Bonjour
Voici différents menus décrits par mon père dans ses lettres. On y trouve le rata basique qui était le plus courant, ainsi que des menus améliorés parfois par l'armée, mais le plus souvent par les hommes eux-mêmes. Pour cela il fallait un village tranquille, et une bourse pleine ou la mise en commun des colis reçus de la famille. La nourriture de l'armée étant mauvaise et insuffisante, souvent froide lorsqu'elle arrivait dans les tranchées (quand elle arrivait) tous les moyens étaient bons pour l'améliorer. Je précise que mon père étant 2e classe, il ne s'agit pas de menus d'officiers.
Pendant l’instruction :
Jeudi avec 2 de mes camarades nous avons été dans une petite auberge où nous avons à très bon marché mangé du saucisson, du beafteck et des pommes frites. Cela m'a fait plaisir de ne pas manger de cet insipide rata composé invariablement de carottes, patates, macaronis, carottes, etc
25 décembre 1914
Nous avons été dans une ferme et nous avons mangé des frites, du pâté de foie gras et de la salade, le tout arrosé d'un litre de vin à 1,50 (c'est le meilleur marché que l'on trouve quand il y en a) ….
Aujourd'hui on a un peu soigné l'ordinaire qui se compose presque invariablement de soupe au riz, riz et viande bouillie. Nous avons eu à dîner soupe au chou, choux au lard, viande rôtie, vin et biscuit.
2 janvier 1915
Pour les repas nous mangions tout froid et plein de terre avec du pain tout mouillé et pour comble de bonheur rien pour s'asseoir ni pour poser ses affaires et les pieds dans l'eau…..
Aujourd’hui à midi nous avons eu un grand festin, nous avons eu soupe, pois, viande rôtie, pomme ou orange, des biscuits un cigare et bouteille de champagne.
19 janvier 1915
ça changera du riz et de la viande froide et du jus glacé, l'ordinaire d'ici, aussi les provisions du pays sont-elles vivement appréciées.
23 fevrier1915
Il est vrai que l'ordinaire est assez mince car dans le génie on est censé faire qu'un repas par jour, celui de midi qui se fait sur le lieu du travail étant un repas froid. À midi nous avons de la soupe, de la viande et du café.
1 juin 1915
Hier soir j'ai été à Tincques où j'ai fait un petit dîner : beurre, 2 oeufs à l'américaine et un morceau de porc frais. Cela n'avait rien d'extraordinaire mais j'ai éprouvé un grand plaisir de manger dans une assiette avec une fourchette, au lieu de manger sur le pouce.
15 juillet 1916 (secteur tranquille)
…. car nous avons dignement fêté le 14 juillet. Le 11 au soir Fressinaud est allé dans le bois de la Reine pour chasser, a découvert un sanglier, l'a approché et tiré.
. On a donné un jambon de derrière aux officiers (11 livres), un jambon de devant aux sous-offs, divers morceaux aux copains, pour nous la tête, des côtelettes, du filet, un jambon de derrière et un de devant. Puis comme il fallait arroser cela, on a décidé de vendre le reste à raison de 1 f la livre, aux territoriaux et artilleurs, ce qui nous a procuré plus de 30 frs. Et aussitôt la fête a commencé : nous avons à midi mangé du sanglier en civet, le soir un jambon de devant cuit à l'étuvée dans une magnifique cocotte, c'était tout simplement épatant. Il est vrai que rien n'y manquait ni carottes, ni oignons, ni ail, j'aurais voulu que vous soyez la pour y goûter. Hier à midi grand banquet dont voici le menu fourni par l'ordinaire et par la caisse :
Jambon froid.
Gigot de sanglier rôti (11 livres).
Salade.
Compote d'abricots.
Biscuits. Café.
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Vin ordinaire 18 litres.
Bourgogne.
Champagne.
Je crois que jamais depuis bien longtemps nous avions tant, ni si bien mangé et bu.
Le soir nous avons fini le gigot, avec choux et carottes. Le sanglier est à peu près fini maintenant, mais je vous assure que nous en aurons bien profité.
14 novembre 1916
Nous lui avons accaparé sa cuisine où il y a un fourneau et nous y faisons la popote, soit en améliorant l'ordinaire soit en arrangeant ce que nous touchons. Hier soir ayant des restes de bouilli Chabas nous les a fait revenir avec des oignons et du vinaigre. À midi aujourd'hui Bornot nous a fait une macaronade, ce qui n'est autre que des macaronis au fromage et à la tomate.
Ce soir ayant du rôti Chabas nous l'a arrangé à la sauce piquante le tout arrosé de pinard. Tu vois donc que nous ne nous soignons pas trop mal, de plus nous sommes au chaud dans la cuisine et pouvons manger dans des assiettes.
20 novembre 1916
où nous avions passé deux jours et où entre parenthèses nous avons mangé des côtelettes de porc sauce piquante, des beafteck et de l'aïoli fabriqués par notre maître coq Chabas…… Nous nous sommes installés chez elle et comme les cuisines n'étaient pas encore arrivées à midi, nous avons mangé du singe sauté aux petits oignons, des flageolets et de la confiture. Ce soir il y aura boudins et marrons à la popote. Vous voyez que l'on se soigne,
2 janvier 1917
la seule différence a été le menu de midi qui s'est composé de 1 quart de vin en supplément, haricots, bidoche, tranche de jambon, 2 petits beurres, 1 orange, 1 quart de limonade champagnisée et café.
1 mars 1917 hopital de Pierrefonds
, à 11h dîner qui ce matin se composait de : soupe, sardine, boeuf en sauce, potiron, un quart de vin et café Vous voyez qu'on est bien nourri.…. et à 5h souper qui hier soir était : soupe, 2 oeufs, pommes de terre et 1 quart de vin et du pain blanc,
4 mars 1917
puis c'est l'heure de la soupe au réfectoire (à midi : soupe, veau en sauce, petits pois, 1 quart de vin, jus, pain blanc, confiture, cigarettes).
27 mars 1917 dépôt d’éclopés
nous avons très bien dîné (morceau de pâté, boeuf, pommes de terre, fromage, un quart de vin et jus).
9 avril 1917 dépôt d’éclopés
A 4 copains… A 5 h nous avons été dîner dans un bistro ( Pâté de foie gras aux truffes, veau ( de Tante Emma ), omelette au rhum, pudding, pinard, café et pousse...).
1 janvier 1918
Nous avions décidé de faire à l'occasion du jour de l'an une petite bombe. Comme ce soir nous sommes de garde nous avons fait cela hier. Nous avions fait venir quelques provisions de Dannemarie et le soir nous avons fêté le Nouvel an.
Voici le menu :
Potage
Saucisson, Beurre
Haricots au beurre
Rôti de boeuf
Gâteaux Alsaciens
Fromage. Confiture
Thé
Eau de vie
et vin en abondance, aussi quand nous sommes allés nous coucher nous étions tous un peu émus.
15 fevrier 1918
hier nous sommes arrivés dans un petit pays où nous avons été très bien reçus, à midi nous avons mangé une formidable omelette au lard et le soir des frites, car lorsque on en trouve l'occasion on ne manque pas de faire un petit fristi
1 mai 1918
Il y a dans la ville une coopérative où l'on donne des repas complets pour 0f75 Bouillon, frites, viande, pain et café, il y a aussi un foyer du soldat
8 fevrier 1919 occupation en Allemagne
J'ai reçu aujourd'hui votre colis de victuailles qui m'a fait grand plaisir, car ici on ne trouve pas grand chose à acheter et tout est à des prix formidables. Notre coopérative n'existe plus, car à partir du 10 le régiment est dissous…. Hier soir pour liquider le boni de la Cie on a fait un banquet d'adieux dont ci-joint le menu.
Comme vous pouvez le constater, les repas de fête étaient moins compliqués que de nos jours.
Je souhaite bon appétit à vos clients.
Cordialement
Bruno