Bonjour à tous,
Rapport du capitaine. Naufrage du 27 Décembre 1917
Quitté South Shields le 22 Décembre à 1Oh30 avec un complet chargement de charbon (3622 tonnes) à destination du Havre. A midi le même jour, pris le convoi du Sud. Temps à grains, grosse brise de NW.
Le 25 à 10h00, changé de pilote à Yarmouth et continué la route pour se rendre à Southend. Le 26 à 06h30, arraisonné sur rade de Southend et reçu instructions pour se rendre à St Helens. A 16h30, débarqué le pilote sur rade des Dunes et continué la route suivant les instructions. Le 27 à 09h30, mouillé sur rade de St Helens. Appareillé le même jour à 16h30 en convoi, ayant le n° 2. Un navire anglais est à 800 m devant et un navire français à 800 m derrière. 4 convoyeurs à 500 m de chaque bord. Gros temps de NNE, mer grosse.
A 21h30, à 30 milles dans le S005E de Dumose Head et à 600 m du bâtiment de tête, le navire est torpillé par bâbord avant, près de la cloison étanche du peak. La position est 50°07’ N et 00°55’ W. Nous naviguions tous feux éteints. Un chalutier convoyeur situé à 500 m sur l’avant bâbord de PLM 4 a aperçu le sillage de la torpille qui est passée à 5 m de son arrière.
J’étais sur la passerelle avec le lieutenant de quart, 2 hommes de veille et les canonniers à leur poste. Stoppé immédiatement la machine et donné l’ordre de pomper la cale 1 et de disposer les embarcations de sauvetage. Sifflé pour avertir les convoyeurs qui étaient par le travers. Le chef mécanicien et le 3e mécanicien, non de quart, descendent immédiatement à la machine. Tous les efforts sont faits pour maintenir le navire à flot, mais sont inutiles. Le navire s’enfonce rapidement par l’avant, prend une forte gite sur bâbord et le pont est couvert par la mer.
A 21h40, donné l’ordre d’abandonner le navire. Constaté avec plaisir que le chef mécanicien et son officier n’ont quitté leur poste que sur ordre et que les officiers pont dirigent énergiquement la mise à l’eau des embarcations. Chacun y prend place en obéissant avec sang froid, ce qui évite toute panique. Avant de quitter le bord, jeté à l’eau les papiers confidentiels qui étaient dans un sac lesté. Par suite de la grosse mer, le sauvetage est difficile et les embarcations frappent si violemment contre la coque qu’elles risquent de se défoncer. Le matelot Lesneven tombe à l’eau en embarquant dans la baleinière tribord. Elle quitte alors le bord avec 12 hommes pour aller sauver ce matelot qui est repêché quelques instants après. Je prends place dans l’embarcation de bâbord après avoir fait une ronde à bord pour m’assurer qu’il ne reste plus personne. Au moment où j’embarque, le navire apique rapidement de l’avant ; ma serviette, contenant les papiers du bord, tombe à l’eau et ne peut être repêchée. Je fais déborder au plus vite et nous sommes éloignés de seulement quelques mètres quand le navire disparaît. Il est 21h50.
Nous nous rendons près du convoyeur et, après bien des difficultés pour l’accoster, nous réussissons à y embarquer sans difficultés. L’autre baleinière est recueillie par un autre convoyeur.
Au moment de l’explosion de la torpille, le canonnier Le Guennec, qui était dans sa couchette à tribord, a été projeté hors de sa couchette et blessé à la joue par un éclat de verre. C’est à bord du convoyeur qu’il a pu se rendre compte de sa blessure, peu grave, qui fut soignée sommairement.
Débarqué à Portsmouth le 28 Décembre à 14h00.
Rapport de l’officier AMBC
L’armement militaire comportait un chef de section et 6 matelots canonniers avec lesquels on pouvait organiser deux relèves de veille de 3 hommes chacune : 2 sur l’avant et 1 sur l’arrière, comme le prévoit le règlement. PLM 4 n’avait qu’un seul veilleur devant.
De plus, le vapeur a quitté Saint Nazaire avec un approvisionnement en munitions extrêmement réduit : 30 coups pour le 90 mm avant et 100 coups pour le 95 mm arrière. L’approvisionnement normal est de 200 coups par pièce.
Interrogé sur cet état de fait, le QM chef de section m’a déclaré avoir insisté pour qu’on lui complète son approvisionnement. Le manque de projectiles à Saint Nazaire parait, d’après la déclaration de Gaude (ou Gaudez) être la cause de cet état de chose.
Rapport de la commission d’enquête
Ce rapport reprend toutes les informations du rapport du capitaine et conclut :
L’ennemi étant resté invisible, aucune information utile n’a pu être fournie par le capitaine ou l’équipage sur la manière dont s’est produite l’attaque du PLM 4. La veille était bien tenue, toutes les prescriptions suivies, et aucun parage dangereux n’avait été signalé par les convoyeurs.
Une constatation s’impose néanmoins à l’esprit : c’est le relèvement du point d’attaque. Il est à 1 ou 2 milles près celui de changement de route du convoi. L’ennemi en aurait été informé d’avance qu’il n’aurait pu mieux choisir le moment et l’emplacement de l’attaque.
La perte du bâtiment est due en grande partie à l’agencement de ses cales et à l’absence de cloisons étanches les départageant. Etant donné le point de choc de la torpille, aucun sauvetage n’était possible. Voici le compartimentage :
L’artillerie n’a pas eu à entrer en action, mais la commission constate l’insuffisance de ses munitions. Il y a là une négligence regrettable signalée par l’officier de l’AMBC, négligence dont la responsabilité semble incomber aux services spéciaux de Saint Nazaire.
Les signaux réglementaires ayant été envoyés par le chalutier convoyeur, le service TSF du bord n’a pas eu l’occasion de fonctionner. Aux dires du capitaine, ce service donnait l’impression d’une certaine irrégularité et le point n’était pas affiché aux heures réglementaires. La commission rappelle que le fait d’être en convoi n’exclut nullement les exigences de la veille et de l’écoute, pas plus que l’observance des consignes générales. Elle a signalé au LV Besson, du service général de la TSF au Havre, le laisser-aller du télégraphiste du bord.
Face à la situation du bâtiment, le capitaine a pris les décisions qu’il devait prendre. S’il n’a pas eu l’occasion de montrer ses qualités de combattant comme le 28 Avril 1917 alors qu’il avariait au canon un sous-marin ennemi à 20 milles de Longship (Citation à l’Ordre de la Brigade) il a montré un grand sang froid et un bon esprit de commandement dans l’évacuation de son bâtiment et l’exécution des instructions.
La commission tient à l’en féliciter, tout comme l’équipage pour l’esprit de solidarité et de discipline qui n’a cessé de régner à bord durant le sauvetage.
Récompenses
Témoignage Officiel de Satisfaction
Vapeur PLM 4
Pour l’ordre, la discipline et le dévouement montrés par tous lors de l’évacuation du bâtiment coulé par l’ennemi.
Cdlt