Bonjour à tous,
LE GARD
Attaque du 5 Mai 1917
Capitaine Etienne ROBERT inscrit à Saint Nazaire n° 262
Attaque commencée le 5 Mai 17 à 05h00 par 46°14 N et 03°44 W
Attaque terminée le 5 Mai 17 à 09h00 par 46°02 N et 03°20 W
Armé de 2 canons de 90 mm modèle guerre à l’avant et à l’arrière.
Le rapport du capitaine trouvé aux archives de Vincennes est identique au rapport des archives anglaises mis sur le forum par Yves.
A la suite de ce rapport, le LV inspecteur de l’AMBC fait les remarques suivantes :
Vitesse des sous-marins ennemis
D’après les renseignements donnés par le capitaine du GARD les deux engagements ont eu lieu à des distances relativement constantes. Les 2 sous-marins lui ont paru chercher à le rattraper sans y parvenir. Ces deux bâtiments, bien que de fort échantillonnage et bien que le temps fut très beau n’auraient pas été en mesure de donner plus de 11 à 12 nœuds.
Réglage du tir des sous-marins
Le tir des sous-marins a été réglé dès les premiers coups. On peut penser que l’ennemi ouvre le feu avec une distance réglée au télémètre en faisant soigneusement les corrections initiales. Dans le 2e engagement, le sous-marin aurait tiré à shrapnells. Le capitaine dit qu’on voyait les flocons d’éclatement et que son navire a été criblé d’éclats. Cette façon de procéder implique l’emploi d’une méthode de tir permettant de se passer momentanément de l’observation du point de chute.
Engins fumigènes
Les engins fumigènes Berger ont donné un résultat appréciable. Au moment où le sous-marin le plus rapproché a été atteint, soit 5 à 10 minutes après le début de l’engagement, il était obligé de manœuvrer pour éviter la panne de fumée créée par les 7 engins Berger jetés à la mer. Le 2e sous-marin a du suspendre son tir et n’a pu reprendre qu’une demi-heure plus tard.
Les engins Verdier auraient mal fonctionné. Ils émettaient une fumée insuffisante et le point d’émission de la fumée se déplaçait avec le navire. Le capitaine n’arrivait pas à se placer sous le vent. Enfin, la fumée gênait de façon excessive les canonniers en train de remettre en batterie la pièce arrière.
On peut conclure :
- Que la visite des engins Verdier doit être l’objet d’une attention spéciale. A chaque relâche, il faut s’assurer que les tubes d’émission ne sont pas bouchés.
- Que l’emploi de ces engins est plus spécialement indiqué lorsque la route de fuite du navire attaqué est vent debout ou vent arrière, avec vitesse de la brise inférieure à celle du navire.
- Que la position des appareils Verdier sur l’avant et plus bas que la plate-forme de la pièce arrière est mauvaise. Cette position est imposée sur LE GARD par les autres dispositions. Chaque fois que l’on pourra, il faudra placer les Verdier sur l’avant, mais sur la même plate-forme que la pièce arrière, ou bien au dessus, mais sur l’arrière de la pièce.
TSF
LE GARD a eu son antenne hors service avant d’avoir pu lancer un appel. L’antenne de secours rendue réglementaire par les Messageries Maritimes sur ses bâtiments est à recommander aux armateurs et aux capitaines, bien que la TSF ne soit pas pour l’instant du ressort de l’AMBC. Le capitaine du GARD signale que de simples nœuds suffisent pour raccorder les morceaux de ses fils d’antenne rompus, sans que la portée de son poste ait paru affectée par cette réparation de fortune.
Note du Commissaire spécial TEULY au Préfet de Gironde et au Ministre
Suite à mon rapport du 8 Mai relatif à l’attaque du vapeur LE GARD par deux sous-marins, j’ai l’honneur de vous faire connaître que ce navire ne revenait pas du Maroc. Il s’y rendait et était parti du port de Nantes. C’est à 50 milles à l’Ouest de La Coubre qu’il a été attaqué par des pirates et qu’il a coulé l’un d’eux et endommagé l’autre assez sérieusement pour l’obliger à cesser le combat qui a duré 13 heures (de 03h00 du matin à 16h00).
LE GARD, touché à l’arrière a du rebrousser chemin sur La Pallice. On compte un mort et un blessé dans l’équipage dont la conduite a été héroïque.
(On note que ce commissaire spécial qui sévissait à Bordeaux, et que nous avons déjà rencontré à plusieurs reprises – voir les vapeurs QUEBEC et LA RANCE - est toujours aussi approximatif dans ses rapports. Dans un premier temps, il avait sans doute signalé que LE GARD revenait du Maroc et corrige donc son erreur. De plus, le combat a en fait duré de 05h25 à 09h00)
Equipage
Chauffeur Pierre MALCOSTE, Lorient 3315, tué net alors qu’il procédait aux réparations des embarcations crevées par des obus.
Chauffeur Emmanuel HERLEDAN gravement blessé à la tête par des éclats au cours du même travail.
Armement des pièces
- Avant
FRERE Auguste QM canonnier 1304 Camaret
COULEC Antoine QM canonnier 97668.2
QUINIO Eugène canonnier breveté 24184 Saint Brieuc
- Arrière
LEFEUVRE Gabriel QM canonnier 21455.3
GOURLAOUEN Ernest fusilier breveté 18159.3
DANIEL Pierre canonnier breveté 4546 Douarnenez
Les sous-marins attaquants
N° 1 Silhouette de UC avec deux canons apparents et semble-t-il sans TSF
N° 2 Très large. Vu surtout en pointe (silhouette de vedette)
Il s’agissait donc des sous-marins UC 61 et UC 72. Aucun des deux n’a en fait été coulé. Mais il serait intéressant d’avoir leur KTB pour savoir s’ils ont vraiment été touchés.
Il se trouve que plus tard, le même jour et pratiquement au même endroit, l’UC 72 de l’Oblt Ernst VOIGT a coulé le norvégien NYDAL, qui allait de New York à Bordeaux avec du divers.
L’équipage du NYDAL a dessiné une belle silhouette de l’UC 72 que voici :
Récompenses
Sont conformes à celles signalées dans les posts ci-dessus.
On note que le capitaine Robert est inscrit au Tableau Spécial de la Légion d’Honneur.
En plus des récompenses citées plus haut on note des citations à
l’Ordre du Corps d’Armée pour
LE NAOUL Isidore Lieutenant Concarneau n° 23
Pour sa belle attitude sous le feu et le concours très actif qu’il a apporté à son commandant
IZACARD Jean Second mécanicien Saint Nazaire n° 3232
LE HUEDE Pierre Mécanicien Saint Nazaire n°3551
BOISARD Charles Opérateur TSF Saint Brieuc 14354
Pour le sang froid et l’énergie dont ils ont fait preuve lors de l’attaque de leur bâtiment.
LE FEUVRE Gabriel QM canonnier pointeur 21455.3
A fait preuve de sang froid et d’habileté au cours d’un combat contre un sous-marin.
DANIEL Pierre canonnier breveté (blessé)
GOURLAOUEN Ernest fusilier breveté 18159.3
Pour le sang froid et l’habileté dont il a fait preuve lors de l’attaque de son bâtiment
Citation à l’Ordre de la Division
NICOLAS François Maître d’équipage Saint Nazaire n° 940
GUITARD Antonin Matelot Saint Nazaire n° 1262
FAURE André Charpentier inscrit provisoire (blessé)
Pour l’activité et le sang froid dont ils ont fait preuve sous le feu de l’ennemi
GRENIER Honoré Matelot Pauillac n° 229
Blessé à la barre au cours d’un combat contre un sous-marin, est resté à son poste.
KERSAUDY Marc Chauffeur Audierne n° 1579
Pour l’activité et le sang froid dont il a fait preuve sous le feu de l’ennemi.
Témoignage Officiel de Satisfaction du Ministre
CLAQUIN François 1er chauffeur Saint Nazaire n° 3903
BESCOND Joseph 1er chauffeur Saint Nazaire n° 3703
MERCIER Frédéric Restaurateur Saint Nazaire n° 150
PAGEAUD Alfred ADSG Auray n° 4536
Pour son attitude sous le feu lors de l’attaque de son bâtiment.
Enfin le vapeur LE GARD est cité à l’Ordre de l’Armée. Ces citations sont signées Lacaze et De Bon.
Naufrage du NYDAL
En ce qui concerne ce navire norvégien attaqué vers 15h30, donc après l’attaque du matin sur LE GARD, il fut canonné à distance. L’équipage l’abandonna aussitôt et les Allemands se rendirent à bord avec une embarcation pour le piller et y déposer des bombes.
Le commissaire Teuly déclare que c’est l’un des sous-marins du matin qui a attaqué le NYDAL qui transportait cuivre, laiton, automobiles et diverses marchandises estimées à 23 millions de francs. Il doit aussi faire état de rumeurs malveillantes qui avaient couru sur la conduite de l’équipage du NYDAL car la commission d’enquête estime nécessaire de déclarer :
« Quoiqu’en dise le commandant du patrouilleur (nota : il s’agit du patrouilleur DAUPHIN) qui a recueilli l’équipage, et les rumeurs colportées, ni le commandant du sous-marin, ni personne à son bord n’a serré la main du capitaine du NYDAL. Le second du NYDAL a affirmé devant la commission qu’il n’a jamais rapporté ce fait au commandant du patrouilleur et cela a été confirmé par tous les déposants.
C’est revolver au poing et menace à la bouche que l’équipage du sous-marin a reçu celui du NYDAL Quant au sabre et aux baïonnettes qui auraient été offerts par le commandant du sous-marin au capitaine norvégien, cela se borne au fait suivant :
Pendant le pillage du NYDAL, les Allemands ont pris deux vieux sabres qui étaient en panoplie dans la cabine du capitaine. Mais, dans leur empressement à transborder les vivres, ils les ont tout simplement oubliés dans l’embarcation du NYDAL. Pour le remercier de les avoir recueillis, le capitaine du NYDAL les a aimablement offerts au capitaine du patrouilleur… »
(A mon avis, il y a eu une légère incompréhension avec le commandant du patrouilleur. Le Norvégien ne parlait sans doute pas français et le patron du patrouilleur certainement pas norvégien …)
Attaque du 26 Mai 1918.
Rapport du capitaine
Quitté Marseille le Samedi 25 Mai 1918, en convoi avec ALSACE, escorté du torpilleur PIQUE et des sloops CURIEUSE et DEDAIGNEUSE.
Vent SW-NW assez fort et mer assez grosse. Navigation en zigzag et veille attentive contre les sous-marins.
Vers 15h00 le 26 Mai, la vigie signale un vapeur à tribord à grande distance. Vers 16h00 et 16h30, on me signale à nouveau ce navire. Une des vigies me dit qu’il a une allure suspecte. Je recommande de veiller attentivement, mais sans m’inquiéter outre mesure. La canonnière DEDAIGNEUSE, en éclairage devant nous doit avoir reconnu ce navire.
Un peu avant 16h00, la pompe de circulation du condenseur désamorce et il est nécessaire de réduire à 6 nœuds, puis de stopper quelques minutes pour éviter l’engorgement du condenseur. Allure normale reprise vers 18h30. Vers 19h00, inquiet malgré la présence de la canonnière d’éclairage de l’impression que m’a donnée l’homme de vigie du navire en vue, je monte moi-même dans le nid de pie avec de bonnes jumelles pour le reconnaître avant la nuit. Mais j’ai cherché en vain, il était impossible de l’apercevoir. Persuadé qu’il n’a pu échappé à la DEDAIGNEUSE, beaucoup plus rapprochée de lui que nous, je recommande une veille plus attentive que jamais.
A 20h20, une forte explosion se fait entendre. Nous venons d’être frappés par une torpille à bâbord milieu, par le travers de la chaufferie. Le navire s’incline aussitôt sur tribord, mais continue à flotter. Je donne des ordres pour la mise à l’eau des canots et des flotteurs et l’envoi du signal de secours. Les trois antennes ont été détruites. La machine stoppe et la lumière s’éteint. Les officiers et l’équipage mettent canots et radeaux à la mer. Il n’y a pas de panique parmi les passagers.
Vers 21h00, PIQUE, qui avait déjà recueilli un bon nombre de passagers accrochés aux radeaux, accoste à tribord avant malgré la forte gite qu’a pris le navire et achève le sauvetage de tous ceux qui restent à bord.
Je m’assure personnellement que personne ne reste sur le pont ni dans le faux-pont militaire, et appelant à haute voix par le panneau de descente, je fais la même constatation dans les emménagements passagers de l’arrière. J’embarque à mon tour sur PIQUE et prie le commandant de me laisser sur les lieux avec CURIEUSE pour tenter de remorquer LE GARD s’il ne coule pas. Un quart d’heure plus tard des craquements prolongés se font entendre. Le navire, que la torpille a coupé en deux, achève de se séparer en deux tronçons qui se lèvent verticalement et coulent ensemble lentement. Il est 21h30. Je fais mon possible pour m’assurer du nombre du nombre de passagers et d’hommes d’équipage sauvés par PIQUE et CURIEUSE. J’ai la satisfaction de constater que leur nombre est très grand. Une vingtaine au plus sont manquants.
PIQUE prescrit à CURIEUSE de patrouiller encore une heure sur les lieux de l’accident et fait route pour rejoindre ALSACE qui s’est éloigné à toute vitesse au moment du torpillage.
Le 27 à 04h30, nous entrons dans le port d’Alger.
J’avais embarqué à Marseille 399 passagers dont 388 militaires et 11 civils. L’équipage se composait de 49 hommes.
Les routes prescrites par la Marine ont été scrupuleusement suivies et la navigation s’est effectuée en zigzag. La veille a été des plus vigilantes et toutes les précautions prescrites avaient été prises.
Je tiens à signaler la belle conduite de Monsieur Heurtel, second capitaine, qui m’a très utilement assisté jusqu’à l’évacuation du dernier homme et qui a fait preuve d’un sang froid et d’un courage digne des plus grands éloges.
Monsieur Lemerle, lieutenant, Monsieur Le Guillou, TSF, se sont multipliés et ont fait preuve de dévouement et de courage, ainsi que les matelots Leroux et Régis, et le mousse Duguet.
Enfin, je ne puis passer sous silence la manœuvre hardie de PIQUE qui nous a accostés malgré une gite de 30° et l’imminence de l’engloutissement du navire. C’est grâce à cette manœuvre que l’on n’a pas eu plus de victimes à déplorer.
Fait à Alger le 27 Mai 1918
Signé : Reynaud de Trets Capitaine
Ce rapport est contresigné par le Capitaine de Corvette Moreau, Président de la Commission d’enquête.
Cdlt