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Re: Lettres du Caporal Rousseaux 129ème RI
Publié : mar. mai 05, 2009 12:34 am
par jbraze
Bonsoir,
Merci beaucoup Francine ; ces lettres sont extrêmement touchantes.
Jean-Baptiste.
Re: Lettres du Caporal Rousseaux 129ème RI
Publié : jeu. mai 07, 2009 10:00 am
par Francine Laude
Bonjour
Les photos de Lucien pendant son service sont dans ma première réponse
du sujet
Historique 3è RG
dans une dizaine de jours pour poursuivre scan et transcriptions
je ramènerais chez moi, toute cette base documentaire
Bonne journée à tous !
Amicalement
[:francine laude:9] Francine
Re: Lettres du Caporal Rousseaux 129ème RI
Publié : dim. déc. 13, 2009 6:58 pm
par Francine Laude
Bonjour
je remonte le temps ... donc si cela vous tente voici ses lettres de son arrivée sur le front fin janvier 1916
à mai pour la période qui a précédé
Toujours pareil Petite Amie c’est sa femme
Bonne Marraine c’est sa marraine de guerre depuis le Val de G. en 14
et la troisième personne est sa fille de deux ans ,
éventuellement entre les crochets mes notes
et en italique ce que j'ai eu du mal à transcrire
la date est celle en en-tête de la lettre, les autres celle des cachets
quelques paragraphes purement familiaux et un peu longuets ont été remplacés par [....]
et je n’ai rajouté qu’un peu de ponctuation et de renvois à la ligne
ce qui est souligné l'est dans les originaux
la forme tout autant que le fond montrant son état d’esprit ,
par contre
j'ai vraiment dû un peu rectifier l'orthographe car il devait être vraiment trop secoué
dans certaines phrases évoquant les combats
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22 janvier 1916 dernière lettre d’Ussy (Calvados)
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télégramme
23 janvier 1916
Pars cette nuit Ussy pour le Havre Bons baisers Lucien
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Carte-Lettre
Rousseaux Cal 25 Cie du 129ème Le Havre
Achères ce 26 janvier 1916
Chère Petite Amie
Chère Marraine
Nous venons de nous arrêter ici pour quelques heures en attendant la direction du Nord je vous adresse ce petit mot un peu à la hâte ainsi que vous pouvez le penser, cependant il est à mes yeux nécessaire, car je ne voudrais pas que vous interprétiez mal ma façon d’agir d’hier au soir,, je ne puis savoir ce que vous en aurez pensé mais l’épreuve était assez rude pour moi, ne voulant pas ajouter à votre chagrin, celui qui pouvait me faire perdre tout courage dont j’avais besoin, c’est pourquoi, je vous prie , ne me croyez pas indifférent à ce point, mais je ne pouvais tenir, inquiet de ne pouvoir aller jusqu’au bout
une fois dehors je ne vous dirais rien de ma détresse morale, vous pouvez la prévoir, enfin le plus rude a été fait pour moi, et je vous sais gré de ne pas avoir insisté, comprenez tout ce que maintenant je ne puis vous écrire et croyez à la plus chère affection et aux bons baisers de votre affectionné
Lucien
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Carte-Lettre
Rousseaux Cal 25 Cie du 129ème Le Havre
oblitérée 26 janvier 1916
Le Bourget tantôt 1h1/2
Nous venons d’arriver après être passés par Maisons Lafitte, Argenteuil, nous attendons encore - je ne sais si je vais pouvoir vous faire parvenir ce petit mot d’ici car le service parait sérieux tant le mouvement de troupe est important
Tout va toujours bien quoique le temps soit affreusement triste aussi, un brouillard très épais ne nous a pas encore quittés
je clos ce petit mot et vous embrasse bien toutes trois bien affectueusement
votre Lucien
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Carte-Lettre
Rousseaux Cal 129ème secteur Postal 93
Ce 28 janvier 1916
je vous ai quittées avant-hier étant au Bourget, nous en sommes repartis le soir et avons roulé toute la nuit, nous sommes descendus à une petite gare
où nous avons pris contact avec les convois d’arrière mais notre voyage n’était pas terminé et nous avons du marcher toute la journée pour arriver à notre cantonnement.
Pour le trajet, comprenez qu’il était fatiguant, enfin nous avons couché sur du treillage, ce n’était pas doux mais on a bien dormi tout de même
toute la nuit le canon a tonné sans arrêt (côté anglais où nous sommes) et depuis ce matin c’est le côté allemand qui y répond.
Nous ne pouvons rester dans les maisons, aussi c’est d’une cave que je vous écrit pendant que le bombardement fait rage, comme on a le cœur serré,
personne ne dit rien, 1 homme de mon escouade a été blessé c’est le premier blessé aux deux jambes, j’aurais bien voulu que ce fut moi car
il va être évacué, je ne sais quand la lettre vous parviendra ne sachant quand elle partira
Bons et affectueux baisers
Lucien
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Carte-Lettre
Rousseaux Cal 129ème secteur Postal 93
Ce 29 janvier 1916
Chère Petite Amie
c’est toujours la même vie que dans mon petit mot d’hier mais je ne puis toujours pas vous donner l’adresse, je ne sais pas à quelle compagnie
nous sommes affectés – rien de particulier à vous marquer puisque nos lettres vous arrivent ouvertes probablement.
et cependant j’aurais des souvenirs !!! Quand je pourrais vous donner une adresse et que vous ferez un paquet mettez bougies et allumettes et papier d’arménie.
Bons baisers je vous quitte et vous embrasse de toute affection
Lucien
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Carte-Lettre
Rousseaux Cal 129ème secteur Postal 93
le 29 janvier 1916 matin
Chère Petite Amie
je n’ai pas le temps de vous écrire longuement car nous sommes arrivés juste à un moment où les allemands ont bombardé sans arrêt nos positions
avant de nous attaquer sur le soir nous avons subi un nuage de gaz asphixiant, c’est atroce cette souffrance malgré les masques que nous avions,
cela a duré plusieurs heures, mieux vaut une blessure que cette chose infernale, ici malgré le bombardement intense les maisons ont peu souffert,
peu sont les blessés un seul pour notre renfort, nous ne connaissons pas encore les tranchées, nous pensons y descendre ce soir. comme jusque là
nous n’avions pas encore de compagnie exacte, je ne puis vous préciser mon adresse, attendez et contentez vous quant à présent des seules nouvelles
que je puisse vous donner . nous pataugeons dans la boue et dormons au hasard – malgré ce début si fertile en incidents, notre bonne humeur n’est pas altérèe
et je souhaite que ce petit mot vous trouve de même Je termine en vous embrassant bien affectueusement toutes trois Lucien
je n’écris qu’à vous aussi envoie un petit mot à Mère
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Carte-Lettre
Rousseaux Cal au 129ème secteur Postal 93
Dimanche 30 janvier 1916
Chères Petite Amie et Petite Marraine
je vous ai envoyé deux petites cartes hier, je ne peux ni vous écrire longuement ni vous narrer notre vie ici et cependant
jamais je ne pouvais entrevoir ce qui m’attendait ainsi que les camarades. J’espère que je pourrais un jour prochain vous en faire la narration,
mais pour l’instant j’ai trop peur, vu les évènements qui se greffent chaque jour que la censure supprime ce petit mot . je pense que peut-être
vous aurez été longtemps sans recevoir de mes nouvelles et ceci peut encore arriver quelques fois , quant à en recevoir des vôtres je ne sais quelle hypothèse de dates fixer , car nous n’avons ni vaguemestre, ni adresse ??? J’ai donné mes lettres jusqu’à ce jour à des automobilistes .
J’ai bouclé mon sac d’une façon spéciale pour ce soir et rangé ce que je désirais avoir sur moi, pour ce qui est du reste , j’attends confiant,
toute ma pensée tendue vers la votre, sachant que vous ne m’oubliez pas, je souffre bien d’être sans nouvelles mais je serais plus peiné
si vous étiez sans nouvelles de moi. Tant que cette période ne sera pas passée je ne pourrais écrire qu’à vous seules, aussi rassurez les miens .
Je vous quitte en vous embrassant bien affectueusement
Votre tout affectionné
Lucien
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Carte-Lettre
Rousseaux Cal 12ème Cie du 129ème sect Postal 93
Ce mardi 2 février[1916]
c’est l’adresse : 129ème 12ème Cie sect 93
Chères Petite Amie et Marraine
deux lignes entre le sifflement des obus, nous sommes exténués et ne peux écrire, suis heureux si ce petit mot peut te parvenir.
Nous rayonnons dans les mêmes endroits, puisse le repos venir vite que je vous écrive plus longuement
Nous sommes dans une situation où je souffre énormément de la soif et du manque de sommeil,
pourrais-je vous dire un jour ce que mes yeux auront vu, puisque nous sommes sans aucune nouvelle de rien. La santé est bonne c’est l’essentiel
Bons baisers de votre affectionné qui ne pouvait supposer de ce que pouvait-être la guerre
Lucien
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Carte-Lettre
Rousseaux Cal 12ème Cie du 129ème S.P. 93 (sur le tampon 13)
Ce 3 février 1916
je suis heureux de pouvoir t’envoyer un petit mot encore aujourd’hui mais crois bien que s’ils ne sont pas aussi réguliers que je le voudrais,
c’est les évènements d’ici qui en sont cause, notre secteur fonctionne dur en ce moment et tu seras étonnée quand je te raconterais notre vie
plus que mouvementée - depuis notre départ du Havre , nous sommes toujours sans aucune nouvelles, notre secteur ayant à supporter des attaques terribles,
le service postal est nul, en ce moment je donne les quelques lettres que j’ai pu envoyer à des camarades et espère qu’eux auront la possibilité
de te les faire parvenir. patiente un peu , j’espère pouvoir écrire un peu plus d’ici peu , ne m’envois rien pour le moment
bons baisers votre Lucien
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Carte-Lettre
Rousseaux Cal 12ème Cie du 129ème sect Postal 93
vendredi 4 février 1916
Chères Petite Amie et Marraine
aucune lettre n’est arrivée pour personne
Cette fois la pluie est de la partie et nous voici en plus de la mitraille pataugeant dans l’eau quelques fois et la boue tout le temps.
J’ai un peu dormi dans un peu de paille, quel délice c’était depuis jours que l’on ne dormait pas, supportant sans murmure la température, et
qu’il fera bon quand on reviendra près d’un bon feu .
Je serais heureux quand nous quitterons les tranchées pour prendre un peu d’hygiène et manger chaud – nous touchons notre nourriture une fois
par jour entre 11H du soir et 2 ou 3 H du matin suivant que l’on peut nous approcher – et des fois pas du tout . alors on mange sur les réserves,
mais jusqu’à présent nous n’avons manqué de rien à part la soit quelque fois .
je termine pour ce soir en vous embrassant bien affectueusement
Votre affectionné Lucien
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Carte-Lettre
Rousseaux Caporal 12ème Cie du 129ème secteur Pal 93
samedi 5 février 1916
Chère Petite Amie
Le soleil a bien voulu se montrer ce matin et il réchauffe un peu nos membres engourdis – seuls les pieds sont réfractaires à son action bienfaisante .
Je crois que nous changerons de tranchées cette nuit, car avant de quitter le secteur, on veut faire face à une forte attaque pour gagner
une position qui est en face de nous, et ensuite nous espérons quelques bonnes journées de repos.
Nous avons depuis peu des coloniaux avec nous, car cela doit être sérieux .
[ ... blabla sur les adresses familiales ... ]
ne m’envoyez toujours pas de paquet avant que je vous le demande, je serais content de le recevoir quand nous serons relevés – pour l’instant
on ne cherche qu’à allèger Azor [le nom qu'il se donne parfois] pour être plus leste
je pense bien à ma petite Mimi et à vous et j’espère qu’elle n’oublie pas son Papa
je termine en vous embrassant bien affectueusement Votre tout affectionné Lucien
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Amicalement
Francine
Re: Lettres du Caporal Rousseaux 129ème RI
Publié : dim. déc. 13, 2009 7:11 pm
par Francine Laude
suite
jusqu'à la fin toutes les envelpoppes sont notées envoi de : Rousseaux Cal 25 Cie du 129ème Le Havre
donc je ne le rennoterais plus
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tampons enveloppe : S.P.93 du 13 février, Boulogne du 15 février
Ce 6 février Dimanche [1916]
Chère Petite Amie
Chère Bonne Marraine
je viens de recevoir de vos nouvelles pour la première fois, pensez quelle joie à accueillir vos 2 lettres que je viens de recevoir une portant
la date du 31 janvier où marraine a bien voulu ajouter un mot et l’autre portant la date du 1 er février où Margot [sa femme] m’annonce son départ
pour rentrer à Boulogne sont les deux seules correspondance que je reçoit
aussi croyez que si quelques lignes peuvent vous être chères il en est de même pour moi
et il faut dire j’ai pleuré un peu dans mon coin en les lisant et personne ici n’oserait en rire car des lettres c’est l’évocation de votre foyer,
de toute votre affection.
Je ne puis vous dire ce qui est résulté des multiples incidents qui sont arrivés au régiment, peut-être le sais-tu au Havre, cependant je crois que
de ce fait ceux qui restent nous allons nous replier un peu à l’arrière pour être réformés ; déjà de cette nuit nous avons quitté les premières lignes
et sommes dans des tranchées un peu l l’arrière où seulement nous subissons le tir de l’artillerie ; nous avons changé de pays aussi quoique celui-ci
toucha celui-là , cela me permet d’être un peu plus loquace , j’ai conscience que jusqu »à maintenant je ne vous avais envoyé que des petites
cartes, mais si vous aviez pu entrevoir dans quelle fournaise nous étions, j’ai cru mourir 10 fois et on se demande comment on peut revenir
quand on voit tant tomber et que l’on supporte un tel envoi de mitraille
depuis quelque temps le secteur a été renforcé de façon fantastique et le duel d’artillerie se fait sans interruption, dans un vacarne effroyable.
La nuit si on ne se rendait pas compte de l’horreur du spectacle c’est tel un immense feu d’artifice, accompagné du crépitement du tonnerre,
cela dure des heures et des heures. Chaque heure qui s’écoule amène son tribu de deuil à la nation et plus horrible encore sont ceux qui dans le feu
de l’attaque sont frappés entre les deux lignes, et la plainte des blessés rend la nuit plus sinistre encore,
impuissants que nous sommes de art et d’autre d’aller les chercher
alors dans la nuit cette plainte monte, d’abord stridente, puis s’apaise avec la diminution de force du pauvre blessé jusque la mort ait achevé
son œuvre. Vous dire ce que l’on ressent à tous ces tableaux, toutes ces horreurs, c’est atroce, et la dépense morale en ces pénibles moments
dépasse la souffrance physique, alors on pense à ceux qui font la guerre en stratège , vivent en jouissant de la vie et de sa luxure
et il vous monte une rancœur car ces soit disant « heureux d’être mobilisés » ne sortiront de là que flêtris d’un masque indéchirable.
Ainsi que vous pouvez le penser il n’y a pas que le manque d’hygiène qui nous fait souffrir, la température d’abord d’être toutes les nuits à supporter
la rigueur de la saison, cela désarme vite les plus forts et il faut souvent s’avouer vaincu, et le sommeil on le perd complètement, puis quelques fois
lorsqu’on change de place et qu’il faut marcher des heures tout équipé, dans la nuit, dans des boyaux interminables , pour aller prendre position,
et cela dans une mare de boue conrinuelle,puis une fois sa place assignée prendre ses dispositions de combat et
prendre les interminables heures de veille en attendant ou l’attaque ou le jour,
ou nous souffrons encore c’est dans la forme générale du ravitaillement, nous ne trouvons à manger que la nuit, car les cuisines sont à plusieurs kilomètres
des lignes et il faut envoyer une corvée chercher la nourriture, je la trouve passable et je crois assez abondante quand on peut l’augmenter en puisant dans sa musette
par contre ou l’on souffre véritablement c’est de la soif car bien souvent nous touchons un quart ou deux de vin et une peu d’eau de vie et c’est tout pour 24heures
impossible même à prix d’or d’avoir de l’eau ou du vin et comme nous sommes toujours dans une période nerveuse qui nous altère,
je vous prie de croire que souffrir de la soif est un maux de plus à ajouter à la liste.
Vous me parlez dans une des deux que je viens de recevoir, de l’envoi d’un colis, je lui ferais bon accueil mais j’ai grand peur qu’il ne soit long à me parvenir.
je vais prendre bonne note pour les dates que t m’as dites, Marguerite, et tu as bien fait de les faire passer parnotre bonne marraine avant ton installation à Boulogne
je ne puis te dire de m’?assoire à tout ce que tu pourras lui dire pour la remercier de toute l’affection qu’elle nous prodigue,
sans compter qu’elle soit assurée de tout ce qu’il me sera en mon pouvoir , je lui promets de ne pas avoir affaire à un ingrat, je lui demanderais de vouloir bien croire
que je ne la délaisserais pas quoique les lettres ne pourront plus être communes, je ferais en sorte qu’elle s’aperçoive le moins possible du dédoublement forcé de ma correspondance
Dans un futur paquet que je te demanderais, je voudrais que tu y joignes une paire de molletières solides, je ne te demanderais pas des jambières en cuir, car cela est trop onéreux et puis tu pourrais y ajouter le foulard de soie que tu dois avoir réçu à Boulogne venant du Tréport [où il se trouvait avant février 16], pour les pieds, on ne peut y mettre de petites chaufferettes
je désirerais du papier à cigarettes « Job gommé » , 2 ou 3 cahiers, 1 ou 2 paquet de tabac jaune, pas plus à la fois surtout,
c’est Azor qui ne peut en prendre plus, 1 ou 2 boites d’alumettes (petites), et 2 ou 3 bougies à chaque envoi également
ce que je vous supplie c’est de ne pas rop me charger à fois, je ne pourrais pas en profiter.
peut-être dans un autre colis je demanderais-je mon maillot gris et un passe-montagne où on a toute la tête prise
pas un cache nez j’en ai un en pyrénnées, un autre bloc de cartes lettres, c’est très pratique, de plus je te demanderais de mettre sur les lettres
que tu m’envois (en blanc)
la mention "envoi de L.R. Cal etc …" à l’encre, comme cela ce sera plus pratique pour moi
allons, je crois que cette fois c’est tout et je clos cette lettre en vous réunissant, pour vous remercier encore de tout cœur ,
et vous embrassant bien affectueusemesnt
votre affectionné Lucien
Amicalement
Francine
Re: Lettres du Caporal Rousseaux 129ème RI
Publié : dim. déc. 13, 2009 7:27 pm
par Francine Laude
tampons enveloppe : S.P.93 12 février , Boulogne 14 février
Ce lundi 7 février 1916
Chère Petite Amie
Chère Marraine
après avoir été au très sec, voici le temps revenu à la pluie, comme ce complément ajoute de la tristesse encore, et cette température n’est pas idéale
pour les tranchées, vous vous en doutez, cependant nous l’acceptons vaillemment et attendons que viennent des heures plus réconfortantes pour tous
je n’ai pas eu de lettres ni du paquet expédié le 1er février , je vous dirais que pour faire suite à ma demande d’hier, je croirais devoir attirer
votre attention sur la composition d’un futur paquet comportant ceci : je désirerais une petite fiole
en fer blanc ou aluminium avec bouchon vissé pour mettre en poche, vous comprendrez de suite quand je vous aurais dit que je pense
servir pour mettre quelque peu de gouttes que nous touchons chaque matin et n’être pas obligé de le boire d’un seul coup
2° l’assiette que j’ai emporté n’est pas assez forte ni assez grande, aussi voilà ce que je désire, pas en aluminium ce n’est pas nécessaire,
je voudrais une assiette ou un petit plat creux avec une anse car nous ne touchons à manger que la nuit, mmon assiette est petite et se renverse
n’y voyant pas clair, alors vous voyez à peu près ce que je r »clame, comme la différence de solidité est plus grande, je la préfère en métal
ou en émail , la mienne est déjà toute bosselée, comme la diff »rence de poids n’est pas escessive je préfèrerais donc qu’elle ne soit pas en aluminium
je te vois sourire chère Marguerite, toi qui avais peur que je ne réclame rien, tu vois je n’hésite pas à te demander ce qui me semble pratique
1 ou 2 feuilles de toile émeri fin pour les armes, des lacets de chaussures avec des bouts ferrés si possible, quelques enveloppes, j’ai le papier,
maintenant pour la nourriture 3 choses à vous signaler le chocolat, le gruyère et le saucisson sec ou l’andouillette, cela se conserve très bien Pour ce qui est des conserves
nous touchons presque journellement des sardines ou du singe ou du porc de conserve , bon.je désirerais aussi pour protéger des autres objets
qui voisinent dans ma musette si vous me trouviez une toile un peu fine tout en étant un peu imperméabilisée, je roulerais dedans ma nourriture
et le tout irait dans ma musette en toile cdirée qui elle-même va dans ma musette réglementaire
Il est temps que je m’arrête de demander pour aujourd’hui car j’aurais peur d’avoir trop de confortable et que par ce confortable j’arrive
à en déduire que je pourrais m’acclimater loin de vous, quand chaque minute je pense à ce que vous toutes trois pouvez dire ou faire
et je reste absorbé dans de longues méditations ou je songe au retour et à la fin de tout ce massacre.
À vous chère marraine [son mari venait de disparaître dans le même secteur] je dédis cette suite espérant qu’elle pourra, sans encombre, aller jusqu’à vous sans aucune indiscrétion du service postal.
Je crois vous avoir dit hier que notre régiment avait subi d’énormes pertes depuis les combats du 28 janvier et jours suivants,
il s’est trouvé que dans une attaque, les allemands ont forcé la ligne que des territoriaux du midi défendaient
(ceux-ci pris de panique se sont enfuis) alors il arriva que le 129 étant en pointe fut coupé et cerné, après s’être défendu comme des lions
(contre six régiments de la garde impériale) ils parvinrent à faire une trouée et nous fûmes dégagés à quelques centaines
mais 6 compagnies sont restées aux mains de l’ennemi et avec perte de terrain naturellement . où je veux attirer votre attention ,
c’est non pas sur ce fait brutal, mais pour vous éclairer que nos prisonniers ne sont pas, ainsi que l’on pourrait le croire emmenés à l’arrière
des lignes allemandes, pas du tout, ils s’en servent pour fortifier leurs lignes et si nos canons tonnent, ils se peut que des notres tombent par nos propres canons.
Alors voyez la situation qui est faite à ces malheureux, qui ne peuvent correspondre avec aucun des leurs ; voyez comme jour amène
chez nos ennemis un redoublement de cruauté,
Nous venons d’avoir 2 jours de repos en 3ème ligne, et nous remontons cette nuit en 1ère car on nous a fait faire une revue d’armes et le plein de cartouches.
Cette fois c’est la division Coloniale qui est à nos côtés, car maintenant nous ne sommes plus que comme renfort notre effectif
de régiment comptant au plus 400 hommes
Mais je vous recommande la discrétion sur tous ces faits, surtout pour R qui le colporterait dans toute la gare du Havre et [mots effacés]
à la fin de notre secteur comme celui des anglais et nous en voyons journellement qui empruntent nos boyaux pour arriver aux leurs
Je crois vous avoir encore bien écrit aujourd’hui, par contre si la danse recommence cette nuit,celle de demain pourrait bien être courte,
enfin , ne tablons pas à l’avance, attendons.
Nous devons essayer de reprendre la dernière portion perdue, les coloniaux il y a 3 jours en avaient repris pas mal.
je termine en vous embrassant de tout cœur, et en vous assurant de toute ma pensée et de toute mon affection
Il faut dire à Mimi, Papa pas camarade ici
Votre tout affectionné Lucien
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Si cela présente un intérêt pour certains je peux continuer
Amicalement
Francine
Re: Lettres du Caporal Rousseaux 129ème RI
Publié : lun. déc. 14, 2009 9:45 pm
par vincent le calvez
Merci Francine !
Ou là !!!! C'est La Ruée !!!
La suite ! la suite !
Vincent
Re: Lettres du Caporal Rousseaux 129ème RI
Publié : mar. déc. 15, 2009 12:54 pm
par Francine Laude
Bonjour à tous
la suite pour le fidèle lecteur [:francine laude:9]
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mercredi 9 février 1916
Chère Petite Amie
Chère Bonne Marraine
Enfin je crois pouvoir vous annoncer que je vais être quelques jours à l’arrière
Notre Bataillon décimé par les nombreuses pertes des combats des jours précédents vient d’être avisé de ce bien-être en perspective
Quelle joie après ce que nous avons eu à subir hier, je n’ai pas pu vous écrire ainsi que je vous l’avais promis
mais nous avons subi une telle contre-attaque après l’attaque que nous avions faite par trois fois dans la nuit et deux dans la matinée
que notre abattement était poussé jusqu’à son dernier point.
Que ne faut-il pas voir dans cette ruée où chacun donne son maximum de cruauté,
car c’est ce qu’il faut employer si l’on veut essayer de s’en sortir, et puis employé avec une manière ou une autre,
il faut être fataliste et se dire advienne qui pourra !
J’avais été désigné dans les derniers combats pour lancer des grenades, ce poste n’était pas plus, pas moins périlleux qu’un autre
mais il avait le grand avantage, c’est que je ne faisais pas l’assaut à la baïonnette puisque nous sommes en tête pour leur faire de la place
en les inondant de grenades. La grenade est une boule explosive qui fait de grands ravages et que la guerre actuelle a créé,
son poids de 750 à 800 grammes fait que l’on peut les lancer à 2O mètres de longueur et que chaque éclatement cause de grands dégats
plus que les balles quand elles portent, par contre il faut être à découvert pour les lancer et essayer d’assurer son tir,
alors à ce moment debout sur le parapet de la tranchée, on sert souvent de cible.
Pour en revenir à la charge à la baïonnette je ne crois pas que quelque chose me donne autant de répulsion que cela ;
jusqu’à présent j’ignore cette atrocité puisque la seule que j’ai vue hier, je n’y ait pas participé étant « grenadier »
Ainsi donc vous allez pouvoir, quand vous recevrez ces lignes, être rassurées sur mon sort pendant quelques jours tout au moins
car il faut recomplèter les cadres et l’effectif du régiment nos pertes ont été sérieuses
comme dans toute attaque mais comparées aux ravages que nous avons faits aux ennemis cela n’est pas comparable,
il est vrai que la Division coloniale est une troupe d’élite et leur valeur de soldat est réelle.
[….]
Je n’ai pas subi grands dommages de mes 1O jours de 1ère ligne et tout mon bilan se résume à ceci
mon fusil cassé par une balle, une qui a traversé mon casque sans seulement m’effleurer la tête et 2 éclats de grenade aux mains
mais tellement anodins que je n’ai même pas quitté mon poste, voyez comme la destinée est faite, beaucoup de troupes
qui était en deuxième ligne ont été décimées pour la bonne raison que les tranchées de première ligne était si proches
que les allemands de peur que les obus tombent dans leurs propres lignes, allongent leurs tirs et inondent de leurs projectiles l
es tranchées de seconde ligne et le cas s’est encore produit ici, l’avance des notres ayant été trop soudaine
et notre tir pas rectifié assez vite, nous avons des tués et des blessés par notre propre canon qui n’allongeait pas son tir
au fure et à mesure de l’avance, cela s’explique : l’avance a été lente sur une aile et rapide sur une autre,
cela a été suivant comme l’ennemi s’est sauvé
Vous voyez que je vous conte du mieux que je puisse mes impressions.
Quant au spectacle donné par ce carnage, mieux vaut que vous ne le connaissiez jamais.
Il a neigé toute la nuit et cela augmente encore la boue qui cependant était déjà grande, aussi maintenant que je pars un peu au repos,
tu seras bien gentille ma petite amie de me confectionner un paquet de différentes choses que j’ai réclamées dans mes lettres dernières.
[….]
Je ferais en sorte qu’un peu de correspondance vienne interrompre la longueur des journées de notre Bonne Marraine.
Puisse un jour être cela par une missive depuis que je me suis aperçu de la façon qu’employaient les Bôches pour garder nos prisonniers,
plus vivace est en moil’idée que votre cher mari, notre cher ami, est peut-être près de nos lignes et pensez si notre joie serait grande,
si dans la chaude lutte d’un combat nous puissions arriver jusqu’à eux, je ne suis pas très démonstratif en fait d’amitié,
mais j’ai la ferme conviction qu’un seul mouvement nous éteindrait comme deux frères. On pense moins au danger quand on part
l’esprit tendu avec un tel but, et maintenant, sans cependant être aguerri, j’ose dire que la peur ne viendra plus,
on a un peu d’apréhension les premiers mètres, puis parès on oublie tout et on part comme des bêtes.
Allons pour ce soir je vous quitte, je vais aller donner ma lettre pour qu’elle parte, celle-là sera la bienvenue chez vous
car elle vous apporte la certitude que je suis à l’abri pour quelques jours tout au moins, à moins d’évènements graves.
Bon courage Bonne santé et gardez toutes trois les baisers affectueux de votre tout affectionné Lucien
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Jeudi 10 février 1916
Chère Petite Amie
Chère Bonne Marraine
Nous avons commencé notre exode vers l’arrière et c’est de la grande halte que je vous écrit,
nous venons de marcher beaucoup et dans la nuit, aussi comme il gelait très fort, la bise nous coupait la figure
malgré tout nous avons la force que donne la joie de ce repos et les kilomètres étant franchis presque allègrement
si je puis dire. Je ne puis encore vous donner le pays où nous allons stationner, nous ne le savons pas encore,
mais tout porte à croire si on écoute les on-dit que nous devons aller vers Villers-Bretonneux toujours dans la Somme,
quant à l’adresse aucun changement pour l’instant. Hier j’ai reçu une longue lettre de toi Chère Amie
merci pour toute la fatigue supplémentaire que cela a pu te causer, mais ici c’est une telle fête une lettre ,
que tu peux croire que l’on sait en gouter le prix
[… pages de rappel du matériel et denrées demandées dans ses précédentes lettres …]
Maintenant que nous prenons le chemin de l’arrière, je n’aurais plus de bien grande nouvelle concernant la tranchée
par contre nous avons pu voir dans la première page du « journal d’hier » un article « les allemands à Frise »
c’est l’action du 21e et de notre arrivée aux premières lignes, ils ont oublié de dire que depuis tout a été repris
et même d’avantage en certains endroits, par contre tous les communiqués n’en parlent pas. Ces mêmes journaux
nous ont appris la visite des Zeppelins sur Paris, notre surprise a été grande surtout après tout ce que l’on raconte
sur la sécurité des avions . Je m’aperçois que plus cela change, plus cela est pareil
Allons je vous quitte et vous embrasse tous bien affectueusement en attendant de vos bonnes nouvelles
Bien affectionné votre Lucien
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Vendredi 11 février 1916
[… parle des paquets demandés, de celui reçu, de ceux pas reçu…]
La santé est bonne , on ne fait rien mais bien sales, nous sommes dans une grange où on repose mieux qu’aux tranchées.
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Samedi 12 février 1916
Chère Petite Amie
Je viens de recevoir deux de tes lettres
[… bavardage familial…]
me voici pour quelques jours à l’abri des Boches puisque je ne suis plus aux tranchées, que faut-il de mieux
maintenant mes deux éclats d’obus se cicatrisent bien et il n’y parait plus, ce n’était que superficiel aussi n’en parlons plus
[… pages sur les victuailles du colis …]
pour le papier et les enveloppes que tu m’envoies complète l’adresse par ce que j’ajoute, tu peux très bien l’écrire toi-même –
ajoute maintenant 1ère section, c’est une indication qu’abrège la distribution
J’ai écrit aujourd’hui à Mlle Marguerite Villedieu [connue fin 14 à l’ HC VG11] pour lui demander des renseignements
sur le prix d’un paletot imperméable, car cela est le plus pratique, on endosse le paletot par-dessus la capote et on peut
sans être gêné mettre son sac et son équipement, je crois que c’est une dépense , à savoir si ma bourse peut la faire
car les capuchons ou autres paralysent le bras et tout en coutant une certaine somme ne sont pas pratique
pour ce mauvais [manque un mot] dans les boyaux, tu as je crois un passemontagne qu’une infirmière m’a fait,
je voudrais que tu vois s’il est assez chaud, car alors tu déferais la laine et m’en ferais un calot ou
quand je voudrais, je rabattrais sur les oreilles, mon casque allant par-dessus [longue description de son cache nez]
mes gants après reprise iront encore un moment.
j’attends d’être fixé sur un cantonnement pour me changer de linge et me faire laver ce qui me fera plaisir
je me suis rasé pour la première fois depuis le Havre et j’en avais besoin depuis le 23 janvier .
Allons, je ne vois plus rien à te dire, embrasse bien R. et notre Mimi [leur fille] et garde mes baisers les plus affectueux
Tout à toi Lucien
PS
dans un prochain colis, joins le réchaud de R. je m’en servirais.
Notre lit dans notre grange nous semble si bon après les tranchées, qu’on y fait de beaux rêves,
par contre quand il pleut il y faudrait un parapluie, car il y a des trous au plafond, mais on y est bien tout de même .
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Ce 13 février 1916 Dimanche
Chère Petite Amie
J’ai reçu hier des lettres de [… contenu des divers courriers familiaux…] J’espère que maintenant mes lettres ont repris
leur marche régulière car je recommence à t’écrire journellement … n’ayant sauté que les moments où les allemands
ne nous en ont pas laissé le temps que 3 fois en tout depuis mon départ [… chronologie des lettres envoyées …]
Nous voyons depuis deux jours que le communiqué fait mention des attaques que nous avons eues à Frise et au Bois de la Vache
c’est drôle que les journaux le relatent que près de 8 jours après que cela se soit passé
Maintenant nous sommes toujours au repos et si nous entendons toujours le canon puisque nous ne sommes
qu’à 7 kilomètres des lignes, cela repose un peu de ne plus être inondé d’obus et de n’avoir plus de spectacle
comme ces jours derniers. Combien de temps cela va-t-il durer, je l’ignore. Mes mains vont complètement bien
et seules 2 petites cicatrices m’en feront souvenance
La pluie règne toujours en maitresse et les routes sont défoncées par l’artillerie et le ravitaillement aussi ce n’est que de la boue
cependant on est à l’abri, c’est une grande chose à côté des tranchées où toujours il faut être aux aguets
[… contenu des divers courriers familiaux qu’il va faire ensuite…]
Je termine pour aujourd’hui en vous embrassant bien affectueusement toutes trois
Votre tout affectionné
Lucien
Cal 12ème Compagnie 1ère section du 129ème Secteur 93
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Ce lundi 14 février 1916
Chère Petite Amie
aujourd’hui tu n’auras certainement que quelques lignes pour la bonne raison que je n’ai rien aucun évènement à signaler
n’ayant rien fait depuis que je t’ai écrit hier, …je te dirais simplement que je suis en bonne santé, que je me soigne bien
pour me conserver longtemps dans cette situation, que je ne néglige rien qui ne puisse être agréable à mon petit estomac
et qu’il sera bien temps de me faire de la bile quand ce sera le moment.
Par contre le soleil coute cher dans la région car nous sommes toujours sous la pluie
[… lui dit à qui de la famille et ce qu’elle doit écrire…]
Je termine en vous embrasant toutes trois affectueusement
Votre tout affectionné
Lucien
toujours au repos à quelques kilomètres des lignes
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Ce lundi 16 février 1916
Chère Petite Amie
J’espère qu’à l’heure actuelle tu auras reçu un peu de mes nouvelles […]
et comme elles sont bonnes elles te rassureront complètement sur ma situation
Après être resté quelques jours à l’arrière des lignes mais ce qu’on appelle « cantonnement d’alertes » car au
moindre signal , étant comme troupes de réserve, nous serions remonté à nouveau aux tranchées, cette situation
a pris fin hier car nous avons pris pour de bon, je crois, la route du repos et cette journée de marche que nous
avons du faire a été cause que hier j’ai dû passer la journée sans t’écrire, car nous étions exténués
ayant reçu pendant 5 heures une pluie torrentielle et de grêle sur le dos, aussi jugez dans quel état lamentable
nous sommes arrivés, enfin comme c’était la route tournant le dos aux boches on a supporté bravement cette pluie
qui n’était pas faite pour alléger le chargement .
A l’arrière au cantonnement à Demuin j’ai eu le plaisir d’avoir ta lettre et un colis […]
Nous ne devons rester que 3 ou 4 jours ici parait-il, et nous devons aller encore plus à l’arrière
[… reécrit une chronologie détaillée de leur correspondance mutuelle …]
Je vous embrasse toutes 3 bien affectueusement
Tout à toi Lucien
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Jeudi 17 février 1916
Chère Petite Amie
j’ai été très gaté par la correspondance d’abord une de toi du 13 et de[… détail des correspondances familiales…]
pouvais-je avoir meilleure lecture en attendant des jours meilleurs, non n’est-ce pas et tu m’en vois très heureux
au repos nous sommes mieux qu’aux tranchées, nous sommes dans une ferme remplie de rats
et la nuit se passe à leur faire la chasse , si tu étais là
[… encore échanges de nouvelles familiales…]
Je termine en vous embrasant bien affectueusement
Tout à toi Lucien
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Vendredi 18 février 1916
Chère Petite Amie
Bien reçu hier ta longue lettre du 14 courant
[…sur plusieurs pages explique en détails
qu’il a un calendrier où il note tout sur le courrier envoyé reçu ,et reparle également des contenus des colis demandés ou reçus …]
Quoique nous ne soyons pas favorisés par le temps, car il pleut presue sans discontinuer, je suis en bonne santé
malheureusement la pluie rentre même dans notre grange car il y manque des tuiles, et beaucoup.
Les rats y vivent nombreux et nous nous employons à les combattre mais ils pullulent.
Je me suis fait couper les cheveux à ras, quelle tête, mais c’est pour éviter les habitants, pour le reste cela va
la nourriture est relativement bonne et assez abondante, de plus n’ayant as de corvée à faire cela est assez supportable
Nos chefs sont assez gentils avec tous et cela n’est plus le commandement de la caserne, il s’en faut tout se fait gentiment
Je termine en vous embrassant toutes 3 de tout mon cœur
Votre affectionné
Lucien
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Samedi 19 février 1916
Chère Petite Amie
On vient de nous annoncer de monter nos sacs et que dans deux heures, nous partons pour une destination inconnue
aussi avant, comme je pressentais ce départ et que je suis prêt, je vais te dire un petit bonjour
j’ai eu l’agréable surprise de tes colis hier au soir et son contenu m’a fort satisfait
[… détail du contenu plat, vêtements, une page sur les jambières en laine , en tissu ou en cuir …
… puis pages de commentaires des nouvelles familiales…]
Ici la pluie continue toujours ! Toujours ! et dans quel état sont les routes défoncés par le passage des convois
qui n’arrêtent pas soit ravitaillement, soit artillerie, et ces derniers, il y a quelque chose depuis ces derniers jours.
Comment vont-être les tranchées , il va falloir des échasses , aussi vais-je mettre des jambières cirées sur celles de drap
je me suis procuré moyennant finances de quoi bien graisser mes chaussures et je vais ma lettre terminée
finir de m’équiper
je termine Chères Amours en vous réunissant et en vous embrassant de toute mon affection,
puisse votre pensée me porter bonheur et voir bientôt refleurir nos amours
Aurevoir, bon courage et bonne santé
Tout à toi et bien tendrement
Votre Lucien
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Amicalement
Francine
Re: Lettres du Caporal Rousseaux 129ème RI
Publié : mar. déc. 15, 2009 4:53 pm
par Francine Laude
... suite
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Lundi 21 février 1916
Chère Petite Amie
Je ne sais pas ce que cela veut dire mais nous marchons, marchons sans arrêt, où allons nous, je ne le sais
[ mot illisible…] si tu as une carte de la Somme tu pourras voir ce qu’à pied nous avons fait déjà
car je t’écris du cantonnement où nous devons séjourner deux ou trois jours avant de repartir,
nous sommes à Breuil près d’Amiens où nous sommes passés hier et où les avions allemands
nous ont bombardés sérieusement, c’est à croire qu’il y a des espions qui les renseignent sur
tous nos mouvements, nous sommes arrivés bien fatigués, car l’étape a été dure,
de grandes côtes autour de Longueau et à l’entrée d’Amiens, et nous allons repartir demain ou après,
vers la Belgique disent les uns, vers la Champagne disent les autres, je mentionne ces bruits
sans connaître rien d’officiel. Par contre nous sommes dans la Division du Général Mangin(bon orthographe?) ,célèbre depuis la guerre
pour son commandement des troupes noires et marocaines , c’est un chef brutal au possible
et qui ne connaît quecette consigne « attaque sans relâche pour avancer ».
Nous avons défilé hier devant lui sur la route un peu avant Longueau, il nous a fait transmettre ses félicitations
pour notre bonne tenue de plus en reconnaissance des violents combats que nous avons soutenus pendant notre quinzaine de première ligne
– Notre Compagnie, la 12ème et la 10ème sont citées à l’ordre de l’armée,
c'est-à-dire que toute la compagnie a mérité la croix de guerre et si ce n’était notre peu de séjour au front
plusieurs des jeunes auraient eu cette distinction, dont presque tous les anciens qui restent, peu nombreux hélàs, sont pourvus
c’est un des rares régiments qui pour l’ensemble de son effectif compte autant de citations, on remarque ceux qui ne l’ont pas
mais le régiment est connu pour sa bonne conduite au feu, aussi ne manque-t-on pas de le faire aller
quand on a besoin de gens décidés
Pour aujourd’hui je ne puis te donner d’autres renseignements, en étant dépourvu
[… lettres et courrier reçus…]
Je termine, Bonne santé , bon courage et à bientôt des nouvelles qui me parviennent plus régulièrement
et que Mimi redevienne vite bien aimable pour faire plaisir à son Papa
Bien affectueusement
Lucien
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Mardi 22 février 1916
Chère Petite Amie
Nous sommes toujours arrêtés à Breuil près d’Amiens sans savoir quand et où nous partirons, à tout hasard
j’ai porté du linge à blanchir tout à l’heure espèrant bien que les deux jours qu’il faut pour le faire me trouveront encore là
Les allemands nous ont versé beaucoup de bombes par leurs avions et il y a eu de nombreux morts sur Amiens hier
j’ai eu la surprise de recevoir une quantité de lettres en retard [… une page sur les expéditeurs de ces courriers et de leur contenu…]
La neige et la gelée ont fait leur apparition encore une fois, et je m’étonne, moi si fragile dans le civil, de supporter
ces intempéries sans être trop gêné, la nuit il fait bien froid quelque fois et il faut se ratatiner pour essayer de se réchauffer,
on y arrive un peu, et pendant quelques heures on a vite fait de dormir
Ici la végétation commence et les bourgeons font leur apparition, aussi ai-je la pensée quelque fois vers Champigny
-dans notre petit jardin que j’aurais tant de plaisir à retrouver quand tout sera rentré dans le calme.
Mimi sera grande et sage alors et connaitra bien son Papa, plus que depuis sa naissance,
car elle n’a pas été fort favorisée depuis sa venue sur ce sujet. Qu’elle continue à grandir en sagesse, son Papa en sera fier
et content, et il remerciera sa Maman au retour pour sa peine
Je termine ayant un peu d’espoir qu’un peu de soleil va bientôt par un peu venir réchaufer nos membres engourdis
Je vous embrasse toutes trois bien affectueusement
Tout à toi et affectueusement
Lucien
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Ce 23 février 1916
Chère Petite Amie
le froid persiste dans la région et a dû avoir pour conséquence de faire geler le courrier en route, hier je n’ai rien eu à la distribution .
Malgré tout sans être dans les tranchées et tout en étant à l’abri du danger des lignes, nous serions gratifiés d’un peu de soleil cela ne ferait pas de mal, quoique à dire vrai - l’écorce se durcit à la longue – et puis on se remue, alors on arrive
à supporter la température quoique tout cela ne vaille pas un peu d’hygiène et un bon lit au lieu
d’un peu de paille et les étoiles comme ciel de lit, mais on est tous pareils , et on supporte ces petites misères
Nous mangeons chaud cela est appréciable et change un peu des tranchées où jamais cela ne peut-être
car ceux qui vont à la soupe ont 2 heures de marche à faire et de nuit avant de nous apporter le rata, inutile de dire
que cela ne bout pas en arrivant. Dans le pays où nous sommes nous trouvons à nous ravitailler et le soir après la soupe
nous pouvons à un petit quart d’heure de marche trouver l’asile charitable et où l’on peut prendre du café chaud
puis on retourne à la grange en attendant qu’un sommeil réparateur fasse tourner les aiguilles jusqu’au lendemain matin
[… reparle du froid au quotidien et de son espoir de soleil et de la venue du printemps …]
votre tout affectionné Lucien
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Ce 23 février 1916
Chère Petite Amie
je viens de recevoir deux de tes lettres et en même temps le colis de J. en parfait état, avec autant de poids
en papier que le restant du colis, je crois que s’il avait été possible commentaire chaque morceau de sucre aurait été
enveloppé séparément, c’est bien du J. Me voici donc avec de la nourriture pour longtemps car n’étant pas trop mal nourris
je ne puise que peu dans les provisions
[… listes de nourriture avec commentaires sur les compositions des futurs colis pour les tranchées
et deux pagesdécrivant l’imperméable « idéal » le plus pratique dans les moindres détails col, pattes et les jambières…]
j’écris mal car nous sommes en pliene tempête de neige et il fait froid, très froid, ce n’est pas le rêve et c’est
pour le coup que je voudrais la paix en ce moment [… parle de lettre avec son frère qui doit lui envoyer un sac de couchage …]
Il est arrivé près de 1200 hommes pour compléter le régiment, voyez les vides que les derniers combats
ont laissés,c’est une belle perspective que d’être que des troupes fraiches.
Il y assez du temps cependant avec 20c de neige il en tombe plein dans la grange, chez nous on voit que les allemands sont passés ici,
tout est démoli, il n’y a rien de propre
Bons baisers à bientôt des nouvelles
Tout à toi et bien affectueusement
Lucien
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Samedi 26 février 1916
Chère Petite Amie
[… écrit sur le contenu des courriers familiaux et l’argent du ménage…]
Je crois que nous partons demain ou lundi – tantôt nous passons une revue du Colonel tout équipés –
elle devait avoir lieu hier mais il a tant neigé qu’elle à lieu aujourd’hui et la neige tombe toujours
comme il gèle fort en même temps, tu parles si on n’y transpire pas. Cela semblera bon quand on rentrera –
Quant aux permissions je ne compte pas que mon tour arrive avant la mi-juin car d’abord il nous faut 3 mois de front
et ensuite c’est à tour de rôle , alors je ne commencerais à y penser qu’au mois de juin ou juillet. Avant il ne faut pas y penser
Si on croit les communiqués, les secteurs ne sont pas calmes, cela chauffe surtout vers Verdun parait-il
Bons baisers de votre tout affectionné et tout à toi Petite chérie
Lucien
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Amicalement
Francine
Re: Lettres du Caporal Rousseaux 129ème RI
Publié : mar. déc. 15, 2009 4:58 pm
par Stephan @gosto
Bonjour Francine,
A nouveau, merci pour cette retranscription des lettres de Lucien Rousseau !
Bonne journée et au plaisir !
Stéphan, un autre
fidèle lecteur !
Re: Lettres du Caporal Rousseaux 129ème RI
Publié : mar. déc. 22, 2009 8:51 pm
par grain
Bonsoir.
Merçi, de nous faire partagé ces terribles momments de vie, d'un homme qui comme tout ses camarades doit
rassurer sa famille, tout en ayant surement envie, d'ecrire sa peur, de ne plus les revoir.
Ses pauvres Amis a qui il avait confié ses affaires, Marcel QUESNEL et Robert HAVE subirent le même sort que Lucien le lendemain 22 mai 1916
Cordialement
Martial