Bateaux-Feux à Dunkerque

Memgam
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Re: Bateaux-Feux à Dunkerque

Message par Memgam »

Bonjour,

Les voiles, à bord des bateaux-feux, sont d'abord destinées à assurer une meilleure stabilité au mouillage, en réduisant le roulis, les lacets et les rappels sur la chaîne. Dans les premiers temps, elles servaient aussi à rejoindre le point de mouillage après une rupture de chaîne, fréquentes. Ainsi, de 1911 à 1933, les bateaux en poste au Dick subissent ainsi six déradages par rupture de chaînes tandis que le Sandettié (1902) en connaît trois, de 1911 à 1920.
La plus grande catastrophe est celle de 1933.

"Cette année-là, le Dunkerque remplaçait provisoirement le Dyck en réparations. Sept hommes se trouvaient à bord. Le 13 décembre, par une mer violente, la chaîne d'ancrage casse net à l'écubier. Il se met alors en travers de la lame et dérive environ trois-quart de mille dans l'ouest sud ouest. Soudain, l'une chaînes de veille qui avait été filé sur 240 m se brise à son tour. Aussitôt, le navire talonne, se met en travers et s'échoue près de Gravelines avec une forte gîte sur tribord, face à d'énormes brisants. La tempête est si forte et le froid si intense que toute tentative de sauvetage s'avère impossible... Le capitaine François Huysman et trois hommes d'équipage (François Hars, Jérôme Dewaele et Léopold Goetghebeur) périssent noyés dans les eaux glacées. Le 11 mai, le bateau fut renfloué et ramené au port de Dunkerque où dès le lendemain, il entrait en cale sèche." Les rescapés seront le mécanicien Dubois, les matelots Alfred Vanhille et André Genel.
Le sauvetage a été compliqué. Le remorqueur Trapu de Dunkerque, le canot de sauvetage Amicia de Gravelines, le canot de sauvetage Maréchal Foch de Calais, le remorqueur Hercule de Calais ne purent rien tenter, recouverts par les embruns qui gelaient à bord. L'Amicia dut s'échouer pour sauver son équipage, le Maréchal Foch rentra au port. C'est à une seconde tentative qu'il réussit à passer un va et vient, mais le mouillage se rompit. Finalement, à terre, le filin du lance-amarre, resté amarré au bateau-feu est récupéré et permet de passer une aussière à bord pour évacuer les trois survivants.

Source : Jean-Luc Porhel, Les bateaux-feux des bancs de Flandre, chasse-marée n° 41, mai 1989.
Voir aussi Louis Le Cunff, Feux de mer, éditions André Bonne, 1954 (réédition 1992 par l'Ancre de Marine), chapitre V, la danse des bateaux-feux, pages 165 à 197, photo page 207.

Cordialement.

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Memgam
Rutilius
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Bateaux-feux à Dunkerque.

Message par Rutilius »

Bonjour à tous,
« Dans l'un des bouquins de Paul Chack, il me semble bien avoir lu que les sous-marins allemands n'avaient effectivement pas intérêt à couler les bateaux-feux. Mais en a-t-il toujours été ainsi ? »

• Paul CHACK : « Sur les bancs des Flandres », Les Éditions de France, Paris, 1927.

« Tour d’horizon rapide à la jumelle [effectué par le leutnant zur see Ralph Wenninger, commandant le sous-marin UB-17, s’apprêtant, le 23 septembre 1915, à torpiller le chalutier Saint Pierre]. Par bâbord arrière, le bateau-feu du Dyck cligne son œil rouge. Une torpille en ferait justice aisément, mais sur les bancs des Flandres, le balisage est chose inviolée, même par les Allemands. Le danger d’échouage est le même pour tous, n’est-ce pas ? Donc, ils respectent, mais se méfient. Figurez-vous qu’une belle nuit, l’a-miral Bacon avait remplacé la bouée lumineuse du banc d’Ostende par un sous-marin anglais paré à torpiller et dont le kiosque, émergé seul, montrait un feu à occultations rythmées comme celles de la bouée en question ! Par malheur, un Allemand, qui avait le cap droit sur la gueule du loup, a compris à temps, et le piège a été usé avant d’avoir servi. » (op. cit., p. 81 et 82) .


« La nuit est tombée sur le Pas de Calais. [...] Seuls les bateaux-feux sont à présent visibles au large de Gravelines. Ils ont l’air de causer ensemble en un code lumineux indéchiffrable. Que peuvent-ils bien se raconter cette nuit ? Sans doute Ruytingen demande-t-il à Dyck ce qu’est devenu le camarade septen-trional, le bateau-feu de Sandettié qu’un beau matin des remorqueurs de Dunkerque ont em-mené... Ces phares flottants vivent en marge de la mêlée. Quels souvenirs étonnants pourraient écrire leurs gardiens, s’ils avaient tenus un journal de bord ! Luttes aériennes des Avros, des Farmans, des Handley-Pages, des Nieuports, des Bréguets, des Caudrons, des Voisins, ou des F.B.A. contre les Aviatiks, les Albatros, les Tauben ou les Fokkers... Zeppelins sortant des nuages au petit jour, au retour d’un bombardement sur Londres. Sections de chalutiers trapus et de cordiers-joujoux labourant la mer pour aller prendre leur faction à l’extrême pointe d’avant-garde... Silhouettes longues, basses et grises des sous-marins dont rien n’indique la nationalité ou émersions spasmodiques de périscopes anonymes... Pas-sages farouches, au crépuscule, des escadrilles de torpilleurs piquant vers l’Est à toute allure pour faire entendre, quelques heures plus tard, le tonnerre de leurs coups de canon dont les éclairs rubis déchirent l’ombre bleuie par les obus éclairants... Et, dans l’aube indécise, retour de ces escadrilles, ou de ce qu’il en reste, vers Dunkerque ou vers Douvres, pavillons hauts, enfumés et fiers, passerelles démolies, chemi-nées criblées, pavois crevés et sanglants, les bateaux les plus valides remorquant ceux dont la houle lèche déjà les ponts, mais qui tiendront quand même jusqu’au port...
Et, à toute heure de tous les jours, défilé lugubre des débris et des cadavres qu’emporte le courant... » (ibid., p. 119 et 120)
.
Bien amicalement à vous,
Daniel.
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