Re: Correspondance Raoul Bloch 1914-1916
Publié : mer. nov. 27, 2024 11:32 am
28 décembre 1914 - Aux siens
Voici ce qu'il y avait au rapport ce matin :
" Le général de brigade porte à la connaissance de la brigade les félicitations qu'il tient à adresser à la 21e compagnie du 306e régiment d'infanterie qui sous la conduite intelligente et énergique de son chef, le lieutenant Raoul Bloch, a effectué une reconnaissance intéressante sur la rive S. de l'Aisne. C'est de cette façon qu'on montre à l'ennemi qu'on lui défend de réapparaître au S. de l' Aisne suivant les ordres du commandant ".
Je ne demandais pas l'ordre ni les louanges, la réussite m'avait suffi; il paraît, suivant les désirs du colonel, que nous avons manoeuvré comme de l'active, chefs, cadres et soldats.
Cette lettre, ma chérie aimée, va t'arriver pour le Nouvel An. Que te dire? J'en ai trop sur le coeur; les mots doux et aimants m'arrivent trop en foule et je ne sais plus que te dire. C'est la première fois depuis vingt ans que nous nous retrouvons séparés au moment du renouvellement de l'année, et dans quelles circonstances ! Si la défense du Pays me contraint d'être loin de toi, jamais tout mon coeur, toute mon âme n'ont été plus près. Que te souhaiter, quels voeux nous faire? Le retour victorieux, la fin de la guerre prochaine, la santé, que sais-je encore, et surtout reprendre cette douce vie à six au foyer, vie qui nous sera d'autant plus chère et plus exquise que nous en aurons été privés plus longtemps. Il a fallu que le Devoir me semble bien grand, bien fort, bien impérieux pour que je quitte volontairement tout ce que j'ai quitté; le destin , je l'espère, m'en sera reconnaissant et me permettra de vous retrouver tous les cinq, vous que je chéris tant. Le contraire serait injuste, aussi très réellement je n'y crois pas et n'y pense même pas.
Laissez moi, à l'occasion de 1915, vous serrer tous les cinq dans mes bras, longuement, tendrement; vous dire combien je vous aime, combien je vous chéris et avec quel coeur je combats, combattant pour vous.
Vous êtes toute ma vie! Quel bonheur lorsque, la tâche terminée et la France victorieuse, nous nous retrouverons ensemble, combien nous goûterons cette reprise de notre douce existence antérieure! Les chéris auront grandi et mûri au contact des grandes et terribles choses qui se passent; ils seront fiers de leur Pays qu'ils aimeront davantage parce qu'il aura été plus peiné pour sortir triomphant de la dure épreuve. Quand vous reverrai-je? Peut-être relativement bientôt, peut-être dans des mois. Notre commun amour, notre affection ne fera que grandir à l'épreuve de la patience qu'il faudra porter de plus en plus loin. Et toi, ma chère Alice, prends patience, et surtout aie confiance en celui qui t'a quittée parce qu'il t'aimait profondément. Je suis courageux sans vantardise, je ne m'exposerai jamais inutilement, c'est d'ailleurs une faute; je me dois au Pays, à toi, à nos chéris, tu peux être tranquille, je ferai comme tu le dis et comme c'est mon but, mon Devoir, tout mon Devoir, en pensant à ceux que je désire retrouver.
Voici ce qu'il y avait au rapport ce matin :
" Le général de brigade porte à la connaissance de la brigade les félicitations qu'il tient à adresser à la 21e compagnie du 306e régiment d'infanterie qui sous la conduite intelligente et énergique de son chef, le lieutenant Raoul Bloch, a effectué une reconnaissance intéressante sur la rive S. de l'Aisne. C'est de cette façon qu'on montre à l'ennemi qu'on lui défend de réapparaître au S. de l' Aisne suivant les ordres du commandant ".
Je ne demandais pas l'ordre ni les louanges, la réussite m'avait suffi; il paraît, suivant les désirs du colonel, que nous avons manoeuvré comme de l'active, chefs, cadres et soldats.
Cette lettre, ma chérie aimée, va t'arriver pour le Nouvel An. Que te dire? J'en ai trop sur le coeur; les mots doux et aimants m'arrivent trop en foule et je ne sais plus que te dire. C'est la première fois depuis vingt ans que nous nous retrouvons séparés au moment du renouvellement de l'année, et dans quelles circonstances ! Si la défense du Pays me contraint d'être loin de toi, jamais tout mon coeur, toute mon âme n'ont été plus près. Que te souhaiter, quels voeux nous faire? Le retour victorieux, la fin de la guerre prochaine, la santé, que sais-je encore, et surtout reprendre cette douce vie à six au foyer, vie qui nous sera d'autant plus chère et plus exquise que nous en aurons été privés plus longtemps. Il a fallu que le Devoir me semble bien grand, bien fort, bien impérieux pour que je quitte volontairement tout ce que j'ai quitté; le destin , je l'espère, m'en sera reconnaissant et me permettra de vous retrouver tous les cinq, vous que je chéris tant. Le contraire serait injuste, aussi très réellement je n'y crois pas et n'y pense même pas.
Laissez moi, à l'occasion de 1915, vous serrer tous les cinq dans mes bras, longuement, tendrement; vous dire combien je vous aime, combien je vous chéris et avec quel coeur je combats, combattant pour vous.
Vous êtes toute ma vie! Quel bonheur lorsque, la tâche terminée et la France victorieuse, nous nous retrouverons ensemble, combien nous goûterons cette reprise de notre douce existence antérieure! Les chéris auront grandi et mûri au contact des grandes et terribles choses qui se passent; ils seront fiers de leur Pays qu'ils aimeront davantage parce qu'il aura été plus peiné pour sortir triomphant de la dure épreuve. Quand vous reverrai-je? Peut-être relativement bientôt, peut-être dans des mois. Notre commun amour, notre affection ne fera que grandir à l'épreuve de la patience qu'il faudra porter de plus en plus loin. Et toi, ma chère Alice, prends patience, et surtout aie confiance en celui qui t'a quittée parce qu'il t'aimait profondément. Je suis courageux sans vantardise, je ne m'exposerai jamais inutilement, c'est d'ailleurs une faute; je me dois au Pays, à toi, à nos chéris, tu peux être tranquille, je ferai comme tu le dis et comme c'est mon but, mon Devoir, tout mon Devoir, en pensant à ceux que je désire retrouver.