Bonjour,
Encore un peu de balistique avant d'examiner des images tragiques:
La question du réglage et du contôle du tir des "Wilhelm Geschütze" a fait couler beaucoup d'encre:
-Laissons de côté les réglages par avions, survoler Paris au printemps 1918 était devenu beaucoup plus difficile qu'en août 1914, une D.C.A. puissante et des escadrilles de chasse, de nuit comme de jour, assuraient la défense du Camp Retranché de Paris.Si quelques bombardiers pouvaient atteindre de nuit la ville, aucun avion allemand ne s'y est risqué de jour en 1918.Ajoutons que pour régler un tir depuis un avion, il faut rester au dessus de l'objectif de très longues minutes et que la localisation des impacts est totalement impossible dans une aussi grande ville.
-Passons rapidement sur un service d'agents "dormants" capables de signaler en quelques minutes la localisation d'un impact par le téléphone via la Suisse, avec la technique du téléphone de l'époque, il est impossible de signaler en 15 minutes la zone d'un impact à un correspondant situé à proximité des canons par un circuit aussi compliqué.Ce qui ne signifie pas que des espions aient pu, a posteriori, envoyer des renseignements de cette nature mais dans des délais qu'on peut raisonnablement chiffrer en jours, donc inutiles pour le réglage d'un tir en cours.
-En fait, le tir était réglé assez précisément en vérifiant à chaque coup tiré la pression au niveau de la chambre de tir ce qui permettait de déduire la vitesse du projectile et sa portée en partant des expériences effectuées sur le champ de tir d'Altenwalde lors des essais balistiques.Pour ce faire, un "crusher", petit cylindre de cuivre étalonné était placé dans la chambre de tir du canon et la mesure de sa déformation permettait de calculer avec précision la pression correspondant au coup tiré.En fonction des résultats constatés, la charge de poudre était alors modifiée pour tendre vers le meilleur résultat possible, tout ceci en tenant compte de l'usure de la bouche à feu qui modifie les conditions du tir (rappelons que les "Wilhelm Geschütze" tiraient avec la même élévation de 50° et que les charges de poudre, soigneusement tarées étaient conservées à température constante).
Ainsi, observons le tir tragique du 29 mars 1918, ce jour là, après un silence de trois jours dû à l'explosion d'un tube, les tirs reprennent avec un tube neuf monté sur l'affût "Eisenbahn und Bettungsschiessgerüst" de la position XXIII dont c'est le premier tir (cette position est celle qui est la plus visible et qui est actuellement remise en valeur par le Conseil Général de l'Aisne):
Le tube N° 15 à peu près neuf tire quatre coups:
-coup N° 59 à 15h30: ce coup de "flambage" développe une forte pression, le projectile tombe à Montrouge.
-coup N° 60 à 15h55: ce coup est le plus long enregistré pour un tube de 21/35 cm, l'obus atteint Châtillon.
-coup N° 61 à 16h30: ce coup frappe l'Eglise Saint-Gervais, donc très près du point visé.
-coup N° 62 à 17h45: retour à une forte pression, l'obus tombe de nouveau à Montrouge.
Le lendemain, la pièce reprendra son tir, le tube "rodé" produira les coups les mieux centrés des séries de tir avec un obus tombant dans la Seine près du quai de l'Horloge, le plus près de Notre-Dame.
Après ces considérations balistiques, examinons l'horreur du tir inopiné sur une grande ville avec les exemples ayant le plus marqué les imaginations:
-le 29 mars 1918, le coup N° 61 de 21/35 cm atteint un pilier soutenant la voûte de l'église Saint-Gervais en plein office des Ténèbres du Vendredi-Saint, 88 personnes, surtout des femmes, sont tuées sur le coup et 68 blessées gravement dont au moins trois décèderont ultérieurement.
-le 11 avril 1918, le coup N° 108 de 23,2/35 cm pénètre dans le mur nord de la maternité Baudelocque, 125 Boulevard de Port-Royal, où reposent 20 accouchées, 20 nourrissons et trois élèves sage-femme, quatre accouchées; un enfant nouveau-né et une élève sage-femme sont tués et 14 blessés gravement.
L'horreur de ces tragédies souleva l'opinion publique, y compris dans de nombreux pays "neutres", contre la "barbarie" allemande, la presse germanique ne se faisant écho pour sa part que des dégats infligés à la "forteresse" de Paris.
Ci-joints quatre photos, une du Colonel Challéat examinant un entonnoir place de la République, une de la voûte écroulée de Saint-Gervais, une autre de l'intérieur de l'église et enfin l'orifice d'entrée de l'obus dans le mur de la maternité Baudelocque.
Cordialement, Guy
