Bonjour à tous,
Bonjour Evelyne et Stéphan (euh, Stéphan, si tu me trouves un bon article sur les Vosges ou l'Alsace à la place...

).
Allez, chose promise, chose due : bonne lecture !
Eric Mansuy
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« Le 8e corps, après les navettes malencontreuses auxquelles il avait été soumis depuis le 19 septembre par un Commandement supérieur insuffisamment éclairé, se trouve donc à peu près reconstitué le 29 au matin (il était diminué cependant, tout compte fait, de 2 bataillons et 12 batteries).
Il faut d’abord renforcer et soutenir la 16e division. Mais la 29e brigade, venant de Lahaymeix par une marche de nuit, longue et difficile, ne peut arriver à temps. Il faut, par conséquent, la remplacer par la brigade active de Belfort, aussitôt débarquée du chemin de fer (le 29 à 2 heures du matin), et qui va faire sur ce terrain, nouveau pour elle, une entrée vigoureuse et sanglante. 2 bataillons de cette brigade (172e, lieutenant-colonel Bénier) sont portés à Kœur pour interdire à l’ennemi le passage de la Meuse ; 3 bataillons (171e, colonel Pallu) sont dirigés sur la Commanderie pour soutenir dans la forêt la 16e division. Les 2e et 3e bataillons du 171e, engagés à partir de midi, l’un vers le bois Brûlé, l’autre au bois d’Ailly, livrent un combat des plus meurtriers et perdent en deux ou trois heures un millier d’hommes (dont les deux chefs de bataillon : le commandant Maire et le commandant Juge). Leurs cadres sont diminués de plus d’un tiers, et une compagnie est réduite à 36 fusils.
Le 85e tente vers 17 heures, - lorsque se font entendre les clairons du 171e sonnant la charge, - une attaque concordante contre le bois d’Ailly, et arrive jusqu’à la lisière. Le 13e et le 29e attaquent en même temps plus à droite, du côté d’Apremont.
L’après-midi, arrivent la 29e brigade et l’artillerie de corps. Le 56e s’établit en première ligne, face au bois d’Ailly. Le 210e prend les avant-postes à Brasseitte et Mécrin.
L’artillerie de corps prend position, face au Camp des Romains, partie entre Mécrin et Sampigny, partie au nord-est de Courcelles-aux-Bois.
Le bataillon Blavet, du 95e, qui a tenu depuis trois jours dans Xivray sous un feu intense, est cité à l’ordre de l’armée et va rejoindre la 16e division.
La lutte se poursuit pendant toute la journée du 30, et le soir la situation se maintient sans changement sur toute la ligne. Quelques relèves (les plus urgentes ou les seules possibles) sont effectuées dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre. La 31e brigade, la plus éprouvée, sera relevée par la 29e (le 134e au bois de la Louvière et au bois Brûlé en remplacement du 95e), et formera, à Sampigny et Mécrin, une réserve générale.
Le fort de Liouville, écrasé par un tir continu de 305, ne peut plus tirer ; mais sa garnison est abritée à proximité, prête à le réoccuper et à le défendre.
Le 1er octobre enfin, ayant paré aux nécessités les plus urgentes, - et tout en continuant les attaques sur Apremont et le bois Jurat (13e et 29e) (le colonel Marchand, commandant la brigade coloniale, attaquant Loupmont à proximité, est blessé ce jour-là), sur la Tête à Vache (227e, 171e), sur le bois du Fays (172e), sur le bois d’Ailly (56e), ainsi que la défense de la Redoute du bois Brûlé (134e) attaquée jusqu’à six fois par les Allemands, - et en progressant légèrement sur plusieurs parties du front, - je prépare, de mon poste de commandement (situé dans une carrière un peu à l’ouest de Marbotte, et près duquel est tué à son poste de combat le capitaine de la Laurencie, du 37e d’artillerie), et je réalise en rentrant vers 17 heures à Lérouville l’organisation du secteur défendu par le 8e corps, où commence la guerre de tranchées.
Ce secteur s’étend d’Apremont (exclus) à Kœur-la-Grande (inclus) (quartier général à Lérouville). Il se partage en deux parties bien différentes. La première (rive gauche) consiste en des prairies humides. Les méandres du fleuve y forment les deux presqu’îles de Han et de Bislée. La seconde partie (rive droite) est accidentée, rocheuse et presque entièrement boisée. C’est la forêt d’Apremont.
La vallée, humide et marécageuse, était également dominée par les deux rives. Toute opération y était difficile et les couverts très rares, sous le feu direct du Camp des Romains. Aucun des deux partis ne pouvait utiliser cette vallée, ce qui explique qu’elle soit restée passive de part et d’autre. Toute circulation de jour y était impossible pour les plus petits groupes.
La rive droite était en grande partie couverte d’un épais taillis en sous-bois, bientôt destiné à être transformé par les obus en paysage lunaire [d’après Les Archives de la Grande Guerre, Devant Saint-Mihiel].
La configuration du terrain, séparé en deux par la Meuse, conduisait donc à faire deux secteurs d’importance très inégale ; rive droite, front de 7 kilomètres presque entièrement boisé, où se jouait la partie principale ; rive gauche, front de 4 kilomètres, prairies humides, que barrait la boucle de la Meuse.
Le commandement sur la rive droite pouvait être exercé avec avantage par le général commandant la 16e division (général de Mondesir), rendu sur ce terrain depuis le 24 septembre et le connaissant parfaitement, hautement qualifié pour y continuer son rôle.
La division en secteurs et la répartition des troupes étaient donc imposées par la nature du pays et par la nécessité de conserver et de mettre à profit les dispositions déjà prises par la 16e division. Il fallait ajouter à ces conditions l’obligation d’alimenter jour et nuit, sans perdre un pouce de terrain et tout en résistant à de fréquentes attaques, une offensive continue, ordonnée par le commandant de l’armée, et qui ne laissait pas la faculté de procéder aux relèves.
Il fallait, en un mot, s’inspirer, dans le cadre du corps d’armée, de la maxime bien connue: « Sur un même théâtre d’opérations, il ne doit y avoir qu’une armée », et faire bon marché de l’organisation en brigades et divisions, s’affranchir de tout formalisme pour s’adapter au terrain et aux circonstances de la lutte. C’est le parti que j’adoptai le 1er octobre, et auquel je me tins, et c’est à ce système que nous dûmes, au mois d’octobre 1914, de ne pas reculer d’un seul pas, d’obturer la brèche, et, ne pouvant chasser les Allemands de Saint-Mihiel, de les enfermer au moins dans leur conquête.
Le secteur de la rive droite fut tenu (sauf modifications de détail) par 18 bataillons et 12 batteries (29e brigade, colonel Perret ; 32e brigade, colonel Marié, puis colonel Valentin ; brigade active de Belfort, général J. Rouquerol, artillerie de la 16e division et 1 groupe d’artillerie de corps), sous les ordres du général de Mondesir, très bien secondé par le général J. Rouquerol, - le secteur de la rive gauche par 2 groupes d’artillerie de corps et 2 bataillons de soutien, sous les ordres du colonel Vachée, commandant l’artillerie de corps ; - en réserve générale, la 31e brigade et le 16e chasseurs.
Nos tranchées de première ligne commencent un peu au sud-ouest d’Apremont, englobent l’ouvrage du bois Brûlé, et s’inclinent ensuite au sud-ouest, contournant par le sud le bois d’Ailly. Une seconde ligne de défense est organisée sur les pentes sud du vallon de Marbotte.
En face de nous, les Allemands tiennent la route de Saint-Mihiel à Apremont, et, au sud de cette route, le bois Jurat, le bois d’Ailly, le Camp des Romains. Leur artillerie a des batteries de gros calibre dans les bois et les vallons, et couvre d’obus tous les villages. L’automobile qui me transporte à mon poste de commandement est encadrée par les projectiles en approchant de Mécrin, et passe en vitesse dans la fourchette. De notre côté, nous amenons progressivement de Toul des batteries lourdes et les plaçons sur les deux rives, sans parvenir toutefois à maîtriser celles du Camp des Romains.
Nous nous relions à droite avec la division de Vassart, qui attaque sans succès dans la Woëvre, à gauche avec le 3e groupe de divisions de réserve, qui masque, ne pouvant les enlever, Chauvoncourt et Saint-Mihiel.
Les tranchées ont été à peine ébauchées au début. Ce sont d’abord des séries de trous peu profonds, occupés chacun par trois ou quatre hommes. On les approfondit chaque jour, on les recouvre de branchages et de terre, on en forme peu à peu une tranchée continue. Assis dans leurs niches, les hommes se relèvent par moitié pour veiller et dormir, malgré le froid, la bruine et les fusillades subites. Les tranchées ennemies font face aux nôtres. A tout instant, surtout la nuit, la fusillade se déclenche et gagne rapidement sur tout le front, avec le crépitement des mitrailleuses.
Peu à peu, les tranchées sont perfectionnées et leur tracé est calculé pour le flanquement. On supplée par des moyens de fortune aux fils de fer, aux sacs à terre, aux boucliers, aux périscopes, qui ne font leur apparition qu’un peu plus tard.
Le front présente deux points principaux : le bois Brûlé, saillant de la ligne française et pivot de notre défense, au sol « pétri de cadavres [J. Péricard] », et le bois d’Ailly, saillant de la ligne allemande.
La Redoute du bois Brûlé est défendue par nous avec la dernière énergie. Les meilleurs soldats de la Bavière en ont entrepris l’investissement méthodique en utilisant tous les procédés de la guerre de siège. De notre côté s’y succèdent ou s’y dressent coude à coude les bataillons du 95e, du 29e, du 134e, du 13e, dont les officiers et les soldats s’immortalisent par leur énergique défense. La Redoute passait chez les Allemands pour un tombeau, et les « héros du bois Brûlé » étaient célébrés en vers.
Le bois d’Ailly, efficacement flanqué par le Camp des Romains, est attaqué par nous avec acharnement, et passe chez les Allemands pour un enfer.
Le 2 octobre, la 32e brigade attaque encore Apremont et le bois Jurat, mais ne peut faire que très peu de progrès. Le 134e (colonel Sarda) a remplacé le 95e au bois de la Louvière et au bois Brûlé. Les 171e, 172e, 56e attaquent le bois d’Ailly, mais, après avoir gagné du terrain, sont refoulés par une contre-attaque allemande.
La journée du 2 a causé de fortes pertes sur tout le front.
Le 210e réussit à mettre le feu à un pont de bateaux construit par les Allemands à Saint-Mihiel.
Le 3 octobre, le bombardement continue toute la journée. Le 85e a repoussé des contre-attaques au bois d’Ailly.
Le 4 octobre, on prépare une nouvelle attaque contre le bois Jurat.
Le 5, certains indices pouvant faire croire à un mouvement de retraite de l’ennemi, je me rends dans l’après-midi sur la hauteur au sud de Kœur-la-Petite, près des batteries qui y sont en action ; mais je constate que le front qui nous fait face n’est en rien modifié.
Un mémoire très complet sur les procédés à employer (procédés de la guerre de siège) avait été rédigé par le général de Mondesir, qui joignait à toutes les qualités d’un remarquable officier général les connaissances spéciales d’un officier du génie.
L’offensive des Allemands, qui ont encore devant nous 110.000 hommes, va se porter particulièrement sur le bois Brûlé et le 8e corps, en direction de Commercy. De notre côté, le 16e corps, appelé dans le Nord, est malheureusement retiré de notre front, alors que son offensive vers Flirey aurait pu, peut-être, conduire au but.
Le 6 octobre, les Allemands attaquent plusieurs fois la Redoute du bois Brûlé, victorieusement défendue par le 13e et le 134e. Le 29e attaque de son côté le bois Jurat ; mais le commandant de Belenet, qui le commande, est grièvement blessé, le commandant Méhu qui le remplace est tué, et nous regagnons, à 50 mètres de la lisière du bois, nos tranchées de départ, dont le parapet, vu l’acharnement du combat, a été fait en partie de cadavres allemands recouverts de terre.
Notre artillerie canonne vigoureusement les positions ennemies et, dans la nuit du 6 au 7, une caserne occupée par un bataillon allemand, à 1 kilomètre au sud-est de Saint-Mihiel.
Le 7 octobre, les Allemands attaquent encore la redoute du bois Brûlé (134e). Appuyées par un grand nombre de mitrailleuses, leurs vagues d’assaut, où beaucoup d’hommes sont ivres d’alcool et d’éther, menacent de tout envahir. Mais elles sont repoussées avec le concours des batteries du 1er d’artillerie (colonel Lequime) habilement dissimulées près du fort de Liouville. Une camaraderie de combat de plus en plus étroite unit les fantassins et les artilleurs.
Le 3e groupe de divisions de réserve échoue de nouveau contre Chauvoncourt.
Le 8 octobre, les Allemands bombardent Le Clos, habitation appartenant au Président de la République (M. Poincaré) et située à l’entrée de Sampigny.
Nos pertes journalières sont très élevées. Le 134e, par exemple, perd 20 officiers et plus de 1.000 hommes dans la première quinzaine d’octobre.
Le 9, le 8e corps exécute dans l’après-midi une nouvelle attaque sur le bois d’Ailly et même sur le fort du Camp des Romains. Mon Poste de commandement est ce jour-là à Sampigny. L’attaque est menée, - attaque principale, - par le 56e (lieutenant-colonel Garbit) et le 171e (colonel Pallu) contre le bois d’Ailly et les tranchées voisines, avec l’appui de 3 groupes d’artillerie. Mais les munitions d’artillerie nous sont parcimonieusement comptées, et les deux régiments ne peuvent emporter ni le bois, ni les tranchées. La lutte est tellement meurtrière qu’au lendemain de l’attaque le 56e devra être relevé par suite des pertes qu’il aura subies. De nombreux officiers sont frappés mortellement en entraînant leur troupe à l’assaut, secondés par de véritables héros (adjudant Turek, soldat Fléhon).
Je propose au commandant de l’armée de recommencer l’attaque ; mais il s’y refuse, vu l’heure avancée.
La 5e compagnie du 85e franchit la Meuse, traverse Bislée et parvient au pied du fort. Attaquée elle-même par des forces bien supérieures, elle bat en retraite en bon ordre, et finalement, acculée au fleuve, mais reliée à la rive gauche par une passerelle que je fais établir et aidée par des renforts qui lui sont envoyés, met l’ennemi en fuite.
Toute attaque ennemie est d’ailleurs paralysée sur le reste du front du 8e corps. Les autres corps de la 1re armée ne peuvent, eux non plus, faire de progrès, et il devient évident, pour tout esprit sensé, qu’il faut changer de système, car la continuation de pareilles attaques, sans plan d’ensemble et, sans moyens appropriés, ne peut conduire à aucun résultat, si ce n’est à la destruction progressive et rapide de nos effectifs.
L’équilibre que nous étions parvenus à réaliser était fragile et ne tenait qu’à un fil.
J’avais fait, je crois, tout ce qu’il était possible de faire pour maintenir la barrière élevée sur les pentes de la forêt d’Apremont, où la 16e division d’abord, puis le 8e corps et la brigade active de Belfort s’étaient incrustés, et il ne paraît pas douteux, comme l’a écrit un de ceux qui ont collaboré le plus énergiquement à ces efforts, - acteur important lui-même et témoin particulièrement autorisé [Général J. Rouquerol], - que la situation de Verdun pouvait devenir très périlleuse si l’ennemi avait pris pied avec des masses, en octobre 1914, sur la rive gauche de la Meuse, vers Sampigny ou Commercy. L’importance des services rendus dans la forêt d’Apremont par les troupes du 8e corps et de la brigade active de Belfort doit donc se mesurer au danger que présentait une manœuvre allemande au sud de Verdun, et le recul du temps ne fait que grandir la lutte soutenue devant Saint-Mihiel.
Quand on parle de ce qu’on a fait, on a toujours mauvaise grâce. Je m’en excuse donc, et j’ajoute qu’il est juste d’en rapporter aussi le mérite à l’état-major du 8e corps [Chef d’état-major : lieutenant-colonel Dumesnil, depuis le 11 septembre], auquel des navettes perpétuelles et les passages inopinés d’une armée à l’autre avaient imposé de difficiles problèmes, et qui était composé d’officiers d’élite.
Lourd héritage assurément, - lourd héritage de défense, - que celui qui échoit à mes successeurs jusqu’en septembre 1918, à partir du 10 octobre 1914 (c’est aux soldats du 8e corps que fut adressée un peu plus tard la parole célèbre : « Debout les morts! » ), mais défense partout intacte (et c’est tout ce qu’on pouvait faire alors), - défense intacte grâce à l’organisation judicieuse et exempte de tout formalisme datant du 1er octobre 1914, qui a sauvé la situation dans la forêt d’Apremont et permis d’attendre la délivrance des Hauts de Meuse, grâce aussi aux efforts acharnés qui ont empêché le franchissement du fleuve et l’encerclement de Verdun [ceci trouve confirmation dans le discours prononcé à Chaillon, le 10 août 1930, par M. Poincaré : «... Notre rétablissement sur la Marne délivre pour un temps ce coin de Lorraine, mais bientôt de puissantes attaques se produisent, avec comme objectif l’investissement de Verdun par le Sud... Les 3e , 5e et 14e corps allemands enlèvent Saint-Mihiel et franchissent la Meuse le 25 septembre, mais ils ne vont pas plus loin. Verdun est sauvé. » Un monument commémoratif a été érigé au bois d’Ailly (et inauguré le 30 septembre 1923)].
Sans doute, le 8e corps n’a pu, à lui seul, reprendre Saînt-Mihiel et le Camp des Romains ; mais là comme à Sarrebourg et à Rozelieures, il a réalisé à force d’énergie et de ténacité ce qu’il était possible, - et déjà difficile, de tenter et de faire.
Il n’a pas non plus combattu sur la Marne, les circonstances ne l’y ayant pas appelé. Mais il a combattu sur la Sarre, sur la Mortagne et sur la Meuse, et sa trace y demeure profondément gravée.
Si maintenant on considère dans son ensemble l’activité du 8e corps au début de la guerre, d’août à octobre 1914, si l’on essaie d’en faire la synthèse, - on découvre des péripéties qui confèrent en quelque sorte à cet ensemble, bien réel, le caractère, l’intérêt et l’unité d’une véritable tragédie, épique et sanglante.
C’est d’abord le 8e corps au point le plus sensible de l’aile droite française, en travers de la Trouée de Charmes, à la jonction des 1re et 2e armées. Il pourrait engager une manœuvre féconde contre le 1er corps bavarois trop aventuré, mais on l’empêche malencontreusement de le faire. Lancé vers la Sarre, il est englobé dans un échec dont il sort du moins la tête haute et avec l’auréole d’une héroïque défense dans Sarrebourg, - nom sonore, souvenir légendaire. Revenu vers la forêt de Charmes, il est victorieux dans une bataille nouvelle, âprement disputée, féconde en résultats, source et condition des revanches futures. Il assure, en luttant sur la Mortagne, dont il tient « les lignes », avant et pendant la bataille de la Marne, la solidité du pivot.
Alors, vainqueur à l’aile droite de nos armées, sur la Mortagne et la Meurthe, il passe au centre, vers Saint-Mihiel, face à Metz. Là il pourrait jouer, le 19 et le 20 septembre, un rôle important, et il en a le sentiment et le désir. Mais une décision malencontreuse l’envoie à Sainte-Menehould, l’acheminant ainsi vers l’aile gauche, vers Amiens, pour participer peut-être à la bataille générale dans la « course à la mer ». Des perspectives nouvelles semblent près de s’ouvrir pour le 8e corps : sera-t-il, dans une manœuvre débordante contre l’aile droite allemande, l’appoint décisif qui fera pencher la balance ? Ces pensées nous occupent pendant les jours perdus dans l’attente qui nous est imposée à Sainte-Menehould.
Mais la Meuse envahie et près de céder rappelle le 8e corps. Là, il est maladroitement morcelé par le Haut Commandement, porté inutilement en majeure partie vers la forêt de Hesse, mal utilisé (sauf la 16e division) jusqu’à ce que, ramené tardivement, complété par la brigade active de Belfort, et regroupé sous les ordres de son chef dans la forêt d’Apremont, - au nom symbolique, il s’y incruste pour de longs mois et ferme du moins, au prix des plus sanglants efforts, la brèche ouverte sur les Hauts de Meuse, empêchant par là l’encerclement de Verdun.
Sa carrière peut se résumer ainsi : énergie et ténacité, - auxquelles on s’efforça de donner pour guide la clairvoyance. »
Général de CASTELLI,
Cinq journées au 8e Corps, 1914.
Autre piste bibliographique : général PIARRON de MONDESIR,
Souvenirs et Pages de guerre, 1914-1919 (Nancy – Paris – Strasbourg, Berger-Levrault, 1933, 396 pages).