Scolari a écrit : ↑ven. mars 24, 2023 10:44 am
Bonjour à tous,
très belle recherche collective. merci à "Ma Tnz" pour le partage des photographies.
Je me permet de partager mes interrogations, nous avons (les membres réguliers du forum 14-18) développé de l'expérience dans les parcours et l'analyse des photographies.
la première photo "évoque" quelque chose, dans son ensemble et sa composition. Il y a des "couples" et vous n'avez pas exploré l'identification des femmes sur la photographie, on retrouve les mêmes femmes sur le wagon.
Pourriez vous faire un scan des 2 photos avec les écritures ?
les civils en canotier sur le 2e wagon dans cette partie du Caucase me parait étonnant, même si les premières lettres du wagon ressemble vaguement à l'alphabet cyrillique : Bn
Les photographies étaient liés à des lettres ? Avez vous les enveloppes avec les oblitérations ?
Cordialement,
Frédéric
édition : après re-relecture du sujet et votre indice :
Ma Tnz a écrit : ↑jeu. mars 23, 2023 9:10 am
Pour la petite histoire, la lettre m'a également confirmé l'identité de l'homme au chapeau. Il s'agit de Tigran Mirzayantz, représentant de la République arménienne à Marseille, puis consul de Perse. On voit dans cette enquête toute l'importance de bien conserver ses documents familiaux !
la composition de la photo me fait penser davantage à un père (ou
frère ainé) : (Comme l'indique Michel) plutôt Siméon Mirzayantz qui pose avec ses filles/nièces/sœurs? et d'éventuels prétendants/courtisans/amis/connaissances - la mère semblant au milieu.
Je pense que l'on est dans les environs de Marseille, centre de la communauté Arménienne vers 1917, ceci dit la famille Mirzayantz semble implantée de longue date en France...
le point commun étant à mon sens davantage la famille Mirzayantz que la mission et l'ambulance Perse. Mais tout cela reste à débattre et vérifier.
Effectivement, je reconnais, je suis comme l'intervenant Carcaho/Jean; je n'ai toujours pas saisi comment vous reliez les 2 photos, avec la présence de jeunes femmes et civils en canotier à une Ambulance en Perse , si ce n'est par les patronymes des médecins militaires, mais est-ce suffisant?
Bonjour, et merci pour l'intérêt que vous portez à mes recherches. Je salue moi aussi ce travail collectif, qui est fort enrichissant et stimulant !
Je vais essayer de répondre à toutes vos question. Je republie la photo en ajoutant de nouveaux numéros pour désigner les autres personnes, puisque ce sujet semble s'élargir au-delà des trois militaires.
Je voulais me concentrer sur eux et vous éviter la longue présentation généalogique, mais elle est sans doute nécessaire pour présenter le contexte d'origine et expliquer les faits qui m'ont menée aux premières conclusions concernant cette photo. Mais attention, cela promet d'être long !
En ce qui concerne l'identification des femmes, il se trouve que la
(n°4) est mon arrière grand-mère
Jeanne AKHVERDOFF, née NOURY.
C'est une française partie à Saint-Pétersbourg en 1908 pour y être lectrice de français ou préceptrice dans les familles bourgeoise. Elle y rencontra mon arrière grand-père,
Konstantin AKHVERDOFF, un géorgien d'origine arménienne qui y étudiait alors l'architecture et l’ingénierie civile. Ils se marièrent en 1911, eurent 2 enfants (dont ma grand-mère) et rentrèrent ensuite à Tiflis, ville d'origine de Konstantin.
En 1921, après l'invasion de Tiflis par les troupes soviétiques, Jeanne parvint à quitter Tiflis avec ses deux enfants pour rejoindre la France, en transitant par Constantinople. Konstantin ne put jamais les rejoindre.
Jeanne est donc le point commun à toutes les autres personnes : elle vivait dans un milieu très privilégié et intellectuel, recevait toute l’intelligentsia de l'époque, et fréquentait bien sûr la "colonie" française de Tiflis.
Tigran MIRZAYANTZ (né vers 1879, je ne me souviens plus de la date exacte) (n°5) était un ami de la famille, ou en tout cas une fréquentation très régulière, qui venait a priori fréquemment à Tiflis (certainement pour affaires, car j'ai trouvé des annonces dans la presse évoquant le commerce de la soie ou des vers à soie, je ne sais plus).
Son nom apparait très clairement au dos de la photo et j'ai pu identifier son visage avec certitude en comparant avec le portrait affiché dans article annonçant son décès en 1934 (voir :
https://www.retronews.fr/journal/le-pet ... 26&index=0 ).
J'ai de plus comparé son écriture au dos de la photo avec celle présente au bas de tous les documents officiels signés de sa main. Je n'ai aucun doute à ce sujet.
La légende familiale raconte que Jeanne et ses enfants ont réussi à fuir grâce à de faux passeports arméniens (ce dont je doute, je pense qu'ils n'avaient jamais cessé d'être arméniens malgré les nombreuses années de présence des AKHVERDOFF sur le sol géorgien, mais je n'ai pas encore réussi à le prouver...). Quoi qu'il en soit, en tant que représentant de la République Arménienne à Marseille, Tigran MIRZAYANTZ a pu les aider dans leur fuite en accélérant les démarches d'obtention des visas.
Comme je le disais dans un précédent message, le rapprochement entre la photo et la mission sanitaire en Perse s'est faite grâce à une lettre du Docteur BOUSQUET adressée à Jeanne en 1935. Je la publierai dans un prochain message. Il se trouve qu'après avoir évoqué l'excellent accueil qu'il avait reçu chez les AKHVERDOFF à Tiflis et à Borjomi, il y cite plusieurs personnes, dont il donne des nouvelles à Jeanne : PIQUEMAL, CAUJOLE, GIGUET, CHÂTEL et, dans une moindre mesure, PERRUCHOT, RIBEROLLES et JOUIS. Parmi ces noms, deux figuraient au dos de la photo dans l'escalier : PIQUEMAL et BOUSQUET, ce qui m'a naturellement mis la puce à l'oreille.
En tapant tous ces noms sur internet, j'ai trouvé que CAUJOLE était le médecin chef d'une ambulance française en Perse dont faisait partie BOUSQUET. Quelques mois plus tard, j'achetais le livre du Dr CAUJOLE "Les Tribulations d'une ambulance française en Perse" dont est extraite la liste des membres de la mission partagée ici. On y retrouve toutes les personnes citées préalablement, et tout concorde : avant de partir en Perse, les membres de la mission ont séjourné à Tiflis du 5 juillet au 20 août 1917. Le récit évoque, je cite : "
l'accueil affable qui nous a été réservé dans les milieux cultivés de Tiflis", et précise encore : "
A ces fêtes, nos jeunes camarades de l'Ambulance ont pris une part active, sollicités par les invitations les plus aimables"... Cette photo et celle du train ont donc bel et bien été prises à l'été 1917, à Tiflis ou à Borjomi (je penche plutôt pour cette hypothèse), respectivement villes de résidence et de résidence secondaire des AKHVERDOFF. Pas de doute non donc sur l'ambulance, le lieu ou la date.
La lettre de BOUSQUET m'a de plus permis de confirmer le lien entre Tigran et ma famille, et de déchiffrer le nom de l'une des femmes au dos de la photo : "Маня" en Russe, orthographié "Magna" par BOUSQUET. Mais je ne sais qui elle est, et encore moins à quel visage elle correspond (n°6 ou n°7 ?).
Quant aux canotiers, cela ne m'étonne guère. Les milieux fortunés de Tiflis vivaient de manière très "européenne", les femmes faisaient venir leurs toilettes de Paris, et il y avait dans cette capitale un vrai melting-pot de cultures et de nationalités, dont beaucoup de français et d'allemands.
En revanche, je peine à associer les visages de nos trois militaires à leurs noms... je ne désespère pas d'y arriver grâce à votre aide si précieuse !