Bonsoir à toute et à tous.
Retour du côté de Notre-Dame-de-Lorette.
Suite...
11 octobre 1914
La 85e brigade reste en cantonnement à Houdain, et reprend contact avec la 43e division qui est à Camblain-l’Abbé. Le P.C. à Maisnil-Bouchée
Soldats du 1er bataillon du 149e R.I. tués le 11 octobre 1914 :
Sergent DROUANT André Jean, 1ère compagnie, tué le 11 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Caporal GRESSET Robert, 1ère compagnie, tué le 11 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Extraits du livre "Lorette" d' Henri RENE.
Aujourd’hui, reconnaissance. Le 2e bataillon a fait ses deux jours de service, il a eu la peine de creuser les premières tranchées dans un terrain très dur. Il avait d’ailleurs hérité de notre situation de fin de combat, ce qui n’est jamais très drôle : c’est à nous de reprendre nos places.
Les camarades ont bien travaillé pendant ces deux jours : au nord, le 1er bataillon a relevé les chasseurs et a commencé à construire des « guitounes » pour ses compagnies de réserve sur les pentes du plateau, vers Marqueffles, car, si on reste sur ce terrain, on en sera réduit à vivre sous terre comme les taupes ! Quant au 2e bataillon, dès 22 h 00, il a sauté d’un coup de main hardi sur la Chapelle qu’il occupe maintenant avec une section ; et, la nuit dernière, il a relié ce poste avancé en coin sud de la haie par de petites tranchées de demi-sections, échelonnées en arrière et à droite.
Tout cela ne constitue pas une position très solide, mais il n’entre encore dans l’esprit de personne que nous soyons condamnés à « prendre position » : c’est un temps d’arrêt, nous semble t’il, nécessité par les circonstances et pour permettre à la 1ère division d’exécuter sa manœuvre, dans la plaine usinière où nous la voyons évoluer à nos pieds, où ces canons tonnent sans arrêt, où ses bataillons doivent être en train de mordre violemment l’ennemi et de le rejeter au delà des villes de Lens et de Liévin.
Bien des chose nous confirment dans cet espoir, et en particulier l’action de notre artillerie. Les deux batteries se sont en effet, le 10 au matin portées aussi en avant que possible. Celle du grand lieutenant a pris position, dans la pointe nord, sous le couvert des bois, et de là s’est mise à tirer très violemment tant sur l’est de la Chapelle, où l’ennemi travaille la terre, que sur les environs d’Ablain, où, à notre avis, les Allemands seraient fous de chercher à se maintenir, puisque nous les dominons complètement !
L’autre, celle du bois de la Haye, est arrivée ce matin et , s’est installée à découvert, imparfaitement abritée des vues par la petite crête d’où avait débouché notre attaque. Il est vrai de dire qu’il lui en a coûté cher ! A peine eut-elle tiré quelques salves, que les « grosses marmites » vinrent au-devant d’elle, avec une rapidité, une précision, une sûreté qui resteront longtemps présentes à notre mémoire : quatre coups courts, quatre coups longs, quatre coups au but …
Tableau : nos pièces disparaissent dans un tourbillon de bruit assourdissant et de lourde fumée noire ; des terres, des débris de matériel et de membres humains sont projetés en l’air à une très grande hauteur… Lorsque ce chaos s’aplanit, on aperçoit, parmi les officiers ou servants qui se retirent étourdis, deux canons désemparés, faussés, gauchis, dont l’un est lamentablement couché sur le flanc, par suite de la pulvérisation d’une des roues, un caisson bouleversé et boiteux, un autre caisson qui « saute » par explosions saccadées et brutales.
Les corps d’une demi-douzaine de servants tués ou grièvement atteints, gisent parmi les décombres, et quelques blessés, s’éloignent horrifiés vers le poste de secours le plus proche…
12 octobre 1914
La brigade se rendra à Grand-Servins ou le général prend le commandement du groupement de défense de la position de Notre-Dame-de-Lorette dès que les bataillons du 149e R.I. seront réunis. Le 158e R.I. est engagé dans divers endroits, dont une partie sous les ordres de la 13e division, dans la région de Mazingarbe.
13 octobre 1914
Le général Dumezil reçoit l’ordre de se rendre au Q.G. de la 10e armée à Saint-Pol, en mission temporaire pour y préparer l’organisation du tir d’artillerie lourde.
14 octobre 1914
Au 149e R.I., rien d’important.
15 octobre 1914
Au 149e R.I., rien d’important. Le 158e R.I. se retire de Cambrin pour être reporté à Mazingarbe.
16 octobre 1914
Le général Dumézil rentre de Saint-Pol. L’ E.M. de la brigade est transféré à Bouvigny (le château)
Le 149e R.I. renforce sa position. Le 158e R.I. est engagé en 1ère ligne à Vermelles.
17 et 18 octobre 1914
Situation inchangée.
Soldats du 3e bataillon du 149e R.I. tués le 17 octobre 1914 :
Soldat VOULLEMIER Emile, 1ère compagnie, tué le 17 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Soldat FIRMIN Armand Jean, 11e compagnie, tué le 17 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Pour le dimanche 18 octobre 1914, voici une anecdote extrêmement dramatique qui rappelle que la guerre n'est vraiment pas belle, concernant le 149e R.I.. Elle a été trouvée dans le livre "la gloire divin mensonge" d' Albert GARNIER soldat au 144e R.I.T. et qui n'engage que l'auteur sur l'analyse de la situation.
" A 23 h 00, une note du commandant du régiment m'annonce que ma compagnie est mise dès cette nuit à la disposition du général Dumesil et ordre m'est donné de partir à 11 h 30 pour la Faisanderie sur le plateau de Lorette afin d'aider à améliorer des éléments de tranchées au-dessus du Fond-de-Buval.
Décidement, je ne moisis pas à Bouvigny et on semble avoir à l'état-major du régiment de bien bonnes dispositions pour moi !
Nous partons, chargés comme des mulets, et cette compagnie que je ne connais pas encore, que le commande depuis quelques heures à peine, grogne un peu. Je vais de section en section, j'explique aux hommes qu'il faut faire contre mauvaise fortune bon coeur; ils le comprennent vite et tout s'arrange rapidement.
En montant la côte très dure qui nous mêne à la Faisanderie en passant par la Forestière, nous rencontrons un tombereau conduit par un soldat du 149e R.I. accompagné d'un infirmier. Dans ce tombereau il y a quelques bottes de paille et sur cette paille, une fillette d'une douzaine d'années qui a été trouvée dans une tranchée que vient de prendre aux Allemands le 149e R.I.. Nous entendons les gémissements de cette malheureuse enfant. L'infirmier m'explique qu'elle est comme folle et qu'elle se trouve dans un état pitoyable ; les brutes allemandes qui l'ont entraînée dans la tranchée l'ont abîmée...
On me dit que nos camarades du 149e R.I. ont fait payer cher leur crime à ceux qu'ils ont pincés, mais tous les coupables ont-ils été chatiés ?
Ma compagnie émue par ce récit qui circule vite à travers les rangs, continue son ascension vres le plateau de Lorette, cependant que le tombereau avec son pitoyable chargement descend en cahotant sur l'ambulance de Bouvigny...
Là-haut, le tac-tac des mitrailleuses nous avertit que nous allons nous trouver rapidement au milieu du guêpier..."
...
Bien cordialement.
Denis