LE BOUFFY Henri, né le 31 mai 1895 à Rennes
Capitaine au 340e RI
Mort de ses blessures le 14 avril 1920 à Nice
Il fut blessé le 4 novembre 1918 :

Source
JMO du 340e RI page 124
Il est le fils du Colonel Fulgence LE BOUFFY qui prit le commandement du 297e RI en 1915.
Les documents qui suivent ont été aimablement mis en forme et donnés par Madame
Françoise GUYON LE BOUFFY/MARCEL, nièce d'Henri LE BOUFFY. Le texte, écrit par Madame Françoise GUYON LE BOUFFY/MARCEL, est extrait de "
Autour d'une famille granvillaise", il est sous la licence
CC-BY-SA. Edité pour ajouter que ces documents
généreusement donnés pour notre forum ne sont pas libres de droit et ne peuvent être reproduits ailleurs sans l'autorisation de leur auteure !
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Au mois de mai 1916, il est cité à l'ordre du 31ème Corps d'armée : "Jeune officier crâne et courageux. A effectué le 10 mai 1916 un tir de représailles avec fusil Guidetti en l'absence des servants de cet engin et malgré un feu nourri de grenades à fusil. Le soldat qui l'assistait ayant été blessé, l'a transporté jusque dans un abri, malgré la continuation du feu ennemi. Avait été blessé à la tête le 25 mars alors qu'il réglait un tir d'engins de tranchée."
Henri avait un bon coup de crayon et peignait de jolies aquarelles. Sur le front, il faisait évidemment à des fins stratégiques, des croquis et des relevés de terrain, mais il a aussi réalisé quelques aquarelles .../...
Le 4 novembre 1918, une semaine avant la signature de l'armistice mettant fin à la guerre, lors d'un assaut dans le secteur de Saint-Quentin, il est blessé au ventre et évacué. Transporté à l'arrière des lignes, il est opéré mais son état donne des inquiétudes. La famille est prévenue. Aussitôt, sa mère décide d'aller le voir accompagnée d'Yvonne. Dans une lettre adressée à ses deux sœurs plus jeunes, Yvonne (ma mère) raconte ce voyage épique qui finit par les mener au chevet d'Henri.
St Quentin le 11 novembre
Chère Guiguite et chère Toto, [tante Guite et tante Anne]
Nous sommes arrivées ce matin vers 9h à proximité de St Quentin après un voyage mouvementé.
De Paris à Creil cela a été tout seul, mais avant de continuer, je veux déjà vous dire que nous avons vu Henri. Il est aussi bien que possible et je vous donnerai des détails tout à l'heure En attendant nous sommes bien rassurés de l'avoir vu si bien. Sa blessure est grave mais sans complication. On l'a décoré hier de la Légion d'Honneur.
Voici donc la suite.
En arrivant à Creil, nous ne savions pas trop où aller, quand tout à coup j'aperçois sur le quai un commandant du 340ème. J'appelle maman et nous l'abordons. C'est justement le Commandant d'Henri. Il retournait à St Quentin. Nous nous précipitons sur lui et nous nous présentons. Aussitôt il nous demande si nous savons qu’Henri est blessé et si nous avions des nouvelles.
Nous lui expliquons ce que nous savons et alors il nous dit qu’il était à l’attaque où Henri a été blessé et qu’il a vu justement le médecin qui lui a fait son deuxième pansement au poste de secours du Régiment. Ce docteur lui a dit en parlant d’Henri : « Je crois qu’il s’en tirera » ;
Le commandant Alaric nous propose de nous accompagner jusqu’à St Quentin ce que nous acceptons avec joie et pour commencer nous allons trouver avec lui le commissaire de la gare pour demander l’autorisation de prendre le train des permissionnaires. Mais le train qu’on nous avait indiqué à Paris n’existait plus et le prochain et seul train pour St Quentin devait partir d’Orry la Ville à 19h . Nous devions donc revenir sur nos pas vers Paris pour reprendre le train. Car lorsqu’il passe à Creil, il est bondé. Donc à 16H retour pour prendre le train en question.
À la gare de départ, il nous faut de nouveau trouver le commissaire qui nous donne très gracieusement l’autorisation de prendre le train militaire avec le commandant du 340ème.
En cours de route nous apprenons que le Général de division d’Henri, le Gal Collin est dans le train. À l’arrêt suivant nous allons à sa recherche nous le trouvons, et il nous donne des nouvelles d’Henri qu’il avait vu la veille à l’ambulance. Il nous dit toujours la même chose : blessure grave et inquiétante mais encore de l’espoir. Il nous a fait tout l’éloge possible d’Henri et a dit : « Je lui ai remis la croix à ce pauvre petit mais ce n’est pas pour sa blessure ; il l’aurait eue sans cela le brave enfant ». Le Ct aussi nous a parlé des différentes offensives où avait été Henri ; c’est toujours lui et sa compagnie qui ont entraîné tout le régiment et même la dernière fois, c’est la compagnie d’Henri qui a déclenché toute la division. On le couvre de louanges et de gloire et nous pouvons en être fiers.
Revenons à notre voyage.
Nous grimpons donc dans le train militaire, en 1ère naturellement aussi, et en route pour St Quentin. Le train démarre à 21 heures seulement. Au bout d’une quinzaine de km, la marche se ralentit et un peu plus loin le train s’arrête tout à fait. Nous arrivons dans les endroits nouvellement conquis où la voie n’est pas encore très sûre.
Il faisait tout à fait nuit aussi nous n’avons pas pu nous rendre compte du paysage. Les difficultés allèrent en augmentant jusqu’au jour. Le train avançait de quelques centaines de mètres puis s’arrêtait pendant des heures. De 6h à 9h du matin, nous avons avancé à peine de 25 mètres, aussi comme la ville était à proximité, nous avons pris le parti d’arriver à pied sans cela nous y serions peut-être encore.
Nous quittons donc notre compartiment toujours avec notre aimable compagnon du 340 et après ¾ d’heure de marche sur les bords de la voie ferrée, entre les trous d’obus et les amoncellements de fils de fer barbelés, nous atteignons la gare. Nous étions plus mortes que vives après tout ce grand voyage et nos inquiétudes.
On nous a procuré un planton qui nous a pilotées dans toute la ville à la recherche de l’ambulance 16/21. Nous allions y arriver quand nous rencontrons des médecins militaires. Nous les abordons ; c’était justement le major de la 16/21 qui venait de soigner Henri depuis qu’il est ici. Il l’a même opéré et nous a donné bon espoir. Mais Henri n’était plus à cette ambulance et ces majors nous envoient dans un autre hôpital où un autre planton nous a conduites. Nous avons fait des kilomètres.
Nous y avons trouvé Henri couché dans une grande salle avec 7 ou 8 officiers. Il a bonne mine, un peu maigri mais plus beaucoup de fièvre. Le médecin a dit qu’il était sur la bonne voie mais que sa blessure avait mis ses jours en danger.
Papa était arrivé hier par le même train que nous et il était venu nous retrouver à l’hôpital. Mais on ne peut pas rester trop longtemps près d’Henri pour ne pas le fatiguer. Aussi après une demi-heure nous l’avons quitté pour trouver un gîte. Avec papa nous sommes allées trouver le major du cantonnement, Ct de la place, un très aimable colonel qui nous a procuré deux chambres réservées aux généraux de passage.
Ici plus une maison debout, plus de toit, pas un civil, aussi ce matin nous sommes tombées sur notre tranche de jambon et notre demi fromage. Ce soir nous pourrons encore vivre là dessus, mais pour demain papa va demander que nous soyons en subsistance à une compagnie quelconque ou à une popote d’officiers.
Le colonel nous a dit de ne pas nous inquiéter pour la durée de notre sauf-conduit, qui ne va que jusqu’à ce soir et que lorsque nous voudrions partir nous n’aurions qu’à aller le trouver. Henri est ici jusqu’à ce qu’on puisse le transporter à l’arrière et nous resterons le plus possible ici mais on ne peut rester près de lui qu’une demi-heure le matin et autant le soir pour ne pas le fatiguer. Le reste du temps nous serons dans cette chambre où je t’écris, une des rares presque intactes de la ville. Nous avons paillasses et couvertures, naturellement pas de linge. Quand il vient des civils ici, on les couche en dortoir dans un local quelconque mais nous avons eu de la chance d‘être présentés par Papa. C'est cela qui nous a valu notre logement de général en chef.
Voici une grande lettre de détails. Les nouvelles sans être tout à fait rassurantes sont toutefois aussi bonnes que possible et j’espère bien maintenant que le Bon Dieu nous gardera notre frère chéri. Papa sera encore là demain .
Je vous embrasse toutes deux de la part de nous trois réunis.
…
Yvonne
Henri fut ensuite soigné au Val-de-Grâce à Paris puis transporté dans un hôpital militaire à Nice. Sa sœur Yvonne, ma mère, alla s'installer là-bas pour l'accompagner dans sa convalescence. Elle adressait régulièrement des lettres à la famille pour donner des nouvelles d'Henri. Il allait de mieux en mieux mais fut emporté par une infection provoquée par sa blessure et que l'époque ne permettait pas de guérir. Il meurt à l'hôpital de Nice le 14 avril 1920. Il avait 24 ans
On peut lire dans l'Historique du 340ème régiment que le 4 novembre, jour où Henri a été blessé, fut un jour décisif pour l'issue de la guerre.
"Le 4 novembre, il [le 340ème] participe à l'attaque générale dont le but est le passage en force du canal et l'occupation des hauteurs qui commandent ses berges. Le succès est complet. Le 340ème massé au pied de la cote 110, mène l'attaque générale face au nord et prenant à revers les défenseurs du canal, atteint vivement le village de Tupigny, son objectif final. Les prisonniers affluent et la retraite ennemie s'annonce comme une débâcle."
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Un groupe de Saint-Cyriens de cette promo avait fait le vœu de monter à l'assaut avec leur casoar et en gants blancs.
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Vue de sa chambre d'hôpital
Cordialement
IM Louis Jean
sesouvenir