Bonjour à tous,
Voici deux photos, déjà sur le forum, mais un peu retouchées, du navire et de son équipage.
Il existe un important dossier sur le KLEBER aux archives de Vincennes. Il reprend tous les éléments déjà mis sur le forum, notamment en ce qui concerne les diverses récompenses décernées. Je me contenterai donc du rapport officiel établi d’après les divers interrogatoires des survivants.
Rapport de la commission d’enquête
Le 7 Septembre vers 17h35, le trois-mâts goélette KLEBER, avec 12 hommes d’équipage se trouve à une quarantaine de milles dans le SW de Groix, filant 7 nœuds vent arrière. Il aperçoit droit devant un grand sous-marin qui cinq minutes plus tard ouvre le feu à 8000 m environ. A bord du KLEBER, pas d’affolement. On vient au lof de 4 quarts bâbord amures de façon à mettre le cap sur la terre. En même temps que KLEBER a loffé, le sous-marin a changé de route et se place par la hanche bâbord du voilier, juste sous le soleil. Il tire 5 coups longs qui passent dans la mâture. Les deux bâtiments se sont rapprochés rapidement et KLEBER ouvre le feu à son tour. Le sous-marin plonge.
Vingt minutes après, il émerge à nouveau et le combat recommence. A 18h30, un obus explose sur le pavois tribord arrière et ses éclats tuent le capitaine et blessent deux hommes. Son souffle renverse tous les hommes rassemblés à l’arrière pour monter les munitions. Le chef de pièce est renversé et se relève sourd, perdant du sang par les oreilles. Il continue cependant son tir.
Il y a une interruption de combat de 5 minutes environ. Le second, qui remplace le capitaine, donne l’ordre de mettre le canot et les doris à la mer et d’y faire embarquer les deux blessés et 4 hommes pour signaler l’évacuation du navire et inciter le sous-marin à se rapprocher. Lui reste à bord avec l’armement de la pièce pour continuer le combat à bout portant. Le mouvement commence à peine, qu’il est tué. Le maître d’équipage, qui se préparait à embarquer dans le canot, prend sa place et continue l’exécution du plan du second. Les embarcations, qui risquent d’être submergées par la vitesse, sont larguées et KLEBER continue à faire route.
Le sous-marin s’approche d’abord du canot et fait monter à son bord les 4 hommes qui l’occupent. Il leur demande si KLEBER est bien évacué en les prévenant qu’ils sont pris en otages et qu’ils auront la cervelle brûlée s’ils mentent. « Il n’y a plus personne à bord » répondent-ils sans hésiter.
Le sous-marin se dirige sur le KLEBER en les gardant sur le pont. Sur le KLEBER, il ne reste plus que le maître d’équipage Monnier, les canonniers Jain (19 ans) et Bazile, et le matelot De Maffart, blessé. Bazile a pris la place de Jain qui panse Maffart quand le sous-marin s’approche à 300 m et recommence le feu. Quelques instants après, il tombe, blessé lui aussi pour la 2e fois. Le maître d’équipage prend sa place et tire quelques coups. Il voit le sous-marin plonger et le combat se termine suite à la fuite de l’ennemi.
Le sous-marin s’est immergé si précipitamment qu’un de ses canonniers n’a pas eu le temps de rentrer et s’est retrouvé à l’eau comme les 4 Français. Ceux-ci regagnent leur embarcation et sauvent le marin allemand qu’ils ne veulent pas abandonner.
KLEBER s’éloigne dans la nuit qui tombe, conduit par ses quatre héroïques défenseurs. Il arrive à Groix où il mouille vers 01h00 du matin le 8. Le sous-marin, quant à lui, a émergé à nouveau quelque temps après, est revenu vers les embarcations et leur a demandé si elles avaient son homme. Il a repris son marin et leur a dit en anglais de s’éloigner de lui. Conscient de l’héroïsme de ces quatre marins français, il ne leur fait aucun mal. En surface, il a fait route sur Penmarch. Les embarcations du KLEBER ont nagé toute la nuit et sont arrivées à Groix le lendemain à 08h00.
La commission estime que la conduite de l’équipage mérite les plus grands éloges pour avoir, dans une lutte disproportionnée, réussi à se faire abandonner par l’ennemi. Le combat du KLEBER constitue un fait d’armes glorieux qui peut être cité en exemple. Les gestes accomplis par cet équipage honorent la Marine Française.
Description du sous-marin
Blockhaus avec passerelle dessus.
Cabestan sur l’avant.
Télémètre vertical sortant du kiosque
Deux ballasts ( ?) de chaque bord sur l’avant
Vannes tout le long du bord
Filière rambarde de chaque bord sur l’avant du kiosque
Canon sans doute de 105 mm portant la marque 1854K53 fixé à demeure sur l’avant du kiosque
Chaîne portant des couteaux établie entre l’étrave et un bâti porté par un chevalet sur l’arrière du gaillard. Le tambour d’enroulement était visible à fleur de pont près de l’étrave. Ce système était en action quand les Français étaient à bord. Mais quand on a vu qu’ils le remarquaient, on les a fait passer sur l’arrière.
Périscope sortant du kiosque, peint en gris avec sommet noir. Peut-être un 2e, plus petit servant de télémètre. L’officier au télémètre regardait dedans et donnait des ordres au canon.
Pas de mât, mais deux espars d’une dizaine de mètres saisis sur le pont arrière.
Antenne allant de l’avant à l’arrière et passant au dessus du kiosque.
Kiosque peint en gris clair, coque en gris verdâtre très foncé, couleur de vase.
3 puits ovales verticaux emplis d’eau entre le kiosque et le gaillard.
Le commandant : bel homme, grand, blond, rasé mais portant une barbe de 8 jours au moins, 30 à 35 ans. Parlait bien anglais et, sans doute aussi italien et espagnol selon un matelot qui connaît ces langues. Portait un jersey blanc, un pantalon gris et des bottes en caoutchouc. Casquette de marine avec écusson.
L’officier en second : 35 ans environ, taille moyenne, avec moustache et assez gros.
Un officier au télémètre, à peine 20 ans, mince et imberbe. En uniforme de drap tout neuf avec galons d’or sur les manches et sur la casquette.
4 hommes sur le kiosque dont un portant des jumelles à prisme, en chemise de laine et coiffé d’un bonnet avec ruban légendé. Les autres vêtus de cuir et de suroits.
2 hommes au canon.
Le sous-marin manœuvrait très bien, en demi-plongée, pont à fleur d’eau, ouvrait le feu instantanément à chaque émersion, plongeait avec sa pièce toute chargée.
Tous les matelots sont unanimes à reconnaître un sous-marin du type UC 52, dont la photo leur a été présentée.
Voici la silhouette qu’ils ont dessinée.
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’UC 71 de Rheinhold Saltzwedel, effectivement un type UC II, comme l’UC 52. Voici d’ailleurs la photo d’un type UC II qui est probablement l’UC 71 lui-même.
Cette autre photo, qui est celle de l’UC 74, type UC II lui aussi, correspond bien à la longue description faite par les hommes de KLEBER.
UC 74, qui en Novembre 1918 s’était réfugié à Barcelone, fut remis à la France le 26 Mars 1919 (d’où le pavillon français qui surmonte le kiosque).
Quant à l’UC 71, il coula au large du Danemark le 20 Février 1919, alors qu’il faisait route vers un port allié après sa reddition.
Résumé des récompenses
Citation à l’Ordre de l’Armée
LE FAUVE Ernest Maître au cabotage Granville 187
PLESSIX Théophile Second capitaine Saint Malo 5957
Ont donné l’exemple du courage à leur équipage en acceptant la lutte avec un sous-marin supérieurement armé. Tués à leur poste.
NOURY Pierre Dinan 4701
LE TOUZE Prosper Granville 10559
Très belle attitude lors du combat de leur voilier contre un sous-marin
Voilier KLEBER
Pour la vaillance dont son équipage a fait preuve en repoussant, à armes inégales, une attaque de sous-marin et en sauvant le bâtiment.
Chevalier de la Légion d’Honneur
MONNIER Paul Maître d’équipage Noirmoutier 1132
A fait preuve d’une énergie et d’un courage hors du commun dans la défense de son navire contre un sous-marin. A sauvé son bâtiment.
Médaille militaire
JAIN Jean Fusilier breveté 111097.2
BAZILE PAUL Matelot La Hougue 1757
MAFFART Eugène Saint Malo 277
Ont fait preuve d’une grande bravoure en luttant à armes inégales contre un sous-marin et ont vaillamment contribué à sauver leur bâtiment. Blessés au cours de l’engagement. (Croix de Guerre).
GUILTO Augustin Binic 4851
TRAVERS Henri Cherbourg 251
SICARDIN Eugène Dinan 35041
CHAPELAIN Paul Tréguier 2037
Ont contribué à assurer le succès de leur bâtiment dans sa lutte contre un sous-marin par le véritable héroïsme dont ils ont fait preuve. (Croix de Guerre).
Cdlt