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Re: obus de 75 bibloc

Publié : jeu. sept. 08, 2016 1:58 pm
par air339
Bonjour,


Ces reportages d'époque sont intéressants à plus d'un titre.

Sur les conditions de production, autant l'étroitesse de l'atelier à Bordeaux que le très moderne mais encombré quai de déchargement des papeteries de Lancey (il y a des lopins jusque sur la voie !) laissent penser aux accidents possibles. Il est même étonnant que la censure ait pu laisse passer ces images reflétant un certain amateurisme, mais au pays du système D, on y a plutôt vu le génie d'adaptation national !

A la SA Nouzonnaise on finit au tour des obus déjà forgés, à Lancey on effectue toutes les étapes :

- barres d'acier coupées en lopins
- fours à réchauffer (emboutissage à 1000°, ogivage ou trempe autour de 850°)
- modernes presses hydrauliques (bien plus efficaces que les marteaux pilon) pour les emboutis et ogivages
- batteries de tours pour une vingtaine d'opérations


On est déjà loin du "bibloc" foré avec les moyens du bord !


Bien cordialement,

Régis

Re: obus de 75 bibloc

Publié : ven. sept. 30, 2016 11:09 pm
par air339
Bonjour,



Je continue sur les recherches de fabrication par l'industrie privée en début de guerre.

Cette fois, en consultant mes "archives métalliques", je retrouve un éclat de ce que me semble un culot de 75.

Sur la photo il est à gauche, comparé à un éclat beaucoup plus complet :


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P : reste de plaquette de culot soudée à l'étain
C : ceinture, qui est placée 2mm plus haut, mais il y a une forte déformation plastique.


Là où je reste perplexe, c'est sur le fond même du culot, qui est constitué d'un flanc F rajouté à un embouti E ajouré, donnant une ligne de rupture inhabituelle.

Image

Etonnante disposition dont je ne trouve mention nulle part !


De mémoire (il y a 30 ans !) cet éclat vient d'un champs aux alentour de Vaux / Damloup, donc un projectile tiré en 1916.


Cordialement,

Régis

Re: obus de 75 bibloc

Publié : dim. oct. 02, 2016 9:45 pm
par chanteloube
Bonjour à toutes et à tous,

Guy François écrit:

Au printemps 1915, cette incroyable liste sera formidablement réduite mais on verra tout de même encore, sous le sous-secrétariat d'Albert Thomas, des contrats de plusieurs centaines de milliers d'obus passés à des "industriels" qui, incapables de produire, passeront ces marchés en sous-traitance à de grands industriels, notamment à Schneider.
Cherchez l'erreur!...et les profits ainsi que les bénéficiaires les plus vertueux!


Je me demande, mais je parle ici sous son contrôle, si cette "incroyable liste" ne recouperait pas une "aussi incroyable liste de bénéficiaires de subventions" d'équipements, petits ou gros, qui ont acheté, avec ce financement, les tours nécessaires à un travail spécial, puis ont cessé de produire ces "biblocs" pour diverses raisons, sans avoir à rendre de compte sur l'utilisation de l'argent public!

Cordialement CC

Re: obus de 75 bibloc

Publié : sam. avr. 29, 2017 6:37 pm
par air339
Bonjour,



Dans un article de "l'Union des métaux" de janvier 1916, on peut suivre l'évolution d'une usine de machines à travailler le bois vers la production d'obus de 75 biblocs.

Une vue du catalogue d'avant-guerre de l'usine :

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A la déclaration de la guerre, l'usine reste sans activité pendant 3 semaines, faute de personnel parti sous les drapeaux, puis elle contracte un marché pour réaliser des obus biblocs "les obus en deux parties filetées, la partie ogivée s'emboîtant dans le corps cylindrique", gaine, têtes de gaines et bouchon de 75.

Les nouvelles productions de l'usine :

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la production commence dès les premiers jours de novembre 1914. Faute de personnel, l'usine recrute des manœuvres par voie de presse, pour un salaire horaire de 30 cts, à raison de 10h par jour.
"Les débuts furent patients : changement dans l'outillage, tâtonnements dans la fabrication, bien que, déjà, un capitaine mécanicien principal de la marine, aidé d'un adjudant aide-contrôleur, et spécialistes fussent depuis un certain temps attachés à la maison, ainsi qu'un sergent du service armé, représentant de la maison G. pour les machines-outils à Paris, non spécialiste celui-là".

En janvier 1915, la production atteint 500 obus par jour, sous le contrôle d'un chef d'équipe de la maison et d'un maréchal des logis d'artillerie.
Les obus, gaînes, relais, bouchons, sont ensuite contrôlés par le sergent (non spécialiste). L'adjudant contrôleur de l’État ne fait son contrôle que le jour de l'expédition vers l'usine pyrotechnique, soit sur des lots de 2 000 obus : "les épreuves hydrauliques, à ce moment, montaient à 400° [kg/cm2] et personne n'était attaché à cette surveillance, pourtant si nécessaire".

Les salaires des manœuvres augmentent de 5 cts (35 cts/heure), la production d'obus atteint 900, 1000, 1200 pièces par jour, toujours dans les mêmes conditions de contrôle. L'usine obtient le retour des ouvriers mobilisés, qui sont aussitôt affectés, non à la fabrication de guerre, mais à leur compétence d'avant-guerre, la construction de machines-outils pour le marché privé.

En mars 1915, les manœuvres, après délégation, voient leur salaire enfin reconnu et bonifié de 20%. L'usine fait alors appel à la main-d'oeuvre féminine, payée... 30 cts/heure ; et l'affecte aux opérations de vérification. Des enfants, payés entre 10 et 20 cts/heure, sont également embauchés pour les opérations de réception.

Pour se consacrer à l'obus monobloc, l'usine s'équipe de nouveaux tours, de tronçonneuses à métal, de fours et de presses à ogiver ; chaque tourneur doit produire 300 obus par jour. l'équipe de vérification compte maintenant 20 femmes, qui peinent à manipuler les obus (4kg 375) pour les charger dans les wagons.

Les obus sont enfin testés à 1 400 kg/cm2, à l'aide de 3 nouvelles pompes hydrauliques : "les pompes fonctionnent. Les épreuves se font sans aucun contrôle militaire. Le capitaine est devenu invisible autant que son adjudant aide-contrôleur".
Une visite ministérielle constatant une fonderie inemployée, aussitôt un dépôt est mis à disposition : "la main-d'oeuvre arrive chaque matin par détachement de 60, 80, 90, composée d'hommes pris au tas au dépôt d'infanterie d'Auxerre (déclaration d'A. Thomas à la séance de la Chambre du 25 février 1916). (...) tous les jours amenaient de nouvelles recrues, dont 1/10e à peine étaient des professionnels, si bien qu'en peu de temps, de 7 à 800 mobilisés, l'usine en possédait 1 300, puis davantage par la suite"

la production s'établira à 2 100 obus/jour ; les épreuves hydrauliques sont effectuées par le personnel féminin, cette fois sous contrôle militaire, les femmes sont aussi recrutées pour le tournage des obus, avec cependant les différences salariales notables évoquées dans d'autres sujets.



Ces conditions de fabrication éclairent peut-être un peu sur la piètre qualité des obus à une certaine période.


Cordialement,

Régis