Salut à tous,
Je me réjouis d'abord que l'ouvrage fasse crépiter les claviers. Et comme je l'écrivais plus haut, qu'on ait un HS sur 14-18.
Comme aussi je l'écris plus haut, l'ouvrage est globalement bon. Grande spécialité de Facon, les intrigues d'état-major et querelles doctrinales sont parfaitement décrites. Ainsi que le fil des évènements aériens de 14-18. Et il y a nombre de photos qui me semblent parfaitement inédites (que l'on me corrige dans le cas contraire) et justifient d'ailleurs selon moi l'investissement, d'autant plus que, je ne crois pas que toute cette histoire ait été synthétisées dans un ouvrage moderne.
Maintenant, et comme d'ailleurs dans beaucoup de publications de Facon, le diable se loge dans les détails. Dès qu'il descend au niveau opérationnel, c'est bourré d'erreurs et d'approximations. Vous en pensez ce que vous voulez, mais personnellement je trouve cela dommage de la part que quelqu'un qui est directeur de recherches au SHD et qui a un accès à tous les cartons d'archives qu'il veut, et tout le temps également pour le faire. Et qui plus est, qui n'est pas un jeune néophyte...
1- Le chapitre sur l'orient, sujet qui vous l'imaginez bien me tient à cœur, est médiocre. Je ne peux pas dire qu'il est faux, mais il fait l'impasse sur une partie de la guerre aérienne qui s'y est déroulée, et est imprécis sur l'ordre de bataille. Je ne perd pas de vue que l'auteur n'a que quelques pages pour exposer son propos. Mais perdre son temps à exposer dans le texte un ordre de bataille dont tout le monde se fout (qui aurait pu être mis dans un simple tableau) et faire l'impasse sur l'offensive aérienne allemande du printemps de 1917, alors que l'auteur parle fort bien des différentes phases de la guerre aérienne sur le front français, ça c'est ce j'appelle une approximation.
2- Puisque Lucien s'est sabordé, je râlerai pour lui. Je rendrai quand même à César qu'il a dit le principal et brossé en quelques pages la situation de l'aviation maritime pendant la grande guerre. Effectifs microscopiques en 1914, barouds en Méditerranée (Monténégro 1914, Port Saïd 1914-1915), menace sous-marine en 1916 contre laquelle on n'a rien pour s'y opposer, et expansion exponentielle en 1917-1918 avec la création des CAM qui reçoivent des hydravions commandés tous azimuts. Deux CAM ont eu à se frotter à l'ennemi au contact du front (Dunkerque et Venise). Mais il y a trois inexactitudes dans le texte, sans parler du tableau de la page 115 :
- Page 117 : Jamais le Groeben et le Breslau n'ont été observés par les avions de l'aviation maritime. Quant en 1914 ceux-ci bombardent les côtes algériennes, il n'y a rien en Afrique du nord pour décoller à leur rencontre à partir de bases aéronavales qui n'existent pas ! Ces navires rejoignent Constantinople et y sont bien à l'abri quand on envoie deux pauvres Nieuport de Port-Saïd à Ténédos renforcer l'escadrille britannique qui s'y trouve déjà. Je ne vois pas quelles "infos essentielles" ils auraient pu y ramener.
- Page 117 : Ce n'est surement pas en raison de "l'expérience fructueuse" du CAM de Venise qu'une autre escadrille s'installe à Brindisi pour lutter contre les sous-marins au début de 1916. L'entrée en guerre de l'Italie est négociée avec les alliés. Les italiens, ayant une aviation maritime des plus réduites, ont demandé l'envoi de 2 escadrilles aéronavales françaises dès le début de la guerre, qui se sont installées durant l'été 1915 l'une au nord de la botte (Venise), l'autre au sud (Brindisi). Les premiers vols à Brindisi commencent en septembre 1915, et, le 17 janvier 1916, comme l'aviation italienne est apte à prendre le relais, l'escadrille de Brindisi plie bagage.
- Page 119 : Les appellations DD.2, DD.8 et DD.10, Sopwith "Baby" n'ont jamais eu court dans l'aviation maritime, vous ne le trouvez nulle part ni dans les documents d'époque ni dans les articles de Jacques Mortane dans la Guerre Aérienne illustrée. Pour les Donnet-Dennaut DD 2,3,4... , c'était une appellation qu'on a trouvé après guerre dans une brochure historique de la firme. Les marins désignaient leurs appareils par le nom du constructeur, la puissance et le nom du moteur. Du genre : FBA 100 ch le Rhone, FBA 150 ch Hispano, etc... Joker pour le FBA, car les italiens parlaient en 1918 du Type C et du Type H pour les 100 ch et 150 ch. Pour ceux qui auraient loupé le début des épisodes, ces appellations ont été affirmées par les américains Soltan et Davilla dans leur gros bouquin sorti durant les années 1990... le mal est fait, tout le monde reprend leurs conneries.
3- Enculage de mouches sur les photos. Grave, certainement pas, et je ne jette pas le bébé avec l'eau du bain, d'autant plus que je trouve 9 cas discutables sur un total d'un peu moins de 200 photos dans l'ouvrage. Mais personnellement je suis agacé par des légendes de l'acabit d'un fascicule des éditions Del Prado dans un ouvrage de ce niveau. J'apprécie les légendes musclées, du genre des publications de CJE dans Aérojournal pour ceux qui connaissent et qui apportent un vrai plus au texte. Maintenant, je ne pense pas forcément à des erreurs de l'auteur -

il y a des coquilles de l'éditeur parfois, comme l'encadré de la page 76 sur Paul-Louis Weiller qui reprend exactement le corps du texte...
P 18 : Erreur. La légende ne dit pas que la photo a été prise en 1912, mais la photo est là pour illustrer le fait que les premiers signes distinctifs datent de 1912. Or, à cette époque, il n'y a pas de dérive tricolore, juste une lettre correspondant à l'appareil (V pour Voisin, par exemple), et le n° de série. Ce ne sont pas les photos qui manquent d'appareils avant-guerre pour illustrer cela.
P 41 haut : Je vous l'accorde. Mais puisqu'on parlait de Frantz dans le texte cela ne coutait rien de signaler que ce pilote d'essai a aussi fait voler le gros Voisin triplan et qu'il est sur la photo !
P 41 bas: C'est pas compliqué, cette photo est sans doute la même que celle page 26-27, Frantz y est et est fringué pareil. Or il y a un grand choix de photos de Voisin-Canon qui pour la plupart portent un nom de baptême original (Boum, entre autres, il y en a plein sur le site d'Albin), du 3e groupe de bombardement, qui auraient été plus originales à mettre.
P 42-43: Le Bébé, c'est le Nieuport 11, pas le 10, ni le 17, 21, 23 et j'en passe.
P 55: Il n'y a effectivement pas d'erreur dans la légende. Mais c'est un Nieuport, sans doute un 23 d'ailleurs, datant de 1917, alors qu'on illustre le fait que fin 1916 les chasseurs français sont dépassés par l'offensive aérienne des Jasta allemands. Ce ne sont pas les photos de Nieuport 17 du groupe de chasse de Cachy (et décorés...) qui manquent pour illustrer avec plus d'intérêt.
P 59 bas: C'était juste une remarque, en effet.
P 103: Quant au Morane P, c'était la solidité de l'aile qui merdait.
P 106: Ce n'est pas un détail. Le Dorand AR 1 a connu un large usage hors de France (14 escadrilles sur le front d'orient jusqu'en 1918, excusez du peu), où il s'est somme toute bien comporté face à un ennemi moins à la pointe techniquement que sur le front occidental.
P 124: Ben si, c'est grave. On parle de l'aviation d'orient, et de son chef, et autant mettre sa bobine, d'autant plus qu'il n'est pas super-connu.
En conclusion : je suis ravi de voir pour la première fois un magazine exclusivement consacré à 14-18, apprécié d'autant plus que la couverture est pêchue avec le mitrailleur énervé du Caudron R11. Mais c'est comme un concert, quand j'écoute un beau morceau de musique, cela m'agace d'y entendre des fausses notes.
Bien cordialement,
DTB
Ancien artilleur colonial.