Bonjour à tous,
Un complément sur le CIRCE
Télégramme du Chef de Division Marceau à Marine Paris du 22 Septembre 1918 à 08h30
Sous-marins VOLTA, ARETHUSE, AMARANTHE et FARADAY rentrés. Aucune nouvelle de CIRCE qui était en plongée par 41°45 N et 19°10 E (nota : au large du golfe de Drin sur la côte albanaise) et aurait du rentrer à midi au plus tard.
Deux torpilleurs et six sections d’hydravions l’ont cherché sans résultat. Ai suspendu télégrammes et courrier privé.
Télégramme du chef de Division Marceau à Marine Paris du 23 Septembre 1918
Recherches CIRCE infructueuses.
Communiqué autrichien annonce qu’un sous-marin autrichien a torpillé et coulé un gros sous-marin français (CIRCE) le 20 au matin près de Rodoni. Seul officier en second, Enseigne de Vaisseau Lapeyre, a pu être sauvé. Un officier marinier est parti en mission porter à Paris noms et adresses des disparus.
Télégramme de l’Etat Major de la Flotte à la mairie d’Etampes du 26 Septembre 1918
Veuillez informer avec tous ménagements Monsieur Lapeyre, percepteur à Etampes, que son fils l’Enseigne de Vaisseau Lapeyre, officier en second du sous-marin CIRCE, est présumé prisonnier de guerre des Autrichiens. M’en rendre compte.
Suite du rapport de l’Enseigne de Vaisseau Lapeyre posté ci-dessus par Gildelan
…J’ai embarqué sur U 43 qui montait vers le Nord.
Le commandant de l’U 47 m’a dit que c’était lui qui avait cassé son périscope sur un sous-marin. Ce fait m’a été confirmé par les officiers de l’U 43. Il s’agit évidemment de la rencontre de l’U 47 avec le LE VERRIER.
Le sous-marin suit la côte à une distance de 1000 à 3000 m. Un officier me dit qu’il n’y a pas de routes impératives jusqu’à l’extrémité du chenal de sécurité. Cette affirmation ne concorde pas très bien avec le rendez-vous entre U 43 et U 47 sous le cap Pali.
Pour traverser le golfe de Drin, l’U 43 met cap au Nord à partir du cap Rodoni jusque tout près de terre, puis il continue à suivre la côte. Je n’ai pu rester tout le temps sur le pont, car j’ai failli m’évanouir. J’ai du dormir et ne suis remonté que vers 11h30. Vers midi, devant Dulcigno, nous avons été dépassés par un navire hôpital et croisés par deux torpilleurs de 250 tonnes. Vers midi trente, le commandant est descendu déjeuner et m’a demandé de venir avec lui. Il m’a dit que nous allions traverser des champs de mines et m’a prié de ne plus monter sur le pont. J’ai pu jeter un coup d’œil sur la carte et j’ai vu une ligne brisée qui part du cap sud des Bouches de Cattaro et suit la côte.
Nous sommes arrivés à Cattaro vers 18h00 et j’ai vu un double barrage en AB avec une porte en C et sans doute une autre en D. La station des sous-marins autrichiens est en A.
Il n’y avait que deux sous-marins du même type que l’U 43. On m’a dit que la station des sous-marins allemands était très proche de la ville de Cattaro. J’ai été conduit sur le paquebot GAA, ancien paquebot BISMARK, utilisé comme centre de ravitaillement des torpilleurs et sous-marins. J’ai vu arriver l’U 23, que l’on acclamait, et qui venait de Beyrouth.
Le 28, j’ai été conduit à Spagnuolo, commune de Castelnuovo (nota : aujourd’hui Herceg Novi) . Malgré la défense qui m’en a été faite, j’ai pu de temps en temps aller sur le chemin de ronde. Le 3 ou 4 Octobre, j’ai vu deux SPAHN, deux TATRA et quatre HUSSARD rentrer de la mer et des cargos à plusieurs reprises quitter les Bouches vers 17h00. Ils suivent tous la côte sud de la baie, la contournent et se dirigent ensuite vers le sud. Je n’ai jamais vu de sous-marin. Je n’ai pu regarder souvent car, ayant été surpris, on a menacé de me mettre aux arrêts de rigueur et on a donné l’ordre à une sentinelle de ne pas me perdre de vue.
Le 22 Octobre, j’ai été dirigé sur Vienne, le 1er Novembre sur Salzerbad que j’ai quitté le 7 Novembre avec tous les officiers français et anglais prisonniers.
Description des U 43 et U 47
Ces sous-marins, du même type, ont deux tubes étanches superposés à l’avant et 1 ou 2 valises (?). Sur l’U 47, j’ai vu mettre au tube une torpille de réserve.
Ils sont divisés en trois compartiments étanches.
Le compartiment avant contient les tubes, les couchettes (1 par homme) et dans la cale deux batteries de 56 éléments chacune. Chaque élément pèse 500 kg et a une capacité de 500 ampères heure. J’ai demandé ces renseignements à un officier de l’U 43 qui les a demandés devant moi à un de ses hommes.
Le poste central comprend les manœuvres des deux barres de plongée, celle de la barre de direction, un compas gyroscopique Anschütz et 2 périscopes dont l’un à vision zénithale (nota : permettant de voir les avions au dessus du sous-marin)
Le compartiment arrière comprend les deux moteurs diesels, petits et très silencieux (on n’entend à peine les explosions mais plutôt un roulement), les deux moteurs électriques et une bouteille sous-marine.
Je n’ai pas vu les caisses d’assiettes qui doivent être dans les ballasts, ni les turbines, ni le thirion ( ?).
Ces deux sous-marins marchent à 8 nœuds en surface. Pour plonger, ils n’ont qu’à manœuvrer une vanne de purge de collecteur.
Il sont commandés par un Lieutenant de Vaisseau, et comportent en plus 3 officiers.
Commentaire
L'EV Lapeyre est assez imprécis en signalant que le GAA est l'ancien paquebot BISMARK (sans toutefois commettre une véritable erreur).
Voici le GAA dans les Bouches de Kotor
et voici le paquebot BISMARK
Bien qu'ayant tous deux trois cheminées, ce ne sont pas les mêmes navires. Le BISMARK, lancé en 1914, resta d'ailleurs à quai en Allemagne pendant toute la guerre et ne fut terminé qu'en 1922.
En fait, le GAA était l'ancien croiseur auxiliaire russe DON, construit en 1891. Acheté par les Allemands en 1904, il avait effectivement été rebaptisé FÜRST BISMARK. Mais dès 1906, il était revendu aux Russes et devenait le MOSKVA II.
Finalement, les Autrichiens l'avaient acheté en 1909, rebaptisé GAA et en avait fait un bâtiment base pour les sous-marins.
En 1919, il fut saisi par les Italiens et navigua encore jusqu'en 1924 sous le nom de SAN GIUSTO.
Cdlt