféré au 27e RI

Dossier du CdG n° 449 de la 15e DI présidé par le Lt Cel Poupart siégeant à Commercy

Rapport du 29 mai du capitaine Patacchini de la 9e Cie du 27e :

Le 29 mai 1916, une petite boite métallique était lancée de la tranchée allemande dans le poste d’écoute dans la tranchée Bolle.



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Le soldat Aubry du 27e en sentinelle à ce poste qui avait d’abord cru recevoir un explosif, remit cette boite à son chef de section qui me l’a rapporté. La boite de fabrication allemande contenait un chargeur à 5 cartouches et un billet extrait d’un carnet à souches. Les phrases suivantes sont écrites en français « nous avons reçu votre aimable offerte, venez par ici, aussitôt nous vous donnerons l’occasion de passer vers nous sans danger, si c’est impossible, passez ce soir à 9h15 accompagné d’un camarade signé un lieutenant ».

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Mes soupçons se portèrent sur le soldat Maurice Etienne S de la 9e Cie déjà condamné 2 fois par le CdG qui me connait aucune satisfaction, qui nia d’abord énergiquement puis finit par avouer la vérité : « c’est moi qui ai provoqué ce billet » C’est hier soir que j’ai commencé. Les boches ont tiré 2 coups de feu, j’ai sifflé 2 fois, ils ont joué de l’harmonica. J’ai dit au lieutenant que les boches s’amusaient mais je ne lui ai pas dit que j’avais répondu. Le 29 mai, vers 8h30, je suis allé au poste d’écoute où se trouvait le soldat Clodomir Léon Marcel T qui me dit : « Maurice Etienne S, on passe chez les boches, il faudrait leur envoyer un bout de papier pour les prévenir ». Maurice Etienne S rédigea le billet suivant : « mes chers camarades, je suis dégouté de tout, ne sachant quoi faire pour passer chez vous. A 9 h ce soir, ne tirez pas et faites venir un officier sachant parler français ». Le papier fut mis dans l’enveloppe d’un paquet de cartouches avec un morceau d’ailette de grenade pour donner du poids puis lancé par Maurice Etienne S dans la tranchée allemande. Au bout d’un certain temps, un allemand sortit la tête, fit des signes et murmura quelques paroles. Le soldat Clodomir Léon Marcel T assista à tout ce manège et approuva.

Pour la compréhension de l’enchainement des faits, il faut mentionner que le soldat Aubry avait remplacé Clodomir Léon Marcel T au poste d’écoute.

Attendu des faits précités, le parquet du CdG de la 15e DI demande la comparution de ces 2 soldats pour :

1-tentative de désertion à l’ennemi
2-d’intelligence avec l’ennemi dans le but de favoriser ses entreprises
pour le soldat Maurice Etienne S et complicité du même crime par assistance pour soldat Clodomir Léon Marcel T

Ces faits sont punis par les articles 238 et 205 du CdJM

Les témoins sont le lieutenant Rimaud, le sergent Fontaine, les soldats Aubry, Saubron et Gaudron

Le CdG s’est réuni le 2 juin 1916, il est composé du Lt Cel Poupart du 134e président du CdG, du chef de bataillon Drüssel du 134e, du capitaine Mouton de l’état-major de la 15e DI, du sous-lieutenant Lepagnole du 48e RA et du maréchal des logis-chef Benech du 8e escadron du train

Les PV d’interrogations de chaque accusé, de chaque témoin représente plusieurs pages ce qui rend difficile la présentation de ces PV. Je vais m’attacher à en faire un résumé le plus fidèle.

Les interrogatoires des accusés ont eu lieu le 31 mai 1916. A l’instruction, le soldat Maurice Etienne S reconnait la matérialité des faits relevés contre lui, mais il déclara avoir agi sans réflexion et jamais n’avoir eu l’intention de passer à l’ennemi mais voulait obliger les allemands à se montrer. Le soldat Clodomir Léon Marcel T a déclaré que Maurice Etienne S lui avait dit qu’en lançant ce papier, il espérait trouver une occasion de se réhabiliter de sa condamnation en tuant un officier allemand, mais nia énergiquement avoir provoqué par ses paroles, l’acte criminel de Maurice Etienne S.

Lors d’une confrontation, Maurice Etienne S indique avoir dit au soldat Aubry, quand il est revenu dans la tranchée, qu’il avait lancé le papier mais le soldat Aubry affirme avoir entendu cette déclaration pendant l’interrogatoire du soldat Maurice Etienne S par le capitaine Patacchini : « à ce moment, j’étais relevé de ma faction ».

Les interrogatoires des 2 accusés par le commissaire-rapporteur Vermeil ne correspondent plus tout à fait aux aveux faits devant le capitaine Patacchini
Les 2 soldats nient certaines des accusations et se renvoient la faute. Le soldat Maurice Etienne S a prétendu tant à l’instruction qu’aux débats que le soldat Clodomir Léon Marcel T l’avait provoqué qu’à écrire le billet ce que Clodomir Léon Marcel T a toujours nié. L’attitude de Clodomir Léon Marcel T a toujours été correcte au cours des interrogatoires, il n’a pas de condamnation antérieure. Le soldat Maurice Etienne S est considéré comme un mauvais sujet qui a subi plusieurs condamnations dont une avant la guerre.

A l’issue de la tenue du CdG, les questions suivantes ont été posées aux juges

1-le soldat Maurice Etienne S est-il coupable d’avoir, le 29 mars 1916 à la tranchée Bolle, tenté de déserter à l’ennemi en correspondant avec des sujets ennemis dans le but de faciliter son passage dans la tranchée allemande, laquelle tentative manifestée par un commencement d’exécution n’a manqué son but que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ?

2-est-il coupable le même jour, au même endroit, entretenu des intelligences avec l’ennemi dans le but de favoriser ses entreprises en lançant un billet dans la tranchée ennemie, lequel billet a été suivi d’une réponse d’un allemand invitant ledit Maurice Etienne S à passer dans la tranchée ennemie avec un camarade ?

3-le soldat Clodomir Léon Marcel T est-il coupable d’avoir le même jour, au même lieu, tenté de déserter à l’ennemi en correspondant avec des sujets ennemis dans le but de faciliter son passage dans la tranchée allemande laquelle tentative manifestée par un commencement d’exécution n’a manqué que par suite des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ?

4-est-il coupable d’avoir le même jour, au même lieu, assisté avec connaissance ledit Maurice Etienne S auteur du crime d’intelligences avec l’ennemi dans le but de favoriser ses entreprises en lançant un billet dans la tranchée ennemie spécifié ci-dessus dans les faits qui l’ont préparé ou facilité et dans ceux qui l’ont consommé ?

Les juges ont répondu :

Sur les 1ère et 2e questions : à l’unanimité, l’accusé Maurice Etienne S est coupable
Sur la 3e question : à la majorité de 3 voix contre 2, l’accusé Clodomir Léon Marcel T n’est pas coupable
Sur la 4e question : à l’unanimité, l’accusé Clodomir Léon Marcel T est coupable

A la majorité, il y a des circonstances atténuantes en faveur de l’accusé Clodomir Léon Marcel T

Le CdG a condamné le soldat Maurice Etienne S à l’unanimité à la peine de mort avec dégradation militaire en application des articles 238, 205, 202, 135 et 139 du CdJM et le soldat Clodomir Léon Marcel T à la peine de 10 ans de travaux forcés et à la dégradation militaire

L’exécution de la sentence capitale a eu lieu le 2 juin à 15h 00 à la sortie Ouest du village de Boncourt. Un courrier du commandant la 15e DI précise que les 4 Cies du 27e et une section du 48e RA seront présentes, ordonne au capitaine Allain du 27e de désigner dans sa compagnie :
-12 hommes pour former le peloton d’exécution
-1 sergent pour donner le coup de grâce
-1 adjudant comme chef de peloton
-1 soldat pour bander les yeux du condamné
-2 brancardiers pour relever le corps

Le médecin-major Colleville, le sous-lieutenant Lepagnole (juge) du 48e RA, le greffier du CdG assisteront à l’exécution.

Aussitôt après la lecture de la sentence, le piquet d’infanterie s’est approché et a fait feu sur le condamné qui est tombé mort ainsi que l’a constaté le médecin-major commis à cet effet.

Epilogue côté allemand : Sur le terrain, à 21h15, un officier de la Cie Patacchini s’est présenté au point où le soldat Maurice Etienne S devait se porter pour mettre son projet à exécution. Il a sifflé, un allemand s’est présenté. L’officier s’est aussitôt retiré et en application d’un programme arrêté l’après-midi, l’artillerie de Liouville avertie par un signal optique a ouvert le feu sur la tranchée ennemie avec une précision qui a dû obtenir d’heureux résultats. Les allemands doivent avoir la conviction qu’ils ont été victimes d’une ruse de guerre.

Epilogue côté français : le 17 juin 1922, le président de la république a commué en 1 jour de prison le restant de la peine de 10 ans de travaux forcés requise contre le soldat Clodomir Léon Marcel T

Remarques sur le contexte de ce dernier jugement : dans ce dernier dossier, on ne trouve aucune demande adressée au conseil de révision, aucune demande de recours en grâce. Dans le dossier BB24 sur les recours en grâce des AN, on ne trouve aucune trace d’une demande concernant ce soldat. Pourtant la loi du 27avril 1916 sur le recours au conseil de révision est déjà votée depuis un bon mois, même si le décret n’est paru que le 8 juin 1916. Pour les 2 premiers dossiers en CdG du soldat Maurice Etienne S, un mois s’est écoulé entre le délit et le jugement. Pour ce dernier dossier, l’action de justice a été très diligente : le délit ou plutôt le crime a été commis le 26 mai, les interrogatoires ont lieu le 31 mai, le CdG s’est réuni le 2 juin, l’exécution a eu lieu également le 2 juin. Tout cela est très rapide comme au début du conflit. Pour expliquer la « promptitude » de l’action judiciaire, on peut émettre l’hypothèse suivante : vu la gravité de l’action de ce soldat et des preuves retrouvées, l’autorité militaire n’a pas voulu que ce soldat échappe, par le biais d’une grâce présidentielle ou du recours au conseil de révision nouvellement automatique, à la sanction suprême.

Enfin si je peux présenter ce cas, c’est grâce aux livres d’André Bach, aux informations qu’ils contiennent et au « décryptage » des méandres de la justice militaire réalisé par André Bach.

Cordialement
yves