Bonjour à tous,
Torpillage du 4 Avril 1918
Navire armé d’un canon de 90 mm
Nota : pour le boulanger lire TCHANG
Rapport du capitaine
Quitté Grand Bassam le 4 mars 1918 avec un complet chargement d’huile et d’amandes de palme à destination de Marseille.
Passé à Dakar du 12 au 16 Mars pour charbonner et à Gibraltar le 25 Mars. Rien à signaler pendant la traversée.
Quitté Gibraltar le 30 Mars avec un convoi d’une vingtaine de navires escortés par 3 convoyeurs. Dans ce convoi, 16 navires étaient à destination de ports italiens et 4 à destination de Marseille.
Du 30 Mars au 4 Avril fait route en suivant les instructions du Commodore du convoi. Rien de particulier à signaler. Le 4 Avril à 06h30, le commodore signale que les navires à destination de Marseille doivent quitter le convoi. Nous étions par 40°11 N et 08°27 E, nous dirigeant vers la côte française quand 10 minutes plus tard nous apercevons 3 patrouilleurs français envoyés à notre rencontre pour nous convoyer jusqu’à Marseille.
Point à midi signalé par tout le convoi 42°44 N 07°47 E. Vitesse 7,5 nœuds en ligne de file, 2 patrouilleurs à gauche et 1 à droite. A 13h20, route à l’Ouest.
A 14h00, le vapeur français DRAA signale un objet suspect à 5 quarts tribord. J’aperçois en effet à 6 ou 7 milles dans le NW un point noir à l’horizon. Je fais doubler la veille et siffler le poste de combat. Aussitôt, le chef du convoi signale « Route au Sud à toute allure ». Un quart d’heure plus tard, nous distinguons parfaitement un sous-marin qui se dirige à toute vitesse pour nous couper la route. Un des patrouilleurs se détache et se dirige à toute vitesse sur le sous-marin pour l’attaquer. Un moment après, le sous-marin disparaît. Continué route au Sud jusqu’à 16h00 en zigzaguant en ligne de front. A 16h00 route au SW en formation serrée. LIBERIA au centre, CLEARPOOL à droite à 800 m, GREGORY à gauche à 500 m, DRAA derrière à 600 m, 2 patrouilleurs à droite et 1 sur l’arrière du GREGORY.
Temps couvert. Brise de SW. Mer très houleuse. Petite pluie par moment.
A 19h30, LIBERIA reçoit une torpille par tribord, par le travers du panneau 2, à 3 m sur l’avant de la passerelle. Le choc est formidable et une colonne d’eau s’élève à 15 m. Le navire est ébranlé dans toutes ses parties. Je fais stopper les machine et me rends compte des effets de l’explosion. Les portières de panneaux sont enlevées. Les fûts de palme placés sur le pont sont renversés, les tôles extérieures éventrées et l’eau s’engouffre en torrent.
Je fais siffler par l’officier de quart « Au poste d’abandon » et donne l’ordre au télégraphiste d’envoyer le signal SOS. Je fais battre en arrière la machine pour stopper l’erre du navire. Un instant après, le télégraphiste vient me prévenir que toute l’installation TSF a été détruite par le choc.
J’entends alors deux détonations qui sont celles des grenades lancées par les patrouilleurs. Je siffle plusieurs fois longuement pour attirer l’attention du convoi. Equipage et passagers sont munis de leurs brassières de sauvetage et se dirigent vers les embarcations sans affolement, sans cris et dans le calme. Je constate que le canot 3 est éventré. Le croc de la poulie inférieure est cassé et le canot est apiqué par l’avant. Je renvoie l’armement aux 3 autres canots.
Avant d’amener le canot 2, je fais embarquer la passagère et sa fille, ainsi que quelques hommes pour décrocher les palans et écarter le canot du navire car les embarcations 2 et 4 étaient du côté au vent. Le navire s’inclinait fortement sur bâbord et apiquait de l’avant. Il était évident qu’il ne resterait pas longtemps à flot.
Tout l’armement de mon canot était dans l’embarcation, qui me suppliait de descendre. Quand je me fus assuré qu’il ne restait plus personne à bord et que le navire allait sombrer, je fis descendre le télégraphiste qui était resté avec moi, et un instant après, je quittai LIBERIA. Il faisait nuit noire. Nous nous dirigions vers un patrouilleur qui était sur les lieux et l’accostions sous le vent. Un instant après, le canot 4 accosta.
Au même moment, j’entends des cris du côté du LIBERIA. Présumant qu’il était arrivé quelque chose de fâcheux au canot 2, j’ordonnai à Monsieur Antoni, mon lieutenant, de se diriger, après avoir débarqué mon personnel, avec 3 hommes du côté de LIBERIA qui flottait encore. Il trouva le canot 2 rempli d’eau au dessus des listons, et une partie du personnel cramponné aux listons, trois hommes indigènes qui s’étaient jetés à la mer et nageaient vers le canot, tandis que la passagère et sa petite fille avaient disparu. Le canot ramena 7 personnes et, une fois à bord de GABRIELLA, le chef d’escorte, je fis faire l’appel de l’équipage. Il manquait le cambusier, ainsi que la passagère et sa petite.
Le cambusier n’a été vu par personne de l’équipage. Il se trouvait dans sa cambuse au moment de l’explosion et je suppose qu’il a été tué dans sa cambuse.
Sur ces entrefaites, le navire s’est englouti vers 20h00, une demi-heure après l’explosion. Nous sommes restés sur les lieux jusqu’à 22h15, tournant lentement parmi les débris. Un radeau que j’avais fait construire avec des madriers au départ de Dakar, et qui pouvait porter une trentaine de personnes, est passé deux fois le long du bord, avec personne dessus. Nous avons sifflé, appelé, mais personne n’a répondu. Je dois louer la conduite du capitaine, des officiers et de l’équipage du GABRIELLA qui se sont conduits d’une façon superbe, restant sur les lieux de la catastrophe pendant trois heures. Tous les soins possibles nous ont été donnés par l’équipage de ce petit navire.
Egalement, mes officiers du LIBERIA ont été dignes de tous éloges. Mon chef mécanicien est resté à son poste jusqu’au dernier moment pour assuré la manœuvre de la machine et c’est sur mon ordre qu’il a embarqué dans son canot. Vers 22h 00, GABRIELLA s’est dirigé sur Marseille où nous sommes arrivés le 5 Avril à 13h30.
Je déclare enfin que peu de temps après avoir reçu l’ordre de route au S30W, le chef de convoi a donné l’ordre de diminuer la vitesse. J’ai demandé par signaux « Quelle vitesse » et il a répondu 7 nœuds. Tout le convoi a répété le signal et LIBERIA a été désigné comme guide et je suis passé en tête du convoi qui paraissait marcher en ligne de file. Mais la formation ne fut pas signalée au convoi. La matinée et une partie de l’après midi, nous avons marché plutôt en ligne de file. Le vapeur CLEARPOOL se tenait toutefois sur la droite. Après avoir aperçu le sous-marin, les navires se sont divisés, les vitesses n’étant pas les mêmes. Après 16h00, nous nous sommes mis en ligne de front.
Extraits de l’interrogatoire du 2e capitaine FOURNIER
Madame PALEA et sa fille ont été embarquées dans le canot 2 après qu’il ait été amené à hauteur du château. Le temps d’arrêt a été suffisant pour qu’elles puissent embarquer. Il y avait 4 à 5 personnes dans le canot et, à mon avis, le patron et le brigadier étaient à leur poste. C’étaient TOURAINE et LEJEUNE.
Question :
TOURAINE et LEJEUNE disent qu’ils n’étaient pas dans l’embarcation, mais à la manœuvre des garants arrière. Quel était le poste d’évacuation du signaleur anglais ?
Je crois que c’était le canot 1 avec le commandant.
Question :
Quand le canot 2 a chaviré, quels ordres avez-vous donnés pour sauver Madame PALEA et sa fille.
J’ai donné l’ordre au youyou d’accoster le canot 2 pour prendre les personnes qui étaient dedans. Le youyou l’a aussitôt accosté et j’ai vu qu’il prenait du monde. Je suis allé voir le commandant à tribord et lui ait dit qu’il n’y avait plus personne à bâbord.
Question :
Les personnes qui ont embarqué dans le youyou, venaient-elles du pont ou du canot 2 ?
Des deux endroits. Mais je ne pouvais pas distinguer bien et ne peut rien affirmer.
Question :
Quand le canot 2 a chaviré, avez-vous vu le garçon de cuisine sur le pont, et le chauffeur GACON se jeter à l’eau ?
Non.
Question :
Que vous a dit le capitaine quand vous lui avez dit qu’il n’y avait plus personne à bâbord ?
Je ne me rappelle pas. La secousse m’a tellement ébranlé que je ne peux pas préciser. Beaucoup de choses m’ont échappé.
Déposition du garçon de cuisine Joseph SCIARLI
Au moment de l’explosion, j’étais dans la cuisine. J’ai pris ma ceinture de sauvetage et suis monté à mon poste d’abandon vers le canot 4. Comme il n’y avait pas d’échelle, je n’ai pas embarqué et j’ai couru le long du bord. J’avais demandé qu’on me tende la main pour embarquer dans le canot, mais chacun ne songeant qu’à sa peau, personne ne m’a aidé et je suis resté sur le pont, appelant au secours. On avait déjà amené le canot 2 qui était le long du bord et j’entendais crier la passagère et son enfant.
A bâbord, il n’y avait plus personne. Le youyou, dans lequel j’aurais dû embarquer et que j’avais appelé plusieurs fois, avait déjà poussé et s’était écarté du bord.
Quand le bateau a été près de couler, je me suis affalé dans le canot 2 par le garant de l’arrière. Cette embarcation était pleine d’eau et la passagère était à la mer, sur l’avant côté navire. Je n’ai ni vu ni entendu la petite fille que j’avais entendu crier quand j’étais encore sur le pont. D’après la façon dont je me suis embarqué, l’avant de l’embarcation était vers l’avant du navire, et la passagère était encore plus en avant. Quand j’entendais les voix sur le pont, la petite fille au contraire était sur l’arrière.
En arrivant dans le canot, j’ai pris un aviron que j’ai jeté à l’eau en appelant « Au secours ». Dans le canot il y avait deux noirs et Monsieur PALEA qui demandait que l’on vienne au secours de sa femme. Je lui ai dit : « Mais aidez-la vous-même. Tâchez de l’amener dans l’embarcation. On va venir nous chercher. » J’ai continué à écoper l’eau et n’ai plus vu le mari. La passagère a crié pendant très peu de temps. Un moment après, l’embarcation de Monsieur ANTONI est venue nous sauver.
Question :
Qui était avec vous quand Monsieur ANTONI est venu vous sauver ?
Il y avait deux noirs, le timonier anglais qui avait embarqué dans le canot 2 trois minutes avant l’arrivée de Monsieur ANTONI et Monsieur PALEA qui avait dû sauter dans l’eau car il était tout mouillé.
Déposition du chef mécanicien François UBASSY
Au moment de l’explosion, j’étais de quart et me promenais sur le parquet supérieur de la machine. Quand j’ai voulu descendre pour aller à la mise en train, j’ai vu tout mon personnel qui remontait. Le tube de niveau était cassé et toute la machine envahie par la vapeur. Comme j’avais fait une installation pour pouvoir manœuvrer du pont, je suis sorti de la machine. J’ai alors entendu l’ordre STOP donné à la machine par la passerelle et j’ai stoppé immédiatement, puis mis en arrière sur ordre du commandant qui était sur le château à côté de moi. Ensuite, j’ai stoppé à nouveau et le commandant m’a dit qu’il n’y avait plus rien à faire pour la machine.
Dans l’ordre, on a signalé STOP, la machine a été envahie par la vapeur et le personnel en est sorti. Dans la machine il y avait le 1er chauffeur, 2 chauffeurs noirs et un soutier noir dans la chaufferie. Tout le monde est passé par la machine pour monter sur le pont.
Déposition du QM canonnier Antoine BOUSQUET
Je n’ai pas vu dans le canot 1, avec le commandant, le passager civil PALEA. Je n’ai remarqué que le canonnier HULBRON et le télégraphiste.
Interrogatoire du lieutenant Ange ANTONI
Question
Avez-vous constaté que le passager civil PALEA était dans le canot 1 avec le commandant.
Oui. Je l’affirme. J’en ai même été étonné après coup étant donné que lorsqu’on avait fait le rôle d’abandon à Grand Bassam, Monsieur Palea avait réclamé auprès du commandant pour être dans le même canot que sa femme et sa fille, qui était le canot 2. Il aurait dû y embarquer lui aussi.
Question :
Le commandant a-t-il fait des observations à Monsieur PALEA au sujet de sa présence dans le canot 1.
Oui. Le commandant lui parlait et n’avait pas l’air satisfait.
Question
Y voyait-on assez clair pour apercevoir du pont du château quelqu’un tombé à la mer ?
Oui. J’aurais même pu voir quelqu’un dans l’eau. Quand je suis allé sur bâbord, j’ai parfaitement distingué Madame PALEA et sa fille qui étaient dans le canot 2 avec le 2e mécanicien et quelques personnes.
Après être allé avec le canot 1 déposer le monde sur le chalutier, je suis revenu avec le youyou et 3 hommes pour aller le long du bord où nous entendions des cris. En y allant, j’ai d’abord ramassé 3 noirs qui étaient à la nage. En accostant l’embarcation, j’ai pris le garçon de cuisine, le timonier anglais et 2 noirs, le garçon de carré
(nota en réalité annamite) et un autre. J’ai demandé où était la passagère et son enfant. On m’a répondu qu’elles n’étaient plus là et le timonier anglais m’a dit qu’on ne les avait pas revues et qu’il ne savait pas ce qu’elles étaient devenues.
Question :
A bord, dans quelle situation étaient Monsieur PALEA, sa femme et sa fille ?
Ils étaient dans une cabine particulière. On les a entendus à plusieurs reprises se disputer.
Question :
Avez-vous entendu dire que Monsieur PALEA s’était bien trouvé dans le canot 2, mais qu’il en était ensuite sorti pour aller dans le canot 1.
Non. J’ai simplement constaté qu’il était dans le canot 1 quand nous avons poussé. Il avait dû y monter avant. Quand j’ai quitté le chalutier pour aller au canot 2 avec le youyou, j’ai entendu le cri « Au secours » poussé par une voix d’homme, mais surtout les cris des noirs.
Interrogatoire du passager civil PALEA
J’étais dans ma cabine au moment de l’explosion avec Madame Palea et ma fille. Notre poste d’évacuation à tous les trois était le canot 3, mais celui-ci ayant été brisé par l’explosion, nous avons reçu l’ordre d’aller au canot 2 que l’on amena au ras de la lisse et dans lequel on nous fit embarquer. Le canot fut mal amené et reposait sur l’eau en piquant de l’avant. Les lames le remplirent et nous restâmes dans le canot, moi, Madame Palea et ma fille en appelant au secours. Au bout d’un moment une embarcation vint qui prit les noirs et me fit passer à son bord. Je demandai qu’on prît aussi ma femme et ma fille mais ne m’écouta pas et je fus séparé des miens que je ne revis plus.
Les enquêteurs, l’EV 2 MARCHESSEAUX et le Commissaire auxiliaire de 2e classe De la POMMERAYE écrivent au bas du rapport : « Cet acte est contraire aux usages maritimes et cette déclaration est grave. Monsieur PALEA maintient formellement ses déclarations et déclarent que peuvent en témoigner le garçon de cuisine et le timonier anglais. Il a reçu l’ordre de se présenter demain devant la commission afin de témoigner.
Complément au rapport du capitaine GALLAIS à propos de la déclaration du garçon de cuisine SCIARLI et du timonier anglais. (Extraits)
Il ressort du rapport de cet homme (Sciarli), qui est resté sur le pont bâbord en appelant au secours, qu’il n’est pas venu me prévenir que le canot 2 était rempli d’eau alors que j’étais toujours sur mon navire.
Il dit s’être affalé par le garant de l’arrière dans l’embarcation 2 et y avoir vu la passager PALEA, sa femme et sa fille.
Or Monsieur PALEA était dans mon canot. Il y était descendu avant mon chef mécanicien et avant mon télégraphiste. J’y suis descendu trois minutes plus tard et j’affirme qu’il ne restait personne, ni à bâbord, ni à tribord.
N’ayant pas été prévenu du remplissage du canot 2, et le 2e capitaine me disant qu’il ne restait personne à bâbord, pour moi les canots 2 et 4 étaient à la mer avec leur armement et c’était aux patrons de ces embarcations d’en assurer la manœuvre et la direction.
Depuis l’escale de Gibraltar jusqu’au torpillage, le timonier anglais est resté sur la passerelle, ne prenant du repos que dans une cabine qu’il avait à l’arrière. Il n’a jamais vu Monsieur PALEA qui avait une cabine de 2e classe dans la coursive tribord, sous le château central. Dans la nuit, il a dû confondre ce passager avec un membre d’équipage. Toutes les dépositions des témoins du GABRIELLA concordent avec ma déposition.
Je déclare que la déposition de Monsieur PALEA est fausse en ce qui concerne l’accusation contre le canot 4 qui, d’après lui, aurait refusé de sauver sa femme et sa fille, car à ce moment là il était à bord du GABRIELLA. Si Monsieur PALEA était resté dans son canot avec sa femme et sa fille et leur avait donné la main pour les maintenir sur l’eau, nous n’aurions pas à déplorer la mort de Madame et de Mademoiselle PALEA. Lorsqu’il a traversé le navire de bâbord à tribord en abandonnant sa femme et sa fille, il aurait dû me prévenir que son canot était rempli d’eau.
Je demande à la commission d’enquête d’écrire à Monsieur PALEA, Directeur de la Société Forestière de Grand Bassam. Il pourra donner des renseignements utiles à l’enquête sur la situation du ménage PALEA.
Le canot désigné pour la famille PALEA au départ de Grand Bassam était le canot 2 et non le canot 3 comme il l’insinue dans sa déposition.
J’ajoute que l’équipage pont du LIBERIA se composait de 8 hommes, 4 blancs et 4 noirs. Sur ces 8 hommes, 1 était désigné pour les signaux. Il en restait donc 7, soit 4 dans une bordée et 3 dans l’autre. Souvent il y avait des malades car en faisant des voyages du Dahomey, beaucoup sont atteints de paludisme. Il était donc difficile de mettre plus d’hommes de veille. Avec 1 dans le nid de pie et 1 à la barre, il en restait 2 dans une bordée et un seul dans l’autre pour un navire de 3000 tonnes. De plus, il faut vider les escarbilles, graisser les chasses, nettoyer le navire du plus gros et il faut bien entretenir le matériel…
Conclusions de la commission d’enquête
Ce rapport est très long et reprend tout d’abord tout le déroulement des faits, déjà raconté dans le rapport du capitaine. Nous ne reviendrons pas dessus.
La partie intéressante est celle qui tente de d’éclaircir les dépositions contradictoires concernant la disparition de la passagère et de sa fille.
Elle note tout d’abord que le passager PALEA, dont la femme et la fille ont disparu dans le naufrage a reçu l’ordre du commissaire de la Pommeraye, secrétaire de la commission, de se présenter devant celle-ci le 6 Avril à 15h00. Non seulement il ne s’est pas rendu à cette convocation, mais il a disparu de Marseille après avoir reçu un message de la Compagnie Fabre le 5 au soir. Les recherches entreprises par la police locale pour retrouver PALEA sont restés vaines. La sureté générale et la Préfecture de Police de Paris ont été saisies de l’affaire.
Dès le 1er jour, Monsieur PALEA avait subi un interrogatoire.
Il paraît résulter des différentes dépositions recueillies que le capitaine GALLAIS n’aurait pas quitté son bâtiment le dernier. Il faut procéder à une enquête contradictoire et le dossier complet sera présenté au capitaine pour qu’il puisse présenter sa défense et expliquer les faits cités par les divers témoins.
La commission a cherché à préciser les conditions dans lesquelles Madame et Mademoiselle PALEA ont disparu. Elle ne pouvait admettre sans explications nettes du fait, que les seules femmes présentes à bord aient été les seules victimes de l’évacuation du navire. Il est indispensable de dégager la vérité sur ce point. Monsieur PALEA eût peut-être pu apporter quelques lumières, mais il a disparu et cette disparition permet toutes les suppositions.
Néanmoins, des faits sont établis. Monsieur, Madame et Mademoiselle PALEA étaient dans le canot 2 quand celui-ci a été mis à l’eau. Mais Monsieur PALEA en est sorti, abandonnant du coup
sa compagne et la fille de celle-ci. Il est remonté à bord pour prendre le canot 1 et n’a prévenu ni le capitaine, ni l’équipage du canot 1 de la situation du canot 2. Tous les témoignages des matelots du GABRIELLA concordent pour dire que Monsieur PALEA est arrivé au chalutier avec le canot 1, et qu’il était tout mouillé, ce qui tente à prouver son séjour dans le canot 2.
Le second capitaine Monsieur FOURNIE, qui connaissait la situation du canot 2 puisqu’il a crié au youyou de se porter au secours des passagers, n’a pas prévenu la capitaine de l’incident, n’a fait aucun effort pour sauver la femme et la fillette, et s’est réfugié sur le GABRIELLA sans plus se soucier de leur sort, alors qu’il aurait dû avant de permettre à son équipage de descendre dans le youyou, s’assurer que celui-ci avait bien sauvé les femmes du canot 2. Tous les hommes de l’équipage dans le youyou n’ont songé qu’à se mettre à l’abri.
En ce qui concerne le capitaine GALLAIS, il semble qu’il n’ait pas quitté son navire le dernier.
L’évacuation du navire n’a pas été faite avec calme et ordre. L’équipage, composé en grande partie de noirs, n’a songé qu’à sa propre sauvegarde et ne s’est pas préoccupé de sauver la femme et la fillette passagères du bord.
La commission est unanime à apprécier sévèrement la conduite du second capitaine Monsieur FOURNIE, du maître d’équipage et des hommes d’équipage qui étaient à bord. Monsieur FOURNIE a commis une faute grave en ne s’occupant pas, avant de se mettre en sureté lui-même, d’assurer le sauvetage des passagères de l’embarcation en n’avertissant pas le capitaine du problème survenu à cette embarcation et en lui affirmant qu’il n’y avait plus personne à bord alors qu’il ignorait ce qui était advenu aux passagers du canot 2.
En ce qui concerne le capitaine, la commission estime qu’il a pu croire, sur l’affirmation de son second, qu’il n’y avait plus personne à bord. Il déclare du reste s’en être assuré lui-même en faisant le tour du château. Il a paru néanmoins extraordinaire à la commission qu’en faisant cette dernière ronde, il n’ait pas entendu les cris des personnes du canot 2 ou aperçu l’aide de cuisine qui était encore sur le château à bâbord. La commission ajoute, et ceci est de nature à atténuer la responsabilité du capitaine, que l’équipage comportait une proportion trop considérable de noirs, et que ceux-ci, comme toujours pris de panique, ont contribué à jeter le trouble à bord, trouble qu’il appartenait à l’état major du navire de réprimer.
La commission ne propose aucune récompense. Elle demande qu’un blâme sévère soit infligé au second capitaine, Monsieur FOURNIE, et au maître d’équipage Guillaume TOROBINO, patron du youyou, qui a laissé envahir celui-ci et ne s’est pas porté au secours des passagers du canot 2.
La disparition de Monsieur PALEA n’a pas permis d’établir
l’état civil exact de la femme disparue qui vivait avec lui et de l’enfant de celle-ci. Il y aurait peut-être intérêt à faire continuer par la sureté générale la recherche de Monsieur PALEA dans le but d’obtenir les renseignements nécessaires pour que soit établi l’acte de décès des deux passagères disparues, et d’éclaircir le rôle joué par Monsieur PALEA à cette occasion.
Note du CA MORNET, Commandant Marine Marseille, au Ministre de la Marine
La commission espérait que le dossier LIBERIA pourrait se compléter avec la déposition du passager PALEA dont la conduite apparaît comme ayant été singulièrement modeste. Elle a donc attendu avant de clore son enquête le résultat des recherches entreprises sur sa demande, tant à Marseille qu’à Paris, pour retrouver cet homme. La préfecture de police nous a fait savoir que les recherches avaient été infructueuses. Il est indispensable qu’elles soient poursuivies.
Le dossier contient une lettre du capitaine du DRAA, comportant certaines critiques au sujet des ordres donnés au convoi par le chef d’escorte. Il résulte de l’enquête que la plupart de ces critiques ne sont pas fondées. Je m’associe aux conclusions du Président de la commission d’enquête.
Je partage entièrement les conclusions de la commission au sujet des conditions pénibles dans lesquelles s’est faite l’évacuation du LIBERIA et de l’attitude déplorable de son équipage et de certains de ses officiers et gradés. Le fait qu’aucun volontaire ne se soit porté au secours des naufragés oubliés au moment où on a quitté le bâtiment est pénible à constater. Il est certain que des sanctions s’imposent, au moins en ce qui concerne le second capitaine et le maître d’équipage.
Sanctions
Blâme
FOURNIE Pierre 2e capitaine Marseille 858
Avoir rendu compte à son capitaine qu’il ne restait plus personne du bord dont il avait la surveillance sans s’être assuré que l’on avait sauvé les passagers de l’embarcation qu’il avait vu se remplir au moment où on l’amenait.
Avoir quitté le bord et s’être réfugié sur le chalutier alors qu’il dit avoir donné l’ordre au youyou dans lequel il avait pris passage, de se porter à leur secours.
TOROBINO Guillaume Maître d’équipage Marseille 4020
Ne pas avoir fait exécuter les ordres qui lui avaient été donnés par son second pour envoyer le youyou au secours des passagères qui se trouvaient dans l’embarcation qui venait de se remplir en l’amenant.
Avoir laissé envahir son embarcation par des hommes qui étaient à bord, sans plus se préoccuper du sort des passagères qui se tenaient dans l’embarcation pleine d’eau.
Le sous-marin attaquant
C’était donc l’UC 35 de l’Oblt z/s Hans Paul KORSCH
UC 35 sera coulé le 16 Mai suivant par canonnage du patrouilleur français AILLY au large de la Sardaigne. Il y aura 25 disparus (dont le commandant) et 5 survivants.
(Correction à apporter au site uboat.net : 3 victimes sur LIBERIA.)
Cdlt