Bonjour à tous,
Rencontre avec des sous-marins les 5 et 6 Juin 1917. Rapport de l’Enseigne de Vaisseau Joonekindt, commandant
2 Juin 1917
Appareillé de Salamine en convoi avec HENRIETTE, escorté par DAPHNIS. Fait route sur Milo à 9 nœuds.
3 Juin 1917
Mouillé sur rade de Milo à 06h35 et débarqué les 106 subsistants. Accosté PROMETHEUS auquel nous avons délivré 1800 tonnes de mazout et 14 tonnes d’huile d’olive. Débarqué le matériel de dragage destiné aux torpilleurs et chalutiers.
4 Juin 1917
Appareillé de Milo en convoi RHÔNE, CANTAL, SAINT JOSEPH en ligne de file escortés par BOUDEUSE. A 14h40, au signal KMT, pris formation de jour : RHÔNE en tête, ST JOSEPH à droite, CANTAL à gauche à 60° et 600m sur arrière de RHÔNE, BOUDEUSE à gauche de CANTAL.
Beau temps calme, mer plate, horizon légèrement brumeux. Route au S67W pour passer à 10 milles à l’Est du cap Malée, vitesse 8,5 nœuds.
A 22h00, croisé un cargo escorté par un torpilleur.
A 23h00, rencontré une division de croiseurs faisant route à l’Est.
Doublé le canal de Cythère le 5 Juin à 02h00 et fait route au S77W pour passer à 3 milles dans le Sud du cap Matapan.
5 Juin 1917
A 08h05, le maître de timonerie Roallec de quart sur la passerelle aperçoit à 1500 ou 1800 m un périscope et un sillage se dirigeant vers nous, sillage qui disparaît aussitôt. Etant sur la passerelle à ce moment, je donne l’ordre de hisser le signal (boule et pavillon) et donne un coup de sifflet pour indiquer la direction du sous-marin. L’alerte est donnée aussitôt et tous les hommes se précipitent aux postes de combat. Mis la machine à toute puissance (12 à 13 nœuds).
A 08h07, voyant que la canonnière ne quitte pas son poste, je siffle à nouveau un coup pour signaler qu’il y a un sous-marin sur tribord. Nous entrons alors dans un bouchon de brume très épais qui nous fait perdre de vue le périscope.
A 08h10, nous apercevons à nouveau le périscope à tribord, à 30° sur l’arrière du travers à environ 400 m. Je viens à gauche toute pour présenter l’arrière au sous-marin et j’indique ma manœuvre par deux coups de sifflet brefs.
A 08h15, la brume se fait plus épaisse et le sous-marin ne reparaît pas. Je reviens au S77W.
A 08h30, la brume se dissipe.
A 08h45, BOUDEUSE envoie le signal « Qu’avez-vous vu ? » Je lui réponds « Un sous-marin ».
La position du sous-marin : 36°04 N et 21°11 E
6 Juin 1917
A 07h45, BOUDEUSE est à tribord de RHÔNE et envoie le signal « Suivez-moi », puis « Route Sud » et enfin « Prenez formation de nuit » route S29E. Nous suivons en ligne de file à 400 m les uns des autres. Cette manœuvre me paraissant étrange, je donne l’ordre à la machine de monter à pleine puissance à 12/13 nœuds.
A 08h10, le maître Le Conniat, de quart à la passerelle, me dit : « Commandant, je vois un périscope et un sillage se dirigeant sur nous à 60° par tribord, à environ 2000m. Je regarde dans la direction indiquée et j’aperçois le sillage. Je tire un coup de 57 mm dans la direction du sous-marin et donne l’ordre de hisser les signaux (boule et pavillon). Je donne aussi un coup de sirène pour signaler que le sous-marin est à tribord et met la barre à gauche toute pour venir sur bâbord et présenter l’arrière au sous-marin. Le sous-marin disparaît aussitôt.
A 08h10, BOUDEUSE file à toute vitesse cap au Nord puis revient cap au S20E pour nous rejoindre.
A 08h30, nous apercevons à nouveau périscope et sillage à 30° sur l’arrière tribord, à 1500 m. Tiré un coup de 95 mm et venu au N65E pour présenter l’arrière à l’ennemi qui nous poursuit, puis disparaît. BOUDEUSE est à 3 milles sur l’arrière de RHÔNE.
A 08h35, aperçu pour la 3e fois le périscope à 1500 m dans notre sillage. Tiré 3 coups de 95, le 3e semblant tomber aux environs du sous-marin qui disparaît. Tiré un 4e coup de 95, tandis que BOUDEUSE tire aussi. Le sous-marin plonge et ne reparait plus.
La position exacte est : 36°20 N et 17°00 E.
Le convoi est intact et nous continuons route à l’Est. BOUDEUSE nous dit qu’ils ont vu le sous-marin à 7000 m, mais le temps était brumeux et je doute qu’ils aient pu le voir à une telle distance. A mon avis, il était beaucoup plus près.
Le sous-marin semblait marcher à 12/13 nœuds en plongée. Mais il est possible qu’il s’en soit trouvé deux dans les mêmes parages…
Je signale le sang froid et le courage de tout l’équipage de RHÔNE pendant la première alerte et pendant la 2e. Postes de combat dans l’ordre le plus parfait. Ordres exécutés à la lettre tant dans la machine que sur le pont.
C’est la 3e fois que l’équipage de RHÔNE a l’occasion de se distinguer en pareil cas et j’estime qu’avec de tels hommes on peut avoir toute confiance en l’avenir.
Les chaudières ont beaucoup fatigué pendant ces marches forcées successives pour échapper à l’ennemi et elles auraient besoin d’une sérieuse visite.
7 Juin 1917
Brume intense à partir de 07h00 du matin. Pris le pilote de Marsa Sirocco à 04h35 et mouillé à 05h05.
Appareillé à 08h00 suivi de BOUDEUSE. Pris le chenal de sécurité. Mouillé à 13h00 à La Valette. Amarré l’arrière à quai face aux citernes de l’Amirauté à La Marsa. Embarqué du mazout et 250 tonnes de charbon. Réparé fuites sur chaudière bâbord, vanne de prise d’eau à la mer et citerne 8. Embarqué 200 tonnes d’eau potable.
11 Juin 1917
Appareillé pour l’arsenal où nous embarquons du matériel destiné à la base de Corfou. Le 12, revenu à La Marsa où nous embarquons 3360 tonnes de mazout.
17 Juin 1917
Appareillé de La Valette à 17h00 pour rallier Marsa Sirocco et attendre les ordres.
Appareillé à 19h00, ayant pris les ordres, en ligne de file avec COMMANDANT RIVIERE, RHÔNE, BRETON, CARAÏBES, COMMANDANT LUCAS et BISSON.
Rien à signaler jusqu’au 21 Juin où nous apercevons l’île de Paxos.
Amarré le
21 Juin à 10h15 sous la citadelle de Corfou.
Voici la signature du commandant Joonekindt
Et deux plans montrant les manœuvres lors des deux rencontres avec les sous-marins.
Les sous-marins rencontrés
Ne sont pas identifiés.
Toutefois, les positions sont très précises :
- Par 36°04 N et 21°11 E pour la 1ère rencontre.
- Par 36°20 N et 17°00 E pour la 2e rencontre.
Il ne s’agit donc ni d’UC 67, ni d’UC 34 comme le suggérait Oliver dans des posts précédents. RHÔNE n’allait pas vers Port Saïd, mais vers Malte, puis Corfou.
De plus, aucune torpille n’a été apparemment lancée. On a juste aperçu des périscopes.
Sur cette zone située entre la Sicile et le cap Matapan on pouvait alors rencontrer UB 14, UC 25, U 33 , U 65 et peut-être d’autres encore…
Cdlt