Bonjour à tous,
Voici enfin venu le moment du compte rendu du voyage. Enfin car c'est pour moi l'occasion de faire le bilan de ces trois jours. Bilan déjà commencé en réalité au fur et à mesure des étapes franchies chaque jour, mais qui prend forme.
Organiser un voyage, c'est avant tout un stress : quelque soit le programme proposé, ce n'est avant le voyage qu'une construction intellectuelle. Faire adhérer 40 personnes à cette construction n'est pas simple et jamais gagné pour tous. 40 élèves, ce sont 40 individualités, 40 manière de percevoir les choses, 40 manières de penser, 40 sensibilités différentes. D'où notre choix de travailler sur l'aspect humain des choses, qu'ils comprennent que sous chaque croix, il y a une individualité disparues et les conséquences humaines de ce conflit qui font que l'on tienne tant à ce qu'il ne soir pas oublié.
Place au récit.
Mercredi 7 avril :
4h55. Toute l'équipe est au complet et prête à partir. Le moment que nous attendions tous est là.
5h10 : départ. 11h20 : arrivée à Suippes, avec seulement quelques ralentissements sur la Francilienne (le gros stress est toujours le passage par Paris, encore plus un jour de grève quand on y arrive à 8h00 !).
- Le Centre d'interprétation de Suippes :
Le Centre d'interprétation de Suippes ayant mis une salle à notre disposition, nous avons pu distribuer et expliquer le fonctionnement du livret rouge et du carnet violet. Le livret rouge est la partie factuelle et historique du voyage. Il permet de pointer du doigt certains éléments sur lesquels nous souhaitons retenir l'attention des élèves. Certaines parties du livret doivent être utilisées pour rédiger après le voyage un paragraphe argumenté (exercice au brevet des collèges) sur qui, comment et pourquoi se souvient-on de ce conflit ? Le carnet violet, est un outil qui doit permettre aux élèves de prendre en note leurs impressions, impressions qui seront mises en forme à leur retour au collège pour arriver à un texte personnel sur le voyage.
Après le repas, visite du Centre d'interprétation.
13h00. Grâce à l'aide de l'équipe du Centre, il a été possible de proposer une visite suivant les thématiques sur lesquelles nous souhaitions insister (les pages du livret ont été réalisées en collaboration avec l'équipe du Centre), tout en ayant une mise en contexte de la visite à la main de Massiges que nous allions faire. Le groupe fut divisé en 2. La visite dura un peu plus de 2 heures (elle fut loin d'être exhaustive pour autant).
Le début de l'immersion dans notre thématique fut faite à l'occasion de la seconde animation proposée par le Centre. Avant la projection d'une animation sur un assaut, Benoît fit la lecture d'un texte de Jean Bernier décrivant la difficulté de s'élancer à l'assaut, de cette jeunesse qui allait vers la mort ; les élèves étaient dans le noir pendant la lecture et la lumière ne revenait que pour l'animation.
La suite du parcours fut plus classique et s'acheva par un travail sur le quotidien des hommes (l'assaut n'étant qu'un moment exceptionnel bien qu'étant le plus représenté dans l'imaginaire) réalisé grâce à la lecture d'un texte du soldat Simon Ragaru (dont les carnets furent publiés grâce au travail des élèves du club l'an passé). Précision importante : nous étions accompagnés tout au long du voyage par un invité, le petit-fils de ce poilu.
15h15. Tout le monde est dans le car, direction Massiges où nous arrivons 35 minutes plus tard. A peine le temps de s'équiper des bottes et autres chaussures de marche qu'Eric Marchal, notre guide, arrive.
- Sur la main de Massiges :
Avant de nous rendre sur la main, Eric nous emmené à la cote 180 d'où le panorama permet une lecture du paysage. Des panneaux installés par ses soins et ses commentaires permirent de mieux comprendre le lieu.
Ce fut aussi l'occasion de faire un rapide historique des combats sur le site. Benoît y fit la lecture d'un récit patriotique sur la prise d'un doigt par le 23e RIC. L'objectif étant de casser cette représentation héroïque par la lecture d'autres textes lors de la randonnée sur la main.
Ensuite, le groupe se rendit vers la main de Massiges. Suivant une route parallèle à un boyau qui montait vers le Cratère, les élèves écoutèrent une nouvelle lecture qui permit de montrer que la guerre était moins glorieuse que ce que le texte patriotique avait pu décrire. Elle fut suivie d'un premier moment d'écriture des impressions dans le carnet violet. Ce moment ne fut pas satisfaisant, autant parce que les élèves n'arrivaient pas à saisir réellement l'exercice, qu'en raison du lieu qui ne s'y prêtait peut-être pas assez et parce qu'ils ne s'isolèrent pas. Nous ne sommes donc pas restés très longtemps et nous avons poursuivi la montée vers le Cratère.
L'arrivée au Cratère est impressionnantes à plusieurs titres. Le panorama, malgré un temps un peu bouché, est impressionnant, surtout le travail réalisé par Eric et l'équipe de la toute jeune association de la Main de Massiges est tout simplement exemplaire. Plusieurs dizaines de mètres de tranchées reconstitués fidèlement. La craie blanche qui donne l'impression qu'elle est intacte. J'ai été positivement stupéfait. Stupéfait parce que je m'attendais à une petite reconstitution, non à un travail de cette ampleur. En août dernier, lorsque nous étions venus en reconnaissance, nous avions visité un secteur du camp de Suippes tout proche et conclus que la visite des tranchées mentionnées par Simon Ragaru dans son carnet était impossible : zone non déminée et inaccessible en raison de la densité de végétation. Les militaires qui nous avaient accueillis nous avaient alors communiqués les coordonnées de monsieur Marchal. Nous avions ensuite marché sur la main, mais pas au cratère. Nous ne connaissions donc le lieu que par quelques images.
Les élèves s'engouffrèrent dans la tranchée dont le fond, malgré le temps sec ce jour là, était légèrement humide. Ils écoutèrent la dernière lecture sur le besoin de s'enterrer pour se protéger et la peur de l'obus qui arrive. Ensuite, il avaient à écrire à nouveau leurs impressions. Second moment fort de la journée : silence absolu, les élèves, malgré leur proximité écrirent et restèrent ensuite un long moment sans rien dire. Autant le moment d'écriture à la carrière n'avait pas fonctionné, autant là, ils avaient compris. Un moment vraiment fort.
Ensuite il purent faire un long tour du site et autant le dire, ils firent le tour, se montrèrent forts curieux. Le moment passé au cratère s'acheva par la visite de la tranchée des abris qui se trouve un peu plus bas et qui n'est pas reconstituée, ce qui leur permis de comprendre ce qui restait d'une tranchée non entretenue.
De retour au Cratère, ils firent l'expérience d'écouter une chanson et de noter toujours dans le carnet violet leurs impressions. Un texte prend tout son sens quand il est lu ou écouté sur place. Ce fut une expérience qui acheva la visite sur un nouveau moment fort.
Au retour après un regroupement à la vierge aux Abeilles, le groupe retourna au car et partit vers son hébergement. Il était 19h00.
Arrivés à 20h00, le repas fut servit à 20h15. Rendez-vous fut ensuite donné à 21h15 afin d'achever la soirée. Le laps de temps permettant à tous de prendre une douche et de se reposer un peu.
La soirée fut consacrée à un travail sur un soldat décédé à l'abbaye de Benoîte-Vaux où nous étions hébergés et qui avait servi d'hôpital pour les malades contagieux. Plutôt qu'une simple lecture, nous avions décidé, avec la complicité d'élèves du club qui n'en avaient rien dit aux autres, de théâtraliser un peu la lecture. Chaque élève avait un rôle et lisait la lettre dont son personnage était l'auteur.
Grâce à ce procédé, les personnages sont incarnés et rendent la lecture plus dynamique et dans le ton. Les lectures étaient suivies d'un commentaire ou d'une courte discussion. L'objectif était de montrer qu'au-delà du décès d'un homme, c'était toute une famille, une fiancée et un réseau d'ami qui était affecté.
A 22h30, les élèves partirent se coucher, afin de récupérer un peu d'énergie pour une seconde journée qui s'annonçait comme très intense également, physiquement comme émotionnellement.
Pour conclure le récit de cette journée, je tiens à renouveler publiquement mes remerciements à Eric Marchal qui a été d'une aide fort précieuse depuis plusieurs mois (ne comptons pas les dizaines de mails échangés ces dernière semaines !). Il nous a guidé virtuellement puis physiquement au Cratère, a travaillé à débroussailler un peu la tranchée des abris pour notre venue. Et pour tout dire,
si vous allez dans la Marne, allez voir le travail accompli au Cratère. Cela vaut vraiment le détour !
(à suivre)