Bonsoir à toutes et à tous.
Bonsoir "6eme Cuir".
Quelques informations sur les derniers jours de vie du commandant Didierjean...
Journée du 14 août 1914 (extraits du J.M.O.)
14 août 1914
3 h 30 : Le 149e R.I. quitte son cantonnement de Provenchères dans l’ordre : 3e bataillon (commandant Didierjean) ; 1er bataillon (capitaine Lescure) et 2e bataillon (capitaine François) se dirige vers le col de Saales.
5 h 15 : La tête, 3e bataillon passe à la gare de Saales donnée comme P.I..
6 h 00 : Le 3e bataillon (commandant Didierjean), se détache à Bourg-Bruche avec un peloton du 4e chasseurs à cheval, vers le haut de Steige, a la mission de s’établir pour tenir et barrer le couloir de la Villé et chercher la liaison avec le 14e C.A.. Il devra rallier sur Saint-Blaise-la-Roche par Ranrupt et Colroy-la-Roche après l’écoulement de la colonne. La colonne continue jusqu’au coude de la route, à 400 m Sud de la Halle de Saulxures où elle est arrêtée. A 6 h 50 les hauteurs environnant Saulxures étant sous le feu de l’artillerie ennemie (dont une batterie d’obusiers) signalée en position sur la hauteur 682 du signal de plaine.
Des éléments de la 13e division. 21e et 109e R.I., apparaissent sur les lisières du bois concernant les hauteurs rive Ouest de la Bruche.
8 h 30 : Une compagnie du 21e R.I. se repliant sur les pentes Est de ce mouvement de terrain à hauteur du 149e R.I. : Tête du gros de la colonne, attire sur ce point quelques coups de canon.
12 h 15 : Le 1er bataillon du 149e R.I. (capitaine Lescure) reçoit l’ordre de se porter par les bois sur la croupe 553, 1 km Est de Saint-Blaise-la-Roche en soutient du 1er B.C.P. qui attaque Saint-Blaise-la-Roche qu’il va atteindre. Notre artillerie est en position au Haut-Charas et à 653 à 800 m de Colroy-la-Roche.
13 h 15 : Reçu compte rendu du capitaine Lescure ou le 1er bataillon est en position à 553 avec une compagnie du 1er B.C.P..
13 h 50 : Reçu le compte rendu du 3e bataillon indiquant les dispositions prises au Haut-de- Steige. Le bataillon s’était porté sur les emplacements ci après : la 11e compagnie en position au lacet Nord-Est de Steige pour battre la vallée vers Meissengott. La 12e compagnie (capitaine Cadeau) est en position à la cote 678, à 1200 m au Sud de Haut-de-Steige surveillant les chemins de Lalaye et de Meissengott. La 9e compagnie (capitaine Souchard) est à la cote 796, à 1200 m au Nord de Steige. La 10e compagnie (lieutenant Michelin) en réserve sur la route avec la section de mitrailleuses. Exécution entre 7 h 00 et 9 h 00. A 10 h 00, la 11e compagnie qui ayant reçu l’ordre de ne commencer son mouvement qu’après que les 9e et 12e compagnie eussent poussé des éclaireurs, jusque sur leurs positions, s’avançait en refoulant quelques patrouilles ennemies lorsqu’elle se heurta aux rafales nourries et ajustées d’éléments fortement retranchés sur la croupe Nord-Est de Steige.
Le chef de bataillon Didierjean est tué avec son agent de liaison de la 11e compagnie et un homme de cette compagnie. 2 sections de la 9e compagnie sont poussées vers la cote 796 pour dégager la 11e compagnie et permettre de relever le corps du commandant. Le mouvement est exécuté à 11 h 00.
Le bataillon reçoit à 12 h 15, l’ordre de se maintenir sur ses emplacements en raison du retard apporté par le 14e C.A., dans son mouvement défensif et de se retrancher pour tenir en toute éventualité le défilé du Haut-de-Steige jusqu’au 15 août. La 9e compagnie se porte à la cote 761 avec une avancée à 771. La 12e compagnie tient la cote 678 qu’avec 1 peloton et envoie un peloton au carrefour les Bas pour l’organiser et l’occuper face à l’Est. La section de mitrailleuses va s’établir à une pente entre la cote 678 et le Haut-de-Steige pour flanquer la 11e compagnie.
14 h 00 : Ordre envoyé au 3e bataillon (capitaine Laure) de tenir sur ses emplacements. Il sera soutenu par 1 bataillon du 158e R.I. et 1 batterie du 59e R.A.C, en position vers la Salcée.
16 h 00 : Ordre au reste du régiment : 2e bataillon (capitaine François) et E.M. de se porter à Saint-Blaise-la-Roche ou le 1er B.C.P. vient de pénétrer.
17 h 00 : Le bataillon atteint Saint-Blaise-la-Roche vers 18 h 00 alors que le 1er B.C.P. est déployé sur les pentes au Nord-Ouest de Poutay et que le 1er bataillon du 149e R.I. occupe les hauteurs au Nord-Est de Saint-Blaise-la-Roche. Les signaux blancs sont agités de toutes les tranchées ennemies et à 18 h 30, les soldats d’infanterie ennemie qui s’y trouvent et sortent sans armes et viennent au devant de nos lignes.
De 19 h 00 à 20 h 30, partent pour Saales, 4 convois de prisonniers au nombre d’environ 500 hommes du 99e régiment et du 15e bavarois, presque tous alsaciens et qui déclarent n’avoir pas mangé depuis la veille et avoir été abandonnés par leurs chefs.
20 h 30 : 2 bataillons du 109e R.I. (13e division) fortement éprouvé dans la journée dans l’attaque de Saint-Blaise-la-Roche, viennent également cantonner à Saint-Blaise-la-Roche.
Ravitaillement à Saint-Dié à partir de 9 h 30. R.F.V. nouveau à Saales à 6 h 00.
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Quelques passages venant du livre "jours de gloire et de misère" de Henri René.
6 août 1914
En Alsace-le baptême du feu.
Le dispositif de couverture était en place depuis 8 jours….On nous retenait intentionnellement à dix kilomètres en deçà de la frontière, car on ne voulait à aucun prix assumer la lourde responsabilité des premières effusions de sang. Ces journées d’alertes et d’avant-postes, sans aucun incident.
Le 6 août au soir, nous nous acheminions enfin vers le col de Sainte-Marie-aux-Mines. La pente était raide, la chaleur pesante, l’ombre épaisse des sapinières emprisonnait un air irrespirable. Plus d’un s’en trouvait mal, et l’on ne savait si s’était vraiment la faute des circonstances atmosphériques ou celle de nos émotions…
… Nos hommes bavardaient pour s’étourdir, et nous ne réussîmes à les faire taire que par le plus salutaire des procédés d’intimidation : « pour tout le monde, l’arme à la main : ennemi signalé ! » A partir de cet instant, derrière nos patrouilles qui fouillent la forêt, ce fut au contraire un silence impressionnant. Notre long monôme de bataillon en file indienne glissait comme un serpent sur la mousse et zigzaguait au travers des troncs d’arbres…
… Il fait nuit. Le versant alsacien descend brusquement vers un fond de vallée qui échappe à notre observation… Nous repérons à la boussole la direction du clocher de Sainte-Marie…
Le commandant D… éteint sa pipe, son inséparable ; il en secoue les cendres d’un geste machinal sur le croc de sa canne, son autre inséparable, il incline un peu sur l’oreille son grand képi haut-formé et, très ému sans vouloir le paraître, il assigne les objectifs à ses capitaines….
20 août 1914
En Lorraine- la retraite.
Au déclin du 20 août 1914, notre bel enthousiasme était à l’agonie et trop d’orages s’amoncelaient près de nous pour que nos airs épuisés de surmenage eussent l’espoir d’y résister le lendemain. La grande bataille de Lorraine battait son plein et les combats du jour ne nous laissaient plus aucune illusion sur la valeur des organisations ou des défenses ennemies dont la tardive reconnaissance venait de démentir nos espoirs trop légers. Une après-midi tonitruante nous avait assourdis et, sans que nous soyons encore entrés dans le vif des engagements d’infanterie, nous avions subi sur nos emplacements de réserve, auprès d’Abreschviller, le même terrible ébranlement que les premières lignes. Partout les gros obus semaient l’inquiétude, avec leurs explosions étourdissantes et, par comparaison, le ronflement pourtant si sympathique de nos 75 nous causait un dépit amer.
Ignorants de tout, fragiles girouettes – (depuis lors, nous avions pris du poids !) – nous tournions au vent des premières déceptions…
Le petit capitaine L….. maîtrise ses nerfs et les nôtres. Depuis huit jours, il commande notre bataillon déjà bien éprouvé.
Le commandant D……, avec l’excessive bravoure qui lui était coutumière, a été frappé le 13 août, à Haut-de-Steige sur la ligne d’éclaireurs au « champ d’honneur » de cette Alsace où il avait si ardemment rêvé de reconquérir lui-même ses parchemins de famille. Nous avions pour lui un véritable culte et il n’est pas de mots pour traduire les regrets qu’il laisse parmi nous.
Le capitaine E…. de la 11e compagnie, a été grièvement blessé, au combat du 9 août, devant Saint-Marie, où ont été frappés aussi deux de nos meilleurs chefs de section, l’adjudant G…., à la 11e compagnie, et le sergent –major M…., à la 12e compagnie.
De ce même combat, les lieutenants B…. de la 11e et D….. de la 12e ne sont pas revenus !
Notre nouveau chef nous communique sa confiance et son entrain, déjà nous le suivons de toute notre affection….
Bien cordialement.
Denis