Bonjour à tous,
Rencontre avec un sous-marin le 10 Août 1918
Rapport du capitaine
Quitté Port Talbot le 7 Août 1918 à 20h00 avec un complet chargement de 2250 t de charbon à destination de Rouen. Navigation suivant les instructions et mouillé à Weymouth le 9 à 22h00.
Quitté Weymouth le 10 à 05h00 en convoi de 15 navires escortés pour Le Havre. Beau temps, mer calme, légère brise de Nord.
A 15h50, par 49°58 N et 01°05 W , deux aéroplanes et un dirigeable laissent tomber des bombes à 2 milles sur l’avant du convoi, sur un sous-marin en plongée. Appelé immédiatement au poste de combat. Les escorteurs signalent de zigzaguer et le convoi qui avait cap au SWqS vient sur tribord jusqu’au SW. Mis la machine à toute vitesse et après ¾ d’heure de route variant du SW au Sud, le convoi revient au SSE.
RADIUM, par sa vitesse et sa position à tribord du convoi, se trouve à 1,5 mille des navires de tête du convoi. Je mets le cap au SE à demi vitesse pour rallier et faciliter la reprise de poste. A 16h30, j’aperçois soudainement à 30 ° sur bâbord avant un court sillage blanc et distingue nettement un périscope sortant à peine de l’eau et s’élevant à 30 cm. Il est à 700 m et se dirige à contrebord au NW, suivant une route opposée et parallèle à celle du RADIUM.
Jugeant la distance trop grande pour avoir des chances de l’aborder sans courir le risque d’une torpille, je prends le parti de faire tribord toute, d’autant plus que je venais de commander « tribord un peu » et que le navire était déjà sous l’impulsion de sa barre à tribord. Je mets en même temps à toute vitesse et donne l’ordre d’ouvrir le feu à 500 m. La pièce avant tire un coup et la pièce arrière deux, tous les trois bien placés. Le sous-marin disparaît et je reste cap au SW.
Un instant après, le périscope réapparaît sur notre arrière, traversant notre sillage de bâbord à tribord en inclinant vers notre direction. La pièce arrière lui envoie trois obus à 1000 m. Le 3e obus paraît tomber dessus et l’oblige à disparaître à nouveau. Je reviens alors cap au Sud, puis au SE.
Position estimée : 49°30 N et 00°58 W
Pendant ce temps, le convoi était venu de 5 quarts bâbord au premier coup de canon et avait continué dans cette direction. Nos routes respectives nous avaient séparés de plusieurs milles. Je ne jugeai pas utile de chercher à rallier et fis route sur Le Havre, en faisant bonne veille et à 11 nœuds. Mouiller à22h30 sur rade, sans autre incident.
Je fais remarquer qu’un sillage suspect avait été signalé deux minutes avant, dans la même direction, par l’un des hommes de veille de la passerelle, mais il était resté si peu de temps visible qu’il n’avait pas été possible de se rendre compte de sa nature. Sans aucun doute, ce sillage ne pouvait être que celui du périscope du sous-marin cherchant à se placer pour nous attaquer. J’eu l’heureuse chance de l’apercevoir à nouveau au moment où il sortait son périscope pour nous torpiller.
Le convoi se dirigeait directement sur le sous-marin. Il est probable qu’il fut préservé d’une attaque certaine par l’intervention des aéroplanes et du dirigeable.
L’équipage a fait une veille très active et se tint au poste de combat avec beaucoup d’entrain.
Note de l’officier enquêteur
Il est certain que la manœuvre du capitaine a sauvé son navire et que le tir a forcé le sous-marin à disparaître. Le rapport du capitaine est très détaillé à ce sujet et ses explications montrent qu’il comprend très bien son commandement.
Rapport de l’officier AMBC
Il reprend le déroulement des faits et précise :
- Pièce avant a tiré un coup d’exercice hausse 500 m dérive 120
- Pièce arrière a tiré deux coups de combat, hausse 700 m dérive 100
- Sous-marin réapparaît entre 1000 et 1500 m
- Hausse 1100 m dérive 100. Un coup à droite et long
- Hausse 900 m dérive 90. Un coup à droite court
- Hausse 1100 m dérive 80. 3e coup bon.
- Un appareil fumigène Verdier a été en partie démoli par le souffle de la pièce arrière et une paire de lunettes mistralines (nota : lunettes de protection) a eu un verre cassé.
- Pas de raté. Très bon fonctionnement des pièces et très bonne rentrée en batterie.
- Les pièces sont chargées à obus de combat.
Rapport de la commission d’enquête
Elle reprend le déroulement des faits et souligne :
- Il n’y a pas eu d’attaque par l’ennemi celui-ci ayant été vu au moment où il cherchait à prendre position pour le torpillage. Ce fut donc de sa part une manœuvre manquée.
- Ceci est dû au fait que les avions ayant donné l’alerte deux heures auparavant, l’équipage était au poste de combat sur RADIUM et la veille très sérieuse.
- Excellente manœuvre du capitaine.
- Artillerie entrée rapidement en action.
- La commission estime que le capitaine mérite des éloges
Elle signale en outre que c’est la dixième fois que RADIUM, commandé par ce même capitaine, aperçoit des sous-marins. Il a été torpillé sans résultat et le bâtiment a obtenu un témoignage de satisfaction. Le capitaine commande son navire depuis 5 ans et a fait une navigation intensive depuis le début de la guerre, dans des conditions qui sont toutes à son éloge.
Propositions de récompenses
Citation à l’Ordre de la Brigade
BRAULT Henri Edmond La Rochelle 58
Commande depuis le début de la guerre et sans défaillance un navire charbonnier avec lequel il fait une navigation intensive. A déjà signalé à diverses reprises des sous-marins et mérité pour son bâtiment un Témoignage Officiel de Satisfaction. Dans la circonstance, a sauvé son navire par une manœuvre excellente et fait perdre le contact d’un convoi à l’ennemi.
Le sous-marin rencontré
N’est pas identifié.
Mais on ne peut que penser à l’UB 88 du Kptlt Rheinhard von RABENAU qui se trouvait la veille dans les parages d’Antifer. Ayant, quelques jours auparavant, essuyé les tirs très précis de l’aviso OISE, il devait se méfier des artilleurs et des avions, sans doute a-t-il préféré abandonner la poursuite du convoi.
Cdlt