Bonsoir à tous,
Bombardement de Philippeville par le croiseur allemand Goeben :
la riposte de la batterie d’El-Kantara commandée par le lieutenant de réserve Cardot
• « 6e Groupe d’artillerie à pied. Historique du Corps pendant la campagne contre l’Allemagne (1914~ 1919). », Imprimerie Imbert, Alger, sans date, 76 p.
« 3 ~ 4 AOÛT 1914. — AFFAIRES DU " GŒBEN " ET DU " BRESLAU ".
BOMBARDEMENT DE BÔNE ET DE PHILIPPEVILLE.
Le 3 août, dans la matinée, le commandant de l’artillerie du front de mer d’Alger apprend, chez le Général Gouverneur d’Alger, la présence de deux croiseurs allemands dans les parages de Bizerte. Il adresse immédiatement un message à tous les officiers commandant de groupes, et donne le signalement des deux croiseurs : le Gœben : deux cheminées entre deux mâts, longueur 186 m. 50, hauteur des mâts au-dessus de l’eau 49 m. 50, hauteur des cheminées 19 mètres. Le Breslau : quatre cheminées entre deux mâts, longueur 136 mètres, largeur 13 m. 70, hauteur des mâts 42 m. 50, des cheminées 17 mètres. Il visite personnellement les ouvrages et donne ses instructions.
Le même jour, à 11 heures, un radio du cuirassé Courbet signale la présence des deux croiseurs " dans nos parages ". Des instructions sont données à la 1re et à la 2e batteries, en vue d'une action éventuelle dans la nuit.
Le soir, les batteries suivantes sont prêtes à entrer en action : Batterie du Lazaret 4/24 ; Batterie d’Estrées 2/24 et 4/95 ; Batteries des Arcades 4/24 et 2/95 ; Sidi-Ben-Nour 4/24 ; Duperré 2/24 et 4/95 ; Prison civile 3/95 ; Jetée Nord 4/75 ; Digue Sud 2/95. Tous les projecteurs possèdent leurs trois équipes.
Le 4 août, le commandant du front de mer d’Alger notifie à tous les commandants de groupes que : " La guerre est déclarée entre la France et l’Allemagne ". Le bombardement de Bône et de Philippeville par les croiseurs allemands est signalé dans la matinée.
Bône. — Dans la Place de Bône, aucun ouvrage de la défense côtière n’est occupé le 4 août, jour du bombardement. En effet, les artilleurs mobilisés de la région ont dû rejoindre, le 3 août, la portion centrale de la 12e Batterie bis à Philippeville pour être habillés et équipés. La place de Bône, par suite de ce départ, ne possède à cette date qu’un gardien de batterie, qui n’a rien pu faire.
Philippeville. — Le 4 août 1914, à 4 h. 30, est aperçu un navire venant de l’Est et se dirigeant à grande allure sur l’îlot Srigina. Arrivé à hauteur de l’îlot, ce navire, qui ne porte aucun pavillon de nationalité et aucun des signaux de reconnaissance, fait un virage, hisse son pavillon national (allemand) et fait feu d'une première bordée ; il tire ensuite avec les pièces de retraite, et lorsque son virage est terminé, il tire une nouvelle bordée.
Dès que le navire ennemi a tiré son premier coup de canon, la batterie de 19 d’El-Kantara, la seule du front de mer de Philippeville qui soit armée, ouvre le feu. Elle tire quatre coups chargés à obus P., mais qui sont tous courts.
Au premier coup tiré par la batterie, le navire sans répondre prend une grande allure et disparaît bientôt derrière l’îlot Srigina, sortant ainsi du champ de tir de la batterie d’El-Kantara. Cette batterie ne peut servir que deux pièces sur les quatre qu’elle possède, par suite de duretés de manœuvre, et parce qu'une de ses pièces manque de guidon.
La batterie est commandée par le lieutenant de réserve Cardot, qui dépose un rapport. Le navire allemand était le Gœben.
A propos de cet incident, il importe de signaler que, au départ de la 4e Batterie (Philippeville) pour la France, le 31 mars 1914, le commandant du 6e Groupe avait obtenu du XIXe Corps l’autorisation de conserver à Bône, Philippeville et Bougie de petits détachements d’active, capables de servir à toute heure : la nuit, les batteries de 47 T. R. et les projecteurs ; le jour, une pièce de gros calibre, et de former le noyau des réservistes de l’ancienne 14e Batterie, devenue 12e bis. La mobilisation de ces réser-vistes devait se faire directement dans les trois Places. En juillet, les lieux de mobilisation n’ayant pas encore été modifiés sur les fascicules, le commandant du 6e Groupe demanda au XIXe Corps de stopper à leur modification. En conséquence, les réservistes ont été mobilisés à Philippeville, conformément aux anciens fascicules, et les détachements de Bône et de Bougie y furent envoyés conformément au plan de transport primitif. Sans ces dispositions, les trois Places auraient été démunies de toute défense côtière et aucune riposte n’aurait pu être faite au Gœben dès sa première salve.
A Alger. — Aussitôt connu, le bombardement de Bône et de Philippeville, le commandant du front de mer télégraphie au commandant du groupe de Matifou : " Navires ennemis ayant bombardé Philippeville à 5 heures, semblent longer côte et pourront être en vue de Matifou vers 11 heures ou 12 heures ; préparez batteries Lazaret et Estrées pour tirs à revers contre navires venant de l’Est. " Même message est adressé à la batterie des Tagarins.
Le même jour, à 9 h. 15, l’Amiral Commandant la Marine fait savoir que le Gœben est signalé par le sémaphore de Cap-de-Fer (Est de Philippeville) faisant route vers le Nord-Est ; et le Breslau par le sémaphore de Cap-de-Garde (Ouest de Bône), faisant route vers le Nord-Ouest, et semblant se diriger vers un lieu de rendez-vous.
A 5 h. 15 arrive devant Alger une force navale française, composée du cuirassé Courbet, portant pavillon du vice-amiral Boué de Lapeyrère, de six croiseurs et de six contre-torpilleurs.
Le lendemain 5 août, vers 4 h. 30, arrivent également 18 cuirassés ou croiseurs et 18 torpilleurs d'escadre destinés à convoyer les transports de troupes.
Le 5 août, à 16 heures, le commandant du 6e Groupe rend compte au général commandant en chef les forces de l’Afrique du Nord que la mobilisation des 1re, 11e, 2e et 12e Batteries est terminée, ainsi que celle du Front de mer. Depuis le 3 août, toutes les pièces étaient servies à Alger, sauf deux canons de 24 au fort d’Estrées. » (op. cit., p. 4 à 6.).
• Journal des marches et opérations de la 12e Batterie « bis » du 6e Groupe d’artillerie à pied d’Afrique — 2 août 1914 ~ 21 février 1916 — : Service historique de la Défense, S.G.A., Cote 26 N 1242/24, p. num. 5.
« 4 août 1914. — Le Mardi 4 août 1914, à 4 h 30, fut aperçu un navire venant de l’Est et se dirigeant à grande vitesse sur l’îlot Srigina.
Arrivé à hauteur de cet îlot, ce navire, qui ne portait aucun pavillon de nationalité et aucun des signaux de reconnaissance, fit un virage et se dirigea à petite vitesse sur l’entrée du port. Arrivé à environ deux kilomètres de cette entrée, il commença un nouveau virage, hissa son pavillon national (allemand) et fit feu d'une première bordée ; il tira ensuite avec ses pièces de retraite, et lorsque son virage fut terminé, il tira une nouvelle bordée.
Dès que le navire ennemi eut tiré son premier coup de canon, la batterie d’El-Kantara, la seule du front de mer de Philippeville qui fut armée, ouvrit le feu. Elle tira quatre coups chargés à obus P, mais qui furent tous courts.
Au premier coup de canon tiré par la batterie d’El-Kantara, le navire ennemi sans répondre prit une grande allure et disparut bientôt derrière l’îlot Srigina, sortant ainsi du champ de tir de la batterie d’El-Kantara. La batterie d’El-Kantara n’a pu servir que deux pièces sur les quatre qu’elle possède, par suite de duretés de manœuvre, et parce qu’une de ses pièces n’avait pas de guidon.
La batterie d’El-Kantara était commandée par le lieutenant de réserve Cardot. »