Re: Huit mois dans les lignes allemandes, Raymond Pître I
Publié : mar. mai 15, 2007 11:00 pm
Bonsoir à tous,
La suite.
[g]Soldat français fusillé[/g]
C'est quelques jours après (on était en décembre, vers le 10) que ce pauvre Robert Thiennot fut pris par les boches. Il devait retourner tout seul au pays où on avait enterré nos effets militaires à 20 kilomètres de l'endroit où on était : "Je serai revenu avant 8 jours, nous dit-il, et si vous ne me voyez pas, c'est qu'il me sera arrivé malheur !" On l'attendit 10 jours et comme il n'était pas revenu, je partis dans la nuit, vers minuit. J'arrivai au pays au petit matin et trouvai brûlée la maison où étaient cachés nos effets militaires. J'eus doutance d'une barbarie de boches. On m'apprit, en effet, que Thiennot avait été pris dans la maison de la brave femme qui avait caché nos effets militaires. C'était par hasard qu'un soldat boche était venu y chercher du lait. Il parlait très bien français et en apercevant Thiennot qui n'avait pas eu le temps de se cacher, il lui avait demandé ses papiers. "Je n'en ai pas, répondit Thiennot, je suis contrebandier !" Il ajouta qu'il était réformé, mais le boche soupçonneux appela un de ses camarades qui passait et l'emmena à la kommandantur.
"Il avait en sa possession son carnet de route écrit en sténographie. Ces hiéroglyphes le firent prendre pour un espion, d'autant qu'il avait sur lui sa flanelle militaire, donc matriculée. Se voyant pris pour un espion, le pauvre Thiennot avoua qu'il était soldat français. "- Vous êtes officier français !" lui dirent les boches. Il protesta et bien qu'une personne du pays où il avait été pris eût remis aux Allemands son livret militaire, il fut fusillé, car il n'avait pas voulu dire où étaient cachés ses effets militaires pour ne trahir personne.
"Dans le journal mi partie en Allemand, mi partie en français que les Allemands font paraître dans l'Aisne, j'ai pu lire ceci :
" Le soldat français Robert Thiennot, du 28e d'infanterie errant dans cette contrée depuis le commencement de septembre et bien qu'ayant eu connaissance de mes ordres, il ne s'est pas rendu. Je l'ai fait fusiller comme espion. La personne qui lui donnait asile a eu 24 heures pour déménager son mobilier. Par mesure de clémence, je lui ai fait grâce de la vie parce qu'elle est mère de deux enfants, mais j'ai fait brûler la maison !"
"A mon retour à Evreux, ces jours-ci nous dit M. Raymond Pître que ce souvenir a vivement ému, je suis allé voir les parents de Thiennot et je leur ai dit ce que je savais. Mme Thiennot est institutrice à Gravigny.
C'est ce passage qui a attiré mon attention.
Bien à vous et bonne soirée
Vincent
La suite.
[g]Soldat français fusillé[/g]
C'est quelques jours après (on était en décembre, vers le 10) que ce pauvre Robert Thiennot fut pris par les boches. Il devait retourner tout seul au pays où on avait enterré nos effets militaires à 20 kilomètres de l'endroit où on était : "Je serai revenu avant 8 jours, nous dit-il, et si vous ne me voyez pas, c'est qu'il me sera arrivé malheur !" On l'attendit 10 jours et comme il n'était pas revenu, je partis dans la nuit, vers minuit. J'arrivai au pays au petit matin et trouvai brûlée la maison où étaient cachés nos effets militaires. J'eus doutance d'une barbarie de boches. On m'apprit, en effet, que Thiennot avait été pris dans la maison de la brave femme qui avait caché nos effets militaires. C'était par hasard qu'un soldat boche était venu y chercher du lait. Il parlait très bien français et en apercevant Thiennot qui n'avait pas eu le temps de se cacher, il lui avait demandé ses papiers. "Je n'en ai pas, répondit Thiennot, je suis contrebandier !" Il ajouta qu'il était réformé, mais le boche soupçonneux appela un de ses camarades qui passait et l'emmena à la kommandantur.
"Il avait en sa possession son carnet de route écrit en sténographie. Ces hiéroglyphes le firent prendre pour un espion, d'autant qu'il avait sur lui sa flanelle militaire, donc matriculée. Se voyant pris pour un espion, le pauvre Thiennot avoua qu'il était soldat français. "- Vous êtes officier français !" lui dirent les boches. Il protesta et bien qu'une personne du pays où il avait été pris eût remis aux Allemands son livret militaire, il fut fusillé, car il n'avait pas voulu dire où étaient cachés ses effets militaires pour ne trahir personne.
"Dans le journal mi partie en Allemand, mi partie en français que les Allemands font paraître dans l'Aisne, j'ai pu lire ceci :
" Le soldat français Robert Thiennot, du 28e d'infanterie errant dans cette contrée depuis le commencement de septembre et bien qu'ayant eu connaissance de mes ordres, il ne s'est pas rendu. Je l'ai fait fusiller comme espion. La personne qui lui donnait asile a eu 24 heures pour déménager son mobilier. Par mesure de clémence, je lui ai fait grâce de la vie parce qu'elle est mère de deux enfants, mais j'ai fait brûler la maison !"
"A mon retour à Evreux, ces jours-ci nous dit M. Raymond Pître que ce souvenir a vivement ému, je suis allé voir les parents de Thiennot et je leur ai dit ce que je savais. Mme Thiennot est institutrice à Gravigny.
C'est ce passage qui a attiré mon attention.
Bien à vous et bonne soirée
Vincent