Bonjour à tous,
EDMOND RENE (en complément au récit du CV de Cacqueray)
Rapport daté du 5 Février 1918. Affaire de l’OUED SEBOU
Journées des 3 et 4 Janvier 1918
Patrouilles entre Sidi Worseg et Assaka. Dans ces parages sont rencontrés et reconnus les vapeurs italiens PRQT et RE VITTORIO ainsi que le vapeur brésilien RIO AMAZONAS.
5 Janvier
Croisière entre Sidi Worseg et l’Oued Draas. Rien de particulier
6 Janvier
Croisière entre l’Oued Zaeher et Porto Cansado. Deux épaves pouvant servir d’abris aux indigènes sont reconnues sur la plage située à 4 ou 5 milles dans l’Est de Cansado.
7 Janvier
Arrivé devant Juby. Je croise en me maintenant en dehors des eaux territoriales. Les autorités espagnoles montrent néanmoins leurs couleurs. Vers 14h00, 0 6 milles dans le N50E de Cap Juby, reçu signal SOS du vapeur OUED SEBOU répété par Las Palmas et Ténériffe. Je suis à 115 milles de l’endroit. Fait route aussitôt à toute allure vers le point signalé. A 15h30, télégramme du chef de division, sur TAROUDANT, qui me demande de servir d’intermédiaire à petite vitesse. Je remonte vers le Nord pendant 2 heures, étant hors de portée d’Agadir et de Mogador. Rendu compte au chef de division, ce retard n’occasionnant aucun préjudice car je n’aurais rien vu et rien fait sur les lieux pendant la nuit.
A 18h15, reçu télégramme du chef de division et du MEKNASSI me donnant l’ordre de faire route sur le SOS. Reparti vers le Sud.
8 Janvier
A la pointe du jour, j’aperçois à 2000 m de terre et à 7 milles dans le SSW du Faux Cap Bojador une goélette de pêche espagnole. J’en passe assez près, sans toutefois l’arraisonner, certain qu’elle ne peut aller bien loin, le temps étant calme.
Un mille plus au Nord, je vois 3 radeaux, des madriers, des caisses, des bouées de sauvetage et une vingtaine de cadavres tous munis de leurs ceintures. Plus à terre se trouve l’OUED SEBOU, coulé, dont la mâture émerge d’environ 10 m. Il est 07h30. Sur la côte, on voit un très grand nombre de personnes que j’imagine être l’équipage et les passagers. Pas loin d’eux, sur la grève, cinq embarcations du bord sont échouées et en partie démolies.
Je me rapproche à ½ mille et mets un canot à la mer. Un QM et 3 hommes armés en composent l’armement. Ils ont consigne d’approcher de la terre mais de ne débarquer qu’après avoir bien reconnu les gens à qui ils vont avoir à faire.. Un quart d’heure plus tard, une vive canonnade est entendue au large. On ne voit rien, mais je décide de m’y porter et par signaux je rappelle mon embarcation qui revient. D’après l’équipage du canot, pas un Européens et pas un Sénégalais n’ont été aperçus à terre, bien que 2 blancs dont 1 officier et 12 noirs soient semble-t-il prisonniers. Pais il est impossible de s’entendre avec les indigènes, sinon par gestes.
Le canot est hissé et je mets en route. Vers 09h30 je reconnais le TAROUDANT, attaqué par un sous-marin, que les obus encadrent. Mais je suis trop loin pour voir l’ennemi et tirer. D’ailleurs, presque aussitôt, m’ayant aperçu, le sous-marin juge la partie perdue contre deux, cesse le feu et s’éloigne. Après quelques signaux échangés sur l’endroit et la situation du navire perdu, nous faisons route dans sa direction. Pendant que je patrouille en observant le sous-marin au large, TAROUDANT arraisonne la goélette espagnole, puis envoie son embarcation à terre pour parlementer avec les Indigènes.
Vers 13h45, le sous-marin s’approche doucement. Je le signale au TAROUDANT qui est 2000 m plus à terre. Il m’ordonne de ne pas m’éloigner sans lui, car son embarcation est toujours à terre. Je n’ouvre donc pas le feu et fais des tours sur place. Moins de 10 minutes plus tard, le sous-marin commence à canonner. Je n’hésite plus et riposte en me rapprochant et en faisant des zigzags, me servant de mes deux pièces. Malgré la distance de 7 à 8000 m, son tir est précis et bon nombre d’obus tombent entre 30 et 100 m du bord. Le tir d’EDMOND RENE ets vite réglé et bientôt l’ennemi est encadré par nos obus. Après un combat de 45 minutes et 60 obus ayant été dépensés, le sous-marin cesse son feu et bat en retraite. Il s’éloigne à toute vitesse en surface. Je continue le feu, en chasse pendant quelques minutes encore, et après une dizaine d’obus, jugeant la distance trop grande, je cesse. Je retourne alors auprès de TAROUDANT, qui après plusieurs coups au début de l’action, n’a pu continuer se trouvant trop éloigné, retenu par son embarcation très peu en sécurité à terre.
Le Commandant de la Marine à Dakar me fait appeler sur le TAROUDANT et se montre très satisfait de la manœuvre et du tir exécutés par EDMOND RENE.
Il me donne l’ordre de faire route sur Agadir où je compte arriver le 10 au soir et me remet un message pour la division à transmettre au plus vite.
Un indigène parent du caïd vient par l’embarcation du TAROUDANT pour percevoir la rançon demandée : 200 douros. Mais il ne veut pas accepter les billets de banque et le commandant de la Marine me charge de le conduire à Agadir avec mission de le mettre en relation avec le commandant d’Armes afin de conclure un arrangement.
Je me ravitaille en eau et charbon et j’attends les ordres. Mon approvisionnement en munitions est réduit à 118 coups. Le MEKNASSI m’a cédé 54 coups que j’aurai à lui rendre le plus tôt possible.
Il semblerait, d’après l’Arabe délégué qui est à mon bord , que le nombre de prisonniers soit beaucoup plus élevé. Il y a lieu de le croire, sans pouvoir l’affirmer. D’ailleurs, le nombre d’embarcations échouées en est la meilleure preuve.
Signé : Altieri Maître de Manœuvre Commandant
Voici la silhouette du sous-marin attaquant, l’U 157 du Kptlt Max Valentiner, dessinée par le capitaine du chalutier.
Note du LV Vallat Adjudant de division au CV commandant la division
Le rapport du chef de croisière ne m’étant pas parvenu je ne peux porter de jugement sur l’action de TAROUDANT et d’EDMOND RENE. Mais interceptant le télégramme du TAROUDANT, Le commandant d'EDMOND RENE s’arrête et revient en arrière. C’est un tort car deux bâtiments ne sont pas de trop. Le commandant par intérim du chalutier s’est laissé influencer par la nécessité de rester en liaison TSF. Je constate avec plaisir qu’il remontait doucement afin de laisser le temps aux ordres de lui parvenir. Il les a reçus et à partir de ce moment je ne puis qu’approuver son action.
Pour le TAROUDANT, je n’ai pas d’autres informations. Je regrette qu’il se soit laissé hypnotiser par l’embarcation qu’il avait hors du bord. Il pouvait, je crois, lui demander de mouiller au large de la côte pendant que lui-même aurait appuyé l’action d’EDMOND RENE. Mais le CV commandant Marine Dakar était à bord et devait avoir des raisons sérieuses pour le faire agir ainsi. Le regret que j’exprime n’est donc qu’un regret et non une appréciation.
Cdlt