Forum PAGES 14-18

247è, 225è , voilà bien deux magnifiques régiments du secteur "Souain"
j' ai l' honneur de t' en présenter un troisième, peut être le plus méritant à l'aune de l'âge de ses combattants.
Les cinq vieux soldats que tu vois-là portent avec fierté le chiffre 336 sur leurs collets. Aujourd'hui, ils te présentent avec "humour" et fierté le tableau de chasse de leur champion à quatre pattes. Ils ont eu de la chance, ces cinq vieux braves papas de la réserve , ils ont survécu aux attaques du saillant du moulin en mars 1915.
J' étais à leur côté dans les tranchées, avec eux, comme observateur de tir. Je les ai vus au feu. J' étais le témoin direct de ce que notre Etat-major inconscient leur a demandé ... Ils ne méritent ni les menaces, ni les reproches de lâcheté, ni la parodie de justice dont ils ont été victimes, ni l' atroce conclusion...
Ils méritent notre admiration et, un jour prochain, la contrition de leurs juges.
photo 44 mouni423
"chasse aux rats dans le secteur en face d'Auberive, photo prise par le sergent-major
de la 23è compagnie du 336è d'infanterie, janvier 1916.
photo donnée par le lieutenant-colonel Wacquez, commandant le 336è d'inf."
Alexandre

Quittons les premières lignes. et retour à la batterie!
Le soleil se lève sur la fête !
14 juillet.
Vive les jeux inter- canonniers !

A votre gauche , les arbitres .
A votre droite, les challengers!
photo45 mouni187

sur la ligne d'arrivée, les spectateurs
photo46
mouni
c'est parti, les brouettes !
photo 47 194 bis

course en sac.
photo 48mouni1 92 bis

Patatra! chute dans le peloton.
photo 49 196 bis

c'est la crise de fou-rire! appelez le médecin saint Marc,
le docteur Dulait est démob', il ne sait pas se ravoir!"
photo 50
202 bis
"résultats des tirs, mon capitaine ?"
photo 51


photo 52
"jeux du 14 jullet 1915.
le photographe est opéré lui-même.
De gauche à droite:
st lieutenant Beguin
Dr Dulait au 2è plan
Sous lieutenant henri
Capitaine Mounicot
28 juillet 1915 "

C'est dans la boîte, Monsieur Dulait ?


Si la Mort ne rodait pas au quotidien autour de tous ces hommes jeunes et heureux de l'instant, mais secrètement conscients de sa présence,
un spectateur penserait assister à une sorte de jamboree géant en date du 14 juillet. le scoutisme naissant de Baden Powell , et les Internationales socialistes de Jaures et de Rosa Luxemburg , qui avaient aussi leurs jamborées, ont malheureusement été impuissants à raisonner les dynastes, les industriels et les patriotes. Les peuples n'ont pas été sauvés.

concert du 14 juillet, pour fêter les vainqueurs...
...de la course en sac.
Médecin auxiliaire Dulait au quinquet
Veterinaire en second Gervais à la caisse claire
Sous-lieutenant Beguin au flageolet .

et devinez l'air ?...
photo53


Depuis le début de notre Voyage, tous nos soirs sont des veillées d'armes.
photo 54 "photo prise dans la salle à manger de l'Etat-Major du premier groupe de l'AD 60, avril 1915.
de gauche à droite:
Sous-lieutenant De Loiray, lieutenant Dalbaire, Sous-lieutenant Beguin,
Dr Cloitre, le fidèle Théophile, vétérinaire Gervais"


Cette ultime soirée du 19 août 1915 clôt notre villégiature de neuf mois au bord de la route de Suippes à Souain.
Nous avons reçu de nouvelles affectations . Nos batteries quittent la côte 165.

Le premier groupe de l'AD 60 est scindé: la 21è batterie s'enterre sous casemates dans le village de Souain,
à quelques centaines de mètres de l'ennemi. Les 22è et 23è batteries sont dirigées vers la route qui relie Souain à Perthes
au croisement de l'ancienne voie romaine. Ces deux dernières batteries sont complétées
par une batterie de 58 (lieutenant Heuchel) et la 46è batterie de 80 de montagne (capitaine Baud)
photo 55
mouni 289 bis
Il y a de l'attaque dans l'air et vu l'encombrement incroyable de nos routes de l'arrière depuis quelques semaines,
çà ne sera pas une petite attaque...
Somme-Bionne
56 , oudin 104 bis
Somme-Bionne 18 aout 1915 convoi de 155.
56 oudin 111 bis

Bonjour,

Merci pour la suite de cette très belle chronique!
Un point particulier: le canon de montagne visible avec un artilleur alpin est un canon de 65 mm de montagne modèle 1906.
Les canons de montagne sont poussés en toute première ligne en 1915, car ils sont décomposables en plusieurs éléments pouvant être acheminés dans les boyaux de première ligne.Ils sont assemblés à leur position de tir et prennent souvent comme objectif un point fort du dispositif ennemi (blockhaus, créneau de mitrailleuse).Il faut bien entendu les replier très vite après un tir car la riposte des Minenwerfer est quasi immédiate et dangereuse.
Ce canon de 65 mm appartient probablement à une batterie du 1er ou du 2ème R.A.M.
Des canons de montagne plus anciens, les 80 mm modèle 1878 sur affût modèle 1880 sont confiés à des batteries de montagne mais aussi à des régiments d'artillerie de campagne pour accomplir les mêmes tâches.Ces artilleurs de première ligne partagent le sort de l'infanterie qui ne les voit pas toujours d'un bon oeil car leur action entraîne des ripostes sur les tranchées françaises.
Les jours d'attaque, le concours de ces canons de montagne est par contre très apprécié, parfois, ces canons détruisent même le parapet de la tranchée d'en face car l'obus allongé du 80 de montagne contient 1 kg d'explosif, il est donc plus efficace qu'un obus de 75 de campagne.
Une photographie d'un 80 mm de montagne en première ligne serait très intéressante car de tels documents sont rares!
Cordialement,
Guy François.

Nous déménageons avec regret de nos chaleureuses guitounes , solidement construites depuis presqu' un an .
Nous espérons que les nouveaux locataires , des collègues du 38è RAC de l' AD15, seront de bons pères de famille
pour notre patrimoine perdu.

Nous quittons notre village artisanal avec l' amère et triste impression de nous éloigner un peu plus de nos foyers d' antan;
une curieuse amertume du soldat, un bourdon qui lui vient de cette constante incertitude des hasards mortels
de la guerre et contre lequel il ne peut lutter qu' en comptant sur sa bonne humeur, celle de ses camarades de fortune et le courrier de la maison.
L'Etat-major nous rappelle ainsi régulièrement par ses "ordres de marche " que nous ne sommes propriétaires de rien ,
ni de nos chères cabanes, ni de notre peau... Mais tout est relatif : Ceux de l' infanterie , ils déménagent tous les quatre jours, eux...

Cette fois, le coup de déprime est heureusement "contrebattu" par l' optimisme d' un retour prochain au foyer.
L'espoir est sur toutes les lèvres depuis que nous constatons le soin et les moyens gigantesques mis en oeuvre
pour la réussite de notre prochaine attaque.

Je suis nommé commandant d' un groupe qui rassemble les 22è et 23è batteries,
une batterie de 58, lieutenant Heuchel, et la 46è batterie de 80 de montagne du capitaine Baud.
ce groupe est disposé à 2 kilomètres et demi de Perthes au croisement de la Chaussée Romaine
et de la route "de Souain" (en fait " de Suippes", NDLR) à Perthes-les-Hurlus.

Un grand merci à mr Oudin des amis du vieux suippes pour cette carte qu'il m'a aimablement prêtée. (NDLR)

Nos échelons stationnent en retrait, à proximité du château de Nantivet.
la 21è batterie nous quitte, elle, pour s' installer dans le village de Souain où Les premières lignes allemandes
sont à quelques centaines de mètres seulement : Pour un artilleur immobile, riveté à sa position,
cette proximité est beaucoup plus dangereuse que pour un soldat de première ligne , à moins de 30 mètres des boches,
mobile ou enterré. Les canons de la 21è y sont soigneusement casematés par les soins de
mon lieutenant Lenôtre , chef de la 21è, dont le sang-froid et l'efficacité méritent d' être notés
pour l' organisation de cette opération-là, qui ne manque pas de sel !

le 22 septembre, le groupement M (comme Mounicot) reçoit le détail de son ordre de mission pour l'attaque .

le réglage des tirs sur les destinataires plus lointains de notre nouveau secteur commence le 29 août .
En attendant que les réseaux de fil téléphonique soient installés entre les batteries et leurs observateurs ...

photo56: De fils et de plumes : Notre central de communication !


...c'est le coup d' oeil des aviateurs qui régle nos premiers tirs de repérage sur l' objectif ...
photo57


...sinon celui des ballonniers, plus lointain et moins précis .
photo58

le 22 septembre, le groupement M (comme Mounicot) reçoit le plan directeur de la 4è armée
qui détaille son ordre de mission pour l'attaque:
(c'est la feuille 11 de ce plan...Top secret, je ne peux pas vous la montrer, d'ailleurs, je la cherche encore,
...si vous pouviez m'aider à la retrouver! NDLR)


-préparer l'attaque en détruisant les défenses accessoires
des première et seconde lignes ennemies.
-empêcher l' arrivée des renforts ennemis en ciblant les entrées
des boyaux de communication et les
voies de communication plus lointaines.
-exécuter des bombardements à des moments déterminés et
contrebattre les batteries en duel et sur demande des fantassins de la première ligne.
-accompagner l'infanterie dans son mouvement en avant.
-préparer l'attaque de la butte de Souain, points 1259 à 1264.

Les objectifs sont,
en gros,
le terminus de la ligne du tramway descendant de Somme-Py et
aboutissant près des ouvrages de Breslau,
les tranchées Von Goeben, de Breslau et de Dresde ,
les boyaux de Fribourg, de Posen et du Main,
et en détail,
la petite clairière entre le bois de Sapins au nord,
le grand bois des Bouleaux au sud.
Presque tous ces lieux sont dessinés et notés avec précision sur ce plan du journal de marche de la 119 è brigade d'infanterie, page 108:
http://www.memoiredeshommes.sga.defense ... iewer.html

Mais rien de mieux que de comparer ce plan avec la photographie aérienne du même secteur
pour juger des résultats de la journée .
Là,je l'étudie en compagnie de mes collaborateurs....plus jeunes
... meilleurs yeux...
photo 59
"devant mon poste d'observation aérien 8 août 1915
l'examen d'un cliché de photo"


Ce cliché, je prends l'aimable responsabilité de vous le montrer !
comparez avec le plan ci-dessus.
photo 60
"1er groupe, tranchée de Maisonrouge
grand bois des bouleaux
petite clairière
grand bois des sapins
la poche,
zone de préparation de l'attaque des 22è et 23è batteries
(attaque du 25 septembre 1915)
9 août 1915."
mouni 190 bis
dans le coin inférieur droit, ce sont les entonnoirs de Perthes.
Quand çà saute, Cà vous réveille de loin!

sautez pieds joints dans cette photo aérienne :
voici ce que çà donne au ras du parapet , en perspective horizontale
et avec une forte envie de ne pas traîner pour régler la focale du pocket- kodak ...
oudin 152 bis

J'espère que tu as le coeur bien accroché!
je t' emmène au coeur du combat.
As tu seulement une minuscule petite idée de ce que tu vas voir et de ce qui t'attend ?
En fait, tu ne verras pas grand chose: beaucoup de poussière ,beaucoup de fumée et une paralysante envie de plonger au plus profond du premier terrier venu.
Et pendant que je prends la photo, quand je t' inviterai à regarder par-dessus le parapet de la tranchée pour repérer la chute des projectiles de nos batteries, tes réponses seront tremblantes de peur.
Mais je ne t'en voudrai pas. Tu n'as pas le métier.
Il suffit de t' habituer, avoir le flair de ton instinct... prier pour un peu de chance.
Apprivoise ta peur.
photo 62
"photo prise le 16 septembre dans les tranchées au cours
d' une reconnaissance qui a pris plus de cinq heures.
les claies et les fils de fer que l'on voit ont pour but de
maintenir les terres qui s'éboulent sous le tir ennemi"


Si tu ne distingues pas grand chose, tes oreilles vont par contre être sollicitées comme ne l'ont jamais été.Peux- tu imaginer la violence hurlante d' une attaque d'artillerie?.
Tes tympans vont regretter d'être dans tes oreilles...
l'incroyable vacarme des obus va te couper le souffle.
Pense que tu vas être jeté au milieu d' une meute de chiens de l'enfer affamés, rendus enragés parce qu' on leur a dit que la seule et minuscule entrecôte à partager est dans une de tes poches.Tes obus te raseront le crâne juste au-dessus du parapet de la tranchée et ceux d'en face te renifleront de plus en plus près pour finalement réussir à te scalper avec la pire des brutalités. Et cette sueur glacée au creux du dos d'imaginer le coup de merlin de on écrasement instantané,le corps écartelé par une déflagration inouïe.

photo63
Celui là ne craint pas : 300 mètres.oudin 147 bis
photo64
Ce coquin-là , 30 mètres, a effrayé mon kodak.
une vérité indiscutable : un obus, çà ne s'apprivoise pas, même en photo!!
oudin 155 bis

Notre attaque du 25 septembre s' éteint doucement.
Tu as lu dans la presse que nous sommes victorieux.
Je peux seulement t' informer que les boches sont encore là, bien retranchés,
un peu plus loin, à trois kilomètres, toujours aussi dangereux.
Depuis le 25 septembre au soir, les cimetières sont plus nombreux.

L' accalmie me permet de reprendre le développement de mes photos.
Je t'en montre quelques-unes qui racontent cette semaine de folie!
Quand je les revois, j' ai du mal à imaginer que j' ai réellement vécu et
survécu à ces sept jours infernaux.
Il faut dire qu'ayant peu dormi, j' aurais déjà pu mourir de fatigue,
ce qui n' aurait pas été très glorieux pour le nom d'une famille décorée de Légions d' Honneur de père en fils..:
photo65
"photo prise le 2 octobre au bivouac du bois des marmites après l' attaque
et quelques nuits passées sous la tente et à la belle étoile".


Une photo de victoire, en voilà une.
photo66
"un emplacement de minenwerfer boche dans le Bois sabot. L' engin a été photographié dans l' état où il a été laissé
dans sa casemate par les boches le 26 septembre lendemain de l' attaque générale .
les deux petites pancartes sur le talus servaient de point de pointage et portaient
les indications nécessaires sur la distance et la nature des objectifs battus"


Une autre encore. tu constateras que nos nouveaux "Kameraden "sont plus heureux que nous:
ils ont reçu du pain et ils ont gagné leur assurance-vie . Et à les voir comme çà
entourés de nos hommes qui leur tendent charitablement l' assiette,
tu te demandes où est la haine . Ah si on comprenait ce qu'ils disent ,
il en faudrait peu pour qu' on soit copain!
photo67 "26 septembre prisonniers allemands près de Maison Forestière
[ mouni 300 bis
Celui-là n' a pas eu de chance. D' où qu' il soit et quelle que soit
la couleur de son costume, Il était vivant hier, sa pauvre maman pleurera demain.
"cadavre boche au nord du bois sabot, affaire du 25 septembre 1915"
photo68, mouni 275 bis
Je n' ai pas croisé que des morts frais.
Dans l' ancien nomansland, j' en ai découvert un, tué et oublié depuis plusieurs semaines.
crois moi, la scène est beaucoup plus facile à soutenir en photo qu'en vrai sur le terrain...
tu me disais que tu trouvais la guerre excitante et glorieuse ? je la trouve sale et insultante pour les hommes.
"cadavre boche sur le terrain de l' attaque après les affaires du 25 septembre en Champagne.
cadavre ancien, 22 octobre 1915"
photo69 mouni274bis
d' ailleurs ce que nous en pensons tous, à commencer par le capitaine de l'équipe, c'est que le travail est accompli et
qu' on f... la paix aux gars du 7è,
le temps d' une petite partie de cartes
photo70 "29 septembre, une partie de carte au soleil au bivouac du bois des Marmites."


...et d'un léger gueuleton.
bivouac du bois des marmites. le déjeuner, 29 septembre.


ou d'une barbe, la mienne!
photo72 "photo prise le 12 octobre 1915 salon de coiffure devant la villa
au premier plan
sous lieutenant Touffet, cap. Mounicot
au 2è plan, canonnier Guegand, coiffeur de la batterie.
16 octobre 1915"

Bonjour,

Merci pour ces admirables documents.
Concernant le Minenwerfer, il s'agit d'un modèle assez peu répandu, le Minenwerfer lisse de 18-cm, fabriqué par Rheinmetallfabrik.
Un Minenwerfer du même type a été photographié dans le même secteur et à la même époque par le lieutenant Longuet du 3ème R.A.P, dont le petit-fils fréquente ce Forum.La photographie, plaque de verre de haute définition, permet même de distinguer à l'agrandissement le numéro de série "Nr 37 Rh M.F 1915".Celui-ci doit porter un numéro très proche!
Cordialement,
Guy François.