Bonsoir à toutes et à tous.
Pour Max et les autres... La suite.....
9 octobre 1914
Extraits de l’ouvrage « les combats de Notre-Dame-de-Lorette » du capitaine J. Joubert aux éditions Payot.
Le commandant Michaud recherche lui même la liaison avec le bataillon Laure du 149e R.I., à l’intérieur du bois de Bouvigny, pour que le 149e R.I. lie son mouvement au 20e B.C.P..
Le 3e bataillon du 149e R I. est, lui aussi, parti en avant à la première heure du matin. Les taillis touffus, les ronceraies et le brouillard épais ralenti sa marche. Quelques balles de patrouilleurs ennemis qui s’enfuyaient l’ont obligé à balayer tout le bois. Arrivées à la lisière les sections de droite sont prises sous le feu d’écharpe de mitrailleuses qui vient de la direction d’Albain-Saint-Nazaire, mais à gauche la progression s’avère plus facile. L’artillerie qui n’a pas pu tirer dans la matinée, vers midi, entre en action du bois de la Haie, et pousse une section du 12e R.A.C., sous les ordres du lieutenant Robert, dans le bois même de Bouvigny et jusqu’à la lisière Est, à hauteur des premiers éléments de l’infanterie, assurant ainsi une liaison particulièrement intime avec les deux armes.
A droite, la 5e compagnie et le peloton de la 2e du 1er B.C.P., qui ont été placés sous les ordres du capitaine Laure, sont bloqués par les tirs ennemis, tandis que le reste du bataillon organise le point d’appui de l’ancien moulin Topart.
A 16 h 00, le bataillon Laure et le bataillon Michaud se sont mis en liaison. A 21 h 00, le capitaine Laure envoie au général commandant la 43e D.I. le compte rendu suivant : « Situation en fin de journée : à la nuit ma 1ère ligne avait pu atteindre une grande haie traversant du Nord au Sud l’arête de Notre-Dame-de-Lorette, à environ 300 m à l’Ouest de Notre-Dame-de-Lorette. Haie sur laquelle se trouvait en liaison à gauche avec le 20e B.C.P.. Deux de mes sections environ ont pu sauter sur des tranchées allemandes situées à mi-chemin entre la haie et Notre-Dame-de-Lorette, et les occuper. A la faveur de la nuit, une compagnie fraîche du 149e R.I. (5e compagnie) prélevée sur celles amenées par le lieutenant-colonel Escallon, a pris sous son commandement mes deux sections occupant un peu en avant la tranchée allemande. Cette 5e compagnie se trouve en liaison à gauche avec une compagnie du 20e B.C.P. qui occupe la partie gauche (Nord) de la haie. Il y a quelques allemands qui se trouvent encore réfugiés dans la chapelle crénelée et ses abords, mais vraisemblablement très peu. Le point critique pour le maintien de l’occupation du terrain conquis est le rebord Sud du plateau, face à Ablain-Saint-Nazaire, car de Ablain-Saint-Nazaire sont partis toute la journée des feux nourris et ajustés d’infanterie et surtout d’artillerie. Sur ma demande, 2 compagnies fraîches (8e et 6e compagnie) s’occupent cette nuit de l’organisation défensive de ce rebord. Mes 4 compagnies se reconstituent à la lisière Est du bois de Bouvigny, moins une demie de la 12e compagnie que j’envoie à la garde des tranchées faites par le génie au moulin de Bouvigny (avec ordre de les occuper surtout face au Nord puisque je tiens maintenant assez fortement le plateau pour que le repli face au bois de Bouvigny n’ait pas grande importance) et moins une demie de la 10e compagnie (peloton d’Estrée-Gauchie). J’ignore la destination donnée à ce dernier élément, et je demande que ces deux sections me soient rendues si possible. A ma droite, les 6 sections du 1er bataillon (capitaine Delporte) me couvrent en tenant les lisières Sud-Est du bois de Bouvigny, face au saillant Ouest d’Ablain-Saint-Nazaire. Si cette compagnie est rendue demain à son bataillon, il faudra assurer la couverture du 149e R.I. face à Ablain-Saint-Nazaire. Le lieutenant-colonel Escallon a repris ce soir le commandement de l’ensemble ; 2 bataillons du 269e R.I. sont venus, je crois se mettre à sa disposition un peu avant la nuit ».
bataillons du 269e R.I. sont venus, je crois se mettre à sa disposition un peu avant la nuit ».
Pour soutenir, en effet, l’action des unités qui attaquaient le plateau de Lorette, le commandement avait pris diverses dispositions. Les 2 bataillons disponibles du 149e R.I. avaient été portés dans le bois de Bouvigny, et au Nord, près de la ferme Marqueffles, 2 bataillons du 10e C.A., un du 41e R.I. et un du 70e R.I., envoyés à Mazingarbe à la fin de la matinée, les remplaçaient en réserve. Le 269e R.I. transporté d’Arq en autocars et envoyé en renfort du 149e R.I, sous les ordres du commandant Wurmster, se trouvait au soir à Aix-Noulette ; là il était employé pendant la nuit à transporter des outils destinés aux troupes qui occupaient le plateau de Lorette.
Extraits du livre "Lorette" d' Henri RENE.
Quel brouillard ! On n’y voit pas à dix pas…
Les ordres brefs de notre chef, nous actionnant hardiment vers l’avant, accroissent notre confiance.
Tout le monde en ligne, en tirailleurs et à grands intervalles, pour les compagnies de tête. Les compagnies de queue suivront en colonnes minces. Des patrouilles, bien commandées couvriront ce dispositif.
On avance résolument, quoique lentement, car le taillis est épais et, à gauche il y a encore des coups de fusil : il faut pourtant balayer tout le bois et ne laisser derrière soi aucun traquenard.
Vers la lisière nord, on rencontre nos tués de l’échauffourée d’hier soir…
De temps en temps, dans le brouillard épais, des formes se détachent : l’ennemi ? Non, des faisans, dans le brouillard amplifie les mouvements. Voici d’ailleurs « la Faisanderie », rendez-vous de chasse gracieusement niché dans le bois. On fouille rapidement, et on passe. L’orée du bois. Adroite du chemin central, nos sections de pointe nous attendent et respirent en nous voyant : elles n’ont pas été attaquées dans leur solitude, mais, pendant la deuxième partie de la nuit, elles ont entendu des va-et-vient de troupes et de voitures tout près d’elles, là, sur la gauche, entre la Faisanderie et la lisière nord du bois… Elles ont fait le gros dos, sans bouger, heureuses de se sentir au point du jour redevenues maîtresses de la situation.
9 h 00 : Les ailes reçoivent des balles, partant des patrouilles ennemies qui se retirent devant elles.
Le centre est gratifié par de violentes rafales de 77 au moment où il se déploie en lisière. Bon gré mal gré, le combat commence.
Le 77 est cuisant, ses obus tombent dru et juste… Satanées pièces, elles ne doivent pas être loin : probablement aux abords de la Chapelle qu’on ne voit pas encore. Quelques tués, de vingt à trente blessés.
Le rassemblement de départ s’élargit sans qu’il soit besoin de donner des ordres dans ce sens, et le gros du bataillon appuie vers la pointe de bois se prolongeant au nord. La pointe du sud est moins hospitalière : on y reçoit des balles qui vous prennent de travers et semblent venir de la plaine, vers Ablain-Saint-Nazaire et Carency.
Allons-y par la gauche, puisque la porte paraît céder de ce côté. Au centre et à droite, la ligne de tirailleurs élargit encore ses intervalles, et peut ainsi venir s’accrocher à la petite crête qui relie transversalement les deux pointes.
Les données de l’engagement se précisent. De cette crête que nous occupons maintenant et où nos tirailleurs se terrent en attendant que le dispositif de combat ait pris sa forme définitive, on aperçoit à l’est, en fond de tableau, une haie qui coupe le plateau. Derrière la haie, un clocheton émerge, à 1500 ou 1800 m.
C’est de là que partent les 77 ; de là aussi, des balles qui, maintenant que nous sommes vus, sont beaucoup plus ajustées.
Vengeance : nous entendons l’aboiement caractéristique du 75, sans doute nos quatre canons du bois de la Haye, qui viennent frapper dans les jambes des Allemands, autour de la Chapelle. L’intervention de notre artillerie « donne du cœur au ventre ».
Et puis, les gars, il faut marcher, coûte que coûte ; car voyez ce commandant de chasseurs à pied, qui arrive auprès de votre chef, écoutez son appel :
- Mes chasseurs, avant-garde de la première division descendue de Lille et de la Bassée, ont attaqué cette nuit les pentes de la Chapelle par le Nord. L’abordage à la baïonnette, plusieurs fois renouvelé, a été sanglant. Plus de cent des notre y sont restés, et au moins autant d’Allemands. Nous n’avons pas pu tenir aux abords immédiats de la Chapelle, mais nous sommes accrochés au haut des pentes, sur le rebord du plateau. Notre situation, des plus critiques, redevient bonne avec vous. A tantôt : nous vous attendons. Nous tiendrons jusqu’à votre arrivée.
Tout s’agence et s’arrange. Un grand lieutenant d’artillerie nous annonce en même temps qu’il est à la Faisanderie avec deux pièces. On va pouvoir les utiliser pour appuyer directement notre action, pendant que celles d’en bas, du bois de la Haye, continueront leur tir d’écharpe.
Le grand lieutenant joyeux de prendre sa part de si près à un combat d’infanterie, fait plaisir à voir. Il donne ses ordres :
- Une pièce en batterie sur le chemin, entre la Faisanderie et la lisière. Les téléphonistes, déroulez le fil jusqu’ici. Allô…pièce prête ? 2400…
Les trajectoires rasantes de ce tir tendu frôlent nos dos, dans nos trous de tirailleurs, mais leur effet moral nous fait bondir. Et nous sommes décidément, résolument, sans esprit de retour, lancée sue le « tapis de billard », bien convaincus désormais que tout mouvement de recul nous coûtera plus cher que l’assaut. Les bonds : à allure extra-rapide. Les arrêts : en manœuvre mieux qu’au terrain d’exercice !
Cette progression, pied à pied, commencée à 11 h 00, nous a fait gagner encore 1000 m quand arrive 17 h 00.
Les 77 ont taillé dans la chaîne d’attaque, et aussi une certaine mitrailleuse qui « crache » on ne sait trop d’où, part là-bas, en avant et à gauche, croisant ses feux avec celle d’Ablain. Mais ces Allemands travaillent mal, on voit que les chasseurs de la 1ère division les ont déjà « sonnés », et ils nous font même pas peur ! Ils nous offrent inutilement le spectacle de quelques 105 qui s’en vont, mi-fusants, mi-percutants, couper des branches du bois où nous ne sommes plus.
Tout le monde n’est pas de fer. A preuve, cet homme, pourtant point blessé, qui s’en va hurlant et ricanant, les yeux hors de la tête, les bras ballants, les jambes flasques... Il est fou. On n’y fait pas attention, ce spectacle étant assez courant pendant les « marmitages ».
Le capitaine commandant sort, avec sa dernière vague de renfort : le 77 a vu et reconnu un groupe de commandement ; ils sont « salués de première », trois agents de liaison sur quatre sont fauchés, la vague dispersée.
Par bonheur, le gros du régiment arrive à ce moment dans le bois : on l’a transporté en autos, et, à la nuit tombante, une compagnie de renfort, la 5e , est mise à notre disposition. Son débouché est plus heureux que celui de notre derrière vague, et bientôt, elle vient, à la faveur de l’obscurité, talonner la chaîne, qui n’avait plus beaucoup de vitalité, pour l’entraîner d’un bond jusqu’à la haie.
Il fait nuit. On se « rameute » derrière la haie : une fraction la dépasse et se jette dans une tranchée allemande dont les derniers défenseurs se retirent précipitamment vers la Chapelle.
A gauche, on donne la main aux chasseurs de la 1ère division qui garnissent toute la partie nord de la haie et vont pouvoir ensevelir quelques-uns de leurs morts…
A droite, il s’agit de se rabattre face à Ablain, car si l’ennemi s’avisait de remonter par là, les résultats du combat seraient bien compromis.
Appel à vois basse. Echange de poignées de mains. Les patrouilles d’officiers circulent pour reconnaître le terrain et en préparer l’occupation. Nous tenons bien le plateau, tout le plateau. L’ennemi a laissé une arrière-garde à la Chapelle , mais son gros semble se replier au delà.
On en peux plus, ce soir. On va s’accrocher à la haie et investir la Chapelle à très courte distance. On y entrera demain d’un coup de main résolu, avec une unité fraîche. Des groupes d’officiers de 2e bataillon viennent à nous…
On se passe les consignes de combats. Nous laissons sur place nos unités au contact immédiat, notamment celle qui occupe la tranchée allemande à mi-chemin entre la haie et la Chapelle. Nos remplaçants garnissent la haie avec une compagnie, échelonnent une 2e compagnie face à Ablain, placent les autre en réserve à la lisière nord-est du bois. Et nous allons, près de la Faisanderie, nous compter, nous reconstituer… et nous reposer.
Soldats des 1er, 2e et 3e bataillon du 149e R.I. tués le 9 octobre 1914 :
Sergent THOUVENEL Germain, 6e compagnie, tué le 9 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Soldat BEAL Jean Eugène, C.H.R., tué le 9 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Soldat MATHIEU Joseph Romain, 3e compagnie, tué le 9 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Soldat VALROFF Auguste, 3e compagnie, tué le 9 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Soldat MONAMY Charles, 5e compagnie, tué le 9 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Soldat BERTRAND Albert, 5e compagnie, tué le 9 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Soldat HUSSON Louis Marie, 10e compagnie, tué le 9 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Soldat REBOUL Lucien Emile, 3e compagnie, tué le 9 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Soldat BARDIN Marcel, 11e compagnie, tué le 9 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Soldat CORDIER Paul Augustin, 11e compagnie, tué le 9 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Soldat DELIOT Louis Joseph, 11e compagnie, tué le 9 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Soldat DAUBIE Alphonse, 11e compagnie, tué le 9 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Soldat GILGENMANN Georges, 11e compagnie, tué le 9 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
10 octobre 1914
Extraits de l’ouvrage « les combats de Notre-Dame-de-Lorette » du capitaine J. Joubert aux éditions Payot.
Dans la nuit du 9 au 10, une attaque allemande devance celle des français. Sur le plateau de Lorette ce sont les français qui prennent l’initiative de l’action. Le 2e bataillon du 149e R.I. (commandant Prétet), qui avait relevé dans la soirée du 9 le 3e bataillon, s’empare pendant la nuit d’une tranchée ennemie, au nord de la chapelle, face au 20e B.C.P.. Par cette légère avance, nous nous trouvons à peine à 150 m de l’oratoire. Il disparaît en partie dans la grisaille du brouillard mais les lueurs d’incendie de grandes meules de paille qui brûlent à ses côtés accusent parfois les lignes de son contour. Quand la flamme, qui couve, tout à coup est plus vive, on voit non loin de là une pièce de 77 probablement endommagée, seule, sans servants, toute noire et sinistre, qui se cabre.
Les hommes retournent les parapets, approfondissent les tranchées et consolident la position. Le lieutenant-colonel Escallon demande que des batteries d’artillerie s’installent sur le plateau et dans le bois de Bouvigny pour battre Carency et Ablain-Saint-Nazaire
A midi, il peut écrire au colonel Cheminon :
« Nous sommes maîtres incontestés de la crête de Notre-Dames-de-Lorette. Nos tranchées font le tour du plateau. La plus à l’Est est à 200 m à l’Ouest de la chapelle ; mais nos patrouilles peuvent aller jusqu’à cette chapelle en recevant quelques coups de fusil. La tranchée ennemie est à 100 m au delà de la chapelle. Nous organisons avec le capitaine Vautravers (12e régiment d’artillerie) un système pour la battre, je la ferais attaquer cette nuit… »
Les troupes qui tiennent alors le plateau sont réparties comme suit : le 2e bataillon du 149e R.I. dans les tranchées devant la chapelle, dans l’ordre : 5e et 8e compagnies face à l’Est, 6e compagnie face à Ablain-Saint-Nazaire. A gauche, tenant le rebord Nord du plateau, en équerre par rapport au 149e R.I., face à la chapelle, quatre compagnies du 2e bataillon du 17e R.I. qui ont relevé celles du 20e B.C.P. dont « les 1ère et 4e compagnies ont eu plus de la moitié de leur effectif mis hors de combat ».
A la lisière Est du bois de Bouvigny, de gauche à droite, la 3e compagnie du 20e B.C.P. et le 1er bataillon du 149e R.I. ; à l’intérieur du bois, les 5e et 6e bataillons du 269e R.I. et le 3e bataillon du 149e R.I.. Deux batteries du groupe Vautravers du 12e R.A.C ont pris position à la lisière Est.
Un épais brouillard qui a traîné toute la matinée n’a pas permis au canon de tirer. Mais dès que le temps s’est éclairci, les tranchées allemandes du plateau ont été prises à partie, et, dans la nuit, la compagnie Pétin du 149e R.I. a « sauté d’un coup de main hardi sur la chapelle » qu’elle a occupée avec une section.
Soldats du 2e bataillon du 149e R.I. tués le 10 octobre 1914 :
Sergent PESANT Ida Justin, 8e compagnie, tué le 10 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
Soldat MARULIER Léon Emile, 8e compagnie, tué le 10 octobre 1914 au bois de Bouvigny.
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Bien cordialement.
Denis