Ce 29 mai 1915, Elie Moulien (du 67ème RIT), que j'avais mentionné le 3 novembre dernier, date de son anniversaire, est « tué à l'ennemi », à Vingré dans l'Aisne.
Le JMO du 67ème RIT reste introuvable, sa fiche matricule n'apporte pas plus de d'informations. Seul son avis de décès transcrit le 11 octobre 1916 à la mairie de la Chaussée (Vienne) précise qu'Elie Moulien fait partie de la 10 compagnie du 67ème RIT et qu'il meurt à 10 heures du matin.
Je me référe donc à l'Historique du 67ème Régiment Territorial d’Infanterie, édité par l'Imprimerie « L’Union » - Poitiers en 1920 et numérisé par P. Chagnoux en 2013 :
« Nous connaissions de réputation le secteur de Nouvron-Vingré ; lorsqu'à Ciry on entendait sur la gauche une violente canonnade, on disait chaque fois : « c'est à Nouvron qu'on se bat ». Nous savions que ce plateau avait une grande importance stratégique, car c'est à partir de là que les Boches cessaient d'avoir la maîtrise de la rive droite de l'Aisne ; après la bataille de la Marne, Français et Anglais avaient livré de furieux combats pour s'emparer des pentes Sud et s'y maintenir.
L'Etat-major du 67e, les 1er et 3e Bataillons firent étape à Montgobert et à Ressons. La relève eut lieu dans la nuit du 24 au 25 mai. Le secteur de Vingré comprenait la partie Sud-ouest du plateau de Nouvron et était commandé par le Général commandant la 28e Brigade, le Général de Brigade LACOTTE, dont le poste de commandement était à Vaux et en cas d'alerte aux grottes de Confrecourt ; il était divisé en deux sous-secteurs Vingré-Est et Vingré-Nord. Le Colonel du 35e d'active commandant le sous-secteur de Vingré-Est occupé par un bataillon du 35e et le 3e Bataillon du 67e, notre Colonel commandait le sous-secteur de Vingré-Nord occupé par un bataillon du 35e et le 1er Bataillon du 67e.
Chacun des sous-secteurs était divisé en quatre compartiments, désignés de l'Est à l'Ouest par les lettres A B C D, sous-secteur Est, et E F G H sous-secteur Nord.
Dans chaque sous-secteur, deux Compagnies du 35e occupaient les avancées (entonnoirs aménagés, petits postes) ; deux Compagnies du 67e occupaient les tranchées de la ligne d'active et les deux Compagnies de territoriale étaient en réserve dans les grottes ou d'autres abris construits à cet effet.
Chaque Chef de Bataillon commandait deux compartiments et avait sous ses ordres deux Compagnies d'active et deux de territoriale. Les postes de commandement de notre Colonel et du Colonel du 35e étaient au village de Vingré.
Le 25 mai, le 2e Bataillon du 67e avait été mis à la disposition de la 27e Brigade et chargé de la
défense du secteur le Pressoir-Pernant, sur la rive gauche de l'Aisne. Notre Régiment se trouvait donc tout entier en première ligne ; mais tandis que le 2e Bataillon occupait un secteur tranquille, séparé de l'ennemi par l'Aisne et ses marécages ; à Vingré, il n'y avait entre nous et les Boches aucun obstacle naturel : nos petits postes n'étaient à certains endroits qu'à une douzaine de mètres des leurs, et à tout moment on pouvait craindre une attaque.
Du 26 mai au 25 juillet, le Régiment fut en secteur.
Le secteur de Nouvron-Vingré était agité. Des mines explosent de part et d'autre. Fréquemment
bombardé de nuit et de jour par les canons de tous calibres (77 – 105 - 150 et 210) et les
minewerfen ennemis, le front était souvent troublé la nuit par des fusillades nourries et le
crépitement des mitrailleuses. — Vingré fut constamment l'objet de violents bombardements.
Des attaques locales et des démonstrations tinrent le défenseur en alertes continuelles et pénibles.
Les unités étaient enfin astreintes aux fatigants travaux des tranchées. — Cette partie du front fut particulièrement meurtrière. C'est dans ses tranchées que furent blessés les Généraux
MAUNOURY et de VILLARET . »
Ce que ne dit pas cet historique, c'est que les soldats ont sûrement en mémoire le 4 décembre 1914 où 6 d'entre eux, du 298ème RI, sont fusillés pour « l'exemple » à Vingré. Je me suis rendu en 2014 dans ce petit village maintenant parsemé dans les rues de la photographie et la dernière lettre de chaque condamné à mort. Sur cet endroit de sinistre mémoire, j'ai essayé d'imaginer ce qu'avait pu endurer les combattants dont Elie Moulien.
Différents monuments rappellent les combats en ces lieux, aucun ne fait référence au 67ème RIT.
Elie Moulien laisse derrière lui sa femme Lucie (ou Lucile) Meunier, épousée le 25 octobre 1900 à Assais les Jumeaux (Deux-Sèvres) et 3 enfants : Thérèse (1904-1920), Raymond, né en 1908, sans descendance et Lucien, dont j'ai retrouvé la trace du petit-fils, mais qui malheureusement n'a pas de documents relatifs à son arrière-grand-père.
Elie Moulien est inscrit aussi sur le monument aux Morts de la Chaussée, lieu d'habitation à son départ à la guerre.
Il a pourtant la particularité d'être inscrit sur le monument aux Morts de Frontenay, sans y être né, ni y avoir habité ! L'explication est simple : Elie Moulien est un des deux soldats tués en 14-18 à y être inhumé, probablement parce ce que son épouse habite Frontenay après la guerre. On la retrouve en effet sur le recensement de 1921 avec son fils Raymond et sa mère Désirée. Lucie décédera à Frontenay en 1954 et Raymond Moulien y habitera quasiment jusqu'à son décès en 1996.
Elie Moulien est le 10ème tué des 16 soldats inscrit sur le monument aux Morts de Frontenay-sur-Dive.
Vous trouverez ci-dessous la photographie de la tombe d'Elie Moulien dans le cimetière de Frontenay.

