Bonsoir,
Alain, vous avez répondu à la dernière question!
En fait, ce canon de 240 mm de côte est capturé à
Reval vers le 25 février 1918. Reval est appelé depuis l'indépendance de l'Estonie
Tallinn, capitale et port principal du pays.
Après la prise de Riga puis celle de Jacobstadt, les forces allemandes ont le champ libre pour avancer compte-tenu de l'effondrement et de la décomposition de l'Armée russe. Afin de contraindre les soviets à signer la Paix, les troupes allemandes avancent en Estonie et menacent directement Saint-Pétersbourg. Cette situation amène Lénine à signer le traité de Brest-Litovsk qui marque, entre autres conditions, la perte pour la Russie des états baltes accédant à l'indépendance. L'indépendance est d'ailleurs toute relative sous l'occupation allemande et la domination des "barons baltes" d'origine allemande.
Ce canon japonais, acquis vers 1915-1916 par la Russie, était intégré à la défense des côtes de Reval. La photographie doit dater du printemps ou de l'été 1918.
Un mot sur l'artillerie japonaise des années 1880 à 1914: toujours pragmatiques, les japonais se sont tournés vers tous les pays capables de fournir de bons matériels avec la ferme volonté d'accéder le plus rapidement possible à une construction nationale.
Pour simplifier, les constructeurs allemands ont bénéficié de commandes de matériels d'artillerie de campagne tandis que la France, la Grande-Bretagne et dans une moindre mesure l'Italie ont fourni des matériels d'artillerie de côte et de marine.
Les japonais se mettent en mesure de construire eux-mêmes des canons lourds à partir des années 1885, d'abord en adoptant la technologie française des bouches à feu construites en fonte tubée en acier.
Les japonais commandent aux occidentaux des matériels prototypes et de petites séries de matériels complets avant de les construire sous licence au Japon en diversifiant les fournitures d'éléments qu'ils ne peuvent encore construire eux-mêmes.
Ainsi pour les canons de côte, la France fournit la plus grande quantité des matériels. En 1886, le Japon commande un canon prototype de 240 mm à la société des Forges et Chantiers de la Méditerranée (F.C.M), usine du Havre, dont l'ingénieur est le célèbre Canet, pionnier de l'artillerie lourde à tir rapide. Ce matériel évoluera vers le type 23, objet de notre sujet. Ce canon est en fonte tubée en acier, les éléments en fonte sont d'abord commandés à la Fonderie de Ruelle, FCM fournissant les mécanismes de culasse. En tout, 29 matériels complets de ce type ont été construits en France par FCM puis par Schneider (qui a racheté l'usine du Havre de FCM en 1897) et un nombre beaucoup plus considérable a été construit au Japon.
Ensuite, le Japon commandera de nombreux canons de côte de 270 mm à Schneider, y compris de modernes canons sur affût à éclipse équipant les forts de mer de la Baie de Tokyo. Ces merveilles de l'architecture militaire et de la technologie seront détruits lors du grand séisme de 1923 dont l'épicentre était situé dans la baie de Tokyo.
FCM puis Schneider ont aussi fourni au Japon des canons de côte à tir rapide de 90 et 120 mm ainsi que de nombreux jeux de frettes pour la construction au Japon des mortiers de côte de 280 mm du type italien (ceux là même qui seront utilisés pendant le siège de Port-Arthur).
Ces achats durent jusque dans les années d'avant-guerre, ensuite, le Japon construira lui-même des modèles originaux avant de revenir à Schneider pour la construction de prototypes de matériels modernes dans les années 1920-1930. L'artillerie japonaise de la seconde guerre mondiale est très inspirée par les réalisations de Schneider dans tous les domaines de l'artillerie.
Pour conclure, voici un extrait d'un livre sur l'artillerie de côte japonaise qu'un ami m'a ramené du Japon, il est très complet mais l'obstacle de la langue est insurmontable. J'arrive seulement à déchiffrer les modèles, les performances balistiques et les caractéristiques.
Pour le reste, si un lecteur a des connaissances en langue japonaise, je serai très intéressé par la traduction de la légende de la photographie jointe qui montre un 240 mm de côte du type 23, du même modèle que celui employé à Reval pendant la Grande Guerre. A noter aussi que la conception de construction des batteries de côte japonaises s'inspire fortement des réalisations françaises.
Cordialement,
Guy François.