Bonjour,
Les essais balistiques des "Wilhelm Geschütze" sont assez bien connus:
-les grandes étapes sont résumées dans le livre de Bull et Murphy "The Paris Guns" paru en 1988 qui contient la copie du manuscrit du Professeur Rausenberger, dont la publication fut interdite en Allemagne à la mort du professeur.
-le Lt-Cl américain Miller les évoque dans son livre d'avant guerre et surtout dans une étude confidentielle rédigée dans les années 1920 à partir de documents obtenus en Allemagne par la voie du Renseignement et qui fut envoyée à l'Etat-Major de l'Armée française car cet officier avait été détaché à l'Artillerie Lourde à Grande Puissance française pour s'initier aux progrès de l'artillerie et il avait gardé de bons contacts dans l'artillerie française.
-un document original allemand obtenu par les services de Renseignements français en 1922 décrit très précisément et techniquement les obus des "Wilhelm Geschütze", ce document est un des rares documents techniques originaux relatifs à ces canons couverts par le secret le plus absolu dans l'armée allemande ("Ganz Geheim!"), il a été rédigé par l'ingénieur D..., un des plus proches collaborateurs du professeur Rausenberger, cette étude est intitulée "Entwickelung der Wilhelm-Munition".
Pour résumer, les obus lestés étaient d'abord tirés dans des "bacs à sable" à Meppen au polygone des usines Krupp, permettant de mesurer la vitesse et de récupérer facilement les corps des obus inertes tirés afin de contrôler leur état, celui de leurs ceintures et d'effectuer d'autres observations et mesures.
La seconde phase des essais concernait des tirs balistiques d'obus inertes puis chargés à différentes vitesses.
La portée énorme imposait un champ de tir en mer, le seul littoral présentant toute garantie était celui de la côte sud des îles allemandes de la Mer du Nord, le polygone étant à Altenwalde, près de Cuxhaven, la trajectoire s'étalait au sud des îles de Wangerooge, Langeoog, Norderney, Juist et au nord de l'île de Borkum.Plusieurs dizaines d'observateurs jalonnaient cette trajectoire depuis des phares, sémaphores ou postes spécialement implantés.On imagine la difficulté de l'observation d'un tir expérimental qui peut par définition produire des résultats très différents du calcul!
Les français seront confrontés au même problème de 1927 à 1929 lors des essais de notre canon de 340/224 mm qui portait lui aussi à 127000 m.Le champ de tir était situé à Saint-Pierre-Quiberon et les impacts arrivaient en baie d'Audierne!La Marine française apporta une solution "élégante" au problème en plaçant des microphones sous-marins, cette "triangulation accoustique" permettait de déduire la position de l'impact même en l'absence d'observation terrestre.
Pour en revenir au tir des "Wilhelm Geschütze", après différents "tatonnements", l'obus définitif était pré-rayé, c'est à dire qu'il présentait des rayures taillées dans l'acier et situées sur des renflements du corps de l'obus.Il comportait aussi deux ceintures en cuivre, une ceinture antérieure de guidage située dans le prolongement du premier renflement rayé et une ceinture de forcement située à l'arière du corps de l'obus et assurant l'étanchéité du flux gazeux.
Je joins les photos de l'obus d'essai N° 30 tiré le 27 septembre 1917 à Meppen dans le tube de 21/35 cm N° 11 à la vitesse de 1443 m/s.
On distingue les deux renflements pré-rayés et la ceinture de forcement, par contre on ne voit que les agrafes de fixation de la ceinture de guidage car celle-ci a été arrachée lors du tir, la fausse ogive en tôle mince a, bien entendu, été détruite à l'impact dans le sable de la butte de tir de Meppen.
Rappelons aussi deux points importants, les "Wilhelm Geschütze" ont été réalisés en tubant des canons de Marine de 35 cm SKL/45 destinés au croiseur de bataille "Ersatz Freya" qui ne fut jamais achevé et non pas avec des tubes de 38 cm SKL/45 comme on le lit dans 90% des écrits relatifs à ces canons.Les allemands ont employé pour les essais et pour les tirs sur Paris les tubes de 35 cm SKL/45 C/1915 N° 11 à 18, tubés en 21 cm puis en 23,2 cm aprés réalésage des tubes usés, un seul tube reçut à titre expérimental un tube de 22,4 cm.Enfin les obus étaient munis de deux fusées une de diaphragme et une de culot, cet amorçage double devait empécher les ratés de projectiles, de fait tous les obus tombés sur Paris et sa banlieue ont détoné.La seule anomalie concerne l'obus tombé rue François Miron dont une fusée ne fonctionna pas créant une détonation incomplète qui permit à la Section Technique de l'Artillerie la reconstitution de l'obus à partir d'un très gros fragment portant encore ses ceintures rayées et pré-rayées.
Cordialement, Guy.
