Bonjour à tous,
VICTOIRE Rencontre avec un sous-marin le 21 Janvier 1917
Cette goélette avait déjà eu affaire avec un sous-marin avant sont naufrage de Mai 1917 et s’était tirée d’affaire d’extrême justesse.
Voici les faits :
VICTOIRE
Trois-mâts goélette de 228 tx JB appartenant à Paul Dutasta de Granville
Liste d’équipage
EHREL Joseph Capitaine Saint Brieuc
REGRENY Jean Second Auray
PARRAIN Emile Matelot Granville
LE FORESTIER Edouard Matelot Saint Brieuc
DURAND Charles Matelot Saint Brieuc
LE CROSNIER Désiré Matelot Granville
LASSOURD Jean Matelot Noirmoutier
MALGORN Matelot
BROUTI Henri Novice Saint Brieuc
RIVOAL Henri Mousse Quimper
BICHON Gabriel Mousse Noirmoutier
Rapport du capitaine
Appareillé du Verdon avec un chargement de poteaux de mines le 21 Janvier 1917 avec l’aide d’un pilote, le port étant déconsigné depuis deux jours.
Débarqué le pilote à 19h00 à la bouée du plateau de Grave. Passé à 21h00 la bouée n° 4v du chenal se sureté. Nuit très noire. Entendu alors un sous-marin allemand qui nous donne l’ordre de quitter le bord dans les dix minutes. Mis à l’eau le canot, pourvu de l’équipement réglementaire, et embarqué l’équipage sur le sous-marin, sauf quatre hommes qui conduisent deux marins allemands à bord de VICTOIRE où ils placent des bombes. Dix minutes plus tard, les bombes explosent et le sous-marin s’éloigne. Séjourné sur les lieux pour m’assurer du résultat de l’explosion.
Après deux heures d’attente, le navire n’ayant pas disparu, j’ai retourné à bord (sic). Constatant une voie d’eau d’une certaine importance, j’ai changé les amures pour empêcher le navire d’aller à la côte. Mais sentant une forte odeur de soufre, j’ai craint une nouvelle explosion. Abandonné le navire et resté en vue. Vers 03h00 du matin, réembarqué et fait route sur la passe nord, la sonde accusant 1,5 m d’eau dans la cale. Equipage continuellement aux pompes. Mouillé à la bouée du banc de La Mauvaise.
A 08h00, appareillage au changement de marée avec le pilote à bord. En mettant de l’ordre dans les manœuvres, découvert une bombe suspendue par un filin et à la traîne le long du bord. Coupé le bout et fait des signes de détresse. L’arraisonneur MENHIR vient à notre secours et nous remorque sur rade du Verdon. Le commandant de l’ISERE ayant entendu mon récit envoie le bateau-pompe TOURS le long du bord pour nous tenir à flots et affranchir la pompe.
Appareillage le 24 à 10h00 du Verdon avec pilote, remorqueur et bateau-pompe n° II des ponts et chaussées. Entré au dock le 24 à 19h00 avec le bateau-pompe et amarré au poste 13.
L’explosion a causé de graves dégâts à la coque, à la mâture aux manœuvres et à la basse carène. Fourneau et batterie de cuisine sont avariés. Pont avant et guindeau ont aussi souffert. Le commandant du sous-marin a gardé acte de francisation, congé, manifeste et connaissement.
Rapport du préfet de la Gironde au Ministre
Le trois-mâts goélette VICTOIRE, chargé de 400 tonnes de poteaux de mine pour Swansea était le 21 Janvier à 20h45 à la bouée n° 4 du chenal de sécurité de la Gironde quand un sous-marin a émergé à 10 m de lui.
Le commandant de ce sous-marin, qui était l’U 52, a donné l’ordre à l’équipage de carguer les voiles, d’abandonner le navire et de venir à son bord avec les papiers. Un officier et deux matelots ont posé des bombes sur VICTOIRE.
Puis l’équipage a été remis dans le canot et le commandant allemand lui a indiqué comme point de repère le bateau-pilote qui était à environ trois milles.
Le commandant de l’U 52 a déclaré au capitaine qu’étant né de mère française, tout en accomplissant les ordres de son gouvernement, il se montrait toujours bienveillant avec les équipages français. L’équipage de l’U 52 se compose d’environ 40 hommes dont 4 officiers qui tous parlent le français. Les mécaniciens sont d’anciens officiers au long cours (mobilisés de réserve).
Etonné que VICTOIRE n’ait pas coulé après l’explosion des bombes, l’équipage est remonté à bord et a ramené le navire à Bordeaux. Seule la bombe placée à l’avant avait éclaté.
Récompenses
L’officier enquêteur signale qu’un matelot, le dénommé Malgorn, s’est montré peu disposé à remonter à bord et a même refusé de donné la main à la manœuvre.
Mais tout le reste de l’équipage doit être récompensé.
Citation à l’Ordre du Corps d’Armée avec Croix de Guerre
EHREL Joseph Capitaine au cabotage Commandant
Pour l’énergie et l’ascendant moral sur son équipage dont il a fait preuve en ramenant ses hommes sur son bateau gravement avarié par des bombes que l’ennemi avait placées à bord, sauvant ainsi son navire
Citation à l’Ordre de la Brigade avec Croix de Guerre
REGRENY Jean Second
PARRAIN Emile Matelot
DURAND Charles Matelot
Se sont offerts à accompagner leur capitaine sur leur navire sur lequel l’ennemi avait placé des bombes contribuant ainsi à sauver leur navire.
Témoignage officiel de satisfaction du Ministre
LE FORESTIER Edouard Matelot
LE CROSNIER Désiré Matelot
LASSOURD Jean Matelot
BROUTI Henri Novice
RIVOAL Henri Mousse
BICHON Gabriel Mousse
Pour la discipline et le courage dont ils ont fait preuve en retournant sur leur goélette sur laquelle l’ennemi avait placé des bombes.
Commentaires
Cette affaire de VICTOIRE nous ramène à deux posts mis précédemment sur le forum, celui concernant le grand voilier EMMA LAURANS, coulé justement par U 52 le 9 Novembre 1916 et celui concernant le voilier nantais MARTHE MARGUERITE coulé par l’U 54 du KL Kurt Heeseler le 19 Septembre 1917.
EMMA LAURANS
pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _1.htm#bas
Le commandant de l’U 52, le KL Hans Walther, avait pris à son bord tout l’équipage du voilier pour le débarquer à Mas Palomas, au sud de la Grande Canarie. Les Français avaient fait un récit détaillé de leur séjour à bord du sous-marin et avait pu donner des informations sur les Allemands, notamment sur le second, Otto Cilliax, qui leur avait dit que sa mère était suissesse française. On retrouve cette information dans le récit des hommes de VICTOIRE, sauf que la nationalité française est attribuée à la mère du commandant. Mais on peut penser que n’étant restés que quelques dizaines de minutes sur le pont du sous-marin, par nuit noire, ils ont confondu commandant et second. Le récit des hommes d’EMMA LAURANS est sans doute plus exact car ils sont restés deux jours dans le sous-marin.
Tous sont en tous cas frappés par le fait que les officiers allemands parlent fort bien le français.
MARTHE MARGUERITE
pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _1.htm#bas
Huit mois après son aventure sur VICTOIRE, on retrouve sur MARTHE MARGUERITE le mousse Gabriel Bichon. Toute son histoire figure dans les posts de MARTHE MARGUERITE. Ce garçon de quinze ans, domicilié à Pornic et inscrit à Noirmoutier, ne renoncera pas à naviguer et rembarquera le 8 Août suivant sur le petit voilier nantais. A nouveau sa route croisera celle d’un sous-marin et il passera quelques longues heures dans une embarcation, en plein Atlantique, avant d’être recueilli.
Sa conduite sera brillante lors de la 2e guerre mondiale. (Voir ce lien où sa vie est racontée :
pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _1.htm#bas)
En fait, le témoignage de satisfaction qu’il avait reçu en 1917 concernait l’affaire de VICTOIRE et non celle de MARTHE MARGUERITE.
Il serait intéressant de consulter le KTB d’U 52 concernant VICTOIRE le 21 Janvier 1917. Se sont-ils rendus compte que le voilier avait été sauvé ?
Enfin, on peut penser que certains hommes de l'équipage ci-dessus se trouvaient encore sur VICTOIRE quand la goélette a été victime de l'UC 72.
Cdlt